18 mai 1565

Penché en avant, les coudes appuyés sur les genoux, j'observai ce corps avachi contre la colonne de mon lit. Morbleu, j'aurais dû réfléchir avant de céder à mes pulsions. J'avais à présent le sort de cette pauvre enfant entre les mains. Et il n'était guère réjouissant. Mourir sans avoir encore vécu, ou vivre dans le péché éternel. Je n'arrivai pas à me décider. Peut-être devrais-je apprendre à la connaitre pour mieux la juger. Parfois l'innocence d'un visage cache la noirceur de l'âme. J'avais un parfait exemple qui arpentait tranquillement les couloirs du château.

Alors que j'imaginais ce qu'elle pouvait cacher, la demoiselle commença à sortir de sa torpeur. Le premier réveil est toujours éprouvant. Votre corps n'est pas habitué au poison. Il n'en est pas encore dépendant. Il vous laisse juste une impression étrange entre la béatitude et la terreur. Tout en gémissant, elle tenta de ramener les mains sur son visage. Elle fut arrêtée par les liens que j'avais solidement amarrés au châlit. Sa tête se redressa lentement. Elle luttait encore contre les limbes. Ses paupières cillaient. Elle tira une nouvelle fois sur les attaches pour s'en défaire.

- Inutile, vous ne pourrez pas les retirer.

En entendant ma voix, elle sursauta. Affolée, elle se débattit et tenta de crier. Je me félicitai d'avoir opté pour un bâillon. Sinon elle aurait sûrement rameuté toutes les servantes.

- Je vous conseille de vous taire ou je serais dans l'obligation de vous tuer dans l'instant.

Pourquoi fallait-il que lorsque l'on demande de ne pas crier ils se mettent à brailler comme un animal qui égorge ? Je soupire bruyamment et me rapprochai. Accroupi devant elle, je plongeai mon regard dans le sien. Elle se tut dans l'instant. Son corps tremblait comme une feuille, mais au moins elle avait cessé ses cris étouffés.

- Bien... Maintenant, nous pouvons commencer à discuter entre gens civilisés. Je vais vous retirer ce bâillon, mais il est dans votre intérêt de garder le silence. Je n'ai pas encore étanché ma soif, dis-je en dévoilant sciemment mes dents.

Ses yeux s'écarquillèrent et elle gémit. La menace sembla efficace car une fois libérée de sa muselière, elle demeura silencieuse. Je retournai m'asseoir et la détaillai un instant. Elle avait peur mais tentai de maîtriser son affolement. Cette jeune fille était plus intelligente que la plupart de mes victimes. Ces dernières ne savaient pas se taire. Ils hurlaient comme des porcs quand ils voyaient la mort en face. Certes, elle avait paniqué mais à présent, elle semblait dominer sa peur.

- Comment vous appelez-vous ?

- Elisabeth, Monseigneur, répondit-elle, après un moment d'hésitation.

- Vous n'êtes pas d'ici, n'est-ce pas ?

- Je suis écossaise. J'ai dû quitter mon pays car je n'ai plus de parent vivant. Il me fallait trouver un travail pour survivre.

Elle était orpheline. Voilà enfin une bonne nouvelle. Personne ne la chercherait. Comme si elle avait deviné mes pensées, elle rajouta.

- J'ai cependant de nombreuses amies, ici, au manoir. Elles s'inquièteront de ne pas me voir revenir.

- Rien ne m'empêche de leur faire croire que vous avez été congédiée et jetée à la rue sans plus attendre.

Elle se tendit aussitôt. Il me fallait lui faire comprendre que j'avais tout pouvoir sur sa vie et qu'elle n'avait aucune chance d'en réchapper. Cette idée ne me déplaisait pas d'ailleurs.

- Il faut que vous compreniez, Elisabeth. Vous êtes en vie parce que je n'ai pas encore décidé de vous tuer. Si j'écoutais Dame Hella, vous seriez déjà morte.

- Dame Hella...

Son visage avait pâli. Si elle pensait pouvoir compter sur son aide, elle se fourvoyait.

- Evidemment. C'est elle qui a fait de moi cette créature.

- Mais pourtant, elle semble si...

- Gentille ? Hella sait abuser nos consciences avec son doux sourire et ses bonnes manières. Mais elle est pire que le serpent de l'Eden.

Je la vis déglutir avec peine. Il me fallut lutter pour ne pas lui sauter à nouveau à la gorge.

- Que comptez-vous faire de moi, Monseigneur ?

- Je n'ai pas encore décidé.

Un silence pesant s'abattit alors dans la pièce. Seule sa respiration emplissait les murs. Sa respiration rapide qui me rappelait notre entretien dans le salon. Mes yeux quittèrent les siens, dérivèrent vers sa bouche pulpeuse. Ses lèvres si douces, au goût de groseille. Soudain, elle les lécha. Lentement. Sensuellement. Je remontai aussitôt les yeux. Elle me regardait toujours avec cet air apeuré. S'était-elle rendue compte de ce qu'elle venait de faire ? Elle avait rallumé mon désir, juste avec ce geste anodin. Mon esprit s'échauffait, imaginant sa langue parcourir mon corps voluptueusement. 

Sa bouche caressant ma peau glacée, évoluant au gré de mes envies. Je la voyais déjà m'emprisonner entre ses lèvres. Enrouler et dérouler sa langue le long de ma hampe. Mes pensées peu vertueuses me poussèrent à me rapprocher de son corps. Mes doigts frôlèrent sa joue. Je crus qu'elle se serait reculée, mais elle ne bougea pas. Ils continuèrent leur chemin vers son épaule, suivirent le tissu de sa robe. Ils voulurent s'insinuer à l'intérieur, mais je retins mon geste. Le pêché de chair était ma faiblesse. Je ne savais pas résister à la tentation d'un corps qui appelait la débauche. Et le sien me hurlait de l'étreindre. Encore et encore. Peut-être pouvais-je le garder. Peut-être pouvais-je la faire mienne encore quelques temps, avant de me décider.

Mes doigts hésitaient, frémissant à l'idée de goûter à nouveau à la douce chaleur de sa peau. Ce fut elle qui comblait l'espace entre nous. Sa poitrine vint se poser contre ma paume. Son corps se pressa contre ma main tendue. Je soupirai de plaisir en la sentant se tendre à ce contact. Elle gémit quand mon autre main rejoignit son sein. Ses yeux ne me montraient plus la peur, mais l'envie. L'envie de me sentir à nouveau contre elle, en elle. Comme pour confirmer ce que je ressentais, je rapprochai mon visage du sien, attendant qu'elle fasse le premier pas. Ce qu'elle fit en pressant sa bouche sur la mienne. Il ne m'en fallut pas plus pour laisser mon désir prendre le pouvoir. 

D'un geste frénétique, je la déshabillai. Son corps nu ondulait sous mes mains, réclamant caresses et baisers. Le mien se tendait, menaçant de me faire sombrer dans la folie. Quand enfin je plongeai en elle, je ne pus m'empêcher de grogner tel une bête en rut. Toujours attachée au lit, elle ne pouvait me toucher ou me repousser. Elle ne pouvait que s'offrir. Alors je pris ce délicieux cadeau qu'elle me donnait. J'appréciai chaque soupir, chaque frisson, chaque regard fiévreux. Ma douce Elisabeth, ma sulfureuse Elisabeth. Je te garderai jalousement auprès de moi. Jours et nuits. J'abuserai de ce corps sublime. Je lui ferai découvrir maints plaisirs. Je le ferai succomber à mes caresses, à mes baisers. Encore et encore. Et nous verrons plus tard s'il succombera aussi sous mes morsures. Mais aujourd'hui, il m'appartenait et assouvissait mon appétit charnel.

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