Chapitre 2
Dans l'esprit de Lyanda retentissaient encore les échos de la dispute qu'elle avait eue avec Bastien lorsqu'ils s'étaient isolés.
« Sale chienne ! Comment oses-tu me quitter ? Après tout ce que j'ai fait pour toi ! Tu sais très bien que personne ne voudra d'une paumée comme toi ! »
Les larmes lui montèrent aux yeux alors qu'elle essayait de ranger ses vêtements dans une valise. Elle ne devait plus y penser. Leur relation était bel et bien terminée et elle allait enfin quitter cet endroit toxique. Elle devait ranger ! Alors elle sortit des cartons et commença à les remplir de toutes ses petites affaires, bibelots, cadres photo. Elle ne gardait que les souvenirs qui ne lui rappelaient pas Bastien. Tout le reste, elle lui laisserait le soin de décider de leur sort. Malheureusement, le fait de plier bagage avait pour conséquence une montée d'une recrudescence de souvenirs.
Elle se tenait là, dans ce couloir qui menait à leur ancienne chambre commune, elle se souvenait d'un soir où il était resté à la maison en ayant un peu trop bu, pour changer, alors qu'elle était sortie à un vernissage avec son meilleur ami après une dispute. Il l'avait appelée de la cuisine, sa voix vibrante de colère.
« Lyanda ! Où étais-tu passée ? »
Elle n'avait pas voulu lui répondre. À la place, elle avait retiré ses chaussures à petits talons pour produire le moins de bruit possible, afin de se diriger discrètement vers leur chambre où elle escomptait se coucher. Seulement, il l'avait prise de court. Il l'avait rejointe et s'était mis à courir pour la rattraper. Prenant peur, elle avait voulu rejoindre leur chambre et s'y enfermer, mais il avait été plus rapide. Il l'avait plaquée au sol.
« Sale catin ! Tu es sortie pour aller faire ta traînée ! Je t'ai pas suffisamment baisée ? Je peux me rattraper ! »
« Non ! Je t'en supplie, Bastien, arrête ! Tu me fais peur ! »
Et il lui avait déchiré ses vêtements sans aucun soin. Il l'avait mise à nu afin de la violer pour la première fois. Cela n'avait été que le début. Elle se souvenait de la terreur qu'elle avait ressentie. Elle se souvenait de ses mains moites sur sa peau. Elle se souvenait aussi des coups, des bleus et des marques dont elle avait écopé. L'angoisse, elle la ressentait à nouveau. Elle se sentait paralysée. Elle en avait la nausée. Elle devait... elle devait partir...
— Lyanda ? Lyanda ?
Andreas ramassait un carton pendant qu'elle ressassait ce souvenir douloureux, perdue dans ses pensées, elle ne se rendit même pas compte qu'elle était restée là depuis une bonne minute au moins dans ce couloir. Soudain, la lumière déferla sur ses pupilles et la ramena dans la réalité. Et le sentiment qui la gagnait était la honte. Jamais elle ne pourrait avouer à son ami ce que Bastien lui avait fait, il la verrait comme une parvenue et une lâche. Pourtant, elle se sentait souillée au plus profond de son être.
Passant une main sur son visage, elle posa son regard sur Andreas qui observait son visage blême. Elle lui offrit un sourire d'excuse et attrapa à son tour un carton pour qu'ils aillent remplir sa voiture. Alors qu'ils étaient dans le hall de l'immeuble, le foulard qu'elle portait glissa et libéra son cou gracile, l'exposant à la vue d'Andreas.
— Bordel ! C'est ce fils de pute qui t'a fait ça ?
— Quoi donc ?
— N'essaie pas de me laisser croire que tu ignores de quoi je parle !
Lâchant son carton, Andreas lui attrapa le bras et la tira violemment devant la glace qui trônait là. Il la mit face à elle-même et tira sur son col pour montrer les marques violacées de strangulation qui marquaient sa peau fine. Et elle eut le culot de rougir, avant de baisser les yeux. Il la secoua, une fois, deux fois. Elle garda obstinément le silence.
— C'était hier ? Putain, Lyanda ! Pourquoi tu ne m'as pas appelé à l'aide ?
« Si tu appelles ta pédale de copine, je le tue, c'est clair ? »
Et elle avait pleuré. Tout comme elle se remit à pleurer maintenant. Il l'avait menacée de lui faire du mal si elle le quittait, raison pour laquelle elle avait préféré attendre qu'il soit parti pour aller récupérer ses affaires. Évidemment, il n'avait pas pu vraiment lui faire une scène avec Andreas qui veillait au loin, mais il restait là, menaçant. Et oui, elle était morte de peur qu'il vienne dans son nouveau logis et mette ses menaces à exécution. Cependant, elle n'aurait pas pu décevoir son meilleur ami en restant. Elle-même savait qu'elle devait agir ou elle mourrait. Des relations merdiques, elle en avait vécu. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle décida de s'essayer au célibat pour une fois.
— C'est fini, d'accord ? Pas besoin d'en faire un drame. Je l'ai quitté.
— Ne pas en faire un drame ? Lyanda, tu t'entends ? Je t'accompagne porter plainte aujourd'hui même. Et non, je ne te laisse pas le choix, sinon je sais que tu vas te défiler. Il n'a pas le droit de te traiter comme ça, c'est mal. Imagine qu'il recommence avec quelqu'un d'autre ? Car, c'est certain, il répétera ce même schéma de violence avec d'autres !
La jeune femme observa de nouveau son reflet, passant sur ses cheveux bruns qui s'éclaircissaient aux pointes, son visage mince, ses lèvres charnues et enfin ses yeux d'un brun doré qu'elle trouvait bien trop banal. Elle se demandait ce que ses ex avaient bien pu lui trouver. Andreas n'arrêtait pas de lui dire qu'elle était magnifique et pourtant elle ne parvenait pas à le croire. Elle finit tout de même par regarder ses beaux yeux verts et hocha la tête.
— D'accord. Oui, tu as raison...
Mais elle se passerait bien de dénoncer toute la vérité. Après tout, ce n'était pas vraiment un viol si dans un couple un homme avait la main un peu « lourde » en voulant exprimer ses désirs sexuels ? Du moins, c'était ce qu'elle pensait. Elle parlerait donc juste du fait qu'il lui avait, peut-être, un peu trop serré le cou la veille. Et si la police la protégeait, tant mieux.
— Ils lui colleront une mesure de protection, déclara Andreas en écho à ses pensées. Tu verras, il n'aura plus la possibilité de s'en prendre à toi.
Et elle éclata en sanglots. Andreas, pas très grand, mais protecteur, la prit contre lui et la serra dans ses bras tout en lui caressant les cheveux.
— Ça va aller, ne t'inquiète pas.
— Je dois chercher un petit boulot. Je ne peux pas rester sans argent. Je pensais trouver un travail en tant qu'archéologue mais... J'ai l'impression qu'aucun recruteur ne veut de moi. Je trouverai un job de serveuse ou quelque chose...
— Dans le pub en bas de chez moi, ils recrutent des serveurs en ce moment. Tu n'auras qu'à postuler.
— Oui, je vais faire ça... Merci, Andreas, mon sauveur, elle lui offrit un petit sourire. Partons d'ici, ça me rappelle trop de mauvais souvenirs.
En réalité, elle avait trop peur que Bastien rentre avant qu'ils ne soient partis et qu'il s'en prenne à Andreas. Elle ne savait pas pour combien de temps il s'était absenté, alors mieux valait ne pas tenter le diable. Surtout que l'heure de la fin de son travail approchait.
— On y va, chaton.
***
Et ils emmenèrent les cartons dans la voiture de son ami. Heureusement, elle n'avait empaqueté que peu d'affaires. Lyanda se laissa conduire en grommelant lorsqu'elle se rendit compte qu'il ne prenait pas le chemin de son appartement à lui, mais bien celui du poste de police.
— Ne me dis pas que tu m'emmènes...
— Eh si ! la coupa-t-il. Il faut que tu te débarrasses de ce salaud une bonne fois pour toutes. Je sais que tu en es capable. J'ai confiance en toi.
— Tu me le revaudras, grogna-t-elle.
Il ne put se retenir d'échapper un éclat de rire devant sa mine boudeuse. Il savait que ça allait être compliqué pour elle, surtout qu'il n'allait pas être autorisé à l'accompagner, mais c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Connaissant l'énergumène, il était persuadé que Bastien serait tout à fait capable de tout tenter pour la récupérer, elle devait absolument être protégée. Et tant pis si cela lui déplaisait. En amitié, on ne caressait pas toujours l'autre dans le sens du poil, mais on en prenait soin. Surtout que Lyanda n'avait plus grand monde pour prendre soin d'elle puisque ses parents n'assuraient pas du tout leur rôle, il n'y avait que lui. Et il trouvait la tâche loin d'être fastidieuse, cette fille était son rayon de soleil.
Lorsqu'il se gara, il se tourna vers la jeune femme qui s'était assoupie, sa tête posée contre la vitre passager. Il lui secoua doucement l'épaule.
— Chaton ? On est arrivés.
— Hein ? Quoi ?
Elle le regarda d'un air ensommeillé, qu'elle perdit bien vite en voyant le bâtiment devant lequel il s'était arrêté. Et elle blêmit.
— Tu es sûr ?
— Certain. Allez, tu peux y arriver !
Elle soupira avant de quitter l'habitacle et il s'empressa de la rejoindre. Ils passèrent d'abord par l'accueil pour qu'elle s'enregistre.
— Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? demanda l'agent d'un air las.
Andreas se tourna vers Lyanda, pour voir sa réaction, mais elle semblait avoir perdu tous ses moyens. Alors il parla à sa place.
— Mademoiselle Lyanda Esteves souhaiterait déposer plainte contre son conjoint pour violences.
— Et elle ne peut pas parler toute seule, la petite dame ?
Lyanda hocha alors la tête.
— Si. Si. Ça va aller. Tu devrais aller m'attendre dans la salle d'attente, Andreas. Je vais le faire.
Elle était déterminée. Elle voulait se libérer des démons de son passé. Alors pour Andreas, mais surtout pour elle, elle devait aller jusqu'au bout.
***
L'agent qui l'a reçue l'interrogea pendant ce qui lui sembla être des heures. Il ne lui épargna rien et elle dut tout dévoiler, en passant par les coups qu'il lui avait portés et en terminant par les viols. Elle avoua tout. Cependant, à la fin, lorsqu'il lui demanda ce qu'elle désirait suivre comme procédure, elle recula et demanda que ce ne soit qu'une main courante. Elle ne se sentait pas la force de le traîner au tribunal, de devoir se défendre face à ce monstre.
— Mademoiselle, je me permets d'insister. Les faits que vous avez énoncés sont extrêmement graves. Il ne faudrait pas que ce sale type reste libre.
— Je veux juste une mesure d'éloignement. Rien de plus, répondit-elle avec détermination.
— Très bien, finit par dire l'agent dépité. Cela ne devrait pas poser trop de problèmes.
Elle courut rejoindre Andreas qui la serra dans ses bras pour la réconforter et qui lui murmura à l'oreille :
— Je suis fier de toi, chaton. Rentrons.
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