« Elle s'est jetée du haut de l'immeuble !

- Ça doit être moche...

- De toute façon je l'aimais pas, c'était une vrai pute.

- Ouais, dès qu'elle pouvait, elle faisait la belle.

- C'était une anorexique en plus, elle se faisait vomir... »

Viola ouvrit la porte du toilette puis se dirigea vers les lavabos pour se laver les mains. Des filles squattaient les miroirs afin de se coiffer et remettre du gloss. L'eau savonneuse glissait le long de sa peau froide pour rejoindre les canalisations obscures, ces nanas parlaient d'Angélique Lenoir.

« Mais un suicide, c'est bizarre. Je veux dire elle avait aucune raison de se foutre en l'air. Elle était mignonne, avait un copain vraiment beau-gosse, des parents obèses de thunes..., commenta l'une d'elle en badigeonnant ses yeux de rimmel

- Lol, tu penses qu'on aurait pu la tuer ? »

Viola qui ne loupait rien de ce qui se disait, s'approcha de la poubelle pour y jeter les essuie-mains en papier recyclé. Du coin de l'œil, elle scrutait les harpies médisantes.

« Pourquoi pas? Il aurait juste suffit de la pousser, c'est basique comme manière de tuer....

- Meuf on a juste regardé le même épisode des experts ! Je sais pas, cette histoire est juste glauque

- Au moins voyez le bon côté des choses les filles : grâce à elle, on a tous notre bac.»

Elles se mirent à ricaner méchamment, amusées par leurs conjectures à deux-balles. Viola quitta les toilettes pour rejoindre son casier.

Ces filles là n'étaient pas des plus sympathique, ni des plus compatissantes mais elles représentaient bien l'état d'esprit ambiant.

On se régalait tous de cette histoire : Angélique , belle, studieuse, garce, fausse première de classe, meurt la cervelle écrasée par une chute de dizaine de mètres. Au début, quand la nouvelle s'est rependue, tout le monde était choqué, triste, malheureux voire ravagé mais ça c'était au début...

Il n'a fallu que deux jours pour que la réputation de cette pauvre nana soit entachée par les diatribes des uns des autres. Tous des hypocrites qui se régalaient des ragots ; on s'inventa même des amitiés avec elle pour avoir des choses à dire sur le sujet.

Viola gagna sa place habituelle pour entamer le cours de science-physique. L'atmosphère pesait comme du plomb dans la classe, on pouvait feindre une solide résistance face aux événements mais quand on a seulement dix-sept ou dix-huit ans, la mort brutale d'une camarade ne peut que nous affecter. La jeune fille brune regarda derrière elle : même Samy, le pseudo-élément-perturbateur était d'un calme imperturbable, fixant intensément son livre.

 Viola ne connaissait pas plus que ça Angélique ; elle avait même eu beaucoup d'aprioris sur son compte. La jeune fille au bras malingres  gribouilla sur son cahier à petits carreaux pour ensuite se plonger à nouveau dans l'énigme des phénomènes physiques.