3. Un cœur à cœur, sur le bitume

"C'est bon, c'est bon. Je vois plus double... Tu as bien dix doigts, deux chaussures, et une seule tête d'idiot..."

"De rien. Vraiment gratifiant de t'aider, meuf."

"Mais non... Tu sais, c'est marrant qu'on est chacun nos qualités et nos défauts, en classe E. Sauf moi, je suis perfect."

"A part faire des anglicismes tirés par les cheveux, t'as quoi comme qualité? Car sur un CV, ça fera tiep."

"Détrompe toi! Je suis perspicace, cher ami."

Elle avait pris une pose qu'elle qualifierait de percutante. Avec son air taquin, et son menton entre son pouce et son index. Il pensait juste qu'on dirait qu'elle avait le signe Nike sous la bouche, mais chacun son avis.

"Et à quoi ça veut bien rimer?"

"Et bien ça veut dire que mon PMPIMC n'a connu aucune défaite à ce jour."

"Et ça veut dire quoi, PIMP-IMC truc?"

"Plan de Matchmaking Professionel et Infaillible de Mes Camarades" Autre pose clé. Si on était dans un anime, ce plan aurait un potentiel meme-esque incomparable.

"Et tu l'as testé sur qui, ton bail foireux?"

"Je te dis qu'il est tous sauf foireux! Et sur une personne."

"Parle d'un échantillon de cas... Et en quoi ça me concerne, au juste?"

"Eh bien je pense que tu serais un cas intéressant à creuser, non?"

"Non. Détrompe toi."

La blonde ne se laissait pas abattre. Après tout, en tant que co-fondatrice du PMP... C'est dur à dire ce machin, elle était prête à en découdre, et à finir par connaître tout sur ce pauvre Taisei.

"Tu sais, j'ai mes sources..." Elle commença, semblant de plus en plus menaçante.

Si c'était un anime, le fond derrière elle serait devenue un violet foncé et effrayant, et elle aurait sûrement des étoiles de mauvaise augure à la place des yeux. Mais on a pas de budget pour des illustrations, alors faites avec votre imagination. C'est bien de bosser les méninges.

"Ah oui...? Tu m'impressionnes pas..." bredouilla Yoshida, laissant lui et Rio égalitairement étonnés par la rapidité de la perte de moyens du jeune homme.

"Ah oui. Mais bien sûr. Je sais tout, je vois tout tu sais... T'es pas aussi discret que tu ne le penses..." réncherit-elle, persévérante - si pas carrément flippante - dans sa quête. "Il ne suffirait que d'un mot de travers de ma part, pour que ça s'ébruite que..." elle continua de bluffer.

"OK, OK, dis rien à Kanzaki, j'ai capté!"

Elle ne put s'empêcher de pouffer. Puis de s'étouffer avec sa salive. Puis de re-pouffer, sans pouvoir contenir son étonnement.

"Wow, Kanzaki? J'aurai pas parié dessus."

"Quoi?!"

"Finalement, t'es pas si fermé que ça. C'est facile de te sortir les vers du nez."

Aucune réponse de son interlocuteur, toujours sonné par la suite d'évènement et le piège dans lequel il était tombé.

"Quand on dit cette expression à l'oral on se rends compte d'à quel point elle est dégueulasse." commenta t-elle. "Allez, haut les cœurs! Tu comptes en dire plus?"

"Crois-tu! Y'a rien à dire, et dieu sait ce que tu vas faire de ce que j'vais te dire... Ça m'apprendra d'ouvrir ma bouche et ma porte à une peste dans ton genre. Tu peux rêver de jamais revoir ma bécane, vipère."

"Y'a rien à dire car t'ose pas, ou y'a rien à dire car il se passe rien? Car vraiment, toi et Yukiko, c'est silence radio niveau interaction, à ce que je sache. Vraiment pas un terrain fertile à fanfic, donc."

"Mais tu vas arrêter avec ça?!"

"Alors, j'ai pas tord?"

"Non, non, effectivement... Mais attends, c'est Yukiko, son prénom?"

"T'apprends ça que maintenant?! Tu m'étonnes qu'il se passe que dalle et qu'on est rien à se mettre sous la dent, t'es méga superficiel en fait! Vous avez quoi, comme lien, même?"

"Elle est assise à ma gauche, en classe. Sur la troisième rangée, je suis contre le mur du couloir, et elle, à ma gauche."

"... Et c'est tout? Vraiment, faut refaire ton éducation en love, mon pauvre! Pire que des crushs de primaire!"

"La ferme. Au moins ça fait marrer Hazama. Elle est derrière et des fois je la guette à sourire bêtement à mon égard, c'te peau de vache."

"Oh, c'est vrai ça..."

Un vain 'qu'est-ce tu vas aller t'imaginer, encore?' fut prononcé par le garçon plein de désarroi, ignoré de surcroît.

"Ça fait une bonne trope, ça, le type délinquant qui tombe amoureux et s'adoucit pour la pure, petite fille de richous... Les lecteurs en raffolent. Tu m'as vendu sur le potentiel d'une fanfiction sur ce prémisse."

"Comment t'as fait pour changer la police d'écriture, comme ça? M'enfin bon. J'ai jamais perçu ça avec trop d'espoir, donc je te prierai de fermer ta bouche à propos de ça. Illico presto."

Il soupira, s'affaissant sur le rebord de grillage sur lequel il s'était assis. Aussi confortable qu'on l'imagine.

"C'est juste un crush, et j'irais pas me battre pour une fille que je trouve mignonne. Surtout quand mon rival serait Sugino, se friter avec un type qui sait magner une batte, c'est pas un bon plan. Déjà qu'il m'a surnommé home plate... A deux doigts de me nommer omelette, l'autre. Ça vend du rêve."

"Donc tu penses que c'est mort à dix mille pourcents?"

"Absolument. Avec la tronche que j'ai, même si je sortais avec elle, zéro chance que son daron tolérerai mon genre."

"C'est à dire?"

"Ça veut dire ce que ça veut dire!"

"Nan mais je sais que t'es dégueulasse, mais je vois pas ce que son père pourrait tangiblement te reprocher. A part ta sale tronche."

"C'est à dire que je pense pas que la famille Kanzaki soit impressionnée par ma bilingualité avec le wolof, ou ma peau mate, ou mes locs. D'ailleurs oui, ce n'est rien de plus que des locs. Pas des dreadlocks. Déjà c'est un abus de langage, mais c'est aussi totalement à côté de la plaque. Quand je pense qu'ils me prenaient la tête - et les cheveux qui poussent dessus - avec ça quand j'étais en classe D..."

Ça avait eu le mérite de refroidir Nakamura, et de la faire se taire. Pour une fois.

"Wow, Yoshida, j'avais pas vu les choses sous cet angle. Et dire qu'elle est la yamato nadeshiko de première..."

"Tu l'as dit, c'est ça que j'aime, dans un sens. Elle semble mesurée, et calme, et apaisante, aussi. Elle a de super résultats, et sa prise de note est adorable. Elle a même des foutus surligneurs pastel!"

Rio n'insista pas plus, pas cette fois. Mais elle eut un semblant de diagnostic, effectivement à partager sous aucun prétexte à aucun de ses camarades, à pieds ou à tentacules, vis à vis de l'affliction de Yoshida.

"Mais je m'en fiche bien. La vie continue d'avancer. Je suis réaliste, même si j'avais une date avec elle, de quoi parlerai t-on? Les gens qui kiffent les motos et sont prêt à m'entendre leur rabattre les oreilles sur le sujet, il n'y en a pas mille..."

"Y'en a t-il au moins un?" piqua Nakamura, n'attendant pas l'autre de répondre au premier degré.

"Bien sûr que oui, andouille! Marumatsu, il m'écoute attentivement..."

"Attends, on parle du même Takuyanounet qui sait jamais aligner deux mots devant Meg et qui s'est déjà pris une porte de bois?"

"Dis pas ça comme si t'étais irréprochable!"

"En effet, maintenant que j'y pense, vous faites la paire."

Rio voulait qu'on note que, héroïquement, elle s'est retenue de faire sa pose percutante.

"T'as même pas commenté sur ma critique de ta personne!"

Un moment de silence se passa. Synonyme d'introspection pour l'autre, comme si quelque chose s'était déclenché, et d'observation pour celle qui ne ratait aucune miette du spectacle.

"On est toujours fourrés ensemble, on s'est rencontré en cinquième et depuis, je peux pas imaginer ma vie sans. Sans lui."

La blonde se mordit la lèvre. Elle avait prévu un clash, mais elle sentit (l'empathie, tout ça) que il y avait quelque chose que le brun voulait communiquer.

"Et je suis sérieux! J'ai fait un plan de carrière et il est dedans. Le rêve, ce serait d'ouvrir un commerce lié. Il fait ses ramens, et moi je bosse sur mes motos, et des modèles pourraient être exposés dans son restaurant familial, fièrement sorti de la misère avec du savoir faire, de l'ingéniosité, et de l'huile de coude, et ensemble on aurait les manettes d'une vie bien calibrée."

Taisei avait instinctivement, dans un élan de fierté et de hype, fait sa propre pose marquante. Les bras fléchis, les poings serrés, la mine éblouissante, des étoiles étaient dans ses yeux, même. Si c'était un texte plus poétique, il y aurait eu une comparaison avec le ciel de la nuit.

"Ça, ça me ferait le plus plaisir au monde."

"Ah oui?" intervint Rio, qui avait remarqué que son interlocuteur avait fini son monologue carrément sur une autre planète et, la nuit rendait ce constat difficile, mais il avait aussi pris des couleurs.

Couleurs comme le pourpre, le rose, le fuchsia, le cramoisi, quoi. Mais l'adolescent était sur son nuage, à rêvasser sans doute dans ce futur à deux, ensemble, où ils vivraient... WAIT.

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Et voilà le troisième chapitre :) J'espère qu'il vous a plu. Il reste 5 chapitres, normalement. Je les publie chaque samedi à 19 heures (UTC+1).

N'hésitez pas à me faire des retours, à commenter au fil de la lecture, et à voter pour l'œuvre! A la semaine prochaine.

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