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Elle souriait à la Lune. La tête dans les étoiles, bien au-dessus des nuages, elle souriait.  

Rien n’était plus beau que la reine des nuits scintillant faiblement au milieu du ciel constellé de lumière.  

Plus rien ne pouvait la toucher, elle flottait au-dessus du sol, plus rayonnante que jamais. Elle aurait pu concurrencer la Lune. 

 La douceur de son visage, ses yeux qui s’allumaient quand elle parlait de ce qu’elle aimait et son sourire. En ce moment même, son sourire égalait tous les astres de l’univers.  

De la finesse de ses traits émanait comme un halo de bienveillance et de pureté.  

Bien sûr qu’elle n’était pas parfaite. Qui peut se targuer de l’être ? La vie l’avait un peu usée, elle était un peu bancale, trop petite dans un corps trop grand pour son âme d’enfant. Elle a probablement été cassée, jetée à terre, piétinée mais elle s’est relevée, malgré tout, on lui a tendu la main, puis elle a tendu la sienne.  

Mais malgré tout cela, elle souriait. A la Lune, aux étoiles, aux nuages plus bas, à la Terre entière, à moi aussi.  

Moi qui l’observais. Qui la regardait se perdre au beau milieu des astres, saluer la Grande Ourse et poser le pied sur la Lune. Ses yeux pétillaient d’une joie enfantine depuis longtemps perdue chez la plupart des Hommes. Cette étincelle changeait tout. La manière de percevoir le monde, de se voir, d’agir et de tomber amoureux.  

Il fut un temps où je pensais avoir perdu cette lueur, cette étincelle dans mon regard. Cet espoir dans un sourire trop sincère. Je vivais dans la noirceur constante, incapable d’admirer le monde. Mes nuits étaient parsemées de sommeil, de pleurs et de douleur. Cette douleur psychique qui devient physique, qui sert les tripes, noue la gorge, qui rend chaque mouvement difficile et qui rend imperméable à toute émotion. 

 A peine capable de percevoir la réalité de mon environnement, j’ai déambulé dans le noir pendant des années. J’ai failli laisser tomber plusieurs fois, j’ai essayé d’abandonner cette existence. Incapable de supporter cet état semi végétatif dans lequel j’étais plongée, je me suis renfermée dans la musique et l’auto-flagellation. 

 La seule chose que j’arrivais à ressentir pleinement était la douleur, autant y aller à fond. Des mois durant, je me suis rabaissée, insultée, blessée, dans l’espoir de ressentir quelque chose. Je faisais peur. Je me faisais peur. Chaque réveil était un coup dur pour moi, j’étais encore en vie et j’allais devoir affronter une journée de plus.  

Faire bonne figure. Je n’en étais même plus capable. Mentir demandait trop d’efforts. Je me cachais derrière de vagues sourires qui, je l’espère, dissimulaient tout.  

Le déclic s’est fait attendre. Je ne suis même pas réellement sûre d’en avoir eu un. J’ai remonté lentement un bout de la pente. Tombant parfois dans des trous cachés. A l’aveugle, sans savoir ce qui allait arriver ni exactement où j’allais.  

Petit à petit l’étincelle tant regrettée s’est enflammée à nouveau, imperceptiblement. Au début je ne sentais même pas la différence mais elle se voyait dans mon regard. J’ai combattu mes pires cauchemars, je ne les ai pas vaincus, loin de là. Mais j’ai réussi à les faire taire presque à chaque fois.  

Bien sûr qu’il y a eu des défaites. Bien sûr qu’ils ont pris le dessus à certains moments, me plongeant dans une terreur indescriptible, celle de retomber dans le ravin dans lequel j’étais, ou dans un autre. Forcément j’ai fait des choses que je regrette à cause de ces défaites. Ma peau est d’ailleurs gravée à jamais de mes moments de faiblesse où j’étais trop fatiguée pour lutter.  

Je ne suis toujours pas en haut de la pente, je suis encore très loin du sommet. Avec toujours cette petite voix qui me dit de prendre garde et de regarder où je mets mes pieds.  

A force de la regarder se mêler au ciel, j’ai trébuché. J’aurais dû écouter la voix et ne pas m’égarer dans la contemplation de cette étrange fille. Je n’étais pas préparée à cette chute et j’ai dévalé le chemin que j’avais accomplis depuis quelques semaines.  

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