50・Éternel Archaïque
Rhéa Kei.
Elle me parcourut du regard. Elle analysait l'état dans lequel je me trouvais, oscillant entre son envie de me coller un poing en pleine tronche, et celle de me prendre dans ses bras.
Elle s'approcha du lit avec ses bottes en cuir hautes et son bomber over size. Ses créoles dorées rendaient vraiment bien, avec ses cheveux rouges en Wolf Cut.
Je suivis son mouvement du regard. Elle déposa sur ma table de chevet un Tupperware. De tartiflette. Pas besoin de me le dire pour que je devine que le cuisinier était Liam.
— Merci, soufflai-je le cœur serré.
La tension qui nous entourait était indescriptible. Je m'en voulais pour Alec. Ce sentiment de culpabilité avait accompagné le retour de mes souvenirs.
Même si je préférais connaître le passé et ses quatre vérités, la souffrance infligée par la même occasion était d'une intensité douloureuse.
Encore une fois, moi, Rhéane Kei. J'avais fait une erreur. La cheffe de gang la plus crainte de Chicago n'avait pas été à la hauteur.
Toute la confiance en moi s'ébranlait. Si bien que face à Barbara, je commençai à me mettre sur mes gardes : il était hors de question que je pleure.
— Je te déteste, cracha-t-elle en refusant de s'asseoir, me toisant de haut.
Je n'allais jamais pouvoir m'habituer à l'effet qu'avait ses mots sur moi. C'était comme un tsunami venu me noyer de son eau glaciale.
Tout semblait plus intense et plus douloureux lorsque c'était elle qui m'insultait.
Je soutiens son regard malgré tout. Comme une cheffe de gang digne et inébranlable.
— J'ai retrouvé la mémoire.
Elle n'osa pas m'interroger, mais son regard empli d'espoir silencieux me força à continuer.
— Je me souviens d'Alec.
Telle une décharge électrique trop puissante, elle se figea. Elle me scruta dans les moindres détails, réfléchissant à mille à l'heure, avant d'exploser progressivement :
— Tu n'avais pas le droit de me l'enlever. Tu aurais dû... TU AURAIS PU... ET TOI, TOUT CE TEMPS, TU NE TE SOUVENAIS MÊME PLUS DE LUI. TU NE...
Sa voix se brisa soudain violemment, coupant court à ses hurlements de désespoirs. A ses plaies béantes et à son chagrin. Elle me regardait de ses yeux rougis par les larmes, penchant la tête sur le côté dans un signe de désespoir.
Barbara Brookes n'allait jamais guérir de cette souffrance.
Si on ne peut pas arrêter la pluie, on apprend à vivre avec.
— Tu nous as laissés subir ça seuls. Je me suis sentie trahie. Tu étais là... Joyeuse. Et je devais m'efforcer de l'être aussi, de jouer le jeu comme tous les autres.
Je laissai quelques secondes s'écouler. Après quoi, je tandis lentement mon bras vers elle.
Ses larmes doublèrent. Elle voulait avoir du réconfort autant que de me prendre pour responsable.
Elle vint se blottir contre moi, tandis que je caressais délicatement ses cheveux. Au moins, comme ça elle ne verrait pas que je pleurais aussi.
— Je refuse de vivre dans le passé, Barbara, prononçai-je calmement. J'aimais Alec comme un frère. Et je l'aime toujours. Je sais que j'ai fait une erreur. Des erreurs. Et le fait d'avoir retrouvé la mémoire m'as rappelé cet état dans lequel j'étais.
Je soupirais, retenant des sanglots trop bruyants.
— Je voulais mourir.
Alertée par mes mots, Barbara tenta de se redresser, mais je la serrai contre moi. Les larmes n'avaient pas fini de couler.
Je ne voulais absolument pas attiser sa sympathie. Tout ce que je voulais, c'était me confier, pour enfin clôturer ce chapitre. Pour tenter de panser ce cœur de nouveau meurtri.
Se souvenir à l'instant d'un de ses traumatismes était plus que douloureux. Mes ressentis de ce jour-là revenaient peu à peu. Mes pensées moroses, l'odeur de brûlé, la chaleur et mon état psychologique sombre.
Comprenant que je n'allais pas poursuivre sur ma lancée, Barbara se confia en grommelant :
— Quand tu t'es jetée dans les flammes, j'ai cru que tu allais y passer, toi aussi, dit-elle lentement. Et même si j'avais envie de t'exploser contre un mur, à ce moment-là, j'ai perdu tous mes moyens.
Si Barbara savait très bien cacher ses émotions et ne se confiait que très peu, cette fois-ci, elle se dévoilait. Ce qui était normal, parce qu'elle avait du tout garder pour elle jusqu' à aujourd'hui. À cause de moi et de mon amnésie. A cause de leur bienveillance et de leur désir de protection envers moi.
Elle renifla. Après avoir explosé de colère, c'était sa tristesse qui s'éparpillait autour de nous. Une pluie d'étoiles pleureuses.
— Stop, murmurai-je presque. Pardonne-moi, ou ça te fera encore davantage de peine. Et j'en ai marre de te voir comme ça, Arielle.
Elle ne me répondit pas, laissant le silence s'installer. Elle tentait de ravaler ses larmes, tout comme moi.
Même si ça allait être difficile, même si le chemin s'avérait rempli de ronces, je voulais avancer. Quitte à ce que les épines me laissent des cicatrices à mon passage.
C'était ce que m'avait appris ma vie, jusqu'ici.
Tout le monde a des ronces sur son chemin. Les miennes étaient simplement venimeuses.
"Bouge."
J'étais humaine. Je ressentais la peine et la douleur. Mais m'apitoyer sur mon sort toute ma vie n'allait me mener à rien.
Pour Alec. Pour Léo.
Je continuerais d'être authentique à moi-même, et d'être la Rhéane Kei qu'ils avaient toujours connu. Les talons hauts, la tête haute. Et les lèvres rouge sang.
— J'ai crus que j'allais perdre Joseph. J'ai cru que j'allais encore en perdre un. Tu aurais vu son visage blême, et...
— Tout va bien. C'est pour cette raison que j'ai suivi Zayn, pour l'antidote, la rassurai-je.
Parce que Phoenix sera toujours ma priorité. Parce qu'ils ont renait de leurs cendres après que j'aie pu couper leurs ronces.
— Je sais. C'est pour ça que je n'arrive jamais à t'en vouloir, et ça me soûle encore plus.
Je soufflai du nez. En prenant du recul sur la situation, je me rendais simplement compte que c'était magique. J'étais à l'hôpital, certes. Mais je me sentais à ma place, aimée.
Quelque part, je me sentais apaisée malgré tout. Je n'étais pas seule. Et cette fois...
— Cette fois je subirais avec vous. Deal ?
Elle émit un petit rire contre mon buste.
— Deal.
Barbara et les autres ne savaient pas que nous avions brûlé Alec vivant. Et c'était mieux ainsi. J'allais garder ce secret pour moi, et vivre avec notre acte sur la conscience.
J'allais devoir vivre avec ses dernières paroles en tête, que moi seule avait pu entendre. Pour le meilleur et pour le pire.
— Comment vous m'avez retrouvée ? La questionnai-je en séchant mes larmes.
Elle ne me répondit pas. En revanche, elle préféra se redresser. Je la laissais faire cette fois-ci.
Tout ce que je pouvais lire dans ses iris, c'était une souffrance indescriptible.
Mon corps recommençait à se méfier, tous mes muscles se contractant par appréhension.
Ce n'était jamais fini.
— Barbara. J'ai dit que je subirais avec vous maintenant. Plus de secrets.
— C'est mieux que je passe mon tour pour t'expliquer.
Mon cœur bondit, prêt à s'échapper de ma cage thoracique. Si Barbara refusait de m'en parler, c'est qu'elle avait peur d'être trop cash. Elle ne savait pas faire autrement.
Lorsqu'elle ouvrit la porte, je l'entendis informer les autres d'une voix plus frêle que d'ordinaire.
— Eos ne lui as rien dit.
Etant donné qu'elle parlait de lui à la troisième personne, celui-ci devait être absent. Il devait sans doute se faire un sang d'encre au sujet de Lian. Il n'avait pas eu besoin de mentionner le nom de son bras droit pour que je le devine. Son air semi-absent me l'avait confirmé.
— Entrez, maintenant, ordonnai-je.
L'anxiété était littéralement en train de me bouffer les entrailles. Mais les secrets au sein de Phoenix me dévoraient toute entière.
Cette fois, j'allais y faire face. Qu'importe ce que ce soit, je ne les laisserais plus seuls.
Ils refermèrent la porte derrière eux.
Désormais, ma chambre d'hôpital était remplie.
Si j'étais rassurée de ne pas avoir de voisin de chambre, en revanche, mon pouls semblait atteindre de nouveau records. Il loupait des battements à chaque minute qui s'écoulait dans cette atmosphère pesante.
Phoenix s'échangeait des regards. Ce fut Liam qui s'avança, prenant les devants. Ivy n'attendit pas pour prendre place sur le tabouret, et posa une main délicate sur mon avant-bras.
Je n'osais pas la regarder. Parce que je savais qu'Ivy pleurait juste à mes côtés.
Liam prit son ton sérieux et calme, avec lequel il arrivait à apaiser toutes les situations du monde.
— C'est grâce à Léo qu'on t'a retrouvée.
Il me laissa le temps de digérer l'information, avant d'y ajouter les détails.
— Apparemment tu lui avais demandé d'enquêter sur Zayn. Il l'a fait et t'as suivie.
Je déglutis. Même si je devinai le fin mot de l'histoire, il fallait que je l'entende. Que ses mots mettent fin à ce supplice. Je reconnaissais cette ambiance, j'avais grandi dedans. C'était la mort en personne.
— Il nous as appelé et donné l'adresse. Au moment où tu as eu l'accident avec Zayn, il a accouru pour te sauver.
Il s'arrêta quelques instants, reprit calmement son souffle tandis que Connor posait une main solidaire sur son épaule, fixant le sol.
— Il t'as sortie, en sang, de la voiture. Jake...
— Jake a essayé de nous prévenir.
Joseph prit le relais, refusant de laisser Liam s'en charger seul.
— Mais c'était trop tard, la bagnole à prit feu. Léo était juste à côté.
Je les avais senties couler. Elles étaient réapparues, me drainant de toute mon énergie. Mais je continuais de les regarder parler dans les yeux. Nous partagions notre peine.
Joseph serra la mâchoire.
— J'te passe les détails, mais... C'était moche. Tellement moche que Zayn a dû s'en charger. Alors Lian lui a prêté son katana.
Je secouais la tête. Il n'avait pas besoin d'en dire plus. J'avais compris.
Mon cœur semblait pris dans un étau étroit, se resserrant à chaque instant dans le but de le faire exploser. Je rejetai la tête en arrière, contre le mur et fermai les yeux.
Je n'avais pas su, encore une fois, protéger la vie d'un de mes proches. Zayn avait perdu ses deux frères. À cause de moi. Et il avait été dans l'obligation de tuer de ses mains le dernier.
— Ce n'est pas ta faute Rhéa. Il...
Je ne pouvais pas laisser Ivy mentir et refuser de voir la vérité. Alors je m'efforçai de parler, bien que les mots me parussent faibles, engourdis et douloureux.
— Bien sûr que si... Alec et Léo... Les deux.
J'entendis Barbara confirmer discrètement aux autres que j'avais retrouvé la mémoire. Mais je préférai garder les yeux fermés. Rien que quelques minutes.
— Non, Je t'interdis de dire ça, fit la voix pleurnicheuse d'Ivy.
Ses mains attrapèrent mon visage en coupe, si bien que je fus forcée d'ouvrir mes yeux. Des yeux humides. Irrités. Rouges de peine et d'épuisement.
Je n'allais pas revenir sur ma parole. J'allais faire face à mes erreurs.
Seulement, apprendre en une journée que j'avais pris la vie des deux frères de Zayn me coupai le souffle et semblait me briser tous mes membres.
C'était difficile. Je le savais. Ma vie avait toujours été compliquée. Mais je ne pouvais pas reculer, ni maintenant, ni jamais.
Ces bâtards de Wood m'avaient avaient créé la Rhéane d'aujourd'hui, alors jamais je ne leur donnerais la satisfaction d'être brisée.
Zayn devait sûrement l'être. Ou qu'il soit.
La vengeance.
La proposition d'Eos de mettre un terme aux Wood prenait un goût nouveau. Plus d'entrain. Plus d'envie. Plus de pulsions meurtrières. Cette Rhéane en particulier me faisait me sentir plus vivante que jamais.
Cette fois, je n'allais pas couper de ronces. J'allais en faire pousser. Je savais guérir autant que je savais tuer du bout de ma lame.
— Je t'aime, Rhéa. On a besoin de toi. Encore et toujours, insista Ivy désespérément alors que mon regard était perdu dans le vide.
Barbara s'avança, devenue bien trop épuisée pour pleurer de nouveau. Elle planta son regard dans le mien. Ce regard infaillible que je lui connaissais tant.
— Pense que tu es la cause de leur mort, si tu veux, cracha-t-elle. Comme ça tu continueras à te torturer l'esprit comme la merde que tu es. Tu sais quoi ? Léo a toujours refusé de savoir comment son frère était mort. Il préférait te garder à ses côtés plutôt que de t'en vouloir toute sa vie. Alors sois fière de la confiance aveugle qu'il te portait.
— J'ai grandi avec toi, Rhéa, enchaînait Connor. Même si t'es flippante de fou des fois, t'es aussi capable d'être la Rhéane qu'on connaît. Celle qui nous as sorti du merdier.
Je lui souris faiblement. Les autres m'imitèrent.
— J'ai tué ma mère.
Liam planta un regard lourd de chagrin dans le mien. Il y allait sans prendre de pincettes, parce que dans cette pièce, tout le monde connaissait les contes sordides des autres. Tout le monde se faisait confiance dans le chaos.
— Et tu m'as accepté quand même. Parce que c'était un accident, insista-il. Ça fait longtemps qu'on a accepté celle qui était notre boss.
— Sinon on aurait déjà fait un coup d'état, ironisa Connor, ce qui me fit sourire.
Lorsque mon regard se posa sur Jake, je le vis qui me regardait avec une tendresse peinée. Sans doute détestaient-ils tous me voir dans cet état. Moi la première.
Maintenant, ils m'avaient vue dans tous les états possibles.
Je me redressai lentement. Ivy m'aida à m'extirper du lit, et m'accompagnais jusqu'à Jake, les bras croisés comme à son habitude.
J'effleurai d'une main son avant-bras droit. Celui qui m'avait sauvée. La cicatrice de sa brûlure était toujours présente.
Sans un mot, je m'élevai légèrement sur la pointe des pieds, et lui déposa un léger bisou sur la joue. Il me sourit, acceptant mon remerciement sans mots avec tendresse.
On frappa à la porte. Un médecin fit irruption dans la salle. Vêtu d'une blouse blanche et d'un masque chirurgical lui cachant la moitié du visage.
Je fronçai les sourcils.
Il était suivi de trois autres médecins. Tous des hommes avec des masques, habillés de la même manière.
Phoenix devait penser comme moi : si trois médecins faisaient leur apparition, c'est qu'il devait y avoir un problème. Un gros.
Phoenix s'écarta pour laisser les spécialistes s'approcher de mon lit.
— Madame Kei, comment vous sentez-vous ?
— Un peu dans les vapes, mais ça va.
— Il y a un problème ? S'enquit la voix douce d'Ivy.
Le premier médecin laissa quelques secondes s'écouler, durant lesquelles il échangea un regard avec ses collègues.
— Accouchez, ordonna une Barbara irritée.
— Nous avons un premier bilan. Mais il faut faire une imagerie pour confirmer nos doutes.
— Et c'est quoi ce bilan ? Interrogea Joseph.
— Au niveau du cerveau, il est possible que Rhéane ait des commotions inter-cérébrales. Elle n'était pas attachée lors de l'accident et l'airbag n'as pas fonctionné.
Le monde parut tourner autour de moi. Des commotions inter-cérébrales ?
Le troisième médecin prit la parole.
— Avez-vous des maux de tête ?
— Oui, répondis-je le cœur serré.
— Des douleurs au niveau du cou ?
Je sentis leurs regards inquiets sur posés sur moi. À cet instant, l'idée de mentir me traversa l'esprit. Mais je me ravissait.
— Oui.
— Une sensation de faiblesse au niveau des bras et des jambes ?
— Oui.
Je baissais les yeux.
— On va procéder à l'imagerie.
Cette phrase sonnait comme la fin.
Un des médecins ramena un fauteuil roulant à côté de mon lit. Bien que je me sentisse tout à fait capable de m'y assoir seule, il insista pour m'aider.
Lorsque nous sommes sur le point de franchir le pas de la porte, je finis par les regarder dans les yeux.
Mes yeux se plissèrent, et je leur offris un sourire radieux. Leur mine était déconfite, perdue.
— Tout ira bien. Je suis Rhéane Kei.
Ivy me prit les mains, m'encourageant du regard tout comme les autres.
Pendant plusieurs minutes, je me tus, fixant le sol qui défilait sous mon fauteuil roulant.
La maladie ne m'avait jamais semblée aussi proche qu'à cet instant. Nous avions tendance à l'oublier, mais c'était la pire situation imaginable.
La mort m'attendait peut-être au sein de cet hôpital même. Les bras grands ouverts.
Les dés étaient jetés.
Lorsque je relevai les yeux, nous avions emprunté un couloir désert. D'habitude, les médecins devaient être débordés, allant et venant d'un pas rapide.
Un des médecins qui m'accompagnait ouvrit la porte d'une pièce pour nous laisser entrer.
A peine que cette porte se referma, et que mes yeux balayèrent la pièce, que je compris.
Cette salle était abandonnée. Le matériel n'était plus à la mode, les fenêtres étaient sales et les poussières me firent éternuer.
Je bondis hors du fauteuil, esquivant in extremis une main tranchante visant à m'assommer à l'arrière du cou.
Désormais face aux trois médecins, je me mis en position de garde. Ma tête me tournait, mon bras était emplâtré, et tout mon corps était endoloris.
— Ah, ça pue ce truc.
Les trois inconnus retirèrent leur masque, les jetant par terre nonchalamment.
L'un d'eux avait la cicatrice d'une arme blanche sur la joue. Les Wood.
— Ça faisait longtemps, Rhéa.
Je frissonnai.
— Reculez.
— Tu es devenue une jeune femme très prometteuse. Mélia avait raison de placer ses espoirs en toi.
Je leur offris un rire cynique, suivit d'un regard provocateur.
— Je n'ai rien dit. Approchez.
Tous les trois se jetèrent sur moi. J'utilisais mon plâtre pour en cogner un dans la tête, criant de douleur à cause du choc.
Aujourd'hui, il me fallait me battre au-dessus de mes conditions.
Je donnais un coup de genou dans le menton à celui qui pensait pouvoir me plaquer par la taille.
Malheureusement, le dernier réussi à donner un coup de poing dans la mâchoire. Mon mal de tête s'intensifia aussitôt, et je lâchais un râle mécontent.
Ils étaient plus endurants que moi, qui avait un énorme désavantage.
Ça me tuait de l'avouer, mais je n'étais pas dans mon état normal. J'étais plus faible.
Ils réussissent à me plaquer au sol en s'y mettant à trois. Je gesticulai pour tenter de leur échapper mais c'était peine perdue.
Soudain, j'aperçus un vieux scalpel à un mètre de moi. Je tendis alors difficilement le bras.
Presque, j'y suis presque.
Je forçais sur mon bras, m'allongeant le plus possible. Je tendis les doigts, effleurant l'outil du bout des doigts.
Je l'ai !
Je m'en emparai, me contorsionnant du mieux que je pus, et le planta dans la cheville qui appuyait sur mon dos, et qui me maintenait au sol.
Mon adversaire hurla de douleur. Je me sentis soudain libre de me relever, mais alors que je tentai de me redresser à l'aide de mon seul bras valide, je fus emportée dans un gouffre sombre.
Lorsque je revins à moi, je n'ouvris pas les yeux en premier. Je ne pris pas compte de mon corps endoloris et de mon plâtre qui me gênait. Et encore moins de cette douleur atroce et de cette sensation que mon cerveau allait exploser.
Non, rien de tout cela. En revanche, je sentais.
Cette odeur de bois ancien, l'humidité et... La lavande. En temps normal, la lavande était une odeur considérée comme agréable. Sur moi, elle avait l'effet inverse.
J'ouvris d'un coup les yeux, mon cœur me faisant mal, ma tête me tournant.
Pitié. Pitié.
Mes yeux se posèrent sur mon reflet dans le grand miroir de bronze à moulures.
— Non...
Ma voix s'était brisée, tremblante et désemparée.
Dans ce miroir, je me revoyais debout. Ma mère derrière, en train de me complimenter, de me pomponner. Je revoyais sa main caresser ma joue, je la voyais qui posait ses mains sur mes hanches d'une manière possessive.
Pour elle, j'étais sa chose.
Et la chose était de nouveau à sa place, au creux de ses mains. Au cœur de son terrain de jeu.
— Non...
Le choc était tel que mon corps parlait par les larmes. Toute cette douleur que j'avais fui, elle me revenait d'un seul coup. La plaie s'était rouverte.
Eos avait raison. Je n'avais pas complètement guéri. À présent, l'idée de m'éloigner de nouveau me semblait impossible. Comme si j'étais éternellement vouée à vivre ici.
Pourquoi tout le monde voulait me ramener ici ? Pourquoi tout le monde s'efforçait de me contrôler ? Pourquoi ils décidaient toujours de ruiner le moindre de mes efforts ?
Je poussai un cri de rage dans ma chambre silencieuse. Mon corps gouta de nouveau ce désir de vengeance bouillonnant.
Désormais sur les genoux, je la parcourais du regard. Revoir ma chambre en vrai ne m'apprenait rien, car elle me suivait dans mes cauchemars inlassablement.
Dans cette ambiance macabre, la lumière était tamisée. La chambre avait pour couleur principale le marron, si bien que l'éclairage était faible.
Les rideaux n'étant pas complètement ouverts, cette atmosphère vampirique s'accentuait.
Je me trouvais sur le tapis oriental, juste devant le canapé qui était à droite des grandes fenêtres. Canapé sur lequel Eos m'avait soignée de nombreuses fois. Sur le mur de l'autre côté de la pièce, la porte et sa vieille poignée rouillée.
Tout était à sa place habituelle. Rien n'avait changé. Mon lit en bois était toujours au même endroit, au centre du mur de droite. De vieilles peintures étaient accrochées au-dessus.
À droite du lit, cette armoire qui m'avait fait tellement peur petite qu'Eos avait dû dormir avec moi et la laisser ouverte, pour me prouver que personne ne se terrai à l'intérieur.
Je séchai rapidement mes larmes de mes mains tremblantes. Je m'appuyai sur mes cuisses pour me donner le courage de me relever, faisant facilement grincer le parquet vieillot.
L'idée de troquer ma blouse d'hôpital contre mes anciens vêtements dans l'armoire me traverseraient l'esprit, ce qui me fit frissonner de nouveau. Remettre mes habits d'ici ne me disait rien qui vaille, mais se battre en blouse non plus.
Mon esprit se remit en mode cheffe de gang et je m'activai. C'était mon avant-bras qui était cassé, dans ce cas-là, il me faudrait deux semaines à trois maximums d'arrêt. J'avais eu de la chance que ce n'était pas le bras entier, sinon ça aurait été deux mois environ.
Enfin bon, me battre avec un bras cassé n'allait pas être plaisant, mais je commençais à considérer cela comme un défi.
J'hésitai à ouvrir la porte. Quelque chose me disait qu'elle était fermée, mais le sadisme des Wood me chuchotait qu'il était possible qu'ils l'aient laissée ouverte.
Lorsque je tournai la poignée, je dus entrouvrir la bouche pour mieux respirer.
Elle était fermée. Bien.
Je fouillai mon ancienne chambre. Aucune caméra, aucun micro. Je fus soulagée d'autant plus en comprenant que je n'étais pas totalement une bête de foire. Si nous avions Jake de notre côté, les Wood n'avaient jamais été très technologie.
C'était un point positif pour moi, mais également un point faible. Sans aucune technologie, ordinateur, caméras, je n'avais pas de preuves contre les Wood, et Connor ne pouvait pas les pirater.
Afin d'être sûre, je fis de nouveau le tour de la chambre, ignorant mon corps endoloris. L'adrénaline et la peur me maintenaient éveillée, tous mes sens à l'affût.
Je ne trouvai rien d'anormal. Je collais mon oreille à chaque mur, mais rien non plus. J'examinai le miroir, vérifiant qu'aucun dispositif n'était intégré dedans. Aucun double fond non plus dans l'armoire.
Je continuai mon inspection minutieusement, mettant à profit toutes mes connaissances acquises ces dernières années. Mon corps était tellement sur ses gardes que de souvenir, je n'avais jamais été aussi crispée qu'aujourd'hui.
Rouvrir l'armoire ou se trouvait mes anciens vêtements me donnait envie de vomir. Quasiment tout était blanc. Les seuls qui ne l'étaient pas étaient mes anciens pyjamas ou vêtements confortables, pour traîner.
Je m'emparai d'un jogging noir et d'un débardeur simple noir. Cette tenue était loin de mon style habituel, et je remerciais le ciel de ne pas avoir grandi tant que ça. Par miracle je rentrais encore dans mes vêtements de quatorze ans.
J'ignorais ce sentiment atroce de retour en arrière et me dirigea vers les grandes fenêtres. Elles donnaient sur les grandes montagnes environnantes, toutes dépourvues d'une quelconque forme de vie.
Cependant, on pouvait apercevoir entre deux montagnes plus loin, la ville la plus réputée de la région, celle où nous allions recruter des gens innocents. Celle où nous allions choisir nos prochaines proies.
Ces souvenirs qui affluèrent dans mon esprit firent monter ma rage. Après avoir passé une trentaine de minutes dans cette chambre de merde, j'avais dépassé le stade du choc et du désespoir. Rhéane Kei était revenue.
Je jetai un dernier regard à la porte par-dessus mon épaule. Sans hésitation, je me déplaçais sur le côté, levant ma jambe droite en la pliant.
Avec une rapidité démentielle, je la dépliai, fracassant littéralement la fenêtre devant moi. Les fragments de la vitre furent projetés au sol. Mon mouvement avait été tellement rapide et précis qu'aucun morceau de verre n'avait pu m'atteindre.
Sans perdre de temps, je me hissai dehors. Avec toute ma concentration, je me tins debout sur le fin rebord de la fenêtre. Mes mains s'accrochèrent en haut de l'encadrement.
J'étais désormais debout devant la fenêtre extérieure de ma chambre. Si je tombais maintenant, du haut du troisième étage, j'allais sûrement mourir de chute, en dévalant la montagne en contre bas.
Je pris une grande inspiration en levant la tête, analysant la façade du manoir.
Le serpent allait devoir grimper sur le toit s'il voulait un summum de liberté.
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Heyyyy
Oui c'est cliché mais omg il fallait que Rhéa se fasse kidnapper (encore)
Il n'empêche ça reste une femme fatale comme on en a jamais vu, grimper sur le toit d'un manoir en haut d'une montagne, eh beh...
(moi même j'en reviens pas alors que c'est moi qui ai écrit c'est drôle)
Merci vraiment beaucoup d'être toujours présents, on se rapproche de la fin de ce tome mais comme je l'ai dit à certains, j'ai beaucoup d'idées pour le tome 2 et je pense vraiment le faire au final.
Dites moi si vous voulez que je fasse une FAQ à la fin de Move.
Kiss. 💋
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