17・Cache-cache
Les hommes que je recherchais étaient bien dans la pièce que m'avait indiqué Henry.
Ils étaient au nombre de quatre, derrière les barreaux de fer.
Il en manque un.
Je croisais le regard de l'unique policier chargé de les surveiller, il avait sans doute préféré garder un œil sur ces quatre-là au lieu de faire comme ses camarades et de chercher une solution à la panne de courant.
Alors que celui-ci commençait à me menacer, j'avançais en l'ignorant vers mes proies, tout en changeant le canal de l'oreillette afin de vérifier si tout le monde était en position.
J'entendis du côté de Liam des agents le remercier de son aide, Barbara venait apparemment d'assommer et de cacher le policier de l'accueil...
– Attendez deux secondes, je suis occupée.
Le policier qui m'avait menacé, tenta de me menotter, mais j'esquivais d'une fluidité serpentine, sans le moindre effort.
Il me parlait mais je n'écoutais pas, concentrée à écouter la position des autres par mon oreillette.
Il continuait alors d'essayer de m'attraper tandis que je me décalais de tous les côtés, l'esquivant sans arrêt.
Connor m'informait que les quatre premiers avaient déjà été interrogés, et que grâce à son piratage, il avait retiré les informations qu'ils avaient donné sur chacun d'entre nous.
– Apparemment, ils n'ont toujours pas donné le nom de leur chef, il y a bien une adresse mais elle n'est pas forcément vraie, fit Connor, je la note quand même.
– Ivy, fis-je en mettant le canal de mon micro sur le sien, le cinquième n'est pas avec les autres, trouve-le et met-le K.O.
– OK.
– Vous êtes drôlement tenace, fis-je à l'intention de l'agent qui continuait d'essayer de m'attraper sans grand résultat.
– Arrêtez de vous foutre de moi et dites-moi qui vous êtes.
Heureusement pour moi, l'obscurité ne lui permettait pas de me distinguer totalement, il ne pourrait pas décrire avec exactitude mon visage.
– Appelez-moi le serpent.
À ces mots, je le laissais volontairement me menotter une main, puis je retournais la dynamique de son geste contre lui, menottant sa propre main.
Me délectant de son visage ahuri, je lui donnais un violent coup de tête qui le fit chavirer légèrement en arrière, avant d'appuyer vers le bas et fermement sur la chaîne qui reliait nos deux menottes, afin de le mettre à genoux en une rapidité efficace.
Il émit un grognement de douleur, auquel je répondis en l'étouffant par derrière.
– Dors, Colas mon petit frère, dors...
– C'est quoi ce p'tain de bordel, s'éleva une voix provenant de derrière les barreaux.
Je desserrais mon emprise, et le corps se relâcha lourdement au sol. Sortant une barrette de mes cheveux, barrette que j'avais toujours sur moi au cas où, je retirai ma menotte en quelques secondes.
– Surveillez votre vocabulaire, enfoiré de mes deux, répondis-je en me rapprochant dangereusement de la cellule d'une démarche lente et assurée.
Jake entra, et referma la porte à la volée avant de la bloquer avec une chaise.
– Désolé du retard, fit-il en enjambant le corps en vrac pour me rejoindre, j'ai failli me faire prendre.
– Qu'est-ce que vous voulez ? Fit une voix plus posée que la première.
Plongeant mes yeux dans celui qui était sorti du fond de la cellule, je lui souris jusqu'à ce qu'il se sente mal à l'aise, avant de l'agripper par le col et de le cogner violemment contre les barreaux.
Il se tâta le nez avant d'essayer de se venger en tentant de m'attraper, ce fut un échec cuisant, puisque Jake s'empara de son poignet en exerçant une pression douloureuse, digne de son corps musclé.
– On veut s'approvisionner chez vous, mais on aimerait d'abord goûter la marchandise, fit Jake.
– Des mecs de la police qui se droguent, ricana le premier.
– Vous ne direz rien à personne n'est-ce pas ? Répondit Jake en renforçant sa prise.
Sous la douleur, l'homme finit par lâcher en grimaçant :
– D'accord, d'accord, pas besoin d'être aussi violent.
– Vous ne direz rien de notre passage, vous ne nous avez jamais vu, à moins que vous ne préfériez que je passe le bonjour à Samantha, May, ou encore Ari.
Ces noms étaient les prénoms de leur femme ou leur fille, facile à trouver.
– Merde... D'accord mec.
Jaky le relâcha enfin, le regardant se masser le poignet comme s'il avait été écrasé par un éléphant.
– Il faut nous payer, dans ce cas, s'avança le troisième.
– Quel est votre prix ? M'enquis-je.
– Sortez-nous de là.
– On veut le nom de votre chef d'abord, opposa Jake.
Les prisonniers échangèrent un regard pendant quelques minutes avant de déclarer :
– On ne le donne pas comme ça, mais on peut vous donner une invitation à sa prochaine soirée, si vous nous libérez maintenant, fit le premier.
– C'est une mauvaise idée, s'opposa le quatrième qui prit la parole pour la première fois.
– La ferme. Marché conclu ? Demanda le deuxième.
Je validai d'un hochement de tête entendu avec Jake, qui ouvrit la cellule grâce au trousseau de clefs qu'il avait choppé.
Lorsque la cellule fut ouverte, ils sortirent avec des soupirs de soulagement, mais ne purent s'empêcher de faire la remarque :
– Tu n'y est pas allée de main morte avec ton collègue, tout ça pour de la drogue.
– Eh oui, fis-je en prenant une expression désespérée, le boulot n'est pas de tout repos j'ai besoin de décompresser.
Ils nous donnèrent alors l'adresse de cette fameuse soirée avant de nous informer de quelques détails.
– C'est une soirée qui regroupe tous les trafiquants les plus reconnus et les plus cruels de Chicago, et notre chef en fait partie. Si vous désirez le rencontrer, il est toujours accompagné de son bras droit, un jeune qui a l'âge d'être lycéen. Et si tu veux vraiment le rencontrer, tu dois y aller seule.
Jake me regarda brusquement de son air désapprobateur, il s'y opposait avant même qu'on en discute.
– Pourquoi seule ?
– Simplement parce que quiconque veut rencontrer un chef d'une trempe comme le nôtre doit se présenter seul. Et aussi parce qu'une femme policière ne pourrait rien faire entourée d'hommes. C'est bien connu, continua-t-il, les hommes sont plus forts que les femmes.
Je m'approchais de lui, et le regardais dans les yeux en le faisant reculer de mon doigt sur son torse pitoyable.
– Contrairement à vous, les femmes sont capables de battre un homme avec leurs règles, en bikini, ou encore en talons.
À ces mots j'enfonçais les miens dans ses baskets sales, avant de regarder ma montre.
5
4
3
2
Je fis signe à Jake d'être prêt tout en me dirigeant vers la fenêtre.
1
Il appuya sur le bouton d'alerte au moment même où le courant revint, avant de sortir par la fenêtre en hâte à ma suite, la coinçant de l'extérieur grâce à un gadget, laissant les prisonniers à leur sort.
Ils n'avaient pas eu le temps de voir nos visages distinctement puisque Jake avait appuyé sur l'interrupteur à son arrivée dans la pièce, gardant la pièce dans l'obscurité.
– CONNARDS, REVENEZ, s'écria une voix à travers la fenêtre.
Mais nous étions déjà partis. Nous enjambâmes le grillage et sautâmes dans la voiture que Jo venait de rapprocher, le moteur chauffait d'un grognement qui donnait le sourire à notre conducteur, avide de vitesse.
– OK, tout le monde est là ? Demanda-t-il.
Un grand oui se fit entendre avant que la voiture ne démarre en trombe, étant côté passager, je voyais le malin plaisir qu'il prenait à appuyer sur l'accélérateur, les mains contrôlant le volant de manière assurée, se sentant revivre.
– Trop facile, se réjouit Liam, je devrais être acteur.
Après avoir constaté que l'adresse récupérée par Connor ne menait à rien sauf à une maison abandonnée, je voulu mettre au clair la situation dès le départ.
– J'irai seule à cette soirée.
Jake pris une grande inspiration.
– Tu vas te retrouver au milieu des trafiquants les plus reconnus de Chicago.
Jake était de loin celui qui avait le côté maternel le plus présent. Bien que j'aie remarqué que son côté protecteur était davantage en ma faveur.
– Tu sais ce dont je suis capable, je ne devrais même pas devoir te le rappeler, il ne va rien se passer j'irai en repérage. Et je serai quasiment un fantôme.
– Cheffe, là où tu poses le pied, tu attises les regards de tous, fit Barbara, assise sur les genoux d'Ivy par manque de place.
– Ça, pour être vrai..., ajouta Ivy en se remémorant la fois où elle m'avait vue pour la première fois.
– Qu'est-ce qui vous arrive en ce moment ? Vous avez l'habitude que je me rende seule dans des lieux sans vous, et je contrôle toujours tout.
– Tu as contrôlé la direction de la balle que tu t'es prise ? Lança Barbara sarcastiquement.
– C'est à cause de ça ? Repris-je, ce n'est qu'une malheureuse balle, bordel, ce n'est qu'une douleur physique passagère.
Les douleurs morales, elles, ne le sont pas.
– Mais vous savez très bien qu'avec ou sans notre accord, elle ira, laissez-la respirer, fit Liam toujours de mon côté.
– Tu sais pourquoi je m'inquiète ? Rhéa, tu le sais ? Commença Jake en perdant le contrôle de ses émotions la mâchoire serrée, je m'inquiète, parce que tu es tout bonnement celle qui m'a recueilli, je te vois comme une grande sœur. Et je ne veux pas perdre un membre de ma famille.
Ces quelques paroles qu'il venait de prononcer installèrent un silence dans la voiture. Nous n'étions pas du genre à nous confier, et encore moins à parler de nos sentiments.
Parce que quand cela arrivait, on nous renvoyait forcément dans le passé.
Parce que le passé ne s'efface jamais, et que nous faisons tous partis de Phoenix à cause de notre passé épineux.
Et que nos émotions intérieures ne sont que des conséquences.
Mais il venait clairement d'avouer qu'il tenait à moi. Et qu'à ses yeux, j'étais tout sauf n'importe qui.
J'étais celle qui lui avait offert une famille.
Il tourna la tête en direction de la fenêtre, ne voulant pas se confier plus qu'il ne l'avait déjà fait. Comme si c'était illégal.
Je l'observais quelques minutes, avant de prendre doucement son visage en coupe, le mettant face à moi.
– Jake, je promets que jamais je ne te laisserais. Ce n'est pas dans mes plans de mourir. Nous avons un business à entretenir, tentais-je de plaisanter, est-ce que je vous ai déjà déçu ?
– Non, émirent l'ensemble de leurs voix basses, reliées par l'amour qu'elles me portaient.
– Vous ai-je déjà abandonnés ?
– Non.
– Jake répond, ordonnais-je en le voyant reprendre une grande inspiration.
– Non.
Alors, je lui souris. Un sourire rassurant et doux, chassant ses cauchemars, bien qu'ils étaient toujours enfouis quelque part.
Parce que c'est l'obscurité qui met la lumière en valeur.
– Bien, maintenant que ça c'est au clair, il y a autre chose que j'aimerais éclaircir. Et personne ne peut se dérober ici, fis-je en relâchant le visage de Jake avec une voix rompant le sujet précédent.
– Oui ? S'enquit Jo.
– J'ai peur, ironisa Connor.
– Qu'est-ce que vous me cachez au juste ? Fis-je fermement.
– De quoi tu parles ? Demanda Ivy.
– Je parle du graffiti Phoenix sur le mur de la base, je parle de Red Mist. Je ne suis pas aveugle. Il y a quelque chose.
À ces mots avides de vérité, ils échangèrent des regards, ne sachant quoi dire où comment le dire.
– Bon, c'est trop dur de mentir, s'ensuit Ivy la première, il y a bien quelque chose qu'on te cache, fit-elle en tressaillant, c'est relié à ton amnésie. Et...
– Crois-moi, fit Joseph, il vaut mieux pour toi que tu ne saches rien.
– On te l'aurait dit sinon, compléta Liam, on connaît toutes tes facettes, et on ne veut pas faire émerger l'une d'elles à nouveau. Il faut que tu nous fasses confiance, cette amnésie que tu as est à double tranchant, mais on préfère que tu ne recouvres pas les souvenirs que tu as oublié.
– Même si pour ça, il faut qu'on porte le fardeau sans toi, termina Barbara en baissant les yeux.
– Barbara ! S'écria Ivy, tu vas...
– Sérieusement ? Si ça vous blesse autant me le dire non ? Pourquoi vous faites comme si c'était moi qui allais être la plus touchée ?
– Méfie-toi de Zayn, me lança Barbara fermement, ça, on peut te le dire. Tu le connais si tu vas à Red Mist.
– Barbara ! Tu risques de..., s'indigna Ivy.
– Il est peut-être dangereux, continua Barbara, elle doit savoir. Rhéa, tu as oublié Zayn, mais il a fait partit de Phoenix pendant une semaine seulement avant que l'on ne le vire.
– Pourquoi ça ?
– Il était impulsif, tellement impulsif qu'il mettait notre vie en danger à tous ce con, et avait l'air de s'en ficher au plus haut point. Mais tu étais la seule qu'il écoutait. Jusqu'ici, ça nous énervait un peu, mais on n'a rien dit. Un jour, il ne s'est pas contrôlé, parce qu'il est comme ça, il ne sait pas contrôler ses émotions et pique des crises de colère atroces. Il t'a frappée, alors tu l'as frappé en retour.
– Quoi ? Fis-je, ahurie.
– Il était violent, souvent, compléta Connor, on a peur qu'il veuille se venger.
Maintenant qu'ils m'en parlaient, j'avais perçu dans ses iris beaucoup de changements d'humeurs. Et cette fois, au bar, lorsqu'il avait frappé l'homme bourré.
Alors je leur racontai qu'en vérité, la fois où j'étais blessée, c'était lui qui m'avait sauvée et soignée.
– Et tu dis qu'en prime, il t'a fait boire un somnifère et sait où tu habites, donc fais attention, fit Liam, et puis s'il cherche les ennuis on se battra.
– À tous les coups il est obsédé par toi, il te colle autant qu'avant, lança Barbara.
Ce qu'ils étaient en train de me dire me fit froid dans le dos. Je ne me souvenais pas de lui, mais lui me connaissais. Je l'avais vu que quelques fois, mais il me connaissait bien plus.
Obsédé par moi ? Pitié pas un chien en chaleur.
Au fond de moi, j'étais déçue. Très déçue. Ces moments imprévisibles que j'avais passé avec lui étaient pour moi une source d'évasion, une manière de me vider l'esprit. Mais à présent je devais me méfier.
L'inconnu reste dangereux.
– D'accord, d'accord, pris-je le temps de réfléchir, je... Je vous fais confiance, j'imagine que vous savez ce que vous faites... Pour cette fois je vous laisse prendre soin de moi, je ne chercherai pas à retrouver mes souvenirs, décidais-je, on est quittes.
Je me prenais déjà assez la tête comme ça avec les affaires, je n'allais pas en rajouter avec des souvenirs disparus qui ne m'étaient aujourd'hui d'aucune utilité. Même si au fond de moi, ma curiosité me démangeait.
Ils avaient les réponses.
Ils avaient des bribes de ma vie que moi j'avais perdu.
Ils savaient ce qui était arrivé, et préféraient m'éviter de recouvrir la mémoire.
Ils pourraient combler ce vide que je ressentais chaque jour, cette partie de moi qui s'était envolé, peut-être à jamais.
Mais je pouvais placer ma vie entre leurs mains les yeux bandés.
– Attendez, Hannah et Cassandra sont dans le coup ? Me demandais-je en me souvenant de la réaction intrigante d'Hannah lorsqu'elle avait évoqué le nom de Finn.
– On ne pouvait pas prendre de risques, répondit Jake.
C'est donc à ce point-là.
– Je vous reconnais bien là, fis-je avec un petit sourire.
Cela voulait-il dire que Finn était lié à ma mémoire perdue ?
Je n'avais aucun souvenir d'avoir connue un Finn auparavant.
Je devais m'empêcher d'enquêter sur lui.
Je repensais malgré moi à Zayn, et au sentiment indescriptible que j'avais ressenti à ses côtés.
Il était donc le seul à pouvoir combler ce vide, puisque je venais de me faire interdite de la combler moi-même.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top