46・ Lumière éblouissante

Rhea Kei.

Une pointe de déception amère s'était emparée de moi, lorsque je l'avais vu me tourner le dos. Je ne sais pas, peut être avais-je espéré que notre relation s'était améliorée et que nous étions moins puérils ? Peut-être était-ce trop demander de ma part aussi...

J'imagine que c'est une punition qu'il voulait m'infliger, pour me faire revivre ce soir-là. Ce jour où j'avais pris la décision de partir seule. Aussi enfantin que cela puisse être, c'était compréhensif.

Et pourtant, son dernier mot se voulait solidaire : il ne m'en voulait pas.

Cependant, je ne pouvais pas empêcher cette malaisance monter en moi. Eos était le genre de personne à se moquer des autres et à préférer se la couler douce plutôt que de courir sauver la terre entière.

Mais était-il vraiment en train de me laisser partir seule ? Sans gardes du corps ? C'était beaucoup trop facile...

Je n'allais jamais réussir à m'habituer à ses changements d'humeur soudaines. Son esprit était un véritable mystère. Qui sait, il était peut-être déjà en train de préparer un instrument de torture pour mon retour ?

Je secouai la tête, me moquant de mes propres pensées.

Alors voilà, je me retrouvais dehors, dans le froid nocturne. Et un nouveau sentiment me rendit le sourire.

J'étais libre, non ? Certes, je l'avais toujours été, mais se sentir constamment observée et analysée comme un projet scientifique commençait à m'étouffer. Sans parler de toute cette tenson indescriptible qui nous suivait sans arrêt...

En clair, je me sentais de nouveau comme la Rhéa cheffe de gang que j'étais. Sans personne pour me dire quoi faire, ni de gardes du corps, ni de culpabilité de pacotille.

Je m'étirai en douceur. J'allai sûrement en avoir besoin ce soir.

Bordel ce que mon épaule me faisait mal !

Je jetai un coup d'œil sceptique à celle-ci. Le bout de t-shirt de Lian s'était gorgé d'un sang écarlate. Mais j'allais faire avec. Le plus gros était passé : j'avais réussi à extraire la balle, seule.

En voyant le regard mi-amusé mi-inquiet d'Eos, je n'avais pas hésité malgré la douleur lancinante, à plonger mes doigts dans la plaie.

Ce n'était pas ma première fois, après tout.

Mais ça commençait vraiment à me mettre en rogne. Parce que, malgré moi, mes décisions étaient de plus en plus influencées par lui...

Stop. Ce soir, il n'y aurait pas de Eos qui tienne.

Avec détermination, je chevauchai ma moto sans prendre la peine de mettre un casque. Sans une seconde à perdre de plus, je démarrai en trombe, ma colère conduisant à ma place.

Direction Red Mist. J'avais appris qu'il était maintenant ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Il y avait cinquante pour cent de chances que je trouve Zayn là-bas. Red Mist était tout pour lui, et plus particulièrement la scène où il présentait ses morceaux.

Je me souvins de ses yeux brillants quand il s'adressait au public, tout comme de son sourire lorsqu'il avait accordé sa guitare en quelques secondes avant le show. Comme si ce n'était qu'un gentil petit artiste innocent...

Les routes étaient désertes, si bien que la vitesse à laquelle je roulais m'importais peu. Eos n'avait apparemment pas décidé de m'enmerder avec la télépathie...

Soudain, je ralentis. Désormais plus proche du centre-ville, une voix forte me parvint d'un parking souterrain, à quelques minutes de distance de Red Mist seulement.

Bruises de Lewis Capaldi. Le titre de la musique me parut comme une évidence. Tout comme cette voix puissante et grave qui résonnait entre les parois du parking souterrain. Sa voix. Zayn.

Jackpot.

Pas très discret de sa part.

Je m'arrêtai sur le trottoir, et descendit de ma Yamaha. Mais un court instant de réflexion suffit à me faire hésiter. Après ce qu'il s'était passé ce soir, ne s'était-il pas dit qu'il deviendrait une cible évidente ?

Pourquoi se faire aussi peu discret, et justement sur le chemin qui menait à Red Mist ?

Il devait être sûrement seul, là-dessous. A m'attendre bien sagement, usant de sa voix pour m'attirer sous terre avec lui.

Le connaissant, il n'était pas assez lâche pour décider de m'affronter à plusieurs.

Je repris mon chemin, non sans un regard méfiant aux alentours. J'empruntais le petit escalier sale et morose menant au parking, poussant la grille rouillée le plus doucement possible.

Je ne le vis pas tout de suite, bien que le parking fût quasiment désert.
Puis, en continuant de descendre à l'étage du dessous, guidée par sa voix, c'est ici que je l'aperçus.

Il était de dos, vêtu d'un baggy noir en cuir, et d'un bomber noir également. Il bougeait ses mains avec émotion, trahissant l'effort que demandait les hautes notes.

Apparemment, il ne m'entendait pas, bien trop concentré sur ses octaves. Je continuais d'approcher en douceur, mon cœur battant le tempo de sa mélodie.

Il avait de nouveau cette voix unique et mélodieuse, celle qui m'avait accompagnée sur scène.

Lorsqu'il me vit finalement, il ne s'arrêta pas pour autant, espérant sans doute que je le rejoigne dans son solo.

Je l'aurais fait, si nous étions en meilleurs termes. Et que je n'étais pas énervée.

Il cessa alors de chanter, stoppant les répercussions de sa voix sur l'espace qui nous entourait. Nous étions maintenant plongés dans un silence complet.

Ses yeux émeraudes s'accrochèrent aux miens alors qu'il s'empara de sa gourde posée au sol pour boire.

Il s'essuya la bouche d'un revers de la main avant de déclarer :

—  Tu ne me décevras jamais, hein ?

—  Tu dis ça parce que je viens à toi comme tu l'avais prévu ?

—  Détrompe-toi, commença-t-il en reposant sa gourde. C'est ici que je m'entraîne tous les soirs, pour chanter. Mais... En vrai... T'as raison.

Un rapide coup d'œil me suffit à confirmer qu'il disait vrai : il était essoufflé, et sa voix était fatiguée. Il perdait son timbre de voix après avoir forcé dessus depuis sûrement plus d'une heure.

Mais ça ne voulait rien dire. Je le fixai, sur mes gardes, attendant un seul geste de sa part pour sortir ma dague.

—  Ce n'était pas prévu, pour Liam, se justifia-t-il d'un air sérieux.

—  Ça l'étais pour Eos.

Silence. Il n'arrivait pas à soutenir mon regard. J'espérais qu'il était mortifié de culpabilité, pour me fuir ainsi.

—  Écoute, je me suis chargé de Joe, en apprenant ce qu'il avait fait. En suivant son plan de son côté il t'a aussi mise en danger.

Il fronça les sourcils en abaissant son regard sur ma plaie avant de conclure :

—  Et ça ne fera jamais partit de mon plan.

Je tentai de déchiffrer son regard, mais il semblait dans un autre monde. Je le rappelai sur terre en étant cash. Comment pouvait-il m'aimer tout en voulant me ramener dans cet endroit de malheur ? Croyait-il pouvoir me protéger ? Même Eos avait échoué face à eux.

—  Pourquoi Joe ?

Il soupira, ce qui tendit tous mes muscles. Visiblement, mon corps le considérait comme une menace évidente.

Je ne l'avais jamais vu se battre, mis à part à Red Mist, quand il s'en était pris à l'homme bourré. Toutefois, mis à part sa vitesse juste époustouflante et son manque d'émotion ce jour-là, je n'avais rien pu analyser d'autre.

Zayn avait sans doute dû être entrainé par eux. Eos avait été le seul à bénéficier de l'entrainement de Darrel, puisque qu'il avait été choisi pour me protéger. Qui avait formé Zayn dans ce cas ?

—  Ouais, tu dois avoir beaucoup de questions. Alors faisons ça.

Il s'approcha de moi, sa chaîne argentée bougeant légèrement sur son buste, alors qu'il planta de nouveau ses yeux dans les miens.

—  Si tu viens avec moi, je répondrais à chacune de tes questions. Sans mensonges.

Il me tendit la main en se mettant à sourire. Un sourire à l'opposé de celui d'Eos. Il semblait promettre de l'amusement, des plans foireux, avec une touche de... Tristesse ?

Je passai mon regard de sa main à son visage, sans ciller.

—  Tu veux me ramener là-bas ?

—  Oui. Mais si tu ne m'expliques pas pourquoi toi et Eos réagissez aussi mal à cette idée, je ne comprendrais jamais.

Il se fout de moi ?

Une folle envie d'attraper sa main pour lui faire une prise pouvant lui casser les os des bras titillait mon corps entier.

Il me fallut une concentration phénoménale pour laisser couler. A la place, je glissai ma main dans la sienne dans un geste sensuel, au lieu de la serrer.

Surpris, il ne comprit pas tout de suite. Mais en me voyant aussi immobile qu'une statue, il finit par se plier en deux et se pencher en avant. Ses lèvres rencontrèrent la peau du dos de ma main, et s'y attardèrent.

Il m'offrait l'occasion de lui assener un coup fatal au cou, et il savait que c'était ce que je voulais. Mais je ne fis pas le moindre mouvement, toujours méfiante. Zayn avait une confiance aveugle en moi pour une raison que j'ignorais.

Je repensai à sa proposition. Si je partais avec lui, je pourrais lui poser toutes les questions que je désirais, et je saurais enfin toute la vérité, ainsi que ce quelque chose que je n'arrivais pas à saisir.

En le voyant s'abaisser si facilement pour moi, mes chances de me sortir indemne de cette histoire avec les réponses à mes questions grandissaient.

Toutefois, c'était peut-être justement ce qu'il voulait : me montrer sa dévotion pour me faire baisser ma garde.

—  Je viens.

Mes mots le firent se relever, et il poussa ses mèches lui tombant dans les yeux d'un mouvement de tête.
Il fit son habituel sourire en coin, dévoilant la fossette dont j'avais oublié l'existence.

—  Mais ? S'enquit-il, comme paré à toute condition.

Avant que je ne puisse prononcer ma requête, il sortit une fiole de sa poche de jogging, à la couleur blanchâtre.

—  C'est...

Il me coupa de nouveau lorsqu'il en sortit une deuxième.

Je me ravisai de parler à nouveau, fronçant les sourcils. Il l'avait prévu. Depuis le début, il savait que je viendrais, et il avait fait en sorte de s'emparer de deux antidotes. Et ce, sûrement sans l'accord de Joe.

Tu parles d'une alliance.

Le soulagement se mélangea bien aussitôt à l'énervement et la sensation d'être prise au piège. Mais, après tout, je m'y étais moi-même jetée la tête la première.

Aucun retour en arrière. Parce que je vivais pour ça : le danger. La seule chose que je regrettais était de ne pas avoir pris mon katana...

—  Promets-le moi.

—  Je te promets, Rhéa, que Liam et Joseph auront ces antidotes. Dès ce soir.

A ces mots, deux hommes débarquèrent par là où j'étais entrée. Un faible rire amusé franchit mes lèvres alors que je les regardai s'emparer des fioles, et de partir comme si de rien était.

Je les reconnaissais. Ils faisaient partis de la famille.

Je pris une grande inspiration. Revoir leurs visages familiers me donnait envie de vomir mes tripes. Zayn attira mon attention en me désignant une Mercedes noire. Mes muscles étaient tellement tendus que mon corps me faisait presque aussi mal que ma blessure.

Je m'installais sur le siège passager sans un mot, surveillant Zayn du coin de l'œil. Il ramassa sa gourde, et je profitai de ses quelques secondes pour vérifier la boîte à gants. Aucune arme en vue.

Zayn était encore plus imprévisible qu'Eos.

La portière s'ouvrit, et il s'installa face au volant, démarrant la voiture. Les leds à l'intérieur de la Mercedes s'allumèrent en vert. Ironique, la couleur de ses yeux semblait me suivre partout. Ou alors était-ce sa couleur préférée ?

Une pensée à l'égard de Minette et de ses yeux verts. J'espérait qu'Eos lui avait donné son repas du soir.

— Attache-toi, me somma la voix de Zayn.

— Tu conduis si mal que ça ? me risquai-je à le taquiner.

S'il était réellement amoureux de moi, il était déjà à ma merci. Les crocs du serpent étaient prêts à se planter dans son cou à tout moment, avide de déverser son venin en y apportant le coup fatal.

Eos aurait sûrement répondu : Si tu ne te t'attaches pas je ferais exprès de faire un tonneau avec la voiture pour que tu meures.

Je souris. Non, stop, pas de Eos on a dit.

— Pas si tu es à bord, répondit Zayn le plus sérieux du monde.

Je ne répondis rien. Sa façon de flirter aussi naturellement que de respirer m'étais sortie de la tête. Je clipsa ma ceinture en prenant gare à ne pas me faire mal à l'épaule.

Habituellement, j'aurais flirté en retour, joueuse que j'étais. Mais pas aujourd'hui.

L'intérieur de la voiture était parfaitement nettoyé. Au vu du casque Bluetooth qui trainait sur le tableau de bord, cette voiture était bien la sienne. D'habitude, il le portait sans arrêt autour de son cou.

Je ne pipai mot alors qu'il sortit du parking calmement. Après tout, tout se déroulait selon son plan, pourquoi devrait-il s'inquiéter ?

Justement parce qu'il me sous-estime...

— Ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vus, tiens, cassa-t-il le silence en gardant les yeux sur la route assombrie par la nuit. Tu manques à Alejo. Il ne fait que me parler de toi.

Son sourire joyeux ne quittait pas son visage, comme si c'était le meilleur jour de sa vie. Et ça me mettait terriblement mal à l'aise.

Bon, à moi de jouer maintenant. J'avais bien vu à quel point il était facile pour Zayn de s'énerver. Comme s'il lui suffisait d'un pas pour franchir sa ligne zen. Il ne fallait pas que je l'y aide.

En y pensant, il gardait constamment un sourire aux lèvres, si ce n'était lorsqu'on le mettait en rogne ou qu'il se battait.

Il n'avait pas un sourire joueur comme Eos, mais plutôt un sourire d'enfant, prêt à faire des bêtises pour s'amuser. Au-delà des restrictions de ses parents.

Je lui répondis par un silence, perdue dans mes pensées. Bien vite, il tourna la tête vers moi, avant de fouiller dans sa portière pour en sortir une bande de crêpe.

Il me la tendit, et j'accepta toujours avec méfiance. Je glissai la chemise noire de mon épaule, et réussi à en extirper mon bras. Je défie le nœud qui maintenait le bout de t-shirt de Lian en place, avant de l'enrouler en boule et de le lâcher à mes pieds.

La plaie n'était pas belle à voir. Du sang avait séché partout autour. Je n'en pris pas compte et commença à dérouler le rouleau petit à petit, faisant le tour de mon épaule en passant sous mon aisselle.

Je grimaçai de douleur mais fit ça rapidement pour en être débarrassée. Lorsque j'eus fini ma tâche, Zayn me reprit le rouleau des mains et le rangea.

Une fois de plus, il me montrait une certaine forme d'attention. Comme lorsqu'il m'avait sauvée dans la ruelle. Comme lorsqu'il avait vu que j'avais froid, au studio. Comme lorsqu'il avait insisté pour que je change mon bandage.

Il était observateur, ça, c'était sûr.

Après quelques minutes sans parler, et un trajet aussi ennuyant qu'en ligne droite, je me lançais, impatiente :

—  Comment t'as trouvé le deuxième antidote ?

Il leva brusquement sa main, me faisant signe de me taire. Frustrée, je m'apprêtai à reposer ma question alors qu'il augmentait le volume de la radio.

A la hâte, il retira sa veste, et la balança sur la banquette arrière. A présent en débardeur noir, son bras droit entièrement tatoué tapotait sur le volant en rythme. Ses bras étaient parfaitement musclés.

—  Are you gonna be my girl, de Jet. C'est ma préférée, m'expliquait-il comme si nous étions amis.

Il défit sa demie queue de cheval, laissant ses cheveux dégradés prendre en volume. Nos regards se croisèrent juste avant le refrain. Et puis, vint le drame.

So one, two, there, take my hand and come with me. Because you look so fine that I really make your mine.

Il bougea sa tête d'avant en arrière, à fond dans la musique. Cette vision me soutira un sourire malgré moi. Il était exactement comme sur scène. A ressentir et exprimer par les notes de musique.

Il sautillait tellement que la voiture était secouée, elle aussi.

Il travaille pour eux, il...

Je le fixai. Il avait enfin arrêté de bouger sa tête d'avant en arrière. Ses cheveux étaient ébouriffés, ses mèches lui tombaient dans les yeux, d'autres étaient collées à ses lèvres.

C'était bien pour cette raison, qu'il m'avait été difficile de couper les ponts avec lui. Aussi facilement qu'il chantait, il illuminait toute la pièce de sa joie de vivre et son optimisme. Ce n'était pas pour rien, qu'il était devenu populaire au lycée.

—  Wouah. Si Léo était là...

Léo ? Ah, oui. C'est vrai qu'ils étaient meilleurs amis.

La peur vis à vis de la réaction de Zayn m'empêchait de prendre mon téléphone pour voir comment Léo allait. Il devait sans doute s'inquiéter, à n'avoir aucune nouvelle de moi depuis notre dernier appel.

—  Léo ? Depuis quand il écoute ce genre de musiques ?

—  C'est vrai qu'il écoute du rap, de base. Mais je l'ai forcé, et j'ai réussi à l'influencer. Je crois qu'il l'a trop souvent écoutée à cause de moi. Tu verrais maintenant comment il est mordu de cette musique. J'ai fait un test, quand j'étais chez lui, j'avais mis à fond Jet depuis une autre pièce. Il avait accouru comme un fou...

Je ne l'écoutais plus. Tout ce qui attirait mon attention, c'était son expression. En parlant de Léo, son visage s'était encore plus illuminé. Il paraissait sincère. Comme fier d'avoir Léo comme ami.

Et il était devenu bavard. Lui qui d'habitude ne faisait que tenter des phrases de flirt avec moi...

Comment c'était possible que leur amitié compte autant pour lui, alors que Zayn avait emménagé à Chicago pour me retrouver moi ?

Une vive idée me traversa l'esprit. Utiliser Léo contre ma liberté après qu'il ait répondu à mes questions.

Mais ça ne me ressemblait pas. Et il savait que Léo comptait aussi pour moi. Idée tombée à l'eau. Cette situation n'aidait pas mon cerveau à réfléchir calmement.

—  Bon, d'accord, j'ai l'impression que ce que je te dis te passionnes pas des masses, capitula-t-il. Le deuxième antidote, je suis allé le trouver moi-même. Si Joe l'apprenait, il me tirerait le slip.

Je retiens un nouveau sourire. Je retrouvais le Zayn de notre rencontre, et non le Zayn violent.

J'envoya un rapide message à Joseph et Liam, leur demandant de me prévenir quand ils auront l'antidote, et ce, en étant la plus discrète possible.

—  Je ne suis pas comme ce prétentieux et arrogant Eos. T'as le droit, tu sais, fit remarquer Zayn en me voyant cacher mon téléphone.

—  Bizzare, répliquai-je aussitôt, piquée au vif. Vous voulez tous les deux me garder enfermée quelque part.

—  Tu sais comme moi qu'il ne faut pas discuter les choix de Darrel et Mélia.

Ça, pour être une vérité, c'en était une... C'était bien pour ça que j'étais partie.

—  Pourquoi tu restes chez eux ?

—  J'ai tout ce qu'il me faut, là-bas. On est une famille, jamais je ne la trahirai, je suis un homme de parole. Et je leur dois tout.

Coup de poignard.

"Rhéane... On a tout ce qu'il nous faut, ici. Tu ne peux pas imaginer la chance qu'on a d'avoir cette famille, un toit et de la nourriture."

—  C'est ça, ouais. C'est qui, tes frères ?

J'enchaînais sans lui laisser le temps de changer d'avis et de me laisser sans réponses. Autant y aller cash. Ma curiosité prenait le dessus sur ma patience.

Mais, apparemment, j'avais pris la mauvaise décision.
Sa mâchoire se contracta, et son sourire s'envola.

Oh, et puis merde. Désolée si j'éveillais de mauvais souvenirs, mais j'avais besoin de réponses avant que l'on me ramène au manoir de mon pire cauchemar.

Lui : Rhéa, t'es où ?

Zayn semblait prendre son temps. Il hésitait.

Fallait me demander avant de me laisser partir.

Lui : Ta moto a été retrouvée près d'un parking.

Je dus serrer moi aussi la mâchoire pour ne pas sourire et énerver davantage Zayn à côté de moi. Évidemment qu'il n'allait pas me laisser tranquille. "Je te rattraperais. Toujours."

—  Tu connais très bien le premier, commença Zayn en fixant la route, le regard chargé d'émotion.

Le premier. Alias le frère défunt et l'aîné des trois.

J'ai des choses à gérer, là.

Lui : t'es avec lui, pas vrai ?

Difficile, de se concentrer sur deux hommes à la fois. Surtout lorsqu'un parlait littéralement dans votre tête, et que l'autre était au bord de la crise de nerfs.

— Je le connais ? C'est quoi, ton nom de famille ?

Lui : Rhéane. Si tu es avec lui, fais ce que je te dis...

La ferme, Hunt.

Lui : Ce n'est pas le moment de jouer les Lara Croft, Rhéane.

—  Wood. Ça ne va pas te mener à grand-chose.

Lui : Rhéane, fais gaffe à ton popotin rebondi...

Si tu continues je te promets que je vais t'arracher les yeux.

—  Non, ton vrai nom, rétorquai-je.

Lui : Alors toi, attends que je te retrouve.

Darrel et Mélia Wood. Alias, le nom donné à tous les enfants recueillis par ce couple. La famille Wood.
J'avais changé pour Kei, après mon séjour auprès de Maître Masayuki.

Qu'Eos aie choisit Hunt, comme "Hunter" était prévisible.

Oui, fais donc ça. Commence par me retrouver, Hunt.

Avec l'habitude, j'étais devenue experte en télépathie... Plus ou moins. Mais il m'était dorénavant plus facile de me concentrer sur deux choses à la fois et non seulement sur la télépathie.

Zayn n'y voyait que du feu.

Celui-ci prit une grande inspiration avant de se mordre la lèvre. Alors que je crus voir la réponse naître au bout de sa langue, il se resigna.

—  Ça ne changeras rien. Il fait partie de ton amnésie.

Une vague de malaise inonda mon corps. S'il y avait bien une chose sur laquelle je détestais revenir, c'est bien cela : mon amnésie. Et la réponse à ma question se trouvait au fond de ce gouffre inatteignable.

Sa réponse sonna comme un reproche, et je me recroquevillai au fond de mon siège. On me reprochait des choses dont je n'avais plus aucun souvenir. Et le sentiment d'avoir merdé quelque part sans savoir de quoi il s'agissait me rabaissait.

—  Parle-moi de ton autre frère.

Pour contrecarrer mon mal-être, l'ordre était sorti tout seul de mes lèvres.

—  Ça, c'est facile, fit-il, enjoué de nouveau pour cacher tout un tas d'autres émotions. Je t'ai déjà parlé de lui tout à l'heure.

—  Tu...

Mes yeux s'écarquillèrent. Oh, non, non, non.

—  Eh ouais, Léo, c'est mon frangin.

Léo était le petit frère de Zayn. Après tout, c'est vrai qu'il vient d'un orphelinat, lui aussi...Mais alors... ?

—  Si tu veux tout savoir, c'est en partie pour ça, que je me suis porté volontaire pour venir te chercher. Je voulais le rencontrer, lui qui avait été adopté par la famille Brookes. Pour mon autre frère, c'était...

Sa voix se réfugia dans le silence. Trop tard, c'était trop tard.

Il soupira avant de terminer :

— J'ai voulu intégrer Phoenix pour découvrir qui étaient les personnes qui lui étaient chères, ici. Et...me rendre compte de qui il était à travers eux.

Un flash-back désagréable survint dans mon esprit comme une bombe. Un homme aux cheveux blonds, avec un tas de bracelets. Mais son visage était désagréablement flou. C'était frustrant.

Zayn n'était pas venu pour moi, j'avais tort. Il était venu dans l'optique de se rapprocher de ses frères, de les rencontrer. Voilà pourquoi en intégrant Phoenix, même seulement durant une semaine, lui avait permis de faire d'une pierre deux coups.

Serait-il possible que même Léo soit tenu dans le secret, pour éviter de me remémorer qui était son grand frère, alias ancien membre de Phoenix, parce qu'il faisait parti de mon amnésie ? Dans ce cas, Léo et le frère inconnu savaient qui ils étaient l'un pour l'autre ? Zayn était le seul à l'écart ?

—  Quelle ironie, quand on pense que mon grand frère a intégré Phoenix sans savoir que Barbara serait sa future copine.

Future copine ? Mon cerveau fumait.

— Attends, ton frère aîné était blond ?

—  Oui, c'est ça, fit-il en tournant la tête vers moi. Alors que Léo et moi avons les cheveux brun foncé...

La fin de sa phrase le fit sourire. Et ce même sourire me fit mal au cœur. Il était à la fois heureux et triste de parler de ses frères et de trouver des points communs. Comme de véritables frères.

Je lus de l'espoir dans ses yeux. L'espoir que je me souvienne de son frère. Malheureusement pour lui, ce n'était pas encore le cas.

Je secouai la tête.

— Je me souviens seulement qu'il est blond, avec beaucoup de bracelets. Et une casquette.

J'avais l'impression de mieux comprendre Zayn. Mais en même temps, ces révélations ramenaient de nouvelles questions. Je ne l'avait pas totalement saisi.

Sa mâchoire se serra davantage, et j'eus un mauvais pressentiment. Il se gara en trombe en face d'un château, à côté d'une dizaines d'autres voitures.

Mon pouls s'accéléra instantanément. Comment pouvait-on se sentir aussi joyeuse aux côtés de quelqu'un tout en étant en danger de mort ?

J'avais sous-estimé le temps de trajet, croyant qu'on irait tout droit au Missouri, là où siégeait les Wood. Mais apparemment, ils s'étaient donnés un autre point de rendez-vous.

Mon cœur me faisait mal, cognant contre ma cage thoracique avec force. J'avais tout fait pour oublier leurs visages. Étaient-ils ici ? Ou au Missouri ? Combien étaient-ils ici ?

Qu'allaient-ils me faire ?

Face à ma plus grande peur, de nouveau à quelques mètres de moi, je perdais tous mes moyens. C'était comme si on me ramenait en arrière en un clic, comme si...

—  Je suis sûr que tu vas t'en rappeler un jour, fit Zayn d'une voix plus ferme. Parce que c'est toi qui as tué mon frère aîné.

A ces mots, comme s'il ne supportait plus d'être assis dans cette voiture, dans un espace aussi fermé avec moi, il sortit et referma la portière, avant de m'enfermer dans la voiture.

Super.

Désorientée, mes sens en alerte et le sang faisant tambouriner mes tempes, je jetai des coups d'œil autour de moi. Je ne reconnaissais ni l'endroit, ni ce château de merde.

Ça faisait trop en même temps, je ne pouvais plus rien digérer.

Léo... Apparemment, il ne savait pas qu'il avait un frère. Sinon il n'aurait pas été aussi surpris lorsque je lui avais demandé d'enquêter sur Zayn.

Savait-il, pour son autre frère défunt ? Sûrement, vu que Barbara était en couple avec...

Barbara... Elle avait dû garder le secret à cause de mon amnésie. Elle qui était aussi tact et sans filtre avait préféré me protéger ? Elle avait enduré seule ce deuil, tout comme le reste de Phoenix. J'avais été la seule à ne pas en souffrir, grâce à mon amnésie.

Un lot d'émotions s'entrechoquait en moi. La culpabilité de les avoir laissé traverser ça seuls, le regret d'avoir eu cette amnésie sortie de nulle part, la frustration, de m'avoir rendue compte que Zayn était plus brisé qu'on ne le pensait.

"C'est toi qui as tué mon frère aîné."

Ma tête tournait à mille à l'heure, si bien que je me concentrai sur la voix de Zayn à l'extérieur de la voiture.

Il était au téléphone, me tournant le dos. Je dus me déplacer discrètement sur le siège conducteur afin de mieux percevoir sa voix à travers la vitre. Mon instinct de survie se réveillait. J'étais Rhéa Kei. J'avais déjà tué par le passé, et je m'étais déjà retrouvée dans de pires situations que celle-ci. Alors je n'allai certainement pas me laisser submerger par mes émotions, pas maintenant...

Une voix reconnaissable entre toutes suffit à me pétrifier sur mon siège. Sans même me regarder, je savais que mon visage avait perdu de ses couleurs.

Mélia. Maman.

Après des années à la fuir, j'entendais de nouveau cette voix. Au moins, elle n'était pas ici.

"Prépare-toi"

Un violent frisson parcourut mon échine.

— Tu as Rhéa ?

—  Oui, elle est avec moi. Vous en êtes où de votre côté ?

—  Eos Hunt reste introuvable.

Je retins ma respiration.

— Impossible, fit Zayn.

—  C'est un espion, Zayn. Il est connu pour sa discrétion. Reste sur tes gardes.

—  Il ne me fait pas peur.

—  J'espère bien.

Ça, c'est tout toi, maman.

Combien de fois m'avait-elle répété que nous étions des femmes fortes ? Les faibles l'insupportaient.

Eos ? Dan et Chris ? Paniquai-je soudain.

Même dans ce genre de situation, mon côté de cheffe ressortait : il fallait que je m'assure être seule dans la merde, pendant que les autres allaient bien.

Lui : Le gang de Marlon est sur le coup.

Et toi, c'est quoi ton coup ?

Lui : C'est toi.

Alors que je m'apprêtais à rétorquer, un vide soudain dans ma tête coupa mon élan.

Quel enfoiré.

Il venait de couper la communication. Dans quel but ? Il était le seul à qui je pouvais parler en ce moment crucial. Je n'avais même pas pu lui faire part des révélations.

Ou alors, ce n'était pas intentionnel ?

Bravo, Eos. Il avait réussi à me faire paniquer d'autant plus.

Rhéa. Eos a peut-être besoin de toi. Réfléchis.

Zayn était toujours au téléphone, mais je ne l'écoutais plus. Mes mains tremblèrent lorsque je retirai une épingle de sous mes cheveux. Elle était toujours avec moi. Je ne la remercierai jamais assez.

J'avais eu la réponse à mes questions. Maintenant, il était temps de s'en aller.

Je regardais le vide laissé par les clés, qui étaient dans la main de Zayn.

Ça ne devrait pas être si compliqué, je l'ai déjà fait, je peux le refaire.

Je m'abaissai de sorte à pouvoir atteindre le cache sous le volant. Je sortis ma dague et entrepris de dévisser le cache malgré mes mains tremblantes, gardant mon épingle entre les lèvres.

Le cœur battant à tout rompre, je n'osais pas regarder par la vitre, mais les voix m'annonçaient que Zayn était toujours au téléphone.

Il lui suffisait que d'un mouvement pour qu'il se rende compte que je ne me tenais pas sagement assise.

Je posai le cache au sol, et, sans hésitation, m'empara du faisceau de câble qui contenait le fil du démarreur.

Je m'emparai de celui-ci et le dénuda avec ma dague, non sans avoir le cœur au bord des lèvres. Manipuler des fils dénudés s'avérait très dangereux, et je ne m'appelais pas James Bond.

Merde, ou est le fil de la batterie ? Paniquée, je les triturais un à un. Je choisis un fil rouge, espérant que mon expérience et ma mémoire ne me jouait pas des tours.

C'est le cas de le dire.

Je dénudai le fil rouge de la même façon que le fil jaune du démarreur. Puis, je pris une grande inspiration avant de garder l'air dans mes poumons, m'empêchant d'expirer.

J'approchais les deux bouts de fil dénudés et les frotta entre eux. La première étincelle me soutira un sursaut. Je recommençai l'opération, jusqu'à ce que le moteur de la voiture vrombisse.

Sans me faire prier, sachant éperdument que Zayn venait de comprendre, je me redressai en grognant de douleur à cause de ma blessure, me retrouvant face au volant.

Je démarrai sans perdre de temps, mais la portière du côté passager s'ouvrit à la volée aussitôt, me soutirant un sursaut.

Zayn apparut dans l'habitacle, claquant la portière derrière lui a la hâte, essoufflé. Dans la précipitation, il avait lâché son téléphone au sol, et avait manqué de tomber sur le gravier.

—  BORDEL RHÉA.

Je ne me sentais pas bien. Pas bien du tout.

—  DESCENDS, m'écriai-je à mon tour alors que je peinais à rester droite sur la route.

—  ARRÊTES CETTE VOITURE, tout ira bien OK ?

Mes mains se serrèrent sur le volant, tentant de réduire les zigzags que faisaient la voiture.

—  TE FOUS PAS DE MA GUEULE ET DESCENDS OU JE TE JURE QUE JE TE POUSSE SUR LA ROUTE, fis-je d'une colère issue de la panique.

Alors que je tentais de fixer ladite route, une sensation familière me chatouillait les sens. La panique, les mains tremblantes, les cris, le volant indomptable et... Le noir.

Mon corps fut brusquement jeté en avant, la ceinture me coupant le souffle. Pendant d'interminables secondes, tout ce qui me tournait devint flou. Je me sentais tournoyer, jusqu'à que ce cauchemar cesse enfin.

Mes yeux luttèrent pour s'ouvrir, tandis qu'une autre partie de moi voulait juste les laisser en paix, les laisser se refermer, et se reposer, enfin. Mais le repos n'était pas une option, je cherchais un paysage en face de moi à comprendre et à discerner tant bien que mal.

Cependant, les larmes ruisselaient déjà le long de mon visage, et m'empêchaient de voir mon environnement.

J'étais là sans être là.

J'étais en transe.

Je sentais mon cœur s'affoler, se réveiller, et petit à petit, accélérer en tambourinant de plus en plus fort. Je l'entendais. J'entendais ce qui me maintenait en vie dans tout mon être, et cela me montait dans la tête, résonnait en moi.
Comme s'il refusait de me laisser oublier son existence. Ma tête me faisait atrocement mal, comme enserrée dans un étau, je me sentais prise au piège, démunie, et surtout, abasourdie.

Mes poumons accompagnaient mon cœur, l'air entra à sa guise, fit soulever mon buste gracieusement et s'échappa par ma bouche. Il faisait chaud.
Mes mains, puis mes bras, mes pieds et mes jambes. Je les ressentais, ils étaient toujours là, endoloris, mais présents. Je ressentais donc toujours la douleur.

Puis j'entendais un son, d'abord inaudible, qui se faufilait jusqu'à moi, par-dessus tout ce fracas que produisait mon être.

Une voix masculine, la plus apaisante et rassurante que je puisse entendre.

Mais une voix paniquée et perdue. Était-ce cela, le paradis ? Je ne fis l'effort ni d'ouvrir les yeux, ni de bouger. Pourquoi faire ?

—  Rhéa...Rhéa... Rhéa !

Je ne savais pas si j'avais répondu, les sons se mélangent, s'entrechoquent, et j'étais enveloppée dans un confort inconfortable qui m'empêchait de réfléchir. Mais je sentais un autre souffle se mélanger au mien, et caresser mes joues.

La voix se releva avec effort tant bien que mal, puis se brisa de plus en plus, jusqu'à redevenir un chuchotement qui se tut.

La seule image qui vint se superposer à cette voix inconnue fut celle d'un homme aux yeux d'un bleu de glace.

—  Une... Impression... Déjà... Vu... Pas vrai... ? Bouge, Rhéa...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Heyyy, ça va vous ?

Chapitre un peu long, je vous l'accorde. J'ai trop été embarquée dans l'univers, oupsi.

Les choses commencent à changer, on approche de plus en plus de la fin, my god.

Que pensez-vous de Zayn, maintenant que vous connaissez la vérité ? Est ce que vous le détestez quand même ?

Vous allez être gâtés en émotions avec les prochains chapitres eheh. Et vous n'êtes pas au bout de vos surprises.

Le prochain chapitre sortira dans la semaine !

Kiss. 💋

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top