Chapitre 1 [partie I] (version NON officielle)

AVA

- Merde ! Merde ! Merde !

J'observe avec horreur l'auréole jaunâtre sur ma belle couette blanche.

- Hagriiid !

Le coupable lève la tête, me lance un regard vide, avant de retourner vaquer à l'une de ses activités favorites : se lécher les parties.

Saleté de chat ! J'aurais mieux fait de me casser une jambe le jour où j'ai autorisé mon « colocataire » (comprendre par là : mon squatteur de frère) à prendre ce stupide animal.

- T'as encore pissé sur mon lit ! (Bien qu'il ne me prête aucune attention, je le pulvérise d'un regard assassin et le menace de l'index.) Dès que je rentre de mes entretiens, je t'amène chez le véto ! On va voir si après ça tu continues à te prendre pour le king.

Je sors de ma chambre d'un pas furibond. Si je change mes draps maintenant, je serai définitivement en retard.

Sauf que ça va empester l'urine dans la pièce pendant des jours.

Je peste et rebrousse chemin pour ouvrir en grand la fenêtre. Je soulève ma couette souillée avec précaution et l'emporte dans le salon où je la jette, sans ménagement cette fois, sur mon idiot de frère qui est en train de petit-déjeuner, vautré devant la télé.

- Hey ! Qu'est-ce qui te prend, bordel ? T'as failli renverser mes céréales !

- Hagrid a encore pissé sur mes draps. Cet aprèm, je le ramène chez le véto pour le castrer. Et si tu oses t'interposer, je m'occuperai de tes couilles après ! C'est compris ?

Aussitôt, Ben se tient l'entrejambe dans une grimace apeurée.

- Comment t'es méchante, dès le matin ! Vilaine castratrice ! Normal que tu ne trouves pas de mec avec un comportement de sociopathe comme le tien. Faut que tu arrêtes ton obsession avec les couilles. Sérieux. Ça devient chelou.

- Ce qui est chelou, c'est que tu ne piges pas que ce chat doit être castré. Sinon, il continuera à uriner partout pour marquer son territoire.

- Il ne se soulage que sur tes affaires, précise-t-il avec malice, ce qui redouble ma colère.

Pour une raison qui m'échappe, son chat ne cible que ce qui m'appartient. Cette constatation est aussi perturbante qu'agaçante.

Dans un élan de bravoure (ou de sottise extrême), Ben se lève, le poing brandi en l'air, et brame :

- Solidarité masculine ! Solidari...

Au même moment, je plisse les yeux, articule muettement un couic couic, tout en mimant avec mes doigts une paire de ciseaux.

- ... té... T'es toute jolie habillée comme ça, finit-il par bougonner, tandis qu'il pose une main protectrice sur notre éventuel plat du soir.

Courageux, mais pas téméraire. Du Benjamin tout craché.

J'adore mon frère. Vraiment. Néanmoins, depuis qu'il s'est installé chez moi pour une durée indéterminée, je me rends compte que je l'aime encore plus lorsqu'il est loin de moi. Étrange, non ?

Il a débarqué à New York, il y a trois mois. Il aurait pu prendre un appartement n'importe où - contrairement à moi, l'argent n'est pas un souci pour lui. Cependant, il a opté pour la facilité : emménager chez sa grande sœur. Enfin, c'est ce qu'il s'emploie à me rabâcher. Je le soupçonne toutefois d'être ici par charité d'âme. Sans lui, je ne pourrai pas payer le loyer. C'est gentil de sa part, évidemment. Seulement cela me renvoie à la médiocrité qu'est devenue ma vie depuis ma rupture avec Oliver... plus connu sous le nom de : Gros-connard ou Couilles-molles.

Vous connaissez la loi des séries ? Un jour, on perd ses clés de voiture, puis le lendemain son mec et, pour finir, son job.

Cette histoire m'aura au moins appris une chose : ne jamais égarer ses clés !

Ni mélanger le travail et le plaisir...

C'est un peu le risque lorsque l'on sort avec son patron. Le jour où la relation capote, le travail suit.

Depuis, je galère à trouver un nouvel emploi. Je vaque de petit boulot en petit boulot, ce qui me permet tout juste de couvrir mes dépenses quotidiennes, sans me garantir la stabilité dont je rêve. Je sais que le marché est saturé dans ma branche, alors j'ai dû revoir mes exigences à la baisse. Jusqu'à ne plus avoir d'exigence du tout : j'accepte tout ce qui s'offre à moi.

Ainsi, l'ancienne assistante dentaire que je suis vient de postuler pour une place de toiletteuse pour chiens. Cela pourrait être sympa... si je n'éprouvais pas une angoisse terrible à l'idée d'être mordue. J'ai développé cette « phobie » vers les dix ans, à la suite d'une agression canine. Le Basset des voisins m'a sauvagement attaquée tandis que je traversais leur pelouse pour récupérer mon ballon. Mes parents n'ont jamais voulu croire que ce gros saucisson pataud aux grandes oreilles pendantes ait pu se transformer en bête féroce. C'est pourtant le cas. S'il avait pu soulever sa graisse, il m'aurait probablement sauté à la gorge. Il s'est contenté du mollet, du coup. N'empêche, je me souviens encore de la douleur ! Maintenant, je me méfie de tous ceux qui portent des crocs, des canines pointues... ou des dents en général.

Heureusement, mon entretien suivant est plus dans mes cordes : un poste de secrétaire dans une grande entreprise de construction. Je croise tout ce que je peux pour que ce rendez-vous aboutisse.

Tandis que je me gare devant le salon de toilettage, une sueur froide coule le long de mon échine. Mes intestins se tordent. Je tente d'apaiser ma peur par quelques exercices de respiration conseillés par mon psy. Inspirer par le nez, couper son souffle, pour le libérer ensuite par la bouche ; cette technique permet surtout de se concentrer sur autre chose que ce qui nous tracasse.

Malgré mes efforts, mes maux de ventre s'intensifient. Le stress a tendance à me provoquer d'affreuses coliques.

Le cœur au bord des lèvres, je resserre mon foulard autour de mon cou avant de pousser la porte de la boutique.

- Bonjour, m'interpelle une femme d'une quarantaine d'années, habillée comme une pin-up des années soixante. Je peux vous aider ?

- Je suis Ava Summer, nous nous sommes parlées au téléphone.

- Ah oui. Eh bien, approchez, n'ayez pas peur. (Je reste figée à l'entrée, incapable de franchir le seuil.) Je ne mords pas, rajoute-t-elle en gloussant.

C'est bon à savoir. Peut-elle en dire autant de ses compagnons à poils ?

- D'accord. (Je ne bouge toujours pas.) Mais... euh... Vous ne mettez pas de muselières aux chiens ? Ce serait peut-être plus...

- Ce sont des habitués, me coupe-t-elle. Hein Attila ?

Elle embrasse le museau du caniche royal au pelage blanc qui est assis sur la table où elle se tient penchée.

C'en est trop pour moi, il aurait pu lui bouffer le nez !

- Je suis désolée, mais je... Je ne vais pas pouvoir...

Sans finir ma phrase, ni attendre de réponse, je m'enfuis à toutes jambes vers ma voiture.

Au moins, j'aurais essayé. Je me suis pointée au rendez-vous, c'est le plus important.

Je souffle pour tenter de calmer mes nerfs éprouvés. J'ai encore un entretien ce matin, et celui-là, je ne dois pas le rater.

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