un jour, je me suis réveillé,
et en fait, j'avais grandi,
parce que d'un coup
tout est devenu
trop rose.

Et puis mes paupières se sont ouvertes
Alors toute la lumière m'a aveuglé
J'en ai vomi toutes les paillettes
Que je voyais
L'eau dans les yeux qui brûlait

Murs trop roses
Penderie trop rose
Pyjama trop rose
Autocollants trop rose
Deco trop rose
Cheveux trop roses
Lèvres trop roses
Amis trop roses
Famille trop rose
Enfance trop rose
Corps trop rose
Carnets trop roses
Vie trop rose.

Le fushia que j'aimais tant
M'a détraqué
Volets fermés, soleil dehors, il attend, je m'endors, plus jamais je n'affronterai mes remords

Trahison brutale, elle a fait tout basculé
Du jour au lendemain j'étais incapable
De m'exprimer
Tout jusqu'à mon prénom me dégoûtait,
Et à chaque fois que j'entendais ma voix
J'aurais voulu ne jamais être naît.

Encore les vidéos descendent
Le doigt qui glisse sur l'écran
Je n'étais plus seul.

Je n'étais plus seul
Mais en même temps
Je l'étais encore plus

Aux quatre coins du monde une parole se libère
C'est comme si j'avais toujours grandi sur une autre terre
J'appris qu'au cœur de l'univers il était commun de ne pas aimer notre être

Je pouvais être quelqu'un d'autre
Espérer reconnaître un jour
La personne dans le miroir
Je pouvais espérer changer le monde
Oublier un instant ma peur du noir

J'ai pensé que mon monde tournerait si enfin je m'acceptais
J'ai pensé que le rose ne serait plus aussi rose si j'arrêtais d'en porter
J'ai pensé qu'un nouveau prénom m'apprendrait à vivre la vie dont je rêvais

J'ai eu tord.

Il y avait toujours moins rose autour.
Ma famille me pensait toujours fushia
Mes amis me pensait toujours fushia
Tout autour de moi me rappelle constamment
Que j'ai encore du rose
En moi.

Un rose gravé dans la chaire
Indélébile
Ineffaçable
Il sera toujours là quelque part

Alors j'ai sorti une palette et
J'ai essayé de tout mélangé

J'ai pris mon rose
J'ai pleuré du bleu
J'en ai sorti un mauve

J'ai essayé de porté le mauve
Évitement
N'être ni l'un ni l'autre

J'ai brandi le mauve comme un bouclier
Un étendard qui a jamais me protègerait
Les deux me vont, je prétendais

Je ne voulais pas que les autres pensent que le rose, à jamais, j'avais quitté
Je ne veux pas le laisser en vérité
Tous les soirs j'espère secrètement qu'un jour, à nouveau, je l'aimerais

Je veux oublier le bleu
L'enterrer quelque part
M'assurer que les gens pensent que le rose me va bien pour m'éloigner de toute histoire

M'enrouler, me cacher sous un long drap rosé
Souvent j'espère finir par m'y accoutumer

Mais quand je me regarde dans les yeux,
Je n'y discerne que du bleu.

Je me surprends souvent à pleurer le temps où je portais le rose comme un talisman
Sans me soucier de ses protections et de ses significations
Un temps où le rose et le bleu n'étaient que des mots marrants
De ridicules expressions sans peur ni pleurs
Que je récitais en souriant

Je veux me faire à l'idée que le rose est ma couleur
Même si aujourd'hui elle n'est pas la mienne
Je veux me convaincre qu'un jour je serais à la hauteur
Pour qu'enfin je porte le fushia à merveille

Pourtant la vérité
Je crois
C'est que le rose ne m'est jamais allé
Et que même si j'essaye de m'y accoutumer,
Le rose n'est pas ma destinée.

Un beau turquoise qui m'émeut
Un avenir qui fait monter les larmes aux yeux
Tant il est irréalisable de porter la couleur des cieux

Car, au fond, je ne serais jamais assez bleu.

Pri
14/08/24