Chapitre IV

Les mêmes yeux glacials que ceux du loup. Je repense à mon rêve une demi seconde. Sûrement un cauchemar provoqué par les événements.

Je fixe ses yeux avec effroi. Il le remarque sans aucun doute, car il s'éloigne de moi avec un air contrarié.

Le regard de Brann passe de Fabrice à moi avec inquiétude. Il se pose près de moi en poussant un cri.

"Il t'aime bien."

Fabrice est dans l'encadrement de la porte.

"Si tu as faim, descends."

Et il quitte la chambre. Brann pousse un cri qu'on pourrait qualifier de triste.

Avec un regain de confiance, je tends ma main vers ce cousin des dragons au regard amical.

"Bonjour Brann." je chuchote en tapotant sa tête écailleuse. Il est froid.

Il ronronne en secouant sa tête pour réclamer plus de caresses. Sa petite langue fourchue vient me lécher la main.

"On dirait un chat" je pense en le caressant de plus belle.

Il pousse un rugissement de protestation et ses petites dents claquent à côté de ma main.

Une sensation de colère me parcourt. Pourtant, je ne suis pas énervée. Elle vient d'ailleurs.

Je regarde Brann.

"Pardon d'avoir pensé aussi méchamment de toi, Brann." je dis à haute-voix en lui tendant une main amicale.

Il ronronne.

Une vague de joie pure me traverse. "Tu es capable d'entendre mes pensées ?"

Il continu à ronronner. Cette fois, je sens son esprit joyeux entrer en contact avec le mien.

Je n'avais jamais tenté de parler aux animaux avec mon esprit avant. Je suis d'ailleurs peu entraînée à parler par télépathie.

Une heure est passée ainsi. Je parlais et Brann réagissait par la pensée.

Soudain, mon ventre émet un long gargouilli. Brann s'envole, apeuré. Un rire sort de ma gorge sèche.

Je sors du lit. Mon corps semble entièrement remis de mes expériences précédentes. Je me remémore les vouivres et le loup. Un frissonnement de peur me parcourt.

Je me dirige vers la porte de la chambre. Une porte simple en bois.

Elle émet un léger grincement alors que je l'ouvre. Je sors de la chambre et Brann me suit.

Au pas de la porte, je m'arrête. Un couloir mène à d'autres pièces sur ma droite, tandis qu'un escalier de bois clair descend de l'autre côté.

Les murs de bois de la maison ont une couleur plutôt simple qui fait ressortir les multiples peintures et dessins qui les décorent.

J'emprunte l'escalier. La deuxième marche grince. La rambarde est douce dans ma paume.

J'arrive dans une grande pièce. Elle semble composée de plusieurs espaces. Un endroit avec un canapé de cuir grisonnant posé face à une table basse taillée dans de la pierre.

De l'autre côté, il y a une cuisine avec un très grand plan de travail. Les rangements ne manquent pas dans cette partie de la maisonnette.

Une grande table est au centre de la pièce. Une poêle remplit de lambeaux de viande émet un fumet appétissant qui se propage dans l'habitacle.

Je prends place à la table où un couvert est installé. Une note est posée à côté.

"Je suis sorti, mange tant que tu veux et fait comme chez-toi."

Je me sers donc généreusement. Cette viande est parfaite, croustillante et fondante à la fois. Brann se pose sur un perchoir non loin de moi et dévore un morceau de viande qu'il s'est approprié dans la poêle.

Soudain, on toque à la porte, interrompant mon repas. Brann émet une espèce de jappement.

"Dois-je ouvrir ?"

Les fenêtres de la maison ne sont pas orientées de façon à me permettre de voir la porte. Je m'approche en silence de la porte.

Je pose la main sur la clef.

Je retiens mon souffle.

Je prends mon courage à deux mains et tourne la clef. La porte se déverrouille.

Je respire un grand coup.

J'ouvre.

"Tu as pris du temps à ouvrir frérot !"

La fille se bloque dans l'encadrement de la porte.

"Un intrus !" Elle cri.

Je recule.

"Non... Je..."

Elle ne me laisse pas le temps de poursuivre.

Elle se transforme en loup. La transformation est si rapide qu'on a du mal à croire que ce loup aux poils bruns-clairs était il n'y a que quelques secondes une fille qui venait voir son frère.

Je me précipite vers l'autre côté de la pièce.

Fabrice est bien un mage-loup. Et elle aussi.

Ses yeux bleus me fixent avec haine. Elle gronde en montrant ses dents jaunissantes.

Pourquoi Fabrice m'a-t-il secouru alors que c'est un ennemi ?

Je ferme les yeux et invoque l'énergie qui emplit mon corps. Le toit est trop bas pour me transformer en vouivre sans détruire la maison.

Brann à disparu.

Je ferme les yeux. La louve gronde. Je me transforme en jaguar. Mes poils noirs ont des reflets rouges.

Quelque chose me mord l'échine. Je pousse un rugissement de douleur.

Ma patte griffue part en direction de la louve. Je l'effleure alors qu'elle plonge pour attraper ma gorge.

Je fais un bond prodigieux en arrière, évitant son attaque mortel.

Elle atterrit sur le sol, déséquilibrée. Une faille.

Je bondis et m'accroche à son dos avec mes griffes crochues.

Elle donne un coup de bassin en pivotant. Je me retrouve éjectée.

Je roule et me cogne contre un pied de la table. La douleur me transperce la patte.

Les canines de la louve sont à quelques centimètres de moi.

Je bouge au dernier moment.

Ses crocs se plantent dans mon épaule. Un cri de douleur s'échappe de ma gueule entrouverte.

Je griffe pour l'éloigner. Je la touche.

Je lui saute dessus. Mon épaule me fait mal.

Je l'éjecte en dehors de la maison. On roule toutes les deux sur le sol mousseux de la forêt.

Elle me taillade le dos avec ses griffes. Je la repousse.

On est entourées d'arbres. Non loin de là, je vois une autre maison. Un village de loup ?

La louve me stoppe dans mes interrogations. Elle se jette sur moi.

Je me penche et griffe son ventre à la peau tendre. Une pluie sanglante me tombe dessus. Elle gémit.

Je pose ma patte sur son dos, la plaquant au sol. Je rugis le plus puissamment possible.

Elle gémit.

Je relâche ma transformation et la pression sur la louve. Je l'ai battue.

Elle n'est plus en état de continuer le combat.

Je m'agenouille auprès de la louve. Mes mains se promènent le long de la blessure. Elle est plutôt profonde.

"Je ne suis pas là pour vous faire du mal. Ton frère m'a recueilli évanouie dans la forêt..."

La louve relâche ses membres et se détend. Elle s'est évanouie.

Je me transforme en vouivre. La fatigue me traverse.

Je la saisie dans mes pattes écailleuses sans effort et la dépose dans la maison. Je redeviens humaine et y rentre à mon tour.

Je prends un torchon et l'applique sur la plaie pour arrêter le saignement.

"Si seulement Aurore était là... Elle pourrait la soigner avec sa magie."

Je soupire et appuie sur la blessure.

La louve respire faiblement. Pourquoi ne se retransforme-t-elle pas ? Normalement, quand le corps est trop fatigué, il lâche la transformation...

"Brann !" Je cri.

Aucune réponse.

Soudain, j'entends des pas devant la maison. Une dizaine de personne entre.

Ils sont habillés en noir. Sauf un qui porte un habit doré.

Celui-ci me regarde et me pointe du doigt.

"Emmenez-la."

Ils sont cinq à se précipiter vers moi.

"Elle est blessée !" Je cri alors qu'on me ligote les mains derrière le dos. Je me débats assez faiblement.

On me passe un tissu autour du corps. J'avais oublié ce détail : les vêtements que Fabrice m'avait donné ont été déchirés pendant la transformation.

Je distingue les autres qui se penchent au-dessus de la louve. Au moins ils s'occupent d'elles.

Violemment, on me met un sac de tissu sur la tête, me griffant le visage.

Je ne peux plus qu'utiliser mon ouïe et mon sens de l'orientation.

On me traîne hors de la maison. Je suis entourée de garde.

J'entends des voix, de plus en plus nombreuses. On me tire brutalement. Je trébuche.

"Avance!" cris un homme à la voix rauque en m'infligeant une tape dans le dos.

Ça me semble durer une éternité avant qu'on s'arrête enfin.

Les voix ont disparu.

On me jette sur un sol dur et froid. Une douleur aiguë se propage dans mon bassin.

"Prépare-toi à être jugée pour tes crimes !"

Le bruit d'une grille qui se ferme me perfore les oreilles et soudain, tout devient silencieux.

J'enlève le sac de ma tête. Je suis dans une cellule en pierre. Il fait presque noir. Un peu de lumière filtre d'une porte située au bout d'un couloir qui monte derrière la grille.

Il fait frais. Une odeur de cave flotte dans la prison. Ce n'est pas si désagréable.

"Me voilà en prison. Génial..."

Il faut que je m'enfuie. Une colère sourde monte en moi.

Je déteste être enfermée.

Cette colère me revigore.

Je ferme les yeux. Ma peau devient écailles. Je suis une vouivre.

Une vouivre énervée.

Je suis tentée de pousser un rugissement de colère, mais je dois rester plutôt discrète.

"Avec un peu de chance..."

Je donne un grand coup de queue dans la grille. Je m'y heurte comme si c'était une plaque incassable.

Maintenant que je regarde avec mes yeux reptiliens, je vois la chaleur anormale qui entoure la grille.

Elle est enchantée. Incassable sûrement.

Je pousse un rugissement de colère cette fois que je ne retiens pas.

La porte s'ouvre. Un homme en combinaison métallique entre.

Je vois sa chaleur corporelle. Il tient quelque chose d'étrange dans sa main.

Il s'approche de la grille et l'ouvre avec une clef qu'il tenait autour du cou.

J'en profite pour balancer mon aiguillon venimeux vers lui. Il le bloque sereinement avec sa barre métallique.

Il l'abat sur ma queue. Je sens une aiguille s'y enfoncer.

Je commence à sentir la fatigue. Elle grossit en moi. Je ne pense plus qu'à une chose : dormir.

Je me couche, rabattant mes ailes contre mon corps. Je ramène mes pattes sous mon ventre et enroule ma queue autour.

Je ferme mes yeux. Mon corps redevient celui d'une fragile humaine.

"Je passe vraiment ma vie à dormir...."

J'espère que ce chapitre vous plaira ^^
Elispoupette ^^

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