Qui aurait cru ?
Les fenêtres étaient grandes ouvertes. Les rideaux décollaient légèrement du verre suite à la légère brise qui accompagnait souvent le petit matin en Californie. Un bordel intense encadrait la chambre de Marc. Et entre les murs de celle-ci flottaient une ambiance intime, digne d'un vieux film à l'eau de rose. La fusion, dont leurs corps firent preuve cette nuit-là, était érotiquement époustouflante. Ils s'étaient superbement emboîtés. La couverture, n'estimant nécessaire de se fixer sur leurs corps, s'en détachait pour se caler sur le bord du lit. Un tableau unique s'offrait. On aurait bien pu croire qu'ils sont en train de vivre le grand amour, mais la réalité est beaucoup moins pailletée.
D'un côté, Marc est du genre à se caser. Le genre de personne qui arrive à se contenter de ce qu'on lui offre, d'attendre d'être servi. Il est spectateur plus qu'acteur dans sa propre vie. Il croit au vrai amour et tout le tralala qui va avec et ce n'est pas Jacob qui lui arrachera cette idée débile de la tête. Jacob, lui, ne se résumera jamais en deux mots. Il est impulsif. Aime les filles et découvrit son penchant pour les mecs. Il n'agit jamais à l'ancienne et perdit foie en l'institution du mariage. Tout ça pour dire, que même si leur nuit fut enflammée, rien ne rentrait dans le cadre que Marc instaure. A vrai dire, Jacob n'aurait pas dû douter qu'il prendrait merveilleusement bien son pied. Voire jusqu'à en vouloir d'avantage. Il doit bien avouer qu'il ne croyait pas aux louanges qu'on attribuait à ce petit intello. On disait que sa langue faisait des vrais miracles. Que ses mains, seules, frustraient. Et ce fut, peut-être, trop vrai en fin du compte.
Au début, Jacob était censé gouter à ce corps étalé près de lui dans le simple but de s'arracher de ce qui le préoccupait. Et là, il se retrouvait en train de se perdre dans les abysses d'une amourette à deux balles. Nullement l'envie de recommencer la partie avec quelqu'un ne l'ait hanté à ce point. Il ne se vide pas deux fois dans la même personne. Il renouvelle. Il change de proies. Et pour un premier coup, Jacob ressentit le besoin sauvage d'écraser ses lèvres affamées sur celles de son amant d'une nuit. De se presser contre lui, de ressentir son souffle sur son visage, de se perdre en lui. Mais, il resta interdit, casant ses idées salaces dans le compartiment des choses à éviter d'y repenser. Il demeurait incapable de contribuer encore plus dans la destruction de son ami. Il savait à quel point sa petite personne pourrait être néfaste, pourri, sans amour propre. Jacob est trop déchiré pour être recousu. Trop imparfait pour se tenir droit à côté d'une fleur aussi pure qu'est l'âme de Marc.
Jacob, tourmenté par toutes les pensées qui pointèrent au beau milieu du matin dans son esprit, se tira subtilement du lit. Il ramassa ses habits éparpillés sur le sol, s'y glissa puis se mit à la recherche de quelconque médicament contenant du paracétamol pour apaiser la douleur qui se faisait vive au niveau de sa tête, de son ventre. Et de ses côtes ? La veille l'avait littéralement achevé, brouillé ses os. Elle fut proie d'un lot de sensations dont il n'était pas assez muni pour s'en détacher de sitôt. Et Marc n'arrangea rien.
Il n'a plus le droit de rester ici. Il ne doit pas semer l'espoir d'une quelconque relation sérieuse. Marc est beaucoup trop fragile pour encaisser un flot de sentiments intenses et jamais réciproques. Parce que même s'il est encore assoiffé de son engin, il arrivera un moment pendant lequel il sera rassasié, et cherchera ailleurs.
Et puis, actuellement, aucun aspect de sa vie ne lui donne le temps de se pencher réellement sur sa vie sentimentale, de s'intéresser à ce qu'il désire lui. Chaos, ainsi il définit son quotidien dernièrement, nul besoin d'y introduire d'avantage Marc et de le bousiller lui aussi.
Jacob griffonna sur un bout de papier une phrase courte et insignifiante, puis s'éclipsa de l'appartement qui somnolait encore. Il ne manqua de piquer secrètement dix dollars du portefeuille de Marc pour se payer le métro et un petit déjeuner au passage. Et cette fois-ci, il fera très attention au type de Café où il posera les pieds.
***
La villa de son père se dresse hautainement dans le recoin d'une rue chic dans lequel un calme plat et inconfortable trône. Il frappa à la porte et fut surpris de constater qu'elle n'était guère close. Ce qui ne manqua de l'inquiéter. Et si son père est en train de se faire agresser ? Il fit un premier pas dans le jardin tout en s'attendant à l'apparition d'une quelconque âme revêche, mais non. Seule la tranquillité épousait l'atmosphère. C'est une toute première ! Jacob avait souvent l'habitude de percevoir des rires stridents avant même de mettre le pied dans ce fameux pavillon. Or cette fois-ci, il était presque sûr que rien ne bougeait derrière les briques qui semblaient le reluquer. Comme si tout était en pause publicitaire.
Jacob avança, son fameux Adidas en bandoulière, puis pénétra la demeure par l'intermédiaire de la porte arrière. Il soignait ses entrées, essayait de les rendre les plus discrètes possibles, tentant de les estomper du mieux qu'il peut. Ça n'a jamais été une de ses priorités de se faire remarquer dans ce milieu qui l'a toujours chassé. Il est là, parce que, tout bêtement, une voix dans sa petite tête d'attardé le lui a ordonné sans lui fournir la moindre explication rationnelle. Et comme il ne savait pas où aller, il s'exécuta sans trop réfléchir.
Il sentait que cette journée s'annonçait terriblement étrangère tellement elle frôlait la normale qui, avant, faisait défaut. Il était habitué de retrouver son père dans un état pitoyable : noyé dans l'alcool ou bien en compagnie d'une de ses petites amies qu'il renouvelle assez souvent. Cependant, là, il fit face à une autre personne. Son géniteur était adossé au canapé, un journal en main et un mug brûlant sur la table basse. Aucune bouteille de vin, aucun corps à moitié dénudé agrippé à ses épaules, nul mégot dans le cendrier, pas de traces de substances illicites au niveau des narines. Tout est nickel ! Jacob eut, pendant une fraction de seconde, l'impression d'avoir franchi le perron de la fausse demeure : tellement tout lui sembla parallèle à la réalité dont il a toujours fut confronté. La fameuse vérité qui a toujours eu le privilège de le blesser. Profondément. Même la voix de son géniteur devint moins rude, plus humaine, celle d'un père. Et ça le choqua, positivement.
- Fiston, ça fait un bail que tu n'aies pas rendu visite à ton vieux père !
Jacob tenta de cacher sa stupéfaction du mieux qu'il pouvait. La totale lui sembla irréelle. Il voulait tout mettre en off pour réaliser pleinement ce qui était en train de se passer. L'étranger en face de lui inspirait confiance, cependant les images d'un passé peu épanoui refirent douloureusement surface. Ça fait un bail que tu ne nous as pas donné de nouvelles, aussi.
- Viens t'asseoir près de moi. Reprit-il en se détachant de la revue, et en tapotant la place à côté de lui, qui pour une fois, est vide. Raconte-moi ce qui se passe dans ton lycée. Tout roule comme sur des roulettes ? La préparation pour le bac avance ?
Le lycéen n'arriva à se décider s'il était en mesure de se laisser aspirer par le courant. De profiter de ce géniteur. « La moindre des choses se résume au fait de lui fournir une réponse à ses interrogations. Mais pour lui dire quoi au juste ? Qu'il fut le pire parent que l'histoire ait connu ? Mais ça sera trop dur à digérer. Et comme si ce qu'il avait fait endurer à ma mère n'était pas dur ! ». Songea-t-il en fixant le vide, les doigts serrant son Adidas.
- Attends, je pars te préparer quelque chose à avaler, tu as une sale mine. Rajouta le père en se levant du sofa.
Jacob stoppa son père d'un geste qui se voulait lent et détaché, et en jetant un rapide coup d'œil à la chambre qui lui était destinée : une pièce carrelée, aux murs blancs et à encadrements rouge-briques, lança :
- Non merci. Je n'ai pas envie de manger. Je veux seulement me détendre, je suis fatigué.
Il se félicita intérieurement d'avoir réussi à formuler une aussi longue et compréhensible réplique, étant toujours perdu entre ce qui est en train de se passer et ce qui est censé se passer.
- Bien sûr. Tu es chez toi, Jacob ! Ne l'oublie jamais. Tout ça, c'est à toi. Riposta le géniteur en regagnant son siège. Si tu as besoin de quoi que ce soit, je serai ici.
Jacob sentit bizarrement que cette dernière phrase répondait à un tumulte de questions qui rôdaient autour de sa tête. Alors c'est ça avoir un père ?
***
Les heures défilèrent et Jacob était encore enfermé dans sa chambre. Il ne savait pas quoi faire de son temps. Les murs étaient vides. Pas de posters, ni de miniatures de voitures de courses. Pas de souvenirs enfantins, ni de photos de famille. Il tendait sa main vers son Adidas. Le sac de plastique contenant de la Morphine lui faisait des clins d'œil. Il devint désespéramment à la merci de ses médocs. Il sentait continuellement le besoin de l'introduire dans son organisme pour apaiser ce qu'il estime difficile à endurer. Mia, au lieu de l'aider, l'enfonce encore plus dans la gadoue. Il plongea un doigt timide dans la substance médicale et se contenta de contempler celle-ci. Elle l'appelle. Elle l'aimante. Elle le pousse vers sa décadence. Elle s'est bien foutue de sa gueule comme personne n'a si bien réussi à le faire avant. Au point d'en devenir addicte.
***
Un son douteux parvint à Jacob. Des gémissements de douleur de plus en plus aigus succédèrent. Empli d'inquiétude, il se précipita vers le salon. Il remarqua effroyablement le corps de son père régissant sur le sol. Il ne savait guère comment procéder. Il ignorait le numéro d'urgence. Il n'avait aucune formation à propos des premiers secours à fournir. Il se sentit incapable de lui fournir la moindre aide. Il avait la stupide impression que ses mains étaient menottées, ses yeux bandés et sur son cœur un énorme tissu interdisant l'échappement du moindre sentiment humain. Il agit tel un robot. Froidement.
Il s'approcha de son père, le souleva puis l'invita à s'étendre sur le canapé. Son père tenait d'une main tremblante son cœur. Il murmurait des termes incompréhensibles et de la sueur se regroupait sur son front plissé de souffrance. Il ne savait pas que son père souffrait de problèmes cardiaques. Il semblait en pleine forme lorsqu'il était arrivé. Ce changement flagrant réanima son âme, vibra en lui la corde de l'amour paternel, un amour qui s'était enfuie dans le plus profond de lui-même. Ce qui l'incita à se rappeler tant bien que mal de ses précédents cours, tous ceux qui pourront éventuellement sauver cet être démuni en face de lui. C'était ça ou rien. Il faut que sa matière grise se secoue. Il se lança à la recherche de médocs dans le tiroir vitré dans la salle de bain. Et y trouva son bonheur.
La nuit passa difficilement. La crise fut trop rude à supporter. Les larmes qu'il avait perçues sur les coins de ses yeux avaient transpercés son cœur. Il tremblait, son teint était aussi blanc qu'un linge et son corps faiblement étalé sur le sofa ne laissa Jacob indifférent. Quoiqu'il tente de rester de marbre devant ce qui était en train de se passer, une partie de lui pria pour son rétablissement.
Son père était dupe. Il avait perdu sa famille par pur égocentrisme. Néanmoins, la personne en face de lui, sembla avoir fourni des efforts conséquents pour se reforger. Il a l'air de s'être engagé entièrement dans sa reconstruction. Certes, la solitude a l'air de le ronger mortellement. De lui piquer l'essence de sa vie.
- Vas dormir. Je m'en sortirai. Déclara-t-il en soutenant le regard de son fils. Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive ne t'inquiète pas pour moi. Marmonna-t-il difficilement.
- Une nuit blanche ne me nuira pas, père.
Jacob pensa à lui fournir de la Morphine : ça réduira l'intensité de son malaise l'aidant ainsi à respirer avec beaucoup plus de facilité. Cependant, il avait peur de merder, de mettre la vie de son père en péril. L'idée d'appeler Mia lui traversa l'esprit. « Et pourquoi pas ? » S'était-il dit. Il était quatre heures du matin et lui passer un coup de fil à cette heure-ci demeurait une impolitesse. Mais ça reste une urgence, non ? Le lycéen se dirigea vers sa chambre, appela la doctoresse et tomba sur sa boîte vocale.
- Formidable, murmura-t-il ironiquement.
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