45・Nuage Orageux
Eos Hunt.
Je préférais être celui qui instaurait la crainte plutôt que de craindre les autres.
Et pourtant, elle avait brisé toutes mes défenses.
Je craignais ce pouvoir qu'elle exerçait sur moi. Ce fait qui, dès qu'elle était blessée par quelqu'un d'autre que moi-même, me faisait tourner en bourrique. Mon cœur l'avait accepté : il savait l'effet qu'elle me faisait et était certain que ça n'allait pas s'arrêter de sitôt. Me voilà dans un dilemme des plus épineux. Faire confiance à cet instinct amoureux et laisser la peur de l'abandon prendre le dessus ? Ou continuer à mettre ma vie entre les mains de ma conscience, antipathique, cruelle et froide ?
Le souci, avec cette balance, c'était qu'il était plus facile de pencher vers le cœur. J'étais trop faible pour lui résister, et il était trop fort pour équilibrer la mise. C'était ça, la raison de ma peur.
Putain de merde.
Moi, un espion et mercenaire capable de piétiner littéralement des têtes sous sa semelle en riant, j'avais une peur. Une peur divisée en plusieurs branches. La perdre. Qu'elle se blesse. Qu'elle me trahisse. Qu'elle se rende compte qu'elle n'avait pas besoin de moi.
Des branches toutes reliées à une seule et unique personne. Rhéane Kei.
Tu as inéluctablement et sempiternellement mon cœur entre tes mains, gamine. C'est ce que tu voulais, n'est-ce pas ?
A dire vrai, dès le début, je savais qu'elle m'aurait entre les mailles de son filet. Parce qu'il me suffisait de peu, du moment que ça venait d'elle.
En combattant, j'en avait profité pour me dévoiler à elle. Lui exposer le nouveau Eos sanglant qu'elle ne connaissait pas encore.
Parce que quelque part, je voulais qu'elle soit au courant. Qu'elle soit prête à me connaître à nouveau.
Je pensais qu'elle serait tellement terrifiée qu'elle n'oserait plus m'approcher.
Mais elle avait fait tout le contraire en décidant de venir se battre à mes côtés. Et à ce moment-là, une boule s'était formée dans mon ventre.
Mais elle n'était pas désagréable. Plutôt... Surprenante. Douce. Nouvelle. Purée Kei, tu vas m'achever et venger toutes mes victimes.
Elle m'avait confirmé une deuxième fois qu'elle ne me laisserait plus seul.
— Je vais finir par croire que t'es possédé si tu continues de me fixer comme ça.
M'extirpant de mes pensées, elle m'enfila mon casque de moto et me le clipsa comme à un enfant. Je gardai un sourire bête sur le visage, indifférent à son regard méfiant.
On s'était presque embrassés. Tout était nouveau. Notre relation passait par toutes les étapes possibles et inimaginables. Moi qui la considérais pendant longtemps comme une petite sœur à protéger... C'était la même chose, mais en plus intense, plus ardent. Plus...
Je me réveillai soudain, les pieds de nouveau sur terre.
— Hé, ce casque est à toi.
Alors que je tentai de le retirer pour le lui enfiler, elle ferma la lisière d'un coup sec, le regard fourbe.
— Je n'en ai pas besoin.
Et, sous mon regard amusé, je la vis qui se dirigea vers une moto garée sur le petit parking privé de Move. Une magnifique Kawasaki rouge écarlate. Tout comme ses ongles parfaitement limés. Je la regardai faire, m'appuyant contre ma bécane en croisant les bras malgré le fait qu'ils soient endoloris.
— J'en ai toujours une ici, m'expliqua-t-elle en enfilant son propre casque après avoir secoué ses cheveux noirs.
Epoustouflante. C'était l'adjectif qui se collait à mon esprit comme un sangsue. Sale riche, aussi...Notre enfant serait gâté, avec nous deux...
Peu après son "On a un enregistrement à écouter", en deux temps trois mouvements, elle s'était retiré la balle logée dans son épaule elle-même, non sans un râle douleur et au bord du malaise.
Mais elle l'avait fait d'une traite, sans hésiter. Comme si elle avait eu peur de changer d'avis. Si je m'étais approché contre sa volonté pour l'aider, j'en aurais perdu des membres.
Lian était resté auprès de Liam selon mon ordre, ce qui avait soulagé Rhéa, en apparence, du moins.
Elle démarra sa moto en un ronronnement puissant, s'arrêtant à côté de la mienne. Quand cesseras-t-elle d'être aussi provoquante rien qu'en me jetant son regard de vipère ?
Dans l'optique de clipser son casque sous son menton, mes mains avancèrent vers elle. Et bien vite, elles rencontrèrent les siennes, qui tentaient de m'arrêter. Trop tard.
Ses prunelles étaient chargées d'émotions que je ne saurais décrire. Je suivi bien vite son regard qui s'attardait sur mon bras. Ou plutôt, les traces de ma mutilation.
Je remis ma manche en place. Ces marques n'étaient pas sur mon bras pour rien. Elles me rappelaient l'essentiel : ne pas lui pardonner. Malheureusement, ça devenait de plus en plus difficile.
Je me détournai d'elle pour enfourner mon habituelle moto noire, évitant son air peiné à tout prix. Mon corps meurtri, mais encore chaud, éloignait le sommeil qui menaçait de m'attirer aux pays des songes.
Zayn. Quel salaud. Pourquoi se lier avec Joe et ne pas demander de l'aide à la famille ? Ce type était un mystère dont la réponse démangeait ma curiosité autant que mes poings. J'allai devoir jouer sur la carte de l'alliance, moi aussi. Le gang de Marlon n'attendait que ça, a priori : faire tomber Joe.
Soudain, je reçu un coup. Surpris, je regardai Rhéa, amusée. Elle venait de me percuter avec sa tête, entrechoquant nos casques. Elle reprit sa position initiale.
— Ça ne te ressemble pas d'être en colère comme une personne normale. Arrête de froncer les sourcils comme ça on dirait le grinch.
Je roulai des yeux. Moi, m'énerver ? Seulement pour toi, Kei...
— Sois réaliste, Rhéane. C'est pas moi qui tue par colère. Moi, je tue par plaisir. C'est toi le grinch.
— Je sais pas lequel est le pire, lâcha-t-elle visiblement vexée.
— Parce qu'il en faudrait un pire que l'autre ?
— J'avais oublié à quel point t'aimais jouer les philosophes. Alors laisse-moi te dire que...
Elle fit rugir son moteur, ajustant sa position sur la moto. Et surtout, son boule. Ce fichu boule. Elle savait ce qu'elle faisait.
Peut-être pourrais-je être son Bill, à celui-là...
— Les Hunt ne me font pas peur.
Et à ces mots, elle démarra en un quart de tour à une vitesse ahurissante.
Elle : Rattrape-moi. Hunt.
Mon sourire grandissant, ma mâchoire m'en faisait mal. Mais heureusement pour moi, cette sensation d'excitation réapparue balayait tout le reste.
Toujours.
Sa demande était calculée. Elle se jouait de moi, m'ensorcelant pour me forcer à la poursuivre continuellement tandis qu'elle fuyait. Répétant ce même schéma qui écrivait notre histoire.
Mais je m'en foutais royalement. Parce que j'allais la rattraper. Comme toujours. Elle pouvait bien continuer, parce que j'allais finir par aimer ce défaut là aussi...
Je fis vibrer le moteur sous mon corps, un sourire collé à mon visage. Impossible à retirer. En baissant les yeux, je vis une trace de rouge à lèvres sur ma main. Son rouge.
Quand ? Comment ?
Aucune idée. Mais ça me rendait fou.
J'accéléra, et la vis bientôt de loin. Nous entrâmes sur le pont survolant l'eau calme et reflétant de la nuit.
Elle zigzaguait entre les voitures, se fichant éperdument des klaxons. Bienvenue à Chicago.
Je me sentais tellement bien, à cet instant précis, que je m'étonnais moi-même. Moi, ma moto, dans la nuit noire, sur un pont donnant la vue sur l'eau et la ville. Et elle.
Elle.
J'accéléra d'autant plus, roulant aux mêmes endroits qu'elle. Me faisant klaxonner également.
J'adorais ce pont. Il était la définition même de l'apaisement. Et pour moi, il était bien plus.
Parce que je me trouvais à l'endroit où j'avais hésité à sauter. Quelques années plus tôt. Au moment où je me posais bien trop de questions. Un temps révolu, parce que j'avais pris la résolution de toujours m'amuser de tout.
Un temps révolu, parce que j'avais pris la décision de la retrouver, me donnant ainsi un réel objectif dans cette vie de merde.
Je fronçai les sourcils. Elle avait légèrement ralenti, parlant à un conducteur qui avait baissé sa vitre. Et au vu de son avant-bras en dehors de la voiture, il parlait avec les mains. Et il semblait énervé.
Quelques instants après, elle se remit à accélérer, dépassant la voiture avec qui elle venait de parler. J'en profita pour m'abaisser, ne faisant qu'un avec ma moto, bien décidé à savoir de quoi il en retournait.
Arrivé à la hauteur de la fameuse voiture, le type fumait sa cigarette et me regardait de haut tout en conduisant. Des cernes, un visage lisse et des cheveux en pagaille. Pas de doute, il avait la vingtaine. Même s'il faisait plus pitié que moi, l'éternel dieu vivant.
— Qu'est-ce que t'as toi ? Lança-t-il d'un air hautain.
— Tu lui as dit quoi ?
— Je comprends pas mon frère.
— C'est bien dommage.
Je souris en sortant mon gun, le pointant sur lui sans hésitation. La peur traversa ses iris. Cette peur délicieuse qui abreuvait mon excitation.
— Retire tes mains du volant.
— T'es taré putain, je conduis ?!
— Retire. Tes. Mains. Et applaudit.
Il tentait de n'afficher aucune trace de peur, et serra la mâchoire. Il s'exécuta alors que mon sourire s'étirait davantage. Il avait bien vite compris qu'il fallait m'obéir sans broncher.
Il applaudissait comme un demeuré et ce spectacle me fit rire. Je jetai des coups d'œil à la route pour contrôler ma trajectoire, les muscles contractés.
— OK mec, t'es tombé dans le panneau de Rhéa.
Il remit ses mains sur le volant en vitesse, desserrant la mâchoire en me souriant.
Je haussai les sourcils, déconcerté par son changement de comportement inattendu.
— C'est son message : "Perdu." Reprit-il en se concentrant sur la route d'un air blazé.
Attendez. En quelques secondes, elle avait convaincu un type random de jouer la comédie et de... Fascinant. Tellement, fascinant !
Elle s'amusait bien, avec sa célébrité. Son attention envers moi allait finir par me faire rougir.
Je ris de bon cœur, attirant le regard interrogateur du mec. Il ne se sentait pas à l'aise, et déglutit.
Et il avait bien raison. Parce que soudainement, elle venait de réveiller quelque chose en moi. Quelque chose de pas bon du tout.
— La prochaine fois que tu souris en prononçant son prénom, tu devras sourire quand je t'exploserais la cervelle.
Il blêmit, et n'osait pas porter son regard sur moi, sentant toujours le gun menaçant pointé sur lui.
— Aaah, quelle bonne journée ! J'ai bien envie d'un petit whisky tout mignon.
Je rangeai mon arme dans ma ceinture et le salua de la main, un sourire aux lèvres, avant de le dépasser.
Hé, toi.
Elle : Qui ça, moi ?
L'asiat insolente aux lèvres rouges.
Elle : Oh, elle.
Ça t'amuse ?
Elle : Beaucoup.
— Moi aussi.
Elle tourna la tête vers moi. J'avais réussi à la rattraper, roulant à ses côtés. Nous nous arrêtâmes au feu rouge à l'unisson.
Je massais mes poignets. Mon corps semblait me révéler peu à peu les efforts et blessures subies durant le combat contre les sous-fifres de Joe. Des bouffons d'incapables. Les pauvres, ils avaient quasiment été des punching-balls. J'avais eu le sentiment exaltant d'être ce boss final increvable.
Au final, j'ai bien réussi à te démasquer le premier, télépathe.
Cette histoire de télépathie semblait être un don du ciel. Quelle nous touche nous deux, en particulier, semblait être l'ironie du sort. Et pourtant, je m'y étais très vite habitué. Tout me paraissait amusant.
Elle : Grâce à Zayn. Pas tout seul.
Et dire qu'à cette soirée de trafiquants j'avais refusé de croire que c'était toi.
Elle : Tu avais déjà des doutes ?
Elle s'allongea lentement, le dos sur sa moto, tournant la tête vers moi. Le noir de sa chemise m'empêchait de me rendre compte des dégâts de sa blessure, et ça me frustrait. Tout autant que ses courbes dans cette position...
Un peu. Mais pour moi c'était impossible. Parce que t'avais plus d'ego que la télépathe. T'es du genre, la reine du monde. Et elle elle était...
Elle : Oublie tout ce que j'ai pu te dire, me coupe-t-elle sèchement.
Elle pensait sûrement à ces moments où elle s'était confiée. Ses moments de faiblesse. N'avait-elle pas encore accepté le fait que j'étais, et serait toujours la personne qui la connaissait le mieux ?
Tu crois vraiment que je ferais ça ?
Elle ricanait. Signe qu'elle se doutait de ma réponse.
Elle : Majestueux professeur de télépathie, qu'il disait.
Ris bien ris bien. En attendant c'était moi qui recevais chacune de tes envies de meurtres qui te passaient par la tête. Une véritable furie...
Elle : Sinon, maintenant qu'on sait qui est l'autre.
Ses yeux se plissèrent derrière sa visière. Elle souriait.
Elle : Tu m'avais proposé un autographe, non ? Le jour où on se verrait.
C'est vrai. Ça te démange tant que ça d'en avoir un ? Je peux te le faire en nature si tu veux...
Elle : Justement...
Surpris qu'elle rentre dans ce jeu dangereux, elle me cloua le bec. Et lorsqu'elle reprit, je me sentis soulagé. Ne joue pas avec moi comme ça, serpent.
Elle : Je rigole, Eos. Tu es bien le dernier qui a le droit de me toucher.
Et pourtant, il semblerait que tu tombes souvent dans mes bras... Ça fait deux fois, déjà.
Elle : Je ne t'ai pas pardonné pour la cicatrice de Chris, tranche-t-elle en ignorant ma taquinerie.
Je t'en prie, gamine. Je t'ai sauvé la vie tout à l'heure. En dépit du fait que tu n'en avais rien à faire de la mienne quand tu t'es barrée.
Elle : En quoi ? C'est moi qui me suis prise une balle pour toi.
Elle s'était redressée, manifestement mal à l'aise que je sois aussi direct quant à notre sujet sensible.
Et je ne t'ai rien demandé. Mais j'avoue que ça m'a amusé...
Elle : De ?
Te voir aussi faible, à ma merci. Et dans mes bras.
Elle : Psychopathe.
Oh, non...c'est trop pour mon petit cœur...ironisai-je.
Feu vert. Elle se redressa, et se mit à rouler comme si sa vie en dépendait. Comme si, soudainement, elle n'avait qu'un désir en tête : s'éloigner de moi. Et, après tout, c'était justifié. Même si elle le cachait drôlement bien, elle devait penser à Liam, Dan et Chris.
Je le sentais. Elle s'efforçait de m'interdire l'accès à ses réflexions internes, ce qui confirmait mon hypothèse.
Rhéane Kei était la personne la plus empathique à ma connaissance. Et là, tout de suite, elle devait se faire un sang d'encre à s'en mordre les doigts. Sans ses gants de cuir, elle se serait sûrement enfoncé les ongles dans la paume.
Son épaule devait lui faire atrocement mal. Et pourtant, ça aussi, elle le gardait sous contrôle.
Le reste du trajet se déroula sans encombre. Tout simplement pour éviter une troisième guerre mondiale, elle ignorait toutes les blagues que je lui faisais par télépathie. J'attendais qu'elle craque, qu'elle s'énerve. Et elle le savait.
Alors elle se murait dans le silence, trop préoccupée pour m'accorder son attention.
Arrivés à destination, ni une ni deux et elle se précipitai déjà à l'intérieur.
Assis sur le canapé, je me laissai choir à ses côtés, ce qui me vit un regard noir en retour.
Elle sortit un petit disque de sa poche de jean, semblable à celui collé sur la cheville de Joe. Curieux mais sur nos gardes, elle l'activa en pressant son pouce sur la surface.
Le son grésillait, faisant vibrer le petit cercle désormais posé sur la table basse. Tous deux penchés en avant, l'oreille tendue, nous étions aux aguets.
— Qu'est-ce que tu attends de moi ? Je suis peut-être en position de faiblesse, mais si je meurs, tu meurs, s'éleva la voix de Joe, hautain comme à son habitude.
— Même si le disque capte les cordes vocales depuis l'intérieur, la deuxième surface, celle qui n'est pas collée à la peau, permets d'entendre l'interlocuteur, m'informa Rhéa.
Je hochai la tête, concentré. La voix de Zayn, déterminée, s'éleva aussitôt.
— Bon, OK. Je vais aller droit au but. Il me faut Rhéa à tout prix. Vivante et sans aucune égratignure. Mais y'a pas que ça.
Il semblait hésiter longuement, ou alors il prit une gorgée de son verre.
— Je ne suis pas venu ici que pour elle.
— Dépêche, le somma Joe sans aucun respect.
— J'ai deux frères, l'un est mort, l'autre non. Je veux que mon dernier frère soit protégé de n'importe quoi et de n'importe qui.
En tournant la tête dans sa direction, je compris qu'elle était tout aussi surprise que moi. Elle ne semblait n'avoir aucune idée de l'identité du frère de Zayn. Ni du fait qu'il en avait deux. On venait de gagner à la tombola. Après tout, savoir que Zayn travaillait pour eux nous avait suffi à ne pas vouloir en savoir davantage sur lui. Quelle erreur.
— Et donc, morveux ? Je gagne quoi, moi ? Sachant que je t'ai déjà aidé avec cet antidote à la con.
— Je n'ai pas fini. Tu ne toucheras pas à un cheveu de Phoenix. C'était les amis de mon frère défunt.
Je n'ai pas besoin de la regarder de nouveau pour deviner sa réaction. Elle semblait perdue, et, il était certain que nous pensions tous deux à la même chose : son amnésie aurait-elle un lien ? C'était la seule réponse possible face à son ignorance.
Et l'explication se trouvait forcément dans ses souvenirs tombés dans l'oubli. Lian n'avait jamais fait mention d'un autre membre à la suite de ses recherches. À moins que le mystérieux frère de Zayn ne fût pas membre ?
— Tu te fous de ma gueule ? Alors tu veux que je protège ton frère, et qu'en plus de ça je ne touche pas à Phoenix ? Tu vois ce qu'elle m'a fait ou tu es aveugle ? J'ai un mal de tête continu, je ne peux plus marcher seul et je...
— Joe, ne fais pas comme si tu étais le roi du monde. Justement, tu as besoin d'un allié en ce moment, sinon ils vont tous te tomber dessus. C'est ça, ta contrepartie. Une protection de ma part. Je me charge du gang de Marlon et Ander.
— Fait chier ! Rouspéta Joe. Même si ce n'est pas moi, Phoenix a beaucoup d'ennemis tu...
— En revanche, je te laisse quartier libre pour Eos. Il peut se montrer comme une entrave à mes objectifs.
— Ça tombe bien, j'avais déjà prévu de l'empoisonner, ce soir.
Nous échangeâmes un regard. Sans mot, nous nous comprenions. Le couteau empoisonné avait été pour moi depuis le début. Mais dans la rage et l'instinct de survie, Arthur avait poignardé le mauvais : Liam.
— Alors ? L'antidote ?
— J'en ai qu'un. Tiens.
— Comment ça, t'en as qu'un ? S'indigna Zayn. Je t'en avais bien demandé deux, ni plus, ni moins.
— Oui, mais l'homme que je suis a trouvé ça plus judicieux d'en voler qu'un seul au labo. J'ai fait l'erreur de sous-estimer cette garce. Avec un seul antidote, ce sera plus difficile.
— Ou tu veux en venir ? Cet Antidote était... Merde.
— Ça y est ? T'as compris ? Elle va devoir choisir entre les deux, ricana Joe, satisfait. J'ai dû administrer la moitié de l'antidote à l'autre, sinon il serait déjà mort. Il a tellement bien encaissé qu'il n'a eu que très peu de symptômes. Mais ça ne va pas tarder.
Au début, je voyais Rhéa enfoncer ses ongles dans sa paume, par rage et anxiété, sans doute. Mais soudain, une lueur traversa ses iris, et elle referma davantage sa poigne, si bien qu'une fine perle de sang s'échappait de sa paume.
Quelque chose m'échappait, mais elle semblait avoir compris. Et ça n'avait pas l'air de lui plaire. Si j'avais été touché, elle aurait dû choisir entre moi et... Qui ça ?
— Putain, j'ai mal à la gorge, râla Joe, qui faisait sûrement allusion à l'effet secondaire du disque collé à sa cheville.
— C'est bon pour moi, conclut Zayn.
Je me chargeai d'éteindre le disque, réfléchissant a mille à l'heure.
— C'est suite à leur entrevue que Joe a placé ses hommes à la sortie de Move. Il n'a pas perdu de temps, pour s'attaquer à toi. Mais il a brisé leur accord, puisque Liam est touché, résuma Rhéa.
— Tu devrais le dire à Zayn, suggérai-je.
— Pourquoi ? Risquer qu'ils brisent leur alliance et que Joe s'en prenne au reste de Phoenix ? Sans moi.
— Zayn pourrait se charger de Joe à cause des accords brisés, et son gang serait démantelé. Phoenix n'aurait rien à craindre.
— Et pourquoi Zayn perdrait du temps à s'occuper de Joe ?
— Parce que quand on l'énerve, on le trouve facilement. Faisons en sorte qu'ils s'entretuent, qu'on en finisse ! M'écriai-je, exaspéré.
Je fronçai les sourcils. Sa mine amusée ne me disait rien qui vaille.
— Quoi ? Dis-je sur la défensive.
— C'est drôle, c'était mon plan au début. Vous voir vous faire faire la guéguerre, Zayn et toi.
— La seule guerre qu'il y a, c'est entre toi, et moi.
Et c'est à double sens, Rhéane.
Sans prendre en compte son regard noir qui semblait me transpercer le corps, je m'emparai de sa main. Je la posai sur mon genou et força ses doigts à s'ouvrir avant que je ne m'empare d'un mouchoir pour faire cesser le sang dû à ses ongles.
— Liam est empoisonné. Alors qui est l'autre ?
A contre-cœur, elle baissa les yeux. Brusquement, je fus englouti par son esprit. Elle me montrait un souvenir à elle, forçant la connexion entre nos esprits. Elle maîtrisait la télépathie de mieux en mieux.
Mes yeux se fermèrent automatiquement, et le paysage qui s'offrait à moi fut flou et sombre, me donnant mal à la tête. Mais rapidement, il s'éclaircit et devint plus net. À cheval, Rhéa et Joseph trottinaient côte à côte sur la plage. Les sabots s'enfonçaient dans le sable chaud, tandis que les deux cavaliers semblaient préoccupés.
Je tendis l'oreille pour percevoir leur discussion. J'avais l'impression d'être dans un rêve.
— Une meuf, une brune là, me suivait partout, reprit Joseph, et puis j'ai senti une piqûre. Elle m'avait piqué avec un truc et s'était enfuie sans que j'aie le temps d'lui régler son compte. Je ne sais pas ce que c'est mais ça m'a fait un mal de chien pendant deux bonnes heures.
– T'as vu son visage ?
– Ouais, j'pourrais la reconnaître.
– J'espère que ce n'est rien de grave, sinon je la tue.
– Attends... J'étais un peu bourré mais il me semble qu'elle portait un uniforme de police.
– La police ? Le seul truc pour lequel on pourrait t'en vouloir c'est...
– Les vols, finit-il.
– Ils essaieraient de t'attraper par un autre moyen, tellement tu leur files entre les doigts ?
– Sûrement, répondit-il peu surpris. P'tain.
Mes yeux se rouvrirent d'un coup, si bien que j'eus l'impression qu'on venait de me frapper en plein visage.
— Il a déguisé quelqu'un en policière. Le poison se trouvait sûrement dans la seringue. Et... Et... Avec tout ça, j'ai totalement oublié ! Le connaissant, évidemment qu'il n'en a parlé qu'à moi ! Merde... Merde...
Rhéa s'était levée à la hâte, manquant de se cogner contre la table basse. Elle commença à faire les cents pas, se passant la main dans les cheveux.
— Tu veux dire que Joe avait prévu ça même avant le bal ?
— Oui, oui ! s'exclama-t-elle comme si j'étais le dernier des idiots. Bien avant le bal, ils nous avaient attaqués, alors on a riposté...
Je m'allongeai de tout mon long sur le canapé, et enfouis mon visage dans le creux de mon coude avant de soupirer, lançant le paquet de mouchoirs sur la table basse, dont l'usagé.
— Me refais pas une crise d'angoisse comme devant Arthur, hein, lançai-je. Ça va te fatiguer pour rien. Oh, quoi que, si ça peut te calmer... Comment on déclenche une crise chez quelqu'un d'autre ?
— Je t'en conjure, Eos. Ne m'énerve pas.
— T'es dans le déni là, t'es déjà énervée poulette.
— Je vais te crever les yeux... Je vais te les arracher... Murmura-t-elle en continuant à faire les cents pas.
Je m'efforçai de ne pas sourire, mais c'était trop compliqué. Nos conversations habituelles ou nous nous crêpions le chignon m'avaient manqué.
— C'est que t'es flippante quand t'es anxieuse. Tu devrais être embauchée chez monstres et compagnies. Allez, laisse-moi faire une sieste.
— T'adores ça, hein ? Me voir m'énerver ?
— Tu m'ôtes les mots de la bouche.
— T'es tellement égoïste, je n'y crois pas. Évidemment que si t'avais été empoisonné à la place de Liam comme ça aurait dû se passer, tu m'aurais aidé à trouver une solution.
— Je te suggères de te calmer rapidement, Kei.
— Et faire la sieste peut être ? Non.
Elle ne prononça plus le moindre mot, me soulageant de son anxiété trop bruyante à mon gout. Mais, rapidement, ce fus moi qui le devins lorsque ses pas énervés et rapides s'éloignèrent du salon.
Je me redressai et passa hâtivement au-dessus du canapé, la rattrapant par le poignet au moment où elle ouvrait la porte d'entrée sans hésitation.
— Oh, non non non. Mauvaise idée. Très mauvaise idée. Si je te demande de te calmer c'est parce que ça ne sert à rien d'agir sous le coup de l'émotion. Tu le sais, que c'est ta faiblesse, non ?
Pourquoi diable cette fille s'obstinait-elle à sauver tout le monde ?
Si elle pouvait m'électrocuter sur place, elle le ferait, au vu de son regard meurtrier.
Elle se défit de mon étreinte, dégageant son poignet, avant de relever la tête. Elle n'avait même pas pris la peine de prendre un manteau, seulement son katana, attaché dans son dos par une bandoulière.
— Je ne suis pas aussi égoïste et antipathique que toi Hunt. Dan, Chris, Lian, Joseph et Liam, sont toujours dehors, la plupart sûrement en danger. Je sais comment tu raisonnes, mais le "C'est leur problème, pas le mien", ça ne marche pas, sur moi.
— D'accord, je suis égoïste. Et c'est justement pour cette raison que tu n'iras nulle part avant la compétition de Barbara. Si ça ne tenait qu'à moi, que j'étais vraiment égoïste jusqu'au bout.
Je me rapprochais dangereusement d'elle, plongeant mes yeux dans les siens alors qu'elle retenait sa respiration.
— Je viendrais avec toi voir Zayn, qu'importe ce qui peut arriver à Dan et Chris et aux autres.
Sur le point de rétorquer, je la coupais de mon doigt sur ses lèvres.
— Mais je n'ai pas d'autre choix que de te faire confiance, et ça me donne envie de buter tout le monde.
Oui. Parce que si tout mon être me criait de ne pas la laisser seule une seule seconde, cette part de moi-même, aussi faible soit-elle, me ramenait à la raison. Il lui suffisait d'une seule pensée et d'une erreur de ma part pour qu'elle fuie de nouveau. Loin de moi.
— Alors laisse-moi partir. Seule.
Je l'observai longuement, tentant d'éviter la syncope. Comme si j'espérais qu'elle ajoute autre chose. Mais elle n'en fit rien. Parce que Rhéa Kei restait la femme la plus têtue et déterminée qu'il m'ait été donné de connaitre. Et comme d'habitude, parce que c'était sa nature, elle voulait gérer seule. Et je ne pouvais pas lui en vouloir. Parce que pour elle, réussir seule était synonyme d'accomplissement, mais surtout, une manière d'éviter de se morfondre face à ses erreurs.
Elle avait choisi la voie du danger, comme moi. Parce que cette voie là nous prenait tellement dans l'action, que tout ce à quoi nous pensions était "survivre".
Elle se perdait beaucoup trop facilement dans son enchevêtrement de pensées, lorsque ses réflexions ne s'arrêtaient jamais. Alors elle avait trouvé ce remède.
Sa phrase sonnait plutôt comme "Laisse-moi partir, sinon je ne reviendrais plus."
Je serai la mâchoire, me passant une main sur la nuque. Ça ne me plaisait pas. Pas du tout. Et pourtant, ce n'était sûrement pas moi qui allais la garder enchaînée. Pas comme eux. Pas comme cette famille de merde.
Et pourtant, devant la peur qu'elle m'abandonne à nouveau, ce n'est pas l'envie qui me manquait.
J'étais déjà dos à elle, marchant vers le salon, quand je lui lançai, le cœur au bord des lèvres :
— Bouge.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Heyyy, comment ça va ?
Alors, ce nouveau chapitre ? Un peu technique, vous suivez toujours ? Je vous ai pas perdus ?
Que pensez vous des caractères de Rhéa et Eos ? Et de Zayn ?
La suite promets... Joseph et Liam sont en danger de mort...
Kiss. 💋
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