Chapitre 4

Les rues étaient sombres, le vent était levé, le ciel était nuageux. Lyanda frissonna face à la tournure que prenaient les événements. Elle avait comme un mauvais pressentiment, perdue là, en plein milieu de la ville. Elle tentait de rester le plus possible dans les rues éclairées, mais les lampes s'éteignaient sur son passage. Cette femme, la boutiquière, était-elle une sorcière ? Lui avait-elle jeté un sort ? Tout ce dénouement mystique l'avait totalement chamboulée. La magie n'était pas censée exister. Ce livre ? Pour elle, il n'était rien d'autre qu'une histoire fantastique. Les vampires non plus n'existaient pas. Elle allait rentrer, se mettre bien au chaud et dormir comme un bébé pour oublier cette journée surréaliste.

Se servant du GPS sur son téléphone, elle dut tourner dans une petite ruelle vide. Elle n'avait pas fait attention, mais elle était passée devant un groupe de quatre jeunes hommes qui avaient décidé de la suivre. Elle mit du temps avant de s'apercevoir de l'écho des pas qui l'accompagnaient. Lorsqu'elle s'en rendit compte, elle serra son sac contre elle et pressa le pas. Malheureusement, ils se mirent à marcher plus vite à leur tour.

— Ralentis, poupée ! On veut juste discuter ! ricana l'un.

— Laissez-moi tranquille ! répondit-elle vaillamment avant de se mettre à courir.

Elle était effrayée, apeurée, elle était sur le point d'agoniser. Sa respiration se faisait de plus en plus difficile. Il fallait dire qu'elle n'était pas vraiment sportive. Son cœur battait la chamade, alors qu'elle espérait tomber sur quelqu'un, n'importe qui, qui lui prêterait main-forte. Malheureusement pour elle, elle finit par atterrir dans un cul-de-sac. Affolée, elle essaya d'ouvrir les portes qui se présentaient devant elle, mais toutes étaient fermées. Elle était... prise au piège.

Des rires s'élevèrent de l'entrée de la ruelle. Les quatre hommes étaient là, goguenards, et s'approchaient avec lenteur, laissant le temps à son angoisse de croître.

— Eh bien, poupée, on peut dire que tu cours vite !

— Mais pas assez vite pour nous... D'ailleurs, ce n'est pas très gentil de nous fuir de la sorte.

Ils étaient là, tout proches, et ils vinrent l'entourer, ne lui laissant de la sorte aucune chance de pouvoir fuir.

Elle était vêtue d'une longue robe paysanne avec des santiags. « Grosse erreur », songea-t-elle. Surtout lorsque l'un des hommes tenta de la lui relever. Tandis qu'un autre voulait lui attraper son sac. Et qu'un autre était en train de filmer. Elle songea : « Non ! Le journal ! » alors qu'elle s'agrippait à son sac de toutes ses forces. Elle parvint même à mordre le premier homme qui la tenait. Mais tout ce qu'elle parvenait, c'était à cultiver leur rire.

— Je vous en supplie... Laissez-moi... Je vous donnerai le peu d'argent que j'ai, mais ne me faites pas de mal.

Alors que la scène semblait se passer au ralenti pour elle, un vent fort et puissant se mit à souffler. Ce n'était, certes, pas rare en Écosse, mais il était tout de même d'une rare violence. La foudre éclata quasiment au même moment. Elle avait presque le sentiment d'entendre une voix l'appeler, mais elle n'en était pas certaine. Cependant, les éclairs avaient l'air de prendre leur direction, aussi étonnant que cela puisse paraître. Le « cameraman » se tourna pour filmer l'événement.

— Oh les mecs ! Regardez !

Les deux qui étaient en train de rire s'arrêtèrent. La tempête ne semblait pas normale. Une aura sombre avait envahi les rues de la ville, un brouillard épais était monté. On n'y voyait plus grand-chose. Alors, elle profita du moment pour donner un coup de genou dans l'entrejambe du premier homme qui la tenait. Elle était pratiquement prête à s'enfuir, seulement l'autre tenait toujours son sac. Alors que le troisième rapportait le téléphone dans leur direction, elle tira un coup franc sur le sac et... l'homme tomba raide. Mort ? Elle ne le savait pas. Mais il était électrocuté, son corps gesticulait sous les rais de lumière vivaces et ses paupières étaient ouvertes sur un regard blanc et vide.

— Putain ! Tu lui as fait quoi, sorcière ?

Elle ne prit pas le temps de regarder plus avant et s'enfuit à toutes jambes, sanglotant sur le traumatisme auquel elle venait d'assister. Alors qu'elle courait et commençait à reconnaître le quartier, elle tremblait de soulagement. Elle s'arrêta devant l'immeuble d'Andreas, alors que le jour commençait à se lever, et patienta un instant car ses genoux s'entrechoquaient. Elle parvint à toucher l'interphone et à appeler l'appartement de son ami. Et alors, elle s'étala de tout son long, dans un état proche de l'inconscience.

— Allô ? Allô ?

Mais elle n'avait pas la force de répondre. Elle eut juste le temps une nouvelle fois de regretter de ne pas avoir présenté ses excuses à Andreas.

***

Lorsqu'elle se réveilla, plusieurs heures plus tard, elle se trouvait dans un lieu familier. Son nouveau logis. Andreas se tenait près d'elle et agrippait sa main avec force.

— Aïe !

— Oh, mon Dieu ! Lyanda ! Comment te sens-tu, chaton ?

Elle tenta de se redresser, un peu sonnée somme toute, et regarda son ami d'un air perdu.

— Je... je ne me souviens plus de ce qui s'est passé...

— Tu es sérieuse ? On en parle pourtant dans tous les journaux.

Joignant le geste à la parole, il tendit la main vers la télécommande et alluma l'écran plat, avant de mettre une chaîne d'infos où la vidéo de la veille tournait en boucle.

— Quoi ? Mais... qu'est-ce qui s'est passé ?

Il reposa la télécommande et se tourna vers elle en caressant le dos de sa main.

— Tu t'es fait agresser et... un de ces types est mort. On ignore comment.

— Quoi ? répéta-t-elle. Mais je n'ai tué personne ! Jamais je n'en aurais été capable. Tu le sais bien !

Andreas soupira.

— Moi, oui. Seulement la police te recherche car elle a des questions à te poser.

— Non ! Non, non, non, non, non, NON ! C'est un cauchemar..., puis se souvenant d'une chose importante. Mon sac ? Est-ce que tu as trouvé mon sac ?

Andreas lui jeta un regard interloqué avant de lui désigner l'objet sur la table basse.

— Oui, il est là.

Ce n'est qu'une fois qu'elle eut regardé dedans, et vu que le précieux journal était toujours à l'intérieur, qu'elle se laissa retomber sur son oreiller. Des flots d'images jaillissaient dans son esprit, rappel des événements terribles qu'elle avait endurés.

— Ils n'ont pas réussi à te causer du mal, rassure-moi ? la questionna Andreas.

Elle soupira et passa une main sur son visage avant de soupirer.

— Non, ne te tracasse pas. Plus de peur que de mal. Je... je peux avoir un peu d'eau ?

Andreas acquiesça et se précipita pour aller lui chercher un broc d'eau et lui servit dans un verre une eau fraîche accompagnée de glaçons, qu'elle but à grandes gorgées. Elle avala deux verres de plus avant de se rappeler quel jour on était.

— Tu ne devrais pas être au travail ? Il est quelle heure ?

— Ne t'inquiète pas, j'ai prévenu que j'aurais du retard. Si tu veux, je peux prendre une journée de congé.

— Non, rassure-toi. Je vais bien.

— Promis ? lui demanda-t-il en lui faisant les gros yeux.

— Promis ! rit-elle.

Andreas l'embrassa sur le front avant de se diriger dans sa chambre afin d'y récupérer ses affaires pour aller au boulot.

— Bon, bah je vais y aller. Mais si ça ne va pas, tu m'appelles. Et évite de sortir, on ne sait jamais.

— Tu crois que je devrais aller voir la police ? le questionna-t-elle soucieusement.

— Aujourd'hui, non. Je ne voudrais pas que tu te retrouves inculpée de meurtre alors que je ne suis pas là. Mieux vaut laisser d'abord les choses se tasser, les flics mèneront leur enquête et, lorsqu'ils auront compris ce qu'il s'est passé, tu seras mise hors d'état de cause. Pour le moment, prends soin de toi, tu en as besoin. Repose-toi. Et ce soir, je t'emmène dîner si tu vas mieux.

— Merci, Andreas...

Il l'embrassa sur le sommet du front et partit se préparer pour aller au travail. Elle resta sans rien faire, jusqu'à ce qu'elle se retrouve réellement seule. Alors, elle regarda les informations avec un peu plus d'attention.

— Cette tempête n'était pas naturelle, dit un reporter. D'après notre météorologue, il n'y avait aucune chance qu'un tel cataclysme se produise. Ils ont tenté de chercher, vainement, d'où cela pouvait provenir. Il n'y a aucune réponse rationnelle quant à cela. Et cet homme foudroyé ? Le malheureux a dû bien souffrir. Alors, je le répète, si qui que ce soit pense avoir vu quelque chose, a un élément d'information, ou sait où trouver cette jeune femme, contactez-nous au numéro qui défile en bas de l'écran...

Les informations passaient en boucle. Lyanda coupa le son, puis se concentra sur les images de ce qui s'était produit. Mais rien. Elle n'y trouva rien.

Elle décida d'aller prendre une douche pour se rafraîchir les idées. Alors qu'elle était sous l'eau, elle ne cessait de revoir le corps de cet homme qui s'effondrait sans vie... Était-elle responsable de sa mort ? Elle ne voulait pas y croire. Et pourtant...

Une fois séchée et revêtue d'un pyjama confortable, elle partit récupérer son sac et s'installa dans son lit après en avoir sorti le journal... Elle se sentait fébrile à l'idée de démarrer sa lecture...

«24 mai 1327...»

Waouh... ça remontait à loin. Elle était d'ailleurs étonnée que le livre soit encore en aussi bon état. C'était une véritable antiquité.

«Je n'ai que peu de souvenirs de ma vie d'humain. Et pourtant, elle vient tout juste de s'achever. Aujourd'hui est mon grand réveil. Je découvre de nouvelles sensations que je n'aurais cru pouvoir exister. Je suis obsédé par une inextinguible soif. Et aujourd'hui, mon maître m'a dit que j'allais devoir me nourrir si je voulais voir s'achever ma transformation en tant que vampire. Mais des questions m'obsèdent : pourquoi m'a-t-il choisi, moi? Vais-je tuer? Je n'ai jamais été un homme particulièrement pieux, mais là je me transforme en... démon...»

Lyanda était totalement captivée par ces mots et elle ne voyait pas le temps passer. Tout cela lui semblait si réaliste. Elle partit juste prendre des gâteaux à grignoter avant de reprendre là où elle s'était arrêtée.

«Cet homme... Je sais qu'il était mauvais. Il a fait du mal à des femmes. À des enfants. Pour autant, devais-je devenir son bourreau? Je souhaitais me contrôler, mais la soif était tellement féroce que je n'ai pas su m'arrêter. Pas avant que son cœur n'émette son ultime battement.»

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