Chapitre 1 [Partie II] (version NON officielle)
AVA
La musique de BTS à fond dans l'habitacle, je me déhanche au rythme de Baepsae pour me changer les idées et chante à tue-tête une version yaourtée des paroles. Plus les titres défilent, plus je m'enflamme comme si j'étais à un de leurs concerts. Mes pauvres garçons, je viens de massacrer leur album de Young Forever, et mes chorégraphies improvisées m'ont valu quelques coups de klaxon. Ils sont marrants, les gens ! Qu'ils essaient de danser, coincés derrière un volant, avec en prime les entrailles qui battent la mesure, pour voir ! Eux aussi auraient du mal à garder leur concentration. Mon frère ne comprend pas pourquoi je m'obstine à vouloir conduire en ville, mais la voiture représente pour moi une forme de liberté. Aussi étrange que cela puisse paraître, j'aime conduire, même dans les embouteillages. Ça me détend. Enfin, en temps normal. Puis, les transports en commun : très peu pour moi.
Bien décidée à mettre toutes mes chances de mon côté, j'arrive trente minutes en avance sur les lieux. Le siège social de l'entreprise est situé dans un de ces nombreux gratte-ciel du sud de Manhattan. Il doit faire une soixantaine d'étages au bas mot. À la réception, je demande M. Sutton. L'employé me fait signer un registre, puis m'indique l'étage de son bureau.
En raison du stress subi un peu plus tôt, mes intestins ne cessent de me tirailler. Je serais à la maison, je pourrais évacuer cette tension autrement qu'en soupirant ; ce n'est pas par ce côté que mon corps souhaite expulser l'air. Plus je me retiens, plus mon ventre se contracte douloureusement.
Non sans dépit, je regarde l'ascenseur bondé et me glisse à l'intérieur.
Bon, il ne me reste plus qu'à serrer les fesses.
Entre le septième et vingtième étage, comme si les gens avaient entendu ma prière, l'ascenseur se vide. Je remercie le ciel tout en me dandinant ; je n'aurais pas pu me retenir encore très longtemps.
Une fois seule, je m'empresse d'appuyer sur le bouton de fermeture des portes, avant que quelqu'un n'ait la bonne idée de monter dedans, puis souffle de soulagement.
Les yeux fermés, je me décontracte jusqu'à sentir mes muscles fessiers se relâcher.
Je ne sais pas si c'est l'ascenseur qui agit comme une caisse de résonance, mais le bruit qui suit est aussi impressionnant que celui d'un tremblement de terre.
Je glousse, choquée par la puissance de mon pet.
- Oh bordel ! C'était au moins un force dix !
Je prends une voix de présentateur sportif survolté :
- Mesdames et messieurs ! Nous venons d'assister à un grand moment d'anthologie ! Ce pet de compétition hisse directement mademoiselle Avaaaaa Suuuummer à la première place du classement mondial. À n'en pas douter, cet exploit sera notifié dans le Guinness des records. On l'applaudit bien fooorrrt, s'il vous plaît !
Je m'esclaffe de plus belle, fière de ma prestation, mais note dans un recoin de mon esprit d'arrêter de traîner avec mon frère - il a une mauvaise influence sur moi.
Soudain, un son indistinct retentit à gauche derrière moi.
Je me retourne... puis hurle de terreur.
- Mais qu'est-ce que... ? Co... comment ? Par... par où ?
Je me sens blêmir. Les yeux écarquillés, j'observe l'homme apparu comme par magie. Il n'était pas là tout à l'heure, j'en suis certaine.
C'est sûr.
Obligé.
Je l'aurais remarqué.
Comment a-t-il réussi ce tour de passe-passe ?
Instinctivement, ma tête se lève en direction du plafond.
Je couine, d'une voix mal assurée :
- Vous venez d'arriver ?
L'explication la plus logique est celle du plafond. Il a dû ouvrir une trappe invisible pour se faufiler derrière moi tel un ninja.
De toute façon, il n'y a pas d'autres alternatifs.
Je ne peux pas imaginer que... Enfin, c'est impossible. Je veux dire, je l'aurais vu ; sa beauté est frappante qui plus est.
L'homme au regard bleu impénétrable me toise sévèrement.
- À votre avis ? gronde-t-il. Vous pensez que j'ai sauté du plafond ?
Oui, tout à fait.
À son expression renfrognée, mon espoir s'étiole. De plus, il n'est pas vêtu comme un ninja. Son costume sombre et ses chaussures vernies sont un indicateur qui ne trompe pas.
Merde !
Par désespoir, je reformule bêtement :
- Vous êtes là depuis longtemps ?
- Pourquoi ? Vous vous attendiez à ce que j'applaudisse ?
OK. Il a tout entendu.
De blêmes, mes joues virent au cramoisi.
Je regarde à nouveau le plafond ; cette fois, pour voir si je peux m'échapper.
Alors que j'échafaude un plan totalement saugrenu afin de me sortir au plus vite de cette situation affreusement gênante, un ding annonce l'ouverture des portes. Alléluia !
Sans plus réfléchir, je me précipite hors de l'ascenseur.
Mon Dieu, je n'ai jamais eu aussi honte de ma vie.
Et avec la veine que j'ai aujourd'hui, je ne suis pas au bon étage... Génial...
Je souffle. Cette journée ne finira-t-elle donc jamais ? Je ne voudrais pas jouer les pessimistes, mais je ne le sens plus du tout cet entretien. Avec toutes les tuiles qui viennent de se produire, ça ne présage rien de bon.
J'avise l'ascenseur d'un œil mauvais. Hors de question de remettre les pieds dedans. Je ne veux plus jamais recroiser l'homme témoin de mes problèmes intestinaux. Je peux affirmer, sans trop me tromper, que ma performance ne l'a pas impressionné dans le bon sens du terme.
Il me reste deux étages à monter, les escaliers feront l'affaire.
Malgré les désagréments survenus, je me présente au bureau de M. Sutton avec plus de vingt minutes d'avance. La secrétaire, dont le ventre est aussi rond qu'un ballon, m'informe qu'il est en rendez-vous et m'invite à patienter sur l'un des sièges disponibles. Je m'assois et sors mon téléphone pour passer le temps. Candy Crush, me voila ! Ce jeu est censé nous détendre, il aurait plutôt l'effet inverse sur moi. Je suis bloquée depuis trois semaines au niveau 1945. Les amateurs sauront de quoi je parle.
Allez, si je réussis ce niveau, j'aurai le job !
Raté ! Mes cinq vies n'ont pas suffi.
Putain de niveau cauchemardesque !
Je ne sais pas pourquoi, j'ai la manie de me lancer des défis débiles et de croire qu'ils impacteront mon futur. Je me demande si je suis la seule à faire ça ?
- Mademoiselle Summer ? M. Sutton vous attend, m'indique la secrétaire.
Je me redresse. Un homme sort en trombe du bureau. Il semble carrément remonté. La tête basse, il marmonne une litanie de mots incompréhensibles. J'espère que ce n'est pas M. Sutton qui l'a mis dans cet état.
Une sorte de grognement flippant me parvient depuis la pièce close.
- Mademoiselle ? Vous feriez mieux d'y aller, M. Sutton n'aime pas attendre.
Je déglutis. J'ai l'impression de pénétrer dans l'antre d'un ours en quête de chairs fraîches. J'espère qu'il est un minimum civilisé et qu'il ne mord pas, au sens propre du terme, son personnel.
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