L'Etranger
Description : Taekook - Mythologie - Romance - Destin - Violence - Scène explicite - Lemon - OS long
Dans cet OS, le personnage de Phobos est inspiré par Taehyung.
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L'eau est d'un noir si profond, que l'on pourrait croire un puit sans fin. Le silence règne en maître. Même les vagues de l'Achéron n'émettent pas le moindre son en s'écrasant sur la large barque. Une brume cache la rive qui approche doucement. Il ne peut même pas percevoir ce qui l'attend. Pourtant malgré cette ambiance sinistre, malgré les circonstances, il n'est pas angoissé.
Son souffle est calme, son corps détendu. Il sait qu'il n'y a plus de retour en arrière, il l'a senti dès l'instant où cette lame a touché sa peau à cet endroit si tendre que le sang allait forcément couler à flot. Même son compagnon de voyage ne l'effraie pas. Ce voleur de Passeur effectue des gestes lents, répétitifs, millénaires. Son apparence est répugnante. Deux yeux jaunes comme deux braises, un corps noir fait de branches calcinées, ses pieds s'enfoncent et se confondent au bois de la barque. Il semble enchaîné à son embarcation, condamné à cette même tâche comme une punition. Il n'avait pas dit le moindre mot quand le Mort s'était approché de lui, tendant seulement la main pour réclamer son dû, une obole en argent, frappée d'un aigle royal. Alors Jungkook avait déposé la pièce dans la paume de Charon afin de payer la traversée avant d'être jugé pour l'existence qu'il avait mené.
Le fond de la coque racle le bord de la berge. Encore une fois, le batelier ne dit mot, et invite seulement son client à débarquer sur cette rive déserte de toute forme de vie. Ses pieds couverts de caligae n'empêchent pas la texture étrange du sol de s'insinuer entre ses orteils. Il a la désagréable sensation de progresser sur un amas de cendres noires. Il porte encore la maigre tenue qu'il avait revêtue juste avant de mourir. Une simple culotte de coton blanc, maintenant tachée de son sang, une ceinture en cuir souple pour tenir le linge autour de sa taille et une manica sur son bras droit, dont la sangle qui la maintient enserre son torse à présent barré de la blessure mortelle que lui a infligé son adversaire. La plaie profonde ne coule plus depuis qu'il s'est réveillé sur la berge opposée de là où il se trouve actuellement. Néanmoins, la chair est encore ouverte, la peau à vif, comme si elle ne voulait pas se refermer.
Jungkook avance dans cet endroit hors du temps, hors du monde. Il ne sait pas combien de temps il déambule ainsi sur la cendre noire et froide. Plus il progresse, plus la brume s'atténue jusqu'à totalement diminuer et disparaître laissant entrevoir un mur gigantesque, haut de plusieurs mètres, fait dans une roche si sombre qu'elle paraît volcanique. Une porte toute aussi immense se dresse devant lui. Il n'y a pas à tergiverser, il sait parfaitement qu'il doit passer de l'autre côté. Ses mains meurtries après des années de maniement du glaive se posent et poussent le battant lourd de l'entrée des Enfers.
L'air est glacial comme pour rappeler à quiconque entre ici, que toute essence de vie est partie de lui. Jungkook traverse un long couloir, fait de cette même roche morne. Il débouche dans un grand hall, le sol est constitué de grandes dalles de marbre veiné de gris et de blanc. Le plafond est trop haut pour le distinguer. De chaque côté se dresse une rangée de colonnes comme il a pu en voir de son vivant dans les temples dédiés aux Dieux. Devant lui trônent trois sièges, d'un rouge écarlate sur lesquels sont assis trois hommes sans âge. Minos, Rhadamanthe et Eaque. Jungkook a déjà entendu parler d'eux dans les couloirs intérieurs du Colisée. Tout le monde sait qu'ils sont les juges et qu'eux seuls ont le pouvoir de vous emmener aux Champs Elysées.
Mais le défunt n'est pas dupe, il ne pourra jamais goûter au bonheur de fouler l'herbe de cet endroit, savourer la paix et y reposer tranquillement. Son destin est tragique, sa vie n'est faite que de combats, de morts et de crimes. Il ne l'a pas désiré, cela s'est imposé à lui. Il doit maintenant payer et subir pour cette existence qu'il n'a pas choisi.
Il s'agenouille et rend hommage à ces trois divinités, il patiente et ne dit rien. Cela ne sert à rien de plaider sa cause, que pourrait-il dire de toute façon ?
"Jungkook, né dans les pays d'Orient, devenu Gladiateur, mort il y a quelques heures d'un coup fatal dans l'arène. Tu es ici pour être jugé. As-tu quelque chose à dire avant que la sentence ne soit prononcée, énonce celui à droite.
- Non."
Il ne veut pas perdre son temps à parler. Cela ne fait que quelques années qu'il maîtrise la langue de ces hommes. Alors il n'a jamais pris l'habitude de discourir longuement. Que le couperet tombe et vite.
"Tu as pris de nombreuses vies, annonce celui du milieu.
- Tu as engendré de la violence, certes involontairement au vu de ta condition. Néanmoins, tu as incité les hommes à la haine. Le sang a coulé. Pour cela tu dois payer, intervient le dernier qui n'a pas encore parlé.
- Jungkook, pour tes crimes, tu es condamné à endurer ce que tu as fait subir à tes victimes aux Champs du Châtiment, tranche le premier juge."
L'ancien gladiateur n'est pas étonné de ce qui l'attend. Avant de monter dans l'arène, ses adversaires et lui avaient l'habitude de se dire qu'un jour ou l'autre ils se retrouveraient tous là-bas pour endurer leur dernière punition.
Le silence règne de nouveau dans cette vaste salle. Il ne sait pas ce qu'il doit faire, où il doit aller. Personne ne vient le chercher, les trois juges restent là impassibles, maintenant que la sentence est tombée, leur rôle est terminé.
Jungkook se retourne, s'apprête à partir, lorsqu'une porte qu'il n'avait pas remarquée s'ouvre dans un fracas, résonnant dans le hall. Une silhouette avance, marche rapidement vers les quatre protagonistes.
"Je revendique son âme !"
C'est un homme. Plus il s'approche, plus Jungkook peut le détailler. Il porte une longue toge crème comme les Sénateurs qui venaient parfois dans l'arène, drapée autour de son corps élégamment. Sa taille est enserrée d'une ceinture en feuilles de laurier d'or. Il porte des caligae en cuir foncé. Sa peau est dorée, tannée par le soleil, ses cheveux noirs bouclés ondulent autour de son visage à chaque pas qui le mènent toujours plus près du centre de la salle. Le port de tête altier, une démarche à la limite de l'arrogance, une essence divine. Le gladiateur sait que la personne qui vient d'intervenir n'est pas n'importe qui.
"Phobos, tu n'as pas le droit d'intervenir, réplique le juge de gauche.
- J'ai tous les droits depuis que mon père l'a décidé. Il est à moi, je veux son âme.
- Hadès n'acceptera pas que tu t'empares d'un mortel réservé aux Champs du Châtiment."
Phobos balaie d'un geste de la main cet argument.
"Tout est déjà vu avec lui. Votre rôle s'arrête là."
Jungkook ne comprend pas ce qui est en train de se jouer. Pourquoi ce dieu se permet-il d'intervenir, que veut-il de lui ? Il n'a pas le temps de se poser davantage de questions que Phobos l'invite à le suivre. Tous deux laissent les trois juges, l'ancien gladiateur à tout juste le temps de voir leurs regards étonnés, et l'un d'eux se lever pour répliquer. Cependant, il n'en a pas l'occasion, la porte ouverte plus tôt se referme déjà.
Il est entraîné dans un long couloir qui ressemble étrangement à celui qu'il a déjà emprunté. Phobos le précède, ses pas sont toujours rapides. Il ne lui parle pas, ne lui adresse même pas un regard. Ils passent d'un couloir à l'autre, traversant plusieurs salles. C'est un vrai labyrinthe. Finalement le dieu pousse une énième porte et ils sortent pour se retrouver de nouveau sur une rive. Une barque les attend. Jungkook sait qu'ils ne sont plus sur les berges de l'Achéron, ici, tout est différent. Le sol est constitué d'une terre brune et de grandes flammes lèchent le bord de l'eau. Il manque presque de se brûler en montant dans l'embarcation.
"Ils ne t'ont même pas soigné, râle Phobos pour lui même, en constatant la blessure toujours ouverte du gladiateur."
Ils sont assis l'un en face de l'autre et le batelier les dirige sur ces eaux enflammées. Ainsi, si près, Jungkook peut apprécier les traits fins et parfaitement dessinés du dieu. Son nez aquilin, une mâchoire proéminente, un cou gracile, des yeux d'un noir d'encre brillants comme ses cheveux.
"Sais-tu qui je suis ? demande-t-il, interrompant la contemplation.
- Oui, vous êtes Phobos, dieu de la peur, fils d'Arès et Aphrodite, répond Jungkook comme s'il récitait une leçon.
- Parfaitement, j'ai fait valoir mon droit en revendiquant ton âme, explique-t-il, je vais te proposer un marché, mais avant, nous nous rendons chez moi, il faut arranger tout cela, ajoute-t-il en pointant du doigt le corps du combattant. Ma demeure se situe de l'autre côté du Phlégéthon."
Jungkook acquiesce. Il ne sait pas vraiment quoi faire d'autre. Il a bien des questions, certes, mais il pressent que ce n'est pas encore le moment. Il reste à sa place de mortel face à cet être mythique. Le paysage change lentement et devient plus accueillant. La végétation reprend ses droits et les rives désertiques disparaissent.
Phobos descend de la barque et se fraie un chemin parmi la forêt qui borde le fleuve. Jungkook le suit docilement. Le panorama change encore et le sentier les guide vers un jardin arboré, une allée de cyprès. C'est tellement incongru de se trouver dans un endroit tel que celui-ci que le gladiateur en oublie presque qu'il est aux Enfers.
Aucun rayon de soleil ne perce, il semble régner ici une pénombre constante, le ciel est lourd, bas. Il ne fait pas noir, Jungkook peut distinguer parfaitement le paysage, mais la lumière de l'astre solaire a délaissé l'endroit. Ouverte sur le jardin, la demeure de Phobos est immense, en marbre blanc, il peut déjà distinguer un espace où se reposer, un bassin intérieur, des colonnes et de nombreuses sculptures.
Ensemble, ils pénètrent à l'intérieur d'une grande pièce, au centre de celle-ci se trouve le bassin que Jungkook a aperçu depuis l'extérieur. Il n'a malheureusement jamais eu l'occasion de s'y rendre, mais cela ressemble à des thermes privés. S'il pouvait, il irait directement s'y prélasser. Phobos fait le tour du point d'eau et tape dans ses mains. Il ne faut que quelques secondes pour que plusieurs personnes accourent. Visiblement ce sont des serviteurs. Le maître des lieux ordonne certaines choses que ne peut entendre l'invité.
Aussitôt, Jungkook est emmené à l'autre bout de la pièce, et pour la première fois, on s'occupe de lui. Il est déshabillé du peu de vêtements qu'il porte, tout cela sous le regard du Dieu qui n'a pas quitté la pièce. Une bassine d'eau et des linges propres sont posés au sol. Un serviteur s'applique alors à le laver de la tête aux pieds, débarrassant son corps de la sueur, de la poussière et du sang. La situation est pour le moins des plus déconcertantes. Non seulement parce qu'il est nu devant des yeux inconnus, mais en plus de cela, on s'occupe de lui, comme on pourrait le faire d'un bien né. L'homme qui a pris soin de lui s'en va, le laissant propre. Phobos, qui ne l'a pas quitté une seule seconde, s'approche alors. Jungkook peut sentir sa présence dans son dos. Il ne sait pas s'il doit se méfier, ce qu'il doit faire, comment il doit réagir.
Il a l'habitude des regards sur son corps, c'était la coutume avant de monter dans l'arène. Les citoyens avaient le droit de parier devant les cages où ils étaient enfermés. Cependant à cet instant, ce n'est pas la même chose. Phobos tourne autour de lui, examine, détaille. Cela en devient presque intimidant. Et le dieu aime ce qu'il voit, une peau dorée, des muscles finement travaillés, résultats sûrement des nombreuses heures d'entraînement et de combat. Une peau marquée par des cicatrices plus ou moins récentes. Si elles peuvent en répugner certains, ce n'est pas son cas. Phobos aime ces détails qui racontent chacun une histoire. Comme sa mère, il aime la beauté, sous toutes ses formes. Et la beauté de la guerre est pour lui la plus belle. Elle laisse des traces sur les corps, qu'il aime découvrir.
"Bois, jusqu'à la dernière goutte, dit-il avant de tendre une coupe emplie d'eau."
Cependant Jungkook est méfiant. Il est déjà mort, mais cette eau peut certainement faire des choses qu'il ne peut imaginer. Phobos semble comprendre sa réticence.
"Tu n'as rien à craindre avec moi. C'est de l'eau du Styx, pour ta blessure."
Alors il obéit, se saisit de l'objet et le vide. Il sent une drôle de sensation envahir tout son être. Des picotements parcourent son épiderme. Stupéfait, il constate que la blessure sur son torse se referme doucement, la peau se reconstitue fibre par fibre.
"Ton corps est maintenant immortel, tu ne souffriras plus de la maladie, de la douleur, des blessures, explique Phobos en reposant la coupe.
- Pourquoi ? Pourquoi m'avoir amené ici ? Que voulez-vous de moi ?"
S'il s'est retenu jusqu'ici par respect et obéissance envers cet être supérieur. Les questions s'écoulent maintenant tel un flot de sa bouche. Trop de choses arrivent sans qu'il ne comprenne réellement la signification de tout cela.
Le dieu s'éloigne et attrape un linge posé sur une table. Tandis qu'il commence à le vêtir, tâche qui incombe en temps normal à un esclave, il répond enfin à toutes ces questions qui taraudent le gladiateur.
"Comme tu l'as dit plus tôt, je suis le Dieu de la Peur, mes ennemis me craignent pour cela. Rien de plus paralysant qu'une terreur subite sur le champ de bataille. Grâce à mon père Arès, je bénéficie de quelques avantages... J'ai passé un accord avec Hadès, en échange de quelques services, je peux me servir et prendre toutes les âmes que je souhaite afin de constituer mon armée et combattre aux côtés de mon père. Je t'ai choisi toi, aujourd'hui et souhaite te proposer un marché."
Jungkook n'en croit pas ses oreilles, pourquoi un Dieu, souhaiterait l'incorporer à ses rangs. Il n'est pas soldat. Il est gladiateur. Son but n'est pas de défendre un territoire, ni une cause noble... Son seul destin a toujours été d'offrir un spectacle aux citoyens jusqu'à ce que mort s'en suive...
"Tu peux dès à présent te soustraire de la torture qui t'attend aux Champs du Châtiment en rejoignant mon armée. Combats à mes côtés pour ma gloire mais aussi celle de mon père. Défends le Royaume des Dieux et les mortels."
Tout en détaillant son offre, Phobos achève de l'habiller. Jungkook porte maintenant une toge courte, crème comme celle du maître des lieux. Maintenue à la taille par une ceinture en cuir souple et aux épaules par deux broches en forme de pics verts.
"Acceptes-tu ? termine le dieu."
Jungkook réfléchit. Tout s'est passé tellement vite, de ce coup de glaive sur sa poitrine à son trépas sur le sable de l'arène, sa traversée de L'Achéron, son jugement et l'intervention de Phobos suivie de sa proposition.
"Pourquoi moi ? interroge-t-il néanmoins.
- Tu mérites ta place dans mes rangs, tu combats depuis longtemps, tu es doué, un tel talent ne saurait être perdu à jamais..."
L'ancien gladiateur soupire. Une part de lui a étrangement envie d'accepter ce marché. D'un autre côté, toute sa vie, depuis ses huit ans n'a été que violence, mort et tuerie. Il souhaite que cela cesse, payer pour ses fautes et qui sait obtenir la chance de reposer enfin en paix. Il n'a jamais souhaité tout cela.
"Non, je suis désolé, je ne peux accepter votre offre si alléchante soit-elle, prononce-t-il après plusieurs minutes de réflexion en s'inclinant respectueusement.
- Je suis plutôt étonné ! Tu préfères endurer souffrance et châtiments ?
- Oui, si cela me permet de mettre fin à ce cercle infernal de brutalité."
Phobos s'éloigne, et se tourne vers son jardin fleuri. Lui aussi soupire face à cette réponse qu'il n'attendait pas. C'est la première fois qu'il se voit refuser une proposition. Il n'a pas pour habitude qu'on contrecarre ainsi ses plans. Et malheureusement pour ses ennemis comme ses amis, Phobos a hérité de la passion et de la brutalité de ses parents. Il n'est pas dans sa nature d'être tempéré et si Jungkook, ce gladiateur qu'il a longtemps observé, ne le fascinait pas autant. Il serait prêt à le faire plier à sa volonté par la force.
Néanmoins, il choisit de voir cela sous un autre angle, comme un défi. Finalement, il se tourne de nouveau vers le jeune homme qui n'a pas bougé. Le voir ainsi porter ces couleurs et ces deux broches sur ses épaules bien bâties, l'emplit d'une certaine fierté et envie. Il rêve de voir ses mains en action, de voir cette peau déjà marquée se tacher de sang. Il exulte d'apercevoir la rage, la passion, le tumulte du combat sur ce beau visage.
"Soit, si telle est ta volonté. Je la respecte, annonce-t-il, en le dépassant. Suis-moi."
Le maître des lieux guide son invité dans sa grande maison.
"Laisse-moi cependant te convaincre de revenir sur ta décision. Je te laisse le temps de la réflexion. Si d'ici la prochaine nouvelle lune, tu n'as pas changé d'avis, je te conduirais moi-même, là où tu dois demeurer.
- J'accepte, mais rien ne me fera revenir là-dessus.
- N'en soit pas si certain, lance le dieu, faisant volte face."
Phobos revient sur ses pas et pose son index sous le menton de Jungkook, qui semble surpris par ce geste et cette soudaine proximité.
"Sache Jungkook, que je sais me montrer très persuasif, je n'ai pas l'habitude que l'on me refuse quelque chose. Ce que je veux, je finis toujours par l'obtenir. Et comme je l'ai dit aux juges tout à l'heure, tu es à moi."
Ses mots font frissonner l'épiderme de l'ancien combattant qui se mord la lèvre face au regard déterminé de Phobos. Ses yeux brillent de défis. Mais la tension redescend immédiatement, quand celui-ci rompt le contact visuel et montre du plat de la main une ouverture dans le mur.
"Voici ta chambre pour la durée de ton séjour chez moi. Tu peux te promener partout dans la maison et le jardin, mais je te déconseille de t'aventurer plus loin. Ici règne d'autres Dieux que moi, et ma protection ne s'étend pas au-delà de cette demeure."
Jungkook écarquille les yeux. Jamais il n'a connu pareille richesse et confort, pas même avec ses parents. La chambre est spacieuse, une couche si large et couverte de plusieurs épaisseurs de tissu qui semble si moelleux. Il y a un petit bassin sur le côté, une table où trône une énorme corbeille de fruits, des fleurs qui pendent du plafond. Un long divan près de la fenêtre qui donne sur le jardin.
"Tu es ici chez toi, si tu as besoin de quoique ce soit, demande et tu auras. Tu es libre dans la journée. J'exige juste de toi que nous mangions ensemble le soir.
- Si tel est votre souhait, s'incline à nouveau Jungkook, merci pour votre générosité.
- Je t'en prie, pas autant de formalités. Je te laisse ce soir te reposer. Ton âme doit être éprouvée."
L'invité hoche la tête et se retrouve à présent seul dans sa chambre. Il ne résiste pas bien longtemps et va s'étendre sur la couche qui semble le réclamer. Comme il s'y attendait, le tissu est doux et confortable. Jungkook prend le temps de contempler l'endroit où il se trouve, se remémorer la conversation si étonnante qu'il vient d'avoir avec un Dieu.
Il observe les voiles blancs qui s'agitent légèrement à la fenêtre. Ses paupières se ferment et inconsciemment il retrace la marque sur son torse laissée par cette blessure qui lui fut fatale. Il peut encore sentir sur lui, le regard brûlant de Phobos. Il ne peut s'empêcher de frémir face à la beauté de cet être divin qui désire apparemment si ardemment l'avoir à ses côtés. Sans qu'il ne s'en rende compte, il sombre doucement dans les ténèbres du sommeil.
-------- ο ξένος --------
Il ne sait pas si au moment où ses yeux s'ouvrent, il est déjà le matin ou la nuit. Ici, l'absence de soleil, ne l'aide pas à se repérer dans l'espace temps. Il met d'ailleurs quelques minutes à comprendre et se souvenir de l'endroit où il se trouve.
Toute la journée les serviteurs du dieu ont été là pour lui, lui proposant nourriture et rafraîchissements. Il est tellement choyé qu'il est gêné par toute cette attention qu'on lui porte. Après s'être baigné dans son bassin privé, il s'est restauré, on a changé ses vêtements, puis il a déambulé dans le jardin et dans la maison. Il a découvert une bibliothèque dont les étagères ployées sous les rouleaux. Malheureusement, il n'a jamais appris à lire, alors il s'est contenté de passer son doigt sur le doux papier avant de ressortir et constater qu'à l'arrière de la maison, il y a une écurie et un vaste espace pour s'exercer à la lutte et au combat. Il n'a pas osé demander l'autorisation pour s'entraîner et s'est finalement fait la réflexion qu'il n'a plus besoin de le faire. Cependant son corps est tellement habitué à ce rythme, cette douleur, ces exercices que c'est maintenant étrange de passer la journée à se reposer et ne rien faire.
Perdu dans ses pensées, il ne remarque pas tout de suite la jeune femme qui se tient derrière lui. Elle l'invite à entrer, lui expliquant que Phobos l'attend pour manger sur la terrasse extérieure. Il la suit sans rechigner et se stoppe à la vue de son hôte.
Assis l'un en face de l'autre, les deux hommes mangent tels des égaux, partageant les mets délicieux qui ont été préparés. Jungkook ne peut s'empêcher de détailler le dieu qui lui fait face. Aujourd'hui Phobos porte une tunique courte comme lui, mais d'un rouge si écarlate, qui tranche si bien avec sa peau caramel et ses cheveux noirs qu'il en devient époustouflant. Ses gestes sont délicats et lents, sa posture droite et affirmée. Il se dégage de lui une telle aura de puissance et de virilité que Jungkook en a le souffle coupé et peine à se concentrer pour finir son plat pourtant si savoureux. Il pourrait se nourrir de cette simple vision.
Le repas est silencieux. Phobos ne parle pas, ni de sa journée, ni de celle de son invité. N'est-il pas curieux de connaître les quelques occupations de celui-ci ? Jungkook, non plus, ne dit rien, trop intimidé pour oser prendre la parole. Après avoir débarrassé les serviteurs s'éclipsent, laissant les deux hommes sur la terrasse. Une certaine intimité s'installe entre eux, une bulle loin des regards et des oreilles trop curieuses du reste de la maisonnée.
"Le temps n'est-il pas trop long, demande Phobos en proposant une seconde coupe de vin à Jungkook.
- J'ai visité. La maison est si vaste que je n'ai pas encore tout découvert.
- Prends tout le temps qu'il te faudra."
Semblant lire dans ses pensées, il ajoute :
"Tu peux aussi te servir du terrain d'entraînement, je pourrais toujours t'y rejoindre le soir.
- C'est généreux de votre part, mais je n'en ai plus vraiment l'utilité.
- Pourtant si tu consens à me rejoindre, il ne faudrait pas que tu perdes en agilité et en force, ajoute Phobos un sourire aux lèvres."
Jungkook ne dit plus rien, il sent bien que le dieu fait tout pour le convaincre.
"Parle moi de toi Jungkook, raconte-moi ton passé en tant que mortel.
- Je vous assure qu'il n'y a pas grand chose à dire... soupire l'ancien gladiateur.
- Au contraire, je pense qu'une existence et un destin tel que le tien, méritent d'être contés."
Phobos, soudain, se lève et vient s'asseoir sur le banc près de Jungkook, sa cuisse se presse doucement contre la sienne. Ce simple contact, si léger et doux soit-il, embrase les joues du gladiateur qui n'a pas l'habitude d'être touché de cette façon. Il n'a connu que la violence et ne se souvient pas des quelques moments de tendresse qu'il a pu partager avec ses parents.
Mais comme si cela n'était pas déjà suffisamment embarrassant, l'hôte se penche et réduit l'espace entre eux jusqu'à frôler son oreille.
"Tu sais, Jungkook, les Dieux sont parfois envieux des hommes. Votre vie est si courte, que finalement c'est tout ce qui en fait la beauté. Vous devez profiter, apprécier chaque minute que les Moires ont filées, priant pour qu'Apollon se penche favorablement sur votre Destin. Craignant que la Roue de la Fortune ne tourne en votre défaveur. Nous, les dieux, n'avons pas ce privilège."
Le jeune homme ne sait pas si c'est cette proximité ou le discours prononcé qui provoquent ces nombreux frissons sur son échine. Il n'ose bouger, il sent toujours le souffle du dieu sur sa nuque. Il comprend ce qu'insinue Phobos, bien qu'en l'occurrence, sa vie, à lui, fut bien trop courte et violemment arrachée. C'est peut-être bien cela, qui lui confère une certaine beauté. Les rares moments de joie qu'il a éprouvés restent gravés au plus profond de son être.
"Alors, raconte-moi, ce que jamais je ne pourrais vivre et éprouver Jungkook."
Celui-ci hoche la tête en signe d'assentiment. Il se racle la gorge. Après tout, c'est la première fois qu'il s'apprête à dévoiler ce que jamais il n'a osé raconter. Au lieu de s'éloigner, Phobos reste là, et pose sa tête sur l'épaule offerte de Jungkook, ses mèches noires viennent caresser sa peau nue, sa main s'échoue sur sa cuisse et il ferme les yeux. C'est peut-être plus facile ainsi.
≪ Je suis né dans un pays si lointain, que le matin arrive là-bas bien avant ici. Il est tellement éloigné qu'il faut de nombreuses lunes pour parcourir le chemin entre l'Empire et ma terre natale. Là d'où je viens, le paysage est différent, la température, les gens. Les hommes d'ici disent tous que je viens d'Orient. Malheureusement, cela remonte à si longtemps que je ne me souviens de presque rien. Juste quelques images, impressions, sensations, comme l'odeur du riz. C'est une plante qui ne pousse pas ici. Mes parents étaient marchands de soie. Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours fait ce long voyage avec eux. Nous avons traversé moulte territoires pour venir vendre notre marchandise. Parfois cela se passait bien, parfois non. Les conditions étaient éprouvantes, le chemin dangereux et semé d'embûches. Mais malgré mon jeune âge, je devais apprendre le métier afin que je puisse moi-même plus tard reprendre le flambeau.
La caravane avec laquelle nous voyagions était composée de plusieurs autres familles de marchands. Les semaines étaient interminables, le froid s'installait et mes parents m'avaient acheté sur la route des peaux à mettre dans mes chaussures afin de réchauffer mes pieds. La nuit était toujours le moment le plus critique, où nous étions le plus exposé, à l'arrêt. Et cela s'était confirmé ce soir-là. Notre campement fut attaqué par des bandits, qui en voulaient sûrement à notre marchandise. Cependant les hommes étaient armés et avaient riposté face à cette attaque survenue de nulle part. Mon père s'était battu pour sauver ce que nous avions de plus précieux. Si nous perdions nos étoffes, nous pouvions dire adieu à plusieurs mois de revenus... Malheureusement, il est mort d'un coup de couteau dans le dos tandis que ma mère et moi, nous nous cachions dans la grande tente. Nos assaillants ne tardèrent pas à nous trouver et nous fûmes séparés. Le camp était en feu, les corps jonchaient le sol, je m'en souviens comme si c'était hier. Ma mère se débattait, luttant de toutes ses forces pour échapper à ces hommes, elle savait ce qui l'attendait...
C'est la dernière image que j'ai de mes parents. Mon père, face contre terre, le sang s'écoulant de sa bouche, la lame entre les omoplates. Ma mère se faisant traîner par les cheveux, se débattant, emmenée par deux hommes derrière la tente. Ses cris résonnent encore dans ma tête parfois. L'un de ses monstres m'avait emporté à son tour sur son épaule et je n'avais même pas riposté, j'étais trop faible, trop petit. Ils m'avaient enfermé dans une cage avec plusieurs autres enfants de la caravane et quelques femmes. Mais il n'y avait pas ma mère. J'avais pleuré, tellement pleuré durant ces longs jours où nous avions voyagé d'un pays à l'autre, jusqu'à arriver aux frontières de l'Empire. Ils ne nous avaient même pas donné à manger, nous étions sales, affamés, faibles, certains étaient même morts en route.
C'est dans ces conditions, que nous sortîmes de la cage pour être vendus sur un marché d'esclaves, près d'un port. Il y avait tellement de monde, des grands, des petits, des foncés, des clairs, des gens comme moi, des hommes, des femmes, des enfants... Nous étions contre un mur, les uns à côté des autres, des chaînes aux pieds afin de nous dissuader de nous échapper. Ça sentait le poisson, la poussière et la mort. Les marchands observaient, passaient, nous touchaient, nous n'étions que du bétail, moins que des humains. Je ne comprenais pas ce qui se disait, mais je discernais parfaitement qu'on négociait les prix, qu'on parlait marchandises. On débattait de la vie d'un homme comme du prix d'un sac de riz. Je n'avais plus aucun espoir, plus rien, je pouvais mourir tout de suite, que cela aurait été une fin douce.
Seulement, il n'en fut pas ainsi et un matin, un homme était venu, vêtu d'une grande toge rouge, il avait un serviteur à côté de lui avec une grosse bourse. Il était passé devant moi une première fois, puis une deuxième fois, il avait tâté mes cuisses, mes bras, avait regardé mes dents. Je n'étais habillé que d'une culotte de coton, crasseuse et déchirée, les fers irritaient mes chevilles, je n'avais pas mangé depuis plusieurs jours et pourtant, il avait marchandé avec les hommes qui nous avaient attaqué. Il avait donné une grosse somme d'argent et m'avait emmené avec lui ainsi que plusieurs autres garçons.
Je ne le savais pas encore mais cet homme était en réalité quelqu'un de très important, influent et riche. Il était très respecté, son nom connu, et sa fonction aussi. Il possédait un grand domaine, une vaste demeure, de nombreux serviteurs et surtout un ludus, une école pour les gladiateurs. C'est ainsi que mon destin fut bouleversé, héritier de marchand, orphelin, je devins apprenti gladiateur pour cet homme qui m'avait acheté et était devenu mon maître. ≫
-------- ο ξένος --------
Phobos est resté silencieux durant tout le récit, pressant parfois la cuisse du conteur en signe de réconfort notamment lorsque celui-ci mentionnait la fin tragique de ses parents. Jungkook a fait ses débuts dans la vie de manière si cruelle, et comme si la violence appelle la violence, elle s'est achevée de la même façon.
L'ancien gladiateur et le dieu demeurent un long moment sans parler, sans se regarder. L'atmosphère change, l'air se refroidit. Jungkook sent que le poids sur son épaule s'alourdit. Il penche alors doucement la tête et constate que les paupières du maître de maison sont closes, s'est-il endormi ? Sa respiration est régulière et profonde, indice qui confirme ses doutes. Il est tenté pendant quelques secondes de le réveiller mais finalement, il préfère s'abstenir. Après avoir raconté tout cela, il n'ose pas se confronter à son regard, c'est encore trop frais. Il ne veut pas non plus inspirer la pitié. Tout cela est mort quand lui-même a trépassé. Alors doucement, il se redresse et glisse un bras dans le dos, puis sous les genoux de son hôte qui malgré les mouvements, ne bouge pas. Sa tête retombe sur l'épaule de l'invité qui se dirige à l'intérieur.
Croisant un serviteur, il intime d'un regard de ne pas faire de bruit. Celui-ci comprend et invite d'un geste à le suivre, ils traversent la demeure et Jungkook reconnaît le chemin qui mène aux chambres. Il remarque avec étonnement que la sienne et celle de Phobos sont voisines quand ils pénètrent dans cette dernière qui ressemble à celle adjacente. Délicatement, il dépose son corps sur la couche, veillant à ne pas le réveiller, puis s'éclipse dans sa chambre. Il ne tarde pas à s'endormir, repensant à ses parents. Cela fait tellement longtemps qu'il n'a pas songé à eux. Leurs visages commencent à s'effacer de sa mémoire, même les événements si difficiles soient-ils, s'évaporent.
Les journées et les nuits se ressemblent et s'enchaînent tellement qu'il ne sait plus depuis combien de jours il est arrivé dans le domaine du Dieu Phobos. Il a même arrêté de compter les repas qu'ils ont partagé. Chaque soir, ils se rejoignent sur la terrasse arborée, profitant du dîner, les langues se délient et la conversation se fait plus facile entre eux. Un lien se tisse doucement, Jungkook n'a jamais connu cela. Petit garçon, il est devenu orphelin, pour finir gladiateur. Jamais il n'a noué de lien profond avec quiconque. Phobos, quand à lui, n'a plus fait mention du récit de Jungkook, jusqu'à présent.
Ce soir, toujours aussi époustouflant, il porte une toge couleur or qui rehausse la couleur de sa peau et fait ressortir ses cheveux qui ondulent toujours. Il porte dans ses mèches folles une couronne d'or également, de fleurs et de feuilles forgées. Le gladiateur a depuis quelque temps remarqué que les tenues qu'ils portent sont toujours assorties aux siennes. C'est pour cette raison que lui aussi porte une toge couleur or, courte, au-dessus des genoux. Comme si, Phobos souhaite faire savoir que son invité est déjà à lui, même si celui-ci s'évertue à refuser soir après soir la proposition qui lui a été faite.
Assis sur le bord d'une fontaine au milieu des oliviers, les deux hommes savourent une coupe de fruits déposée par l'un des serviteurs. Ils partagent la même coupe de vin. Et comme la dernière fois, l'hôte invite Jungkook à raconter sa vie passée. Cette fois, moins réticent à l'idée de se confier, il s'assoit plus confortablement, vide le verre qu'il repose par terre et reprend son récit là où il s'est arrêté auparavant.
≪ La vie d'apprentis gladiateur n'est pas un parcours de santé, loin de là. Je venais à peine de perdre mes parents, être acheté, je ne comprenais pas encore correctement la langue, qu'on m'avait demandé de manier une arme, lutter contre des garçons plus forts que moi. J'avais essuyé les coups, les blessures, les bleus, l'entraînement était si dur, et quotidien. Je pensais sincèrement que je n'allais pas faire long feu parmi le Ludus. J'étais au départ le plus faible, le plus chétif. Je n'avais pas trop compris ce qu'avait vu le Maître en moi, pour m'acheter et penser que je serais un investissement rentable. Je ne me voyais même pas fouler le sable de l'arène.
Le premier jour, les nouveaux et moi-même avions été lavés à coup de seaux d'eau, on nous avait remis une nouvelle culotte propre et un repas. Un vrai depuis des lunes... Nous avions chacun une couche à même le sol dans une partie de la bâtisse. Le lendemain, nous avions eu une explication sur ce que nous allions devenir, je n'avais pas vraiment tout compris, mais les gestes et le spectacle qui s'offrait à nous, était équivoque. Dans la cour, de nombreux jeunes hommes et hommes combattaient, luttaient, en groupe ou deux par deux. Le Maître était assis sur un divan à l'ombre et nous observait. On nous avait donné une lame en bois et nous avions été évalués. Bien-sûr j'avais terminé dans le groupe des plus faibles n'ayant jamais tenu une arme de ma courte vie. Plus les jours passaient, plus les autres progressaient et pouvaient évoluer dans les groupes de niveau supérieur. Je voyais défiler les visages, le maître achetait régulièrement de nouveaux esclaves, les plus anciens partaient quand un spectacle avait lieu et certains ne revenaient jamais.
Un an passa avant que je ne puisse sortir du Ludus. Je découvris la ville dans laquelle nous étions, l'architecture, les gens. Tout le monde me regardait étrangement. Les gens se pressaient parfois pour accoster le Maître, admirer les nouvelles recrues. Il nous amena dans une arène, un édifice si haut, si large, sculpté comme les temples. C'était spectaculaire, je ne pouvais avoir que le souffle coupé devant la magnificence de ce bâtiment. La foule dense entrait par les diverses entrées. Nous passâmes devant les cages qui abritaient les combattants du jour. Ils étaient tous imposants, presque effrayants. Je pense que c'est à ce moment que j'ai réellement pris conscience de ce qu'allait être ma vie. En voyant ces hommes, attendre la mort ou la gloire, en armure, avec glaive, lance et bouclier.
Ce jour-là, j'assistais à mon premier combat en tant que spectateur. Je vis l'horreur et la beauté de ce court moment, deux gladiateurs qui s'affrontent dans l'arène. Le sang rougissant le sable, les cris de douleur, la liesse qui se dégageait de la foule, l'engouement pour tel ou tel combattant, la mise à mort, cette euphorie collective pour un moment pourtant si macabre. Ces hommes étaient des héros, ils étaient des légendes, on scandait leur nom, on criait pour leur victoire ou leur défaite. Ils avaient un vrai pouvoir. Ce même soir en rentrant, j'ai pris une nouvelle résolution. Plutôt que de me résigner, je préférais prendre mon destin en main. Quitte à mourir dans l'arène sous les acclamations, je souhaitais le faire la tête haute, ayant donné mon maximum et combattu de toutes mes forces.
Ce ne fut pas facile, mais à force d'acharnement et de persévérance, je gravis les échelons jusqu'à me retrouver dans le groupe des meilleurs du Ludus. Je rendais fier le Maître qui ne devait plus regretter son achat. J'étais doué pour me battre avec un glaive et avec une lance, je fus donc incorporé au groupe des Hoplomaques. Je n'avais pas encore connu de combats dans l'arène, mais je savais déjà me défendre et faire mordre la poussière à mes adversaires au Ludus.
Mon corps avait tellement changé durant toutes ces années, j'avais grandi, grossi, pris du muscle. Je n'étais plus le petit dernier. Le marchand que je devais devenir était si loin, c'était une autre vie. Je n'avais plus le temps de penser à mes parents, je devais absolument faire mes preuves pour avoir la chance d'être sélectionné pour le prochain tournoi. J'avais dix-sept ans quand je fus choisi pour la première fois. Un Sénateur organisait des jeux pour fêter le mariage de sa fille et un combat de gladiateurs était prévu pour les réjouissances. Nous étions quatre du Ludus à participer. Pour la première fois, le Maître était venu s'adresser à nous en personne, nous demandant de faire fleurir la réputation de sa maison, de le rendre fier et lui faire honneur, en gagnant ou mourant dignement. Il nous avait remis notre tenue pour les jeux et nos armes.
Même si cela fut difficile et plus éprouvant que je ne le pensais, je gagnais lors de ce mariage mon premier combat. J'écopais des blessures qui seraient les premières d'une longue série mais aussi de la gloire et des lauriers qui incombent au vainqueur. La victoire était accompagnée d'une drôle de saveur. La foule découvrait mon visage et les traits particuliers de celui-ci, j'étais exotique, particulier. C'est ainsi que je fus nommé, je n'étais plus Jungkook, fils de marchand. Mais l'Étranger, gladiateur.≫
-------- ο ξένος --------
Le fait de se dévoiler ainsi, a perturbé un temps Jungkook, qui ne pensait pas trouver une oreille compatissante et bienveillante. Il ne porte pas de jugement, se contentant d'écouter et parfois poser quelques questions, principalement sur ses émotions et son ressenti. Comme si à travers ses mots, Phobos vivait par procuration les évènements. Et c'est le cas.
Quand la voix douce et profonde de Jungkook raconte ces moments qui font de lui la personne qu'il est aujourd'hui, l'hôte voit les images défiler sous ses paupières. Il peut sentir les coups de lames, les efforts, la peur, l'adrénaline qui imprègnent tous ses pores. Il entend presque les glaives s'entrechoquer, la foule crier. Il ressent aussi la haine pour ses adversaires, la tristesse de la perte de ses parents, la fierté de son maître, l'envie des autres gladiateurs d'être comme lui.
Phobos sent que l'ancien combattant s'ouvre et laisse tomber les barrières une à une. Il découvre jour après jour une nouvelle facette de cet homme. C'est fascinant pour lui, jamais encore il ne s'était attaché à une future recrue pour son armée. Jungkook est spécial à ses yeux, il ne saurait expliquer en quoi. Est-ce purement physique ou intellectuel, un peu des deux ou tout simplement autre chose ? Ainsi un soir, après s'être promenés tous les deux aux abords du Phlégéthon, Phobos l'invite à poursuivre son récit.
"Pourquoi souhaitez-vous tant savoir la suite, vous devinez pourtant bien comment tout cela va se terminer ? interroge Jungkook."
Ce n'est pas qu'il refuse de se prêter à l'exercice une nouvelle fois, il est juste curieux car il n'arrive pas encore à cerner clairement les intentions du dieu. Est-ce de la curiosité ou cela fait-il simplement partie de son plan afin de l'attirer dans son armée ?
"Je sais comment cela va finir, je veux juste l'entendre de ta bouche, avec ton point de vue.
- Vous pouvez ordonner, je vous obéirais, je suis à votre service ici, simple âme mortelle s'incline Jungkook, qui sait de toute façon qu'il ne peut presque rien lui refuser.
- Non, certainement pas ! s'exclame Phobos qui se rapproche de lui si vite, qu'en un instant ils se touchent presque. Tu n'es pas mon esclave, ni mon serviteur. Tu es comme mon égal ici. Je t'interdis de penser le contraire. Tu es la partie mortelle de l'être divin que je suis, mon pendant humain."
Jungkook est stupéfait, il peine à croire ce qu'il vient d'entendre.
"Jamais je ne pourrais occuper cette place à vos côtés. Je ne suis qu'un simple mortel, comme vous l'avez dit. Et vous êtes un dieu.
- Tu n'as toujours pas compris, soupire Phobos se rapprochant toujours plus. Si près que son nez frôle celui du gladiateur. Je vais te le redire autant de fois qu'il faudra. Jungkook, tu es à moi, depuis le moment où tu as rendu ton dernier souffle, jusqu'à ce que je décide que tu puisses reposer en paix. Et même si tu refuses de rejoindre mon armée, je te garderais quand même à mes côtés. Je prends plaisir à venir te voir tous les soirs, t'entendre parler, raconter, vivre tout simplement. Je n'envisage pas le fait de te renvoyer aux Champs du Châtiment. Ta place est à mes côtés ! s'insurge-t-il.
- Je ne suis donc qu'un passe-temps à vos yeux ! Quand votre journée est terminée, vous venez vous divertir à mes côtés. Cela n'a donc pas changé, je ne sers qu'à distraire, s'emporte soudain Jungkook.
- Tu te méprends sur mes intentions, s'indigne l'hôte en reculant."
L'invité sent qu'il est peut-être allé trop loin dans ses propos, lui simple homme, a osé monter le ton face à un dieu. Il ne comprend pas pourquoi il s'est mis en colère. Il a pourtant toujours eu l'habitude de se plier aux volontés des hommes libres, faire ce qu'on lui demandait, distraire et souffrir pour le plaisir des autres. Alors pourquoi lorsqu'il apprend qu'il en est de même pour Phobos, cela l'irrite davantage. Peut-être pensait-il à tort, être plus que cela ?
"Je vous prie de m'excuser, j'ai dépassé les limites en parlant. Je ne suis personne pour juger vos actes et votre comportement envers moi, s'agenouille Jungkook.
- Ne t'abaisse pas devant moi, je te l'ai dit, tu n'es pas mon esclave, ici tu es libre. Je me suis tout simplement mal exprimé, explique-t-il en se mettant au même niveau."
Ses mains se posent de part et d'autre du cou du gladiateur. Il détaille ce visage que la souffrance n'a pas épargné, il souligne du regard la cicatrice sur sa tempe, qui s'étend jusqu'à sa joue. Des yeux en amande, couleur noisette, des cheveux coupés courts noirs comme les siens. Des lèvres charnues, un port de tête fier malgré sa position actuelle. Le bleu pastel de la toge qu'il porte met en valeur son teint. Phobos aime chaque détail de son anatomie, il devine ses formes et ses muscles sous le coton de son vêtement.
Ses lèvres effleurent alors sur ce visage, doucement, légèrement, puis la trace blanche de cette blessure, et il descend jusqu'à sa joue. Son front rencontre le sien, il inspire et supplie presque :
"Raconte-moi tes derniers instants. La nouvelle lune est dans trois jours, tu devras bientôt prendre ta décision. Après cela, qui sait ce qu'il adviendra de nous..."
≪Les combats s'enchaînaient, les uns après les autres, parfois dans des arènes plus éloignées, pour des évènements grandioses ou plus minimes. Même si les blessures étaient fréquentes, je n'ai jamais perdu un combat. Je savais que je gagnais en renommée à chaque fois que le sang coulait. On m'acclamait pour avoir donné la mort, pour avoir mutilé et tranché. À chaque fin de combat, on scandait mon nom tel un hymne à la gloire : "L'Étranger ! L'Étranger ! L'Étranger !".
C'était à la fois grisant de se sentir admiré et consternant de réaliser ce qu'était la nature humaine dans ses pires moments... Mais c'était ma vie, et le choix que j'avais fait. Je devais accepter ce destin qui m'avait été imposé et le faire mien. J'aurais pu me résigner et baisser les bras dès le premier affrontement. Laisser à mon adversaire le dessus, mourir et rejoindre mes parents. Cela aurait été plus facile, plus rapide. Mais alors, j'aurais peut-être eu le sentiment que ma vie fut vaine, sans objectif, et la mort de mes parents inutile. C'était comme si, en luttant et survivant, je le faisais pour eux, qui n'avaient pu le faire cette nuit-là.
Le Maître m'avait donné une place dans l'une des pièces les plus grandes pour dormir avec les meilleurs d'entre nous. Il avait changé ma tenue, il m'avait donné des armes de meilleure facture. Il m'emmenait toujours plus loin dans des contrées que je n'avais jamais visité. Il vantait mes capacités et mes mérites aux personnes haut placées dans l'Empire. Mon nom avait parcouru des kilomètres, on me connaissait avant même de m'avoir vu. J'étais l'Etranger, l'esclave venu d'Orient, devenu Gladiateur. Certains adversaires me redoutaient, d'autre trop orgueilleux pensaient pouvoir enfin me tuer. Mais au final, le résultat était toujours le même, que cela dure à peine quelques minutes, ou au contraire de nombreuses. Si mon concurrent n'était pas épargné par les bonnes grâces de la populace, le tranchant de mon glaive finissait toujours par rencontrer la peau tendre de son cou. Le sang coulait, la foule exultait.
Quand tout a basculé, nous étions partis depuis des semaines de la demeure de mon maître. Il nous avait emmené à Rome, la capitale de l'Empire, la ville où tout se jouait. Nous étions arrivés au Colisée, l'arène ultime, celle où il fallait se montrer, celle où il fallait absolument gagner. L'Empereur après avoir fait campagne dans les territoires du sud, était revenu et souhaitait célébrer son triomphe en offrant au peuple, fêtes et réjouissances. Des artistes, des gladiateurs, des personnes influentes étaient venus pour satisfaire la moindre des envies de l'Homme le plus influent.
Le Maître avait expliqué que les jeux allaient se dérouler sur plusieurs jours avec pour clou du spectacle, plusieurs combats des meilleurs gladiateurs de l'Empire. Il y avait aussi des courses de chars pour prouver son adresse, des sacrifices de païens et d'animaux pour rendre hommage aux Dieux, des reconstitutions de batailles célèbres afin de gratifier les glorieux faits de guerre de l'armée. Un vrai bain de sang était programmé. Un bain de sang auquel j'allais participer et que j'allais clôturer, par ma mort ou ma victoire.
Nous avions assisté chaque jour aux réjouissances, nous nous rendions comme le reste de la foule à l'intérieur du Colisée, nous avions observé avec stupéfaction ce que les organisateurs avaient prévu. Tout était dans la démesure, dans l'opulence, plus grand, plus terrifiant, plus exaltant.
Mon maître m'avait déjà informé de ce que j'avais à faire pour le dernier jour, rien de nouveau. Un combat en face à face avec un autre Hoplomaque, d'abord à la lance, puis si le combat s'éternisait, au glaive. Cependant, la veille, tout avait changé. Un des organisateurs était venu nous prévenir que l'Empereur avait eu vent de mes exploits précédents et souhaitait non pas faire un face à face, mais un trois contre un. Et bien-sûr j'étais celui qui se retrouvait seul face à trois autres gladiateurs. Mon maître avait réfuté cette décision, expliquant qu'il ne souhaitait pas perdre l'un de ses meilleurs combattants. Il ne m'avait pas dévalorisé en expliquant cela, il était juste réaliste. Je n'avais aucune chance de survie... Le but de l'Empereur était simple, me tuer, pour quelles raisons, nous n'avions aucune idée... Telle était sa volonté. Mais malgré les protestations, les arguments, tout ceci n'était qu'un dialogue de sourd, la décision était prise et nous ne pouvions rien faire, sinon abdiquer.
Mon maître s'était alors tourné vers moi, il m'avait dit qu'il était désolé, qu'il croyait en mes capacités et que peu importe ce qui arrivait demain, j'étais méritant et je pouvais partir fier de moi. Que mon nom resterait une légende et que l'on chanterait mes louanges. C'était la première fois qu'il avait ce regard, lui qui était pourtant si intransigeant. Il m'avait donné un bon repas et m'avait dit de me reposer, mais j'avais été incapable de fermer l'œil.
Je ressentais la peur par tous les pores de ma peau, je pouvais encore me laisser aller, demain, je devrais me concentrer. Car même si le combat était perdu d'avance, je n'allais pas me laisser faire et lutter jusqu'au bout.
Ce qui était écrit, arriva. J'avais foulé le sable du Colisée, le peuple scandait mon nom, découvrait mon visage. Mes trois adversaires m'avaient salué, ils étaient immenses et bien bâtis, prêts à en découdre. Un sourire sadique accroché aux lèvres. Les premières minutes avaient surtout servi à me jauger, tâter le terrain et mes capacités. Puis tout s'était enchaîné tellement rapidement. Les coups, les blessures, la douleur. J'en avais tué un avec ma lance, mais les deux autres étaient trop coriaces et privé de ma première arme, nous avions entamé un combat au corps à corps avec nos glaives. Je me défendais plus que j'attaquais, ils avaient le dessus sur moi et faisaient seulement durer le supplice pour le plaisir des spectateurs, qui n'attendaient qu'une chose me voir tomber.
Le coup fatal fut porté, la lame glissa le long de ma peau, entaillant mon torse, cet endroit si tendre que le sang coule immédiatement. Sous le choc de l'impact, j'étais tombé le dos contre le sable, lâchant mes armes. Je n'avais pas suivi ce qui c'était passé... Je sentais juste mon sang chaud s'écouler le long de mon corps, imbiber le sol meuble de l'arène, les spectateurs criaient, mes adversaires m'observaient. Il n'y avait même pas besoin de m'achever.
Mon corps fut pris de frissons, ma respiration fluctua, ma vision se brouilla. Je ne sentais plus mes membres, plus rien. Je tombais dans l'inconscience petit à petit. Je pouvais voir le Destin se pencher sur moi une dernière fois. Tout était fini, je mourrais pour le plaisir de l'Empereur, sous les acclamations d'inconnus, loin de ma terre natale, seul...≫
-------- ο ξένος --------
Jungkook n'avait pas revu Phobos depuis cette révélation. Les trois derniers jours sont passés et ce soir il sait qu'il va devoir donner une réponse au dieu. Cependant, il s'en veut. Il n'aurait peut-être pas dû lui parler de cela malgré sa demande insistante. Cette absence démontre sûrement que son hôte a changé d'avis sur lui et ne souhaite plus l'incorporer à son armée. Il n'est pas assez fort, il n'est pas un soldat.
Aucun serviteur n'a voulu lui expliquer pourquoi il dînait seul. Encore une fois, il est à table et attend jusqu'au dernier moment son apparition. Le repas refroidit, et il ne vient pas. Alors finalement c'est comme cela que ça doit se finir. Il ne pourra même pas lui parler une dernière fois. Il lui avait pourtant promis de l'accompagner lui-même aux Champs du Châtiment. C'est à croire que Phobos a des obligations plus importantes que cela.
Jungkook ne touche même pas à son assiette, l'appétit s'est envolé et avec lui ses derniers espoirs. Il ne sait pas encore quelle réponse il lui aurait donné mais il aurait au moins voulu avoir l'opportunité de revoir son jugement. Ses pas le guident vers sa chambre, celle du maître des lieux est vide. Il n'a pas sommeil, pourtant il se couche et savoure une ultime fois la douceur des tissus qui recouvre sa couche. La maisonnée est calme, les serviteurs sont tous partis. Il entend au loin les vagues du Phlégéthon qui s'échouent sur la rive. Ce son est apaisant et le berce doucement.
Ce n'est que plus tard, qu'il remarque finalement une présence, là, près de la porte se tient Phobos.
Celui-ci s'avance au milieu de la pièce et s'assoit sur le bord de la couche près de son invité. Il porte une tenue si légère, presque transparente, qu'elle laisse entrevoir et deviner sa peau et ses courbes en dessous. Jungkook ne dit rien et le regarde intrigué.
Le dieu semble épuisé, vidé de toute énergie. Qu'est-il arrivé durant ces trois jours ?
"Tout va bien, demande alors le gladiateur."
Phobos ne répond pas et hoche seulement la tête, faiblement. Son corps s'étend alors à côté de celui de son invité. Leur mains se lient d'un mouvement commun.
"Je suis désolé pour mon absence, ce n'était pas prévu. Je suis parti combattre aux côtés de mon père. Demain je dois y retourner, j'emmène avec moi mon armée. D'où ma présence ici ce soir. Je vais te le demander une dernière fois, réfléchis bien."
Phobos marque une pause dans son discours, ce moment semble rempli de solennité.
"Souhaites-tu rejoindre mon armée, combattre à mes côtés ? Avant de me répondre, sache que je te propose quelque chose. Viens avec moi demain, vois de tes propres yeux ce que je te demande, ce qui t'attend si tu acceptes. Je connais maintenant ton passé, les choix qui t'ont menés jusqu'ici. Je me dis que c'est le meilleur moyen que j'ai de te convaincre. Je comprends maintenant pourquoi tu refuses. Toute ton existence fut toujours orchestrée et décidée pour toi, ta vie ne fut que violence et crime. Tu en as souffert jusqu'au dernier instant. Observe maintenant ce dont tu es capable, ce que tu peux faire ici, tu n'es plus le même, tu n'es plus dans l'arène. Reste à mes côtés demain et les jours suivants. Pas en tant qu'esclave, combattant, mais en tant que mon égal."
Les mots touchent plus qu'il ne l'aurait cru Jungkook, qui ne sait plus quoi répondre à présent. Phobos lui a déjà dit tout cela, et s'il avait du mal à y croire jusqu'à maintenant, ce n'est plus vraiment le cas. L'intensité de son regard, la prise sur sa main, le sérieux de son ton, la profondeur de sa voix sont autant d'indices qui prouvent qu'il ne se joue pas de lui en cet instant.
"Je viendrais, je combattrais demain à tes côtés."
L'hôte soupire de soulagement, ne s'attendant pas à cette réponse aussi facilement. Lentement il se rapproche de Jungkook jusqu'à toucher son front du sien. Ses yeux se ferment face au plaisir de ce simple contact.
Il a eu de nombreux amants, hommes, femmes, plus vieux, plus jeunes au cours de son existence millénaire. Il a toujours été attiré par la beauté, celle de l'âme et celle du corps, mais jamais encore il n'a retrouvé dans un même mortel ce mélange subtile des deux, cette harmonie. Jungkook est beau physiquement certes, mais cela va bien au-delà de ça. Son corps reflète ce qu'il a traversé, enduré, il raconte une histoire à lui seul. Et ce n'est rien comparé à son visage. Phobos peut y déchiffrer son âme, à travers ses expressions et ses traits.
Sa mère, Aphrodite, lui a toujours expliqué que la beauté véritable se cache et que peu de gens sont capables de la percevoir. Bien plus qu'un beau faciès, la splendeur se dissimule là où on ne l'attend pas : à travers des gestes, une attitude, une façon de s'exprimer, un passé, une capacité. Phobos sait qu'il tire ses traits gracieux et sa magnificence de sa mère, mais il sait aussi que nombreux de ses amants sont tombés pour lui en découvrant une autre facette qu'il ne dévoile pas souvent, une partie qu'il espère demain montrer à l'ancien gladiateur.
C'est sûrement aussi le cas chez Jungkook, et l'hôte n'a nul doute qu'après cette journée fatidique, il tombera un peu plus pour ce mortel en l'observant évoluer sur le champ de bataille. La guerre a le mérite de dévoiler la vérité chez n'importe qui. Il a déjà désiré et rêvé de voir cette peau maculée de sang, à l'aube du combat, son vœu est exaucé.
-------- ο ξένος --------
La plaine est noire de soldats, là sur l'herbe verte de cette vallée, marchent plusieurs légions de combattants, l'armée d'Arès au centre, celle de Phobos à droite et celle de son frère Déimos à gauche. Chacun d'eux arborant une couleur, un équipement particulier afin de se distinguer.
Les trois dieux chevauchent en tête, suivis par les soldats à pied et les cavaliers. Jungkook est parmi ces premiers, n'ayant jamais appris à monter à cheval. C'était aussi son choix ce matin lorsque Phobos lui avait proposé une jument. Il se sent plus libre de ses mouvements sur ses deux pieds. Le soldat, novice, ne sait pas exactement pourquoi aujourd'hui il se bat, son hôte est resté très vague, lui expliquant que les querelles entre Dieux étaient fréquentes, pour un territoire, une discorde, un pari, ou défendre les mortels. Il ne sait pas non plus contre qui il doit se battre, finalement cela a peu d'importance. Sa seule mission aujourd'hui est de défendre le dieu qu'il représente et lui faire remporter la victoire. Plus les minutes s'écoulent, plus il sent l'adrénaline du combat s'infiltrer dans son être, la tension est palpable dans les rangs.
Il porte un équipement similaire aux autres soldats, semblable aux légionnaires, fait de cuir et de métal afin de protéger son torse et les parties les plus sensibles de son anatomie, d'une couleur rouge sang. Néanmoins, Phobos lui a assuré ce matin que grâce à l'eau du Styx, aucune blessure ne pourrait lui être mortelle. Il a aussi un glaive comme celui avec lequel il avait l'habitude de combattre auparavant et un bouclier suffisamment petit pour ne pas entraver ses mouvements. Il est encore une fois en accord avec lui, car le Dieu porte un équipement rouge et or, que Jungkook identifie comme celui d'un chef légionnaire. De nouveau, Phobos est époustouflant, davantage maintenant, portant fièrement ses attributs de guerre. Oui, le nouveau soldat ne peut s'empêcher de se dire que cela est fait pour lui. Là, à côté de son père, Dieu de la Guerre, il est majestueux.
Un grondement fait soudain écho, le bruit se rapproche. Au loin sur la colline, Jungkook aperçoit les troupes ennemies qui commencent à affluer. Tout de noir vêtus, ils semblent nombreux et eux aussi bien armés. Le chef est en tête, sa monture est blanche contrastant avec le reste de son équipement militaire.
L'ancien gladiateur connaît le plan, Phobos l'a énoncé ce matin lors d'un repas frugal. Leur position en contrebas peut paraître peu judicieuse, néanmoins Arès a ordonné à ses fils de prendre en étau l'ennemi en attaquant les troupes sur les flancs. Les soldats devraient alors se regrouper au centre où les attendent les combattants du Dieu de la Guerre. Ainsi dans la cuvette de la vallée, ils ne pourront pas s'échapper facilement et s'écraser sur leurs lames.
Les tambours résonnent et annoncent le chargement de l'ennemi. Celui-ci est impatient d'en découdre apparemment. De leur côté, personne ne bouge, attendant l'ordre de se mettre en marche. Jungkook trépigne, il a, à la fois hâte, et en même temps il ne peut s'empêcher de se demander si c'était une bonne idée de s'aventurer ici.
Arès fait alors un simple signe de tête à chacun de ses fils, donnant l'aval pour avancer. Phobos se tourne vers ses troupes, repérant facilement Jungkook dans les premières lignes. Il lui adresse un regard, avant de tourner la tête et avancer au pas avec sa monture vers l'ennemi qui dévale en courant les versants de la colline. L'armée se met en marche et se scinde en trois comme prévu. La formation adverse est désordonnée.
Il ne reste que deux cent mètres et bientôt les corps vont s'entrechoquer dans un chaos des plus total. Les soldats se mettent à courir à leur tour, précédés par le dieu qui galope à présent. D'une main il tient ses rennes, de l'autre il brandit son épée en l'air, triomphant déjà. Ses boucles noires volent au vent, un sourire carnassier s'est emparé de sa bouche.
Les deux camps se rencontrent enfin et la bataille commence. Les corps se percutent, se repoussent. Les lames s'entrechoquent, tintent de chaque côté, tranchent, découpent, blessent, tuent. Les gestes sont vifs, tout se passe si vite. Jungkook a à peine le temps de riposter et vaincre un soldat adverse, qu'un autre vient vers lui pour le tuer. Un à un, il les élimine, faisant couler le sang sur l'herbe verte. Il constate avec surprise que ses gestes sont plus fluides qu'auparavant, ses mouvements sont précis, son corps se meut avec une agilité déconcertante. Il n'a pas besoin de réfléchir, c'est presque instinctif, il a fait cela toute sa vie. Pourtant dans l'arène ce n'était pas pareil. Il ne peut expliquer ce changement, est-ce un effet de son séjour chez Phobos ?
Il est essoufflé, fatigué, mais son corps exulte, son sang bouillonne d'une euphorie nouvelle. Autour de lui, les cadavres s'entassent et bientôt le nombre d'assaillants diminue. Le temps semble se stopper quelques minutes quand il prend enfin la peine de relever la tête afin de constater l'avancée de la bataille.
Comme prévu, l'ennemi est empêtré dans la cuvette, encerclé par les trois armées, dont celles de Phobos et Déimos qui se sont refermées autour de celui-ci comme un étau.
Là, au milieu de la bataille et du chaos, il repère facilement Phobos qui est à présent à terre. Il se bat contre plusieurs hommes en même temps, évitant avec précision et justesse les coups, tuant à tour de main. C'est comme un ballet bien orchestré au détriment de ses ennemis. Jungkook en a le souffle coupé. Il remarque que les soldats ont un comportement particulier. Il lui faut plusieurs secondes pour analyser la situation afin de comprendre ce qui est en train de se passer autour du dieu.
Phobos est le dieu de la Peur.
Jungkook se rappelle alors d'une histoire que lui avait raconté l'un de ses compagnons chez le Maître : "Phobos te fait voir tes pires cauchemars, il s'empare de ton esprit et te torture pour mieux te tuer."
Il se rend compte que c'est exactement ce qui est train de se passer. Le dieu insuffle la terreur. Loin d'être lui-même terrifié, Jungkook est fasciné. Il ne peut détacher son regard du spectacle mortuaire. Phobos est beau, beau de violence, beau de vengeance, beau de terreur. Son aura divine est fabuleuse et envoûte le jeune soldat. Celui-ci est alors frappé de plein de fouet pour une vérité.
Pas un seul instant, il ne regrette sa décision, il sait au plus profond de lui où est sa place. Elle est ici, sur le champ de bataille, aux côtés du dieu qui l'a pendant un mois accueilli chez lui. Si auparavant le trépas et la bataille le répugnait, ce n'est plus le cas. Il jouit aujourd'hui de ce pouvoir de décision de vie ou de mort, c'est lui le maître, il décide de prendre la vie sans qu'on ne lui en donne l'ordre. Il le fait de son plein gré pour la personne qu'il a choisie.
Pris d'un regain d'énergie, Jungkook abat de nouveau son glaive sur l'ennemi. Il fend l'air, il trépigne et progresse toujours plus vite vers le centre de la bataille où les trois dieux combattent également. Les rangs de l'adversaire diminuent et le peu de soldats vêtus de noir qui subsiste, finit par fuir de terreur et de honte face à la défaite écrasante qui leur est infligée.
Le combat est terminé, chacun est essoufflé, parfois blessé. Il y a des pertes certes, mais la victoire est raflée. Jungkook détaille son corps et constate qu'il n'a aucune blessure comme le lui avait promis Phobos. Celui-ci rejoint d'ailleurs sa monture qui s'était éloignée durant la mêlée. Enhardi par ce qui vient de se passer, le jeune soldat s'approche de lui.
Au milieu des cadavres, de la mort, de l'odeur du sang, Jungkook se moque bien des conséquences et attrape le visage de Phobos. Ses lèvres se posent sur les siennes, dans un mouvement brutal. Il n'y a rien de doux, de tendre, juste l'exaltation de la bataille retranscrite à travers ses gestes. D'abord surpris, le dieu répond à l'échange. C'est brûlant de passion, c'est déchaîné à l'image de ces deux êtres façonnés par la guerre. Il y a un goût de sang, un goût de sueur, un goût d'interdit.
-------- ο ξένος --------
De retour dans la demeure du dieu, la tension est quelque peu redescendue. Aucun mot sur ce qui s'était passé ne fut prononcé. Couverts de sang, de terre, de sueur, les deux hommes se dirigent à l'intérieur, faisant fi des traces qu'ils peuvent laisser sur leur passage. Phobos les mènent directement à sa chambre. La maison semble vide de toute présence comme si l'ordre avait été donné de les laisser seuls.
Il invite son nouveau soldat à entrer, tandis qu'il commence à se déshabiller. Un à un, il enlève les éléments de son équipement, jusqu'à ne garder qu'un linge qui dissimule toujours son intimité. Jungkook n'a pas bougé, charmé par la peau dénudée qu'il peut admirer. Encore une fois, il est subjugué, incapable de bouger ni même de penser. Si son côté belliqueux lui vient de son père, il a sans contexte hérité de la beauté de sa mère.
"Viens, je vais t'aider et te laver, l'enjoint le dieu, maintenant à côté de lui.
- Ce n'est pas ton rôle, je peux m'en charger.
- Jungkook, laisse-moi faire, ne me force pas à t'obliger. Pas après ce que tu as fait là-bas, susurre-t-il contre ses lèvres."
Jungkook abdique et se laisse mener près du bassin privé. Comme il l'a fait pour lui, Phobos défait et retire lentement l'équipement qu'il a donné au guerrier. Il se retient de caresser cette peau couverte de sang, ce tableau dont il a longtemps rêvé. L'épiderme marqué de blanc, taché de rouge. L'invité se retrouve à présent complètement nu, quelque peu confus de dévoiler ainsi son intimité aux yeux de son hôte pour la seconde fois. Gêné, il détourne le regard. Phobos semble comprendre puisqu'il se redresse jusqu'à capturer son regard.
"N'aies pas honte de ton corps, il raconte ton histoire, il me plaît, dit-il avant de furtivement l'embrasser."
Il capture sa main et le fait entrer dans le bassin dont l'eau, peu profonde, est encore chaude. D'un linge blanc, propre, le maître de maison s'agenouille face à son futur amant. Passant de ses bras à son torse, son dos, puis ses jambes, débarrassant peu à peu cette peau tannée de ses impuretés. Après avoir terminé, il se penche et attrape un flacon d'huile, dont il dépose quelques gouttes au creux de sa paume. Jungkook est à présent dos à lui, assis, immergé jusqu'à la taille dans l'eau, légèrement teintée de rose. Cela ne semble pas le déranger.
Le jeune homme sursaute quand il sent les mains de son hôte se poser doucement sur ses épaules et les malaxer. Ainsi, détendu, inconsciemment son dos s'appuie contre son torse nu. Sa tête se penche en arrière sur son épaule. Phobos, assis derrière lui, apprécie de plus en plus la tension et la volupté du moment qui s'installe. Il ne veut pas le brusquer mais ne souhaite qu'une chose, le faire sien. Tendrement, ses doigts explorent son torse, parcourent sa peau et les cicatrices qui la composent. Il perçoit les frissons qu'il provoque et l'excitation commence à s'emparer de lui.
L'une de ses mains, s'aventure toujours plus bas, jusqu'à effleurer le membre de l'ancien mortel. Phobos patiente, attend un refus de sa part, mais au contraire, son invité s'appuie un peu plus et attrape son poignet l'intimant à poursuivre sur sa lancée.
Tout est nouveau pour Jungkook qui n'a jamais connu un moment d'intimité avec un homme ou une femme. Pour un gladiateur, c'est strictement interdit, la vie n'est pas faite de plaisirs mais de souffrances. Il est à la fois excité mais tout aussi angoissé ne sachant pas quoi faire de ses propres mains. Il laisse alors Phobos mener la danse. Celui-ci prolonge ses mouvements sur la verge tendue de son amant. Son propre plaisir peut attendre, il veut tout d'abord le satisfaire. Mais la cadence ralentit, et disparaît. Ceci ne servait qu'à l'émoustiller, titiller ce désir caché. Souhaitant plus, tout de suite, le dieu se lève et libère le mortel de son étreinte.
Jungkook suit du regard le mouvement de son corps qui sort de l'eau, sa peau luisante, le linge qui tombe et dévoile son membre gorgé lui aussi de plaisir. Il a envie de le goûter, de poser sa bouche partout sur son épiderme, l'honorer tel l'être divin qu'il est.
"À quoi penses-tu, demande Phobos.
- Ma bouche partout sur toi... murmure l'ancien gladiateur."
Le maître de maison se mord la lèvre, c'est tellement excitant, tellement tentant, qu'il désire s'abandonner quelques minutes avant de reprendre là où ils en étaient. Il sort du bassin et encore mouillé, rejoint le lit, s'allonge et ouvre outrageusement les cuisses, exposant tout au regard fiévreux de son amant.
"Je suis tout à toi, susurre-t-il comme un secret."
Jungkook ne se fait pas prier, il en oublie sa condition d'ancien mortel et ce statut de dieu qui peut les séparer. Ici, maintenant, il n'y a plus rien de tout cela. Il sait que Phobos le considère comme son égal.
Sa bouche effleure la sienne et goûte de nouveau à la douceur de ses lèvres, comme plus tôt sur le champ de bataille. Sa langue caresse, se joue, ses lèvres mordent, tirent sur la peau. C'est tellement beau, tellement bon. Mais il hésite.
"Je veux ton goût sur ma langue, chuchote-t-il.
- Vas-y, n'aies pas peur, abandonne-toi."
Jungkook sourit, plus confiant, ses lèvres se déposent sur la peau caramel, sur ce torse finement sculpté, caressent et goûtent de nouveau. Ses phalanges chatouillent l'entrejambe déjà réveillée de Phobos, l'intérieur de ses cuisses, son aine, avant que sa langue ne retrace sa longueur. Celui-ci ne peut s'empêcher de gémir de plaisir, pourtant novice, son amant arrive à lui faire ressentir une myriade de sensations. Tout a une saveur particulière et nouvelle. Sentant le plaisir monter, il préfère néanmoins l'arrêter et inverse leur position pour le surplomber. Il prend place sur les cuisses fermes et contractées de tension de Jungkook qui s'adosse contre le mur derrière lui.
"Je te veux, tout entier, exige le dieu, d'un regard brûlant.
- Je suis ton obligé, répond t-il en posant ses mains sur les hanches fines de son vis-à-vis."
S'installant plus confortablement, Phobos se met à humidifier ses doigts sous le regard intrigué de Jungkook. Mais il ne lui laisse pas le temps de réagir, qu'il empoigne déjà leur deux érections pour les stimuler davantage. Les ongles du jeune soldat tiraillent l'épiderme doux de son amant sous l'afflux de sensations : la peau chaude qui frotte, la moiteur, le sang qui pulse. C'est trop pour lui, tellement, qu'il rejette sa tête en arrière et ne remarque même pas que les doigts maintenant mouillés de Phobos se faufilent vers sa propre intimité pour se préparer.
"Regarde-moi, regarde-moi Jungkook, me faire du bien pour toi, ordonne le dieu, les yeux voilés de désir."
L'obligé se redresse et constate de lui-même ce qui est en train de se passer. Phobos ondule sur son bassin tandis qu'une main continue toujours de leur faire du bien et l'autre le prépare pour la suite. Tout n'est que luxure et volupté, dans la pièce déjà emplie des soupirs de plaisir du maître de maison. Jungkook doit presque le stopper, et mettre fin de nouveau à cette montée de plaisir dans son bas ventre. Son cœur galope dans sa poitrine. Son souffle est erratique. Il sait que la prochaine fois, il ne pourra pas se retenir.
Phobos semble comprendre, il retire ses doigts de son antre, prête à accueillir maintenant son amant. Ses mains se posent sur son torse et l'aide à se soulever pour s'empaler lui-même sur le membre dressé de Jungkook, qui écarquille les yeux face à cette toute nouvelle sensation qui lui fait perdre la tête. C'est doux, chaud, humide. Ça l'englobe parfaitement. Il a envie de bouger, mais coincé ainsi en dessous de Phobos, il ne peut esquisser le moindre mouvement.
Il s'abandonne alors au plaisir que lui procure le dieu en bougeant autour de lui. Sa voix fait écho à la sienne. Les gémissements remplissent l'espace, l'air gondole de plaisir, la température monte d'un cran. Les bouches se rencontrent de nouveau.
Jungkook ouvre les yeux, il est subjugué comme il l'a été plus tôt lors de la bataille. Il est soumis à la lubricité de Phobos, tout chez lui n'est que désir et puissance. Il domine tout, il est tout en cet instant.. Il est celui qui donne et qui prend. Phobos est beau, beau d'amour, beau de vice, beau de perdition. Le soldat tombe un peu plus pour cet être si particulier. Il aime tout chez lui, cette duplicité qui fait de lui l'être unique qu'il est. L'Amour et la Guerre.
Son plaisir atteint son climax et Jungkook jouit dans un râle de bonheur, d'abandon. Mais Phobos ne ralentit pas la cadence pour autant, pourtant épuisé, il stimule le membre du jeune homme déjà si sensible après cet orgasme.
"Touche-moi !"
Encore submergé par les vagues de son désir, Jungkook s'exécute, d'une main il cajole la cuisse de son hôte et de l'autre, il empoigne son érection palpitante. Il peut sentir sous ses doigts, le sang battre, la peau chaude. Phobos ne tient pas plus longtemps et se libère à son tour, repus de contentement.
Les corps fatigués, s'étreignent tendrement après ce moment de fugue. Les caresses se font plus douces, les baisers plus légers. Le calme revient peu à peu dans la maisonnée après les ébats de ces deux amants qui viennent de se trouver. La nuit est déjà bien entamée quand tous deux sombrent.
-------- ο ξένος --------
Phobos constate rapidement que la couche sur laquelle il est étendu, s'est refroidie. Il est seul dans sa chambre. Sa demeure est silencieuse. Mais il suppose que Jungkook n'est pas loin. Il a l'intime conviction que sa recrue et maintenant amant, ne compte pas le quitter de si tôt. Il peut le percevoir au plus profond de son être même s'il veut l'entendre de sa bouche. Il se lève et ne prend même pas la peine de se vêtir avant de sortir par la fenêtre qui donne sur son jardin. Il retrouve sa moitié près des oliviers, assis au bord de la fontaine où pour la deuxième fois, il avait raconté ses souvenirs. Jungkook ne porte qu'un linge autour de sa taille. Son allure après l'amour est fabuleuse, et s'il ne sentait pas encore ses muscles tirés, Phobos s'empresserait de le prendre à même les dalles de marbre. Mais il se retient, il sait qu'ils auront tout le temps pour cela. À la place, il s'assoit sur ses cuisses, et passe ses bras autour de son cou.
"Il est temps de me donner ta réponse Jungkook. Toi et moi, nous avons passé un accord, il y a de cela un mois maintenant. Je renouvelle donc mon offre une dernière fois."
Afin de le faire flancher et faire peser la balance en sa faveur. Phobos se penche et effleure de ses lèvres celle de son jeune amant. Pas assez pour le goûter, mais juste suffisamment pour attiser ce désir qu'ils ont tous les deux partagé hier soir.
"Embrasse avec moi la Mort qui t'apportera gloire et éternité à mes côtés. Deviens mon obligé dans la bataille comme dans l'intimité. Rejoins mes rangs et ma demeure. Soit mon égal."
Jungkook sourit, il ne l'a jamais fait autant qu'ici, à croire que sa vie de mortel, si cruelle fut-elle, l'en empêchait. Dans l'étreinte de Phobos, il revit, il veut croire au fait que tout n'est pas encore joué, que le Destin peut lui réserver de belles surprises à ses côtés. Destin qui pour l'instant s'est trop joué de lui.
"Ainsi soit ma destinée, moi L'Étranger. Je combattrais à tes côtés et y demeurerais si tel est ton souhait.
- Tu n'es plus un étranger Jungkook, ici est ta place et l'a toujours été. Toute ta vie, tout ce que tu as vécu, ne fut qu'une succession d'évènements, tragiques certes, mais voués à te conduire à moi."
Phobos exulte de bonheur, de passion, d'envies. Aujourd'hui, est une belle journée. Il se sent tout-puissant, Jungkook enfin à ses côtés. Il sait qu'enfin, la Roue a tourné pour lui aussi. Le Destin lui a apporté ce que toujours il désirait. Un compagnon, un amant, son égal dans la bataille, sa moitié humaine, cette part qui lui manquait tant.
Jungkook rayonne également, il n'aurait jamais pensé un jour que sa vie prendrait ce tournant si décisif. Les Dieux et leurs volontés sont décidément bien imprévisibles. Il a enfin le choix de décider ce que cette nouvelle existence pourra lui offrir.
Héritier de marchand de soie en Orient, il devint orphelin, par la force du Destin il fut vendu, pauvre esclave chétif. Recueilli dans un ludus, il grandit pour conquérir l'arène et acquérir le titre d'Étranger, gladiateur demeuré invaincu durant des années. Finalement Fortune, qui peut-être inspirée par une idée, en décida autrement, et sacrifia sa vie, afin qu'il rejoigne Phobos, dieu à la vie bien solitaire, Dieu de la terreur, de la beauté et de la guerre. Maintenant son obligé, son amant, sa moitié, rien ni même le Destin ne saurait les séparer.
Combattre, régner, aimer jusqu'à trépasser.
Tisser les nouveaux fils de cette commune destinée.
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J'espère que cette lecture ou relecture vous a plu !
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