39・Double sens
Eos Hunt.
Elle s'était vraiment faite la malle pour une simple cicatrice ? Décidément, elle n'avait jamais fini de me surprendre. Elle qui avait tué lentement et froidement un mec dans sa ruelle il y avait peu, elle se mettait en rogne pour un pauvre trait sur un de ses proches.
Bouuh, qu'elle terreur, elle aurait pu jouer dans monstres et compagnies.
Son culot me faisait rire. Elle n'acceptait pas la balafre que j'avais pu infliger à son Chris chéri. En revanche, elle semblait regarder le sang abondant au sol, celui qui coulait de la plaie qu'elle m'avait infligée. Et d'une façon imperturbable.
Je vais rouvrir la tienne, Rhéane. Je te le promets.
Adossé à la baie vitrée du salon, je la regardai sortir de la maison d'un pas décidé, ma chemise trop grande pour elle enveloppant son corps fin. Elle ne contrôlait toujours pas ses émotions. Parce que si elle avait gardé le contrôle d'elle-même, elle serait restée m'affronter. Comme toutes ces fois ou elle adorait remettre les gens à leur place sans lever le petit doigt.
Mais elle avait choisi de fuir, encore. Triste femme.
Je la suivis des yeux jusqu'à ce qu'elle passe ses jambes dans la voiture, ses cheveux noirs ondulant dans son dos et son portable en main.
Se pourrait-il qu'elle ait un lien avec la télépathe ? C'était pourtant impossible. Elles semblaient à l'opposé. Seulement, tout à l'heure, durant son appel avec la CPE, elle avait exactement dit "En effet, c'est plutôt l'eau des toilettes." Lors de la soirée des trafiquants de Chicago, ma télépathe m'avait avoué avoir plongé ses ennemies dans la cuvette des toilettes.
Je secouai la tête, la voix de Lian se faisant lointaine.
Ce devait simplement être une coïncidence. L'idée que Rhéane et la télépathe puisse être une seule et même personne me répugnait. Parce que cela voudrait dire que la seule femme que j'appréciais était en réalité celle que je haïssais. Un frisson de dégout me parcouru. Pitié, dieu des patates, tout mais pas elle.
Le pire, c'était que je ne pouvais pas comparer leurs voix. Car la voix télépathique, celle des pensées et de notre fort intérieur, n'était en rien similaire à la voix extérieure.
— Eos Hunt, fit la voix ferme de Lian dans mon dos.
En me retournant, je me pris violemment un tissu dans la gueule. Un t-shirt de compression noir. Je l'enfilai vivement. Lian avait raison, je devais m'entrainer, aujourd'hui.
— Tu viens vraiment de la laisser s'en aller ? s'enquit Lian d'un ton lourd de reproches, la main sur son fourreau.
— Quoi ? Tu veux être sa baby-sitter peut-être ? Tu la portes autant dans ton petit cœur ?
Il soupira, rassemblant ses cheveux en un chignon parfait.
— Elle à l'air de ne pas prendre en compte de tout ce que tu fais pour la protéger.
Elle n'avait sans doute simplement jamais envie de me revoir.
— Elle est du genre à se protéger elle-même. Tu entends quelque chose ?
Lian fronça légèrement les sourcils, se concentrant sur l'oreillette qu'il portait. Il secoua négativement la tête, et d'un ton calme, m'annonça :
— Ils ont été détruits.
Je souris. C'était prévisible, pourtant. Dan et Chris allaient devoir être punis au coin.
Lian me suivit dans la chambre de Rhéa tout en rouspétant sur ses manières d'agir, son manque de respect et de loyauté.
— Critique là si tu veux, mais elle ne changera pas. Elle n'écoute qu'elle.
— Tu prends sa défense ?
— Non. Je dis simplement que c'est une cause perdue. Elle a mangé hier ?
— Je ne crois pas. Après que tu aies été la voir, elle n'a pas posé un pied en dehors de sa chambre.
J'examinai ladite chambre. Comme à son habitude, elle avait fait le lit proprement. Mais lorsque je m'assis dessus, je sentis de ma main que le coussin était humide. Aucun verre d'eau ni de bouteille était posé sur la table de chevet, et elle ne s'était pas lavé les cheveux, hier.
Aurait-elle...pleuré ?
Je fixai le coussin silencieusement comme s'il allait répondre à mes pensées. Je me passai une main sur le visage avant d'exploser de rire. Pleure. Vide-toi, et je ferais en sorte que tu aies toujours de quoi pleurer.
Finalement, elle n'était pas aussi imperturbable que je ne l'aurais cru.
— T'es sûr que t'as aucun problème psychologique ? Fit Lian d'une voix qui sonnait plus comme une affirmation.
— Le seul problème que j'ai, c'est que je suis incapable d'être imparfait, répliquai-je en me relevant. Les filles adorent mes tat...Quoi ?
Son visage se fit plus dur.
— C'est ça que je voulais te dire. Ta protégée. Elle n'a pas appris l'art du katana auprès de n'importe qui.
Je m'avançai vers lui, intrigué. Ses recherches semblaient avoir porté ses fruits. Et alors qu'il commença, je me rendis compte qu'il n'était pas mon bras droit pour rien. Il parlait avec un calme et un sérieux flippant, comme un véritable sage.
— Son katana a été forgé par des rites japonais très anciens, on dit que la lame est capable de scinder la lumière...
Il avait vu le katana de Rhéa sur une photo que je lui avais montré, pour lui permettre de visualiser notre cible.
— ...C'est une arme qui a été forgée par Isamu Masayuki. Plus de soixante-dix de ses adversaires ont capitulé avant la fin du combat. Il n'était pas qu'un combattant endiablé, il a aussi été forgeron. Et sa collection de mille katanas exactement, sont reconnus pour être hors normes, renfermant un Oni, un diable japonais. Seulement, son katana ne fait pas parti de la collection, bien qu'elle a été forgée par la même main.
— Tu veux dire qu'elle a appris à manier le katana avec un mec encore plus meurtrier que moi, et que ce même gars lui as fait, genre, un katana spécial disciple ?
— C'est ce que je pense.
Wow. J'en perdais mes mots. Je devais l'avouer, elle était la femme la plus forte que je connaissais. Le katana était nouveau, à mes yeux. Mais après l'avoir observée de loin, elle semblait ne faire qu'un avec son arme. D'ailleurs, elle n'avait jamais touché d'arme à feu. Elle n'en avait jamais sorti contre moi, toutes ces fois ou j'étais venu m'amuser à lui faire peur.
— Quelle période ? m'enquit-je.
— C'est très imprécis. Mais selon les dires, la disciple de Masayuki se serait accomplie durant deux ans à ses côtés. Certaines rumeurs parlent d'une troisième année ou elle venait une fois par mois pour affronter son maitre.
Je soufflai du nez. Lian se tendit. Tout son corps se tenait droit, musclé sous son ensemble noir chic.
— Prends ça au sérieux, Eos. Elle sait ce dont elle est capable. Et si elle reste ici, c'est parce qu'elle n'a pas peur. Je comprends pourquoi elle a un caractère de diable maintenant.
— Rhéane Kei, un diable ? Ça c'est la meilleure.
Je retournai dans le salon, Lian sur mes talons. Il était soudain devenu très silencieux. Tout comme moi. Alors comme ça, elle ne s'était pas contentée de se tourner les pouces en me laissant derrière elle.
— Ne t'écrases pas maintenant face à elle. C'est ce qu'elle veut, informai-je Lian en lavant mon collier en sang.
— Reconnaitre la supériorité est une forme de sagesse, fit-il d'un ton solennel.
— Tu sais ce que j'en fais, de ta sagesse ? répliquai-je en me détournant du lavabo pour rencontrer ses yeux inflexibles.
Il maintient mon regard froidement. Me méfier de celle pour qui j'avais prêté serment de donner ma vie ? Absurde. Voilà ce que c'était. Pour moi, elle avait certes grandi, elle était devenue une femme. Mais ne plus la considérer comme une petite fille fragile à protéger ? Mon esprit et mes souvenirs s'enchevêtraient.
Serait-ce pour cela que tout le monde la respectait tant ? Est-ce que j'étais le dernier à savoir qu'elle jouissait de ce potentiel et de cette réputation chez les plus grands ?
La sonnerie retentit, et j'imitai Lian tandis qu'il s'approchait de la porte d'une démarche ferme et fluide à la fois. Maintenant que j'y pensais, Rhéa et lui se mouvaient de la même façon. Une démarche assurée et insaisissable, comme s'ils bravaient l'atmosphère. Un truc de katanains ?
L'homme statique sur le seuil de la porte gardait la tête baissée, une casquette bien enfoncée sur le crâne et les mains dans les poches pour lui donner de l'assurance. Ni Lian ni moi ne prirent la parole, attendant d'entendre le son de sa voix.
— Je cherche Rhéane Kei.
— C'est pour ? Questionna Lian, le dos droit.
— L'engager comme mercenaire, réponds l'inconnu d'une voix monotone.
Lian ne prends pas le risque de me jeter un coup d'œil par-dessus son épaule, fixant l'inconnu en le transperçait du regard. Rhéa n'était plus une mercenaire. Ce mec se fichait de nous, à moins qu'il l'ignorât.
— Tu es trop timide pour enlever ta casquette ? lançai-je en m'avançant devant Lian. Je ne vais pas te manger.
— Elle est là ? insiste-t-il en ignorant mon sarcasme.
— Ne sois pas si insociable et montre-nous ta bouille d'ange.
— Je repasserai plus tard, fit-il de la même voix dénuée d'émotion.
Il sortit son téléphone de sa poche, jetant un coup d'œil à son nouveau message. Il le rangea par la suite, se détournant de nous aussitôt.
— Ce n'est pas un hôtel, chez moi, répliquai-je fermement.
A ces mots je tentai de lui retirer sa casquette, mais au moment où elle fut dans mes mains, il nous tournait déjà le dos. Il en profita pour prendre les jambes à son cou vers une voiture noire garée dans l'allée, et s'assit au côté passager avant que celle-ci ne démarre en trombe dans un crissement de pneus strident.
Nous réagîmes au quart de tour, Lian me lançant mon casque de moto entre les mains quelques secondes après le départ de la voiture inconnue. Je l'enfilai sans m'arrêter de courir vers ma Kawasaki Z 1000 noire, lâchant la casquette au sol. Je démarrai brutalement, faisant rugir le moteur sous mes mains, ne prenant pas la peine de mettre mes gants.
L'objectif n'était pas de le rattraper. Simplement rester à une assez longue distance pour qu'il ne se doute pas que je le poursuivais, et qu'il m'amène là où il voulait aller. Je n'avais aucune idée d'où pouvait se trouver Rhéa. Mais ce mec était venu pour elle. Dixon ?
La vitesse avec laquelle je roulais me fit rapidement ressentir le vent frais. Mais la chaleur due à l'excitation et ma concentration pour conduire égalisait la balance. Mes mains, en revanche, me faisaient mal à cause de tous mes muscles tendus, sur le qui-vive.
De là ou je me trouvais, il ne pouvait me percevoir. J'avais délibérément laissé une voiture me dépasser, me cachant derrière celle-ci tout en suivant la trajectoire de ma cible avec prudence.
Le véhicule décida de se garer une trentaine de minutes plus tard. Je suivi le mouvement et stationna dans une petite ruelle parallèle à celle de ma cible. Je n'étais jamais venu dans cette partie de la ville.
Les alentours étaient déserts, il y avait peu d'habitations, mais en revanche beaucoup de verdure. De nombreux chênes se dressaient sur le côté de la route, avec des buissons non taillés entre. Le tout faisait qu'on ne pouvait voir ce qui se cachait derrière autant d'arbres.
Je posai mon casque sur ma moto, et longeai le mur. Une seule personne sur les deux descendit, et mon cœur tambourina violemment lorsque je le reconnus : Dixon. Le pote de Rhéa n'avait pas menti. Désormais sans sa casquette, ses cheveux ondulés étaient ébouriffés.
Il enjamba un buisson sans assurer ses arrières. A l'instant où il disparut au-delà des arbres, je me précipitai vers la voiture arrêtée sur le trottoir. Sans une once d'hésitation, j'ouvris la portière du côté passager, sans laisser le temps à l'homme assis de réagir et de verrouille les portes.
L'attrapant par le col, il suffit d'un seul coup porté dans la mâchoire pour le faire chanceler. Il se retint de tomber en se pressant contre la carrosserie, me suppliant d'arrêter, qu'il n'avait rien à voir avec tout ça.
— Rien à voir ? Explique-moi ce que tu fous ici, alors.
— Je...On m'a payé pour savoir où elle allait, alors je lui ai fait une proposition pour être ma mannequin ! Fit-il d'une voix meurtrie, dépassé par la situation. Il vient de me prendre mon appareil photo pour se faire passer pour mon collègue.
Décidément, elle avait tout pour elle. Disciple célèbre et mannequin. Le meurtre et la douceur.
— Si je te revois, c'est ta vie que je prendrais. Bienvenue au club des survivants, le photographe.
Son regard terrifié suffit à me satisfaire. Je relâchai ma prise violemment, le jetant assez fort contre la voiture pour qu'il finisse au sol, grimaçant de douleur.
Je me mis à courir, prenant le même chemin que Dixon un peu plus tôt. Derrière les arbres se tenait une grande colline d'herbe à la couleur vive et au sommet arrondi. Je ne ralentis pas pour autant, me hissant au sommet sans porter attention à la douleur qui tiraillait mes jambes ni à mon souffle court. Arrivé en haut, je percutai quelqu'un, et repris l'équilibre avant de récupérer mon souffle les mains sur les genoux.
Je me sentis soudain observé, et lorsque je relevai la tête, tous me regardaient.
— Je n'ai pas assez d'énergie pour refaire mon entrée en scène, là.
Je me redressai, souriant, analysant rapidement les lieux. L'homme que j'avais percuté n'était autre que Dixon en personne, en face d'un Phoenix au complet. Il tenta de s'enfuir, mais je me contentai de le retenir par le poignet avant de lui tapoter amicalement l'épaule.
— Alors comme ça, on joue au photographe Didi ? Zayn te tient vraiment par la banane, me moquai-je.
— Tu t'es décidé à venir, au final ? me questionna Rhéa en dépassant la brochette que formait ses potes.
Son ton était impassiblement factice. Elle devait avoir une folle envie de m'étriper.
— J'ai besoin de quelqu'un pour laver mes caleçons, fit-je avec un sourire en coin.
— Tais-toi, tu m'épuises, grogna-t-elle.
— Et j'adore ça.
Je fis un sourire en coin tandis qu'elle me lançait un regard lasse.
— Tu le connais, Rhéa ? Demanda Jake les bras croisés et le regard dur.
Ouh, j'ai peur maman.
— Malheureusement pour elle, répondit-je à sa place.
— Ne lui parlez pas, ordonna Rhéa d'une voix ferme. J'accepte, hocha-t-elle la tête en direction de Dixon.
— Quoi que ce soit, je viens, fit-je d'une voix amusée.
Les regards méfiants de Phoenix me firent rire, et je ne pus m'empêcher d'envoyer un baiser dans l'air en direction de Joseph, qui avait la mâchoire serrée et le regard insolent.
— C'est lui. Le mec qui a donné une fessée à un membre du gang ennemi, à la soirée ou Rhéa était, lâcha Liam en me décortiquant du regard.
— C'est cocasse, murmura Connor.
Barbara lui envoya un coup de coude. Elle était celle qui semblait le plus sur ses gardes. Son regard me lançait un avertissement que j'ignorai avec délice et indifférence.
— On y va, fit Rhéa en incitant Dixon du regard à bouger.
Celui-ci était tout sauf à l'aise, la situation échappait à son contrôle, mais il prit sur lui et garda la tête droite. Mais tout le monde sait que tu t'es fait voler ton bar, didi.
— Suivez-moi.
Rhéa ne jeta aucun regard en arrière, alors je m'en chargeai à sa place, offrant mon plus beau sourire à un Phoenix aussi tendu que Dixon.
Arrivés devant la voiture noire, le photographe de tout à l'heure avait disparu, laissant néanmoins quelques traces de sang sur le goudron.
— Il est passé où ? Fit Dixon.
— Il a sombré dans la catharsis. Tu peux conduire sans lui ? Dis-je.
— Évidemment, s'empressa-t-il de répondre.
Alors que je m'apprêtai à monter à l'arrière, la main de Rhéa m'en empêcha, me stoppant net dans mon élan tandis qu'elle en profita pour passer avant moi sans me jeter un regard.
Je sens que je vais m'amuser.
— On va ou, exactement ? S'enquit Rhéa.
Elle m'ignorait depuis le début du trajet. Et pour une raison inconnue ça me titillait. D'autant plus qu'assise, la chemise qu'elle portait remontait sur ses cuisses, et dégageait mon odeur par la même occasion. C'est là que je m'en aperçu : sa brulure.
Je devinais en un instant sa provenance. Elle avait été marquée par la tasse de thé qu'elle avait renversé volontairement sur Joe. Au vu de la taille des cercles roussis, ce n'était pas la mort, mais elle avait dû souffrir sur le moment. Et peut-être encore maintenant, voilà pourquoi elle n'avait pas mis de bas. Elle savait retenir la douleur, mais pas ses émotions.
— Dans un love hôtel. Parfait pour un meurtre à l'eau de rose, répondis-je à la place de Dixon.
Mais elle se contenta de m'ignorer.
— Dans un studio de photographie, répondit simplement Dixon, le regard rivé sur la route.
Notre chauffeur semblait au bord du précipice, il souhaitait le moins possible nous adresser la parole et croiser notre regard, préférant se convertir en robot automatisé. Il n'osait même pas faire le moindre mouvement pour allumer la radio. Résultat, les seuls sons qui parvenaient à mes oreilles étaient le moteur de la voiture. Très détente.
J'aurais préféré un Asmr d'une tuerie sanglante.
Soudain, mes mains agirent d'elles-mêmes. Je voulais qu'elle me regarde, qu'elle pose ses yeux sur moi. Mes doigts emprisonnèrent son menton, tournant son visage face à moi. Pendant quelques secondes, ma propre action me surpris, mais je me repris, affichant un sourire rieur.
— Ce n'est qu'avant un mariage, que je ne peux pas te regarder.
Elle me défie des yeux, et hésite quelques instants sans pour autant se dégager de mon emprise.
— Rassure toi, je te déteste toujours. J'espère juste que Zayn sera au studio, pour que je puisse vous voir vous entretuer, fit-elle d'une voix malicieuse.
— Oh, c'est d'un sadisme. Le Oni s'est ancré en toi, à ce que je vois.
Elle semble surprise que je sache ce qu'est un Oni, mais ne fait aucun commentaire. Je baisse finalement la main, ayant eu ce que je voulais.
— On s'occupera de ta brulure en rentrant.
— JE m'en occuperais.
Je soufflai du nez. Au manoir, lorsqu'elle se blessait, elle se contentait de pleurer, ne sachant comment réagir. Alors, en tant que son protecteur, je m'occupais de chaque blessure, qu'elle soit infime ou énorme. Que ce soit lorsqu'elle s'était égratigné le genou, en voulant faire la roue. Ou quand un client s'était montré violent envers elle.
— Tu sais faire, maintenant ?
— Je sais aussi embrasser, Eos.
Je penchai la tête sur le côté, un sourire aux lèvres en la voyant s'approcher dangereusement. Elle n'aimait pas le fait que je la compare sans arrêt à autrefois. Alors elle cherchait à me faire tomber par ce qu'elle savait le mieux faire. Charmer, dominer, impressionner.
— Embra-quoi ? Fis-je mine de n'avoir rien entendu.
Elle ne répondit pas, préférant se mordre la lèvre pour attirer mon regard là ou elle le désirait.
N'importe quoi.
— Aussi bien que tu manies le katana ? continuai-je en maintenant le contact visuel.
— Aussi bien que tout le reste.
— Pourtant, il y a une chose que tu n'arrives pas.
— Qui est ?
— Te guérir.
Ma réponse est à double sens, et elle l'a saisi. Son regard reste accroché au mien, et j'en fais de même, adoptant une pose plus détendue sur l'appui-bras de la portière. Mais le tournant de la conversation ne semblait pas lui plaire, car elle s'écarte.
— Il y a quelqu'un qui m'en empêche.
— Je croyais que personne ne pourrait te contrôler.
— Sauf que lui refuse de guérir, contrairement à moi.
Ses mots sont tranchants. Elle me fait un reproche. Elle ne s'en rend vraiment pas compte, finalement. Elle ne réalise pas que le meilleur pour elle est d'arrêter de fuir. Et de faire face à moi, au passé. Si j'étais venu la trouver, ce n'était pas seulement pour moi. Parce que c'était nous contre eux, maintenant.
Selon elle, guérir était fuir, se délaisser du passé comme s'il n'était pas ancré en nous. On ne pouvait pas guérir. On ne pouvait pas jouer les hypocrites avec nous-mêmes inlassablement.
Je l'avais accepté.
— Pourquoi faire ?
Mes mots semblent la percuter, parce qu'elle entrouvre la bouche avant de la refermer. Mes propres mots ne me laissaient pas indifférent non plus : j'étais brisé, mais au lieu de recoller les morceaux du miroir, je continuai de me regarder dedans, le visage fissuré. Même si on le recolle, ce ne sera que superficiel, car notre reflet sera toujours parsemé de cicatrices réflectives. Réparé de l'extérieur.
La voiture s'arrête, coupant court à notre échange épineux. Je ne savais pas ce qu'elle avait traversé, après moi. Mais elle ne savait pas ce que, moi, j'avais traversé sans elle.
Nous descendons et suivîmes Dixon à l'intérieur d'un petit studio d'une façade accueillante et professionnelle.
A l'intérieur, l'éclairage est tamisé, ajoutant aux murs de pierre beiges une dimension paisible et cosy. Je ne m'y connais pas, mais il y a beaucoup de matériel différent dans la pièce. Au fond se trouve une petite estrade, éclairé d'une vive lumière blanche. Là où on va poser.
De nombreux graffitis ornaient les murs, et des skates y étaient également accrochés. Cet endroit appartenait réellement à Zayn. Est-ce que c'était vraiment un studio de photo, ou l'avait-il aménagé pour Rhéa ?
Pour accompagner le tout, Charlene de Anthony Hamilton rendait l'ambiance américaine encore plus clichée. Du Zayn tout craché, les anciennes musiques.
Dixon affirme vouloir nous prendre en photo avec nos tenues actuelles, mais alors qu'il nous demande de le suivre, Zayn est là, à le regarder de ses yeux émeraudes, un casque autour du cou.
Et ce n'est pas un regard chaleureux.
Il pose la guitare acoustique qu'il tenait à la main, contre le mur. Il rejette fugacement ses cheveux longs en arrière après avoir abaissé la capuche de son sweat, et expire la nicotine qu'il vient d'inhaler par sa cigarette coincée entre ses doigts.
— Hé, Zaynou, apparemment t'as un frère ? Lançai-je.
Alors qu'il s'apprêtait à démolir Dixon, il s'arrête net dans sa lancée. Il me dévisage un moment avant de poser son regard sur Rhéa, remarquant qu'elle porte une chemise d'homme.
— Qu'est-ce que tu fais là ? Tu t'appelles Rhéa ?
— Je suis sexy, c'est pareil, fit-je, hautain.
Rhéa me lança un regard. Oui, mon humour venait d'avouer qu'elle était sexy.
— Tu as un frère ? Insiste Rhéa à son tour.
— Ou est le photographe, Dixon ? s'enquit Zayn en nous ignorant, fumant en même temps. Augmente un peu la musique, j'aime trop la vibe.
Celui-ci me jeta un coup d'œil et je lui fis coucou de la main. Zayn comprit que j'y était pour quelque chose, dans la disparition de son photographe. Il fourra les mains dans ses poches de jogging noir, faisant signe à Dixon d'aller se préparer. Celui-ci se dirigea vers le matériel, au fond de la pièce, et je ricanai.
— Je ne savais pas que tu étais aussi curieuse à mon sujet, répondit enfin Zayn en regardant Rhéa.
Je levai les yeux au ciel. Zayn jeta sa cigarette à la poubelle.
— Je veux simplement des réponses, répliqua Rhéa d'une voix ferme.
— Oui. J'en avais un, fit-il rapidement. Viens par-là, ce sera rapide.
Zayn lui tendit la main tel un gentleman de sang pur, l'accompagnant jusqu'à l'estrade en souriant.
Fossette de merde.
Rhéa avança en lui rendant son sourire, se plaçant devant la toile de fond blanche faite pour le shooting photo. Je la suivis, ignorant le grognement de Zayn. Qu'était devenu son frère ?
— Toujours à m'emmener sur scène, Zayn, fit Rhéa d'une voix mielleuse. Ça fait déjà la troisième fois.
— Et ce n'est pas la dernière, répliqua celui-ci en reculant. Tu es faite pour la scène.
En revanche, c'est la dernière fois que je me retiens de te découper en morceaux enculé. En fait, je vais vous découper tous les deux ensembles.
Dixon réapparut en face de nous, ajustant les paramètres de son appareil photo. Il portait la tenue du studio, un uniforme simple et blanc. Carrément.
— Ce sont des photos pour Red Mist, tu imagines bien que je ne veux pas ta tête de psychopathe dessus pour faire fuir les clients, fit Zayn derrière Dixon.
— C'est avec moi, ou rien, répondis-je d'un ton blazé.
— Pire qu'une sangsue. Rhéa, la scène est à toi, fit-il avec un clin d'œil.
Qu'espérait-il en lui demandant de poser pour lui ? De simples photos, ou une occasion de l'emmener ? Ses pensées étaient cachées derrière ses sourires et son attitude enjouée. On aurait presque dit moi, mais la différence était que moi, je flanquais la frousse.
Eh ouais.
Lui avait simplement l'air d'être le lycéen populaire du lycée. Belle couverture, cela dit.
— Je commence, tenez-vous prêts, nous avertit Dixon, pressé d'en finir.
Je n'avais jamais posé, et m'apprêtais à demander quelle position adopter. Mais Rhéa croisa mon regard un instant, avant de ne prendre quelques secondes pour me diriger. Elle tourna son corps vers moi, attrapa ma main pour la poser en bas de son dos, tandis qu'elle approcha dangereusement nos lèvres. Nos regards se lièrent, et je mis mon autre main dans ma poche.
Alors que les "click" de l'appareil retentirent en rafales, nous éclairant à maintes reprises d'une lumière brève mais aveuglante, je chuchotai pour que seule Rhéa m'entende, mes yeux rivés aux siens, et ma main sentant la couture de sa culotte sous la chemise. Mes yeux baissèrent vers ses lèvres.
— Je vais faire une bêtise.
Elle me répondit sur le même ton, en chuchotant, tout en restant incroyablement professionnelle. Intouchable.
— Alors ne l'as fait pas.
L'instant d'après, elle tire une chaise qu'elle a trouvé sur le côté, la ramenant devant moi.
— Assis.
J'obéis à son ordre, amusé, m'asseyant nonchalamment sur la chaise, les mains laissées naturellement sur mes cuisses. Rhéa resta derrière moi, et je sentis bientôt ses mains parcourir mon torse avec sensualité.
Je tournai la tête sur le côté, mon regard tombant sur ses lèvres rouges, et sa tête penchée sur le côté.
Click.
Elle modifia plusieurs fois sa pose, toujours en restant derrière moi, prenant parfois mon menton entre ses doigts, redressant sa tête, ou décalant ses mains sur mes épaules. Elle parcourait le haut de mon corps sans arrêt, jouant avec son corps et le mien par la même occasion. Je ne pouvais savoir si dans sa tête, elle était professionnelle, ou qu'elle avait enclenché la Rhéa séductrice.
Mais ce que je savais, c'est qu'il y en avait un qui n'était pas content. Et je compris qu'elle faisait ça pour le rendre jaloux, pour nous retourner l'un contre l'autre.
Zayn nous observait, les sourcils froncés. Mais il se retient de faire tout commentaire. La raison était simple : il était subjugué par la beauté de Rhéa. Et à ce moment précis, nous étions tous à ses pieds.
Elle contourna la chaise pour se mettre face à moi, plongeant son regard dans le mien. Elle souleva mon menton, sans katana cette fois, et déplaça ses cheveux d'un seul côté. Ils tombèrent en cascade, touchant mon épaule. Mais tout ce que je voyais, c'était elle.
Click.
Mes yeux ne pouvaient s'empêcher d'imprimer chaque trait de son visage, chaque grain de beauté, ainsi que la couleur de ses lèvres. Les frottements de nos vêtements et les faibles grincements de la chaise étaient les seuls sons audibles dans le studio.
Elle finit par s'assoir sur un de mes genoux. Je pris l'initiative de poser ma main sur le bas de son ventre en passant derrière son dos, ce qui la fit légèrement frissonner. Prise à ton propre jeu, Rhéane ?
Click.
Dans cette position, j'avais l'impression d'être le roi du monde, assis sur son trône, la reine sur mes genoux. Un duo intouchable. Pensées de merde. J'enfouis ma tête dans son cou et elle joua le jeu, renversant sa tête en arrière, mettant ses mains sur les miennes. Je soufflai doucement :
— Je peux être très respectueux, mais redonne moi encore un ordre et je vais changer la manière dont tu marches.
Elle prit une plus grande inspiration, surprise, alors que je la forçais à s'accroupir de profil, entre mes jambes. Elle releva la tête vers moi, et je la fixais tout en m'appuyant sur ma cuisse pour me rapprocher d'elle lentement, la regardant d'un air arrogant.
Click.
Quelque chose dans nos regards avait changé. Nous étions devenus des joueurs. Et aucun ne voulait perdre. Elle était bornée, j'étais mauvais perdant.
Elle se releva, s'asseyant sur l'accoudoir de la chaise. Je m'abaissais pour embrasser sa cuisse, et plus précisément sa brulure. Sa jambe réagit par un infime mouvement, mais elle continua de fixer l'objectif.
Click.
— Il y en a assez, Zayn, fit Dixon en se redressant.
Son interlocuteur ne répondit pas, occupé à retirer son sweat par-dessus sa tête, se retrouvant en t-shirt oversize vintage. Il s'approcha de nous alors que je me levai de la chaise, et enfila le sweat à Rhéa.
— Je crois que j'ai de la pommade, pour ta cuisse.
Comment osait-il prendre soin d'elle alors qu'il avait déjà fait preuve de violence envers elle durant son amnésie ? Il s'en servait pour se montrer doux comme un agneau. Le pire, c'est qu'il avait surement de quoi la soigner. Il était de ceux qui s'amusaient à faire du parkour sur les toits. Et c'était lui qui avait tagué la base de Phoenix durant son court passage.
A croire qu'il sait tout faire.
Rhéa fourra les mains dans les poches du sweat, exaspéré par autant d'affection de la part de Zayn. Elle semble habituée. Et ce n'est que maintenant que je le remarque : elle a froid. Zayn l'avait remarqué avant moi. Et il voulait soudainement panser ses blessures ? Il croise mon regard et lit en moi comme dans un livre ouvert.
— Je l'ai déjà guérie. D'une balle de ta part.
Et c'est là que je comprends. "Tu me l'as jetée dans les bras". C'est ce qu'il m'avait dit, lors de la soirée. Et lorsque ma télépathe était sur le point de s'évanouir de douleur, c'était Zayn que j'avais contacté malgré moi, pour lui venir en aide.
Zayn avait sauvé ma télépathe. Il avait sauvé Rhéa, ce soir-là, après que je lui avais tiré dessus.
J'avais jeté Rhéa dans ses bras sans le savoir.
Cette fille que j'aimais enmerder, celle qui me faisait sourire, c'était elle.
Ce lien maudit qui nous liait n'était pas près de se rompre.
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Hi ! Comment ça va ? Le prochain chapitre est déjà presque fini donc si vous avez de la chance vous aurez deux chapitres cette semaine 🤭
Voilà enfin notre révélation télépathique ! Ça leur met un coup, on peut le dire.
N'oubliez pas que vous pouvez retrouver les playlist de MOVE sur Spotify.
Et j'ai ouvert un compte insta seulement pour mon livre il y a peu : s0le.ane
Nous aussi on va devenir une secte, mais en mode Move, oupsi.
N'oubliez pas de voter et merci d'être toujours présents !
Kiss. 💋
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