Chapitre 7 : Lapin et Martini


Bonjour tout le monde ! Je devais publier autre chose mais je n'ai pas pu finir a temps. La semaine a été complexe mais je suis fière d'y avoir survécu !! Voici donc un chapitre fluffy pour un peu de douceur dans ce monde d'embuches. Bonne lecture ! 

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Quinze minutes. Alec avait quinze minutes de retard. Enfin, non, pas Alec : Matthew ! Magnus secoua la tête en grommelant intérieurement. Il allait vraiment devoir se faire à ce nouveau prénom avant de gaffer devant le premier concerné qui risquerait sans doute de prendre ses jambes à son coup en apprenant la probable vérité derrière son identité. Soupirant doucement, l'Indonésien baissa les yeux sur sa montre une nouvelle fois. Dix-sept minutes. Installé à la terrasse du restaurant dans lequel il avait donné rendez-vous au jeune Terrestre pour un dîner en tête à tête, l'immortel aux yeux de chat s'enfonça sur sa chaise, les épaules voutées, comme vaincu face à l'adversité de l'absence du noiraud. Qui avait dix-sept minutes de retard à un rendez-vous galant ? Même lui, qui pourtant avait été volage de bien nombreuses années, ne s'était jamais présenté autant en retard à un rendez-vous, honorant toujours ses conquêtes de sa présence. Et si le noiraud avait décidé de ne pas venir, finalement ? Il avait pourtant accepté de le voir, lorsque Magnus lui avait proposé quelque jour plus tôt, mais il aurait tout aussi bien pu se raviser sans avoir la politesse de le prévenir, ou même d'inventer une excuse. Le Grand Sorcier de Brooklyn, sentant le désespoir commencer à l'envahir, joua distraitement avec sa fourchette en jetant un autre coup d'œil à sa montre. Vingt minutes de retard. C'était officiel : Magnus Lightwood-Bane venait de se faire poser un lapin. Après près d'un siècle de vie, l'immortel au regard félin venait de vivre son premier plaquage lors d'un rendez-vous. Une boule de couleur commença à se former dans sa gorge et ses larmes montèrent subitement, envahissant ses yeux dorés alors que sa lèvre inférieure se mettait à tremblant. Non, il n'allait tout de même pas se mettre à pleurer comme un petit garçon, pas vrai ? Pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait, loin de là. Lui qui se faisait une joie d'un bon dîner au restaurant en compagnie de celui qui avait autrefois été son époux, s'imaginant lui rappeler chaque souvenir pour tenter, peut-être dans un espoir vain, de raviver sa mémoire, venait de voir tous ses rêves réduits à néant. Il inspira et souffla plusieurs fois pour calmer les sanglots dans sa poitrine qui menaçaient d'éclater mais l'un d'eux échappa à sa vigilance et il serra ses bras autour de son corps pour se bercer comme il l'avait fait tant de fois, au cours d'innombrables nuits, après la mort d'Alec. Alec, toujours Alec. Le noiraud, lui, n'aurait jamais manqué une seule de leur soirée. Enfin, à part quelques fois. Mais d'aussi loin que Magnus pouvait se souvenir, il ne croyait pas que le noiraud aux yeux cobalts ait jamais manqué un seul de leur moment. Sauf...

Monsieur ? Vous prendrez un apéritif ? Demanda le serveur en approchant de sa table. J'ai cru comprendre que vous attendiez un invité.

- Oui, mon compagnon, conforma Magnus avec un sourire. Mais il ne devrait plus tarder, maintenant. Je prendrais bien un Gin sec et...un verre de Muscadet pour mon mari, merci.

- Entendu, monsieur.

Le serveur prit sa commande et retourna en salle tandis que Magnus, satisfait, se laissa tranquillement aller en arrière contre le dossier de sa chaise. Il se sentait bien, là, sur cette terrasse illuminée de guirlandes multicolores et de photophores chaleureux qui dispensaient une faible lumière tamisée autour d'eux. Il ne faisait pas encore nuit, puisqu'ils étaient encore au mois de Juillet et que les journées avaient rallongées depuis quelques mois, mais le couchant du soleil offrait au ciel une magnifique teinte rose orangée qui réchauffait son cœur immortel. Vêtu d'une chemise de lin blanc ouverte sur son torse à la peau caramel et d'un pantalon fluide couleur crème, le Grand Sorcier de Brooklyn aurait pu se croire à la plage, sur un transat, les pieds dans le sable, tant il faisait bon. L'asiatique était certain qu'ils n'étaient pas loin des vingt-cinq degrés et il avait hâte que son amant puisse le retrouver pour cette douce soirée en amoureux. Alec en aurait de toute façon bien besoin. Après avoir passé la journée à l'Institut à enchaîner les réunions et les entraînements, il avait prévenu son époux qu'il finirait la journée par une patrouille et qu'il le rejoindrait directement au restaurant après s'être changé, peut-être avec une petite dizaine de minutes de retard, tout au plus. Magnus était donc arrivé en avance pour s'installer à la table qu'il avait réservée au téléphone afin de profiter des derniers rayons du soleil et de l'ambiance estivale avant l'arrivée de son cher et tendre. Il ne se faisait d'ailleurs pas trop de soucis quant au fait qu'il ne tarderait plus à le rejoindre. C'était notamment pour cette raison que l'immortel s'était permis de commander à sa place, connaissant non seulement les goûts de son amant mais sachant aussi que, le temps que la commande ne leur soit apportée, Alec serait déjà installé face à lui. Alors, en attendant l'arrivée providentielle de son amant, Magnus ferma les yeux, se laissant à rêver à la suite de leur soirée. Ils allaient dîner tranquillement en se racontant leurs journées et en flirtant gentiment comme aux premiers temps de leur rencontre. Après avoir quitté le restaurant, ils iraient sans doute boire un dernier verre à une énième terrasse sur laquelle ils tomberaient par hasard, puis ils emporteraient leur verre jusqu'au pont de Brooklyn pour une balade main dans la main en admirant la beauté des lumières de la ville. Lassé d'avoir pris l'air mais comblés de leur soirée, les deux hommes rentreraient alors chez eux et feraient l'amour comme toujours, sans avoir besoin de se soucier des enfants qu'ils avaient fait garder par Enoch exceptionnellement. Oui, ce serait vraiment une soirée de rêve.

- Monsieur ? Le Gin sec et le Muscadet que vous avez commandé, annonça le serveur, de retour avec la commande.

- Déjà ? S'étonna l'Indonésien en rouvrant les yeux pour les poser face à lui et constater que le siège destiné à Alec était toujours vide.

- Je peux le ramener au bar et vous le servir de nouveau une fois que vous serez deux, si vous le souhaitez, proposa l'homme avec compassion.

- Non, ce sera très bien comme ça, il ne devrait vraiment plus tarder. Merci encore.

Le serveur, une fois encore, hocha la tête en laissant les boissons et il repartit servir d'autres tables tandis que l'Indonésien soupirait tristement. Alec aurait déjà dû être là. Comment se faisait-il alors qu'il était toujours seul à table ? Le noiraud n'aurait jamais pu oublié, c'était impossible. Retenu à l'Institut peut-être ? Non, il aurait trouvé une excuse pour s'éclipser et appeler son ami afin de le prévenir. Il devait donc s'agir d'autre chose, mais quoi ? Secouant la tête pour chasser la panique qui commençait à l'envahir, Magnus se saisit de son téléphone et composa le numéro de son mari. Il avait beau être déjà enregistré dans ses contacts, il avait fini par l'apprendre par cœur et pouvait taper les numéros sur son clavier même en ayant les yeux fermés. Portant l'appareil à son oreille, le plus vieux se mordit la lèvre et attendit, insoutenablement, les sonneries résonner sans que personne ne décroche au bout du fil. Lorsqu'il tomba sur le répondeur du noiraud, le sorcier raccrocha le souffle court avec l'impression qu'on venait de le frapper en plein plexus solaire. Que se passait-il, par Lilith ? Y avait-il eu un problème durant la patrouille ? Il devait s'en assurer. Fouillant cette fois dans les contacts de son téléphone, l'asiatique appela successivement Jace et Isabelle. Cependant, aucun d'eux, à l'instar d'Alec, ne décrocha, le laissant complètement impuissant face à cette situation qui lui échappait peu à peu. Finit la soirée romantique et les rêves bucoliques : ne restait que l'angoisse insoutenable de ne pas savoir ce qu'il était advenu du père de ses enfants. Sentant ses mains commencer à trembler, Magnus inspira et souffla plusieurs fois pour se calmer. Sa magie crépitait dangereusement sous sa peau et il devait se reprendre avant de la laisser éclater. Après tout, il avait beau être mort d'inquiétude, il ne voulait pas risquer la vie des Terrestres présents autour de lui à cause d'une perte de contrôle inopinée. Jetant un œil à sa montre, le descendant d'Asmodée constata que le retard de son homme s'étendait à présent à une demie heure, bien plus que ce à quoi il s'était attendu. Il se fichait bien de savoir son retard après tout, Magnus n'avait plus la moindre envie d'attendre. Son seul désir, à l'heure actuelle, était de ratisser la ville en long, en large, en travers, et même en profondeur pour savoir où se trouvait Alec et, surtout, dans quel état le noiraud se trouvait. Il se leva donc pour payer sa consommation, qu'il n'avait même pas bu, et se mettre en route à sa recherche quand une silhouette se planta face à lui.

- Mon chat, je suis vraiment désolé pour le retard...

Magnus se figea sur place. Comme sortit de nulle part, apparu miraculeusement devant lui comme par magie, Alec lui souriait d'un air penaud. Enfin, il imaginait qu'il devait s'agir d'un sourire, car le noiraud était tout bonnement méconnaissable. Un pansement de fortune dissimulait une plaie ouverte sur son front qui laissait derrière elle une traînée de sang frais qui s'écoulait jusqu'à sa chemise en jean clair. Son oeil gauche était rouge et boursouflé, le laissant incapable d'ouvrir sa paupière. Sa lèvre inférieure était fendue et son visage à la peau laiteuse était couvert d'ecchymoses violettes, bleues et noires qui masquait ses traits fins et gracieux. Dans ses mains, un bouquet de bleuets, les préférées de Magnus, complètement défraîchis semblait avoir connu des jours meilleurs. L'Indonésien, sous le choc, laissa couler ses larmes alors que ses doigts bagués effleuraient le visage tuméfié de son amant. Alec grimaça à son contact mais ne se déroba pas pour autant, laissant son compagnon réaliser par lui-même l'étendue des dégâts. N'y tenant plus, Magnus fondit en larmes et le serra contre son cœur à lui en briser les côtes, la peur et le soulagement se mêlant et se confondant dans son esprit.

- Je suis là, mon chat, tout va bien, tenta de le rassurer Alec d'une voix où perçait sa propre angoisse sous-jacente.

- Par Lilith, j'étais mort d'angoisse ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qui t'a fait ça, donne moi un nom que je puisse lui faire regretter de s'en être pris à l'homme que j'aime !

- Calme toi, chéri. C'était un démon...La patrouille s'est bien passée; on est tombés sur un nid de Mandikhor, on les a tous exterminés jusqu'au dernier. Enfin, ça, c'est ce que je croyais. Après m'être changé je suis passé chez le fleuriste pour t'offrir ce bouquet et en sortant de là, deux d'entre eux me sont tombés dessus. Je me suis défendu comme j'ai pu avec mon poignard mais ils ont brisé ma stèle et je n'ai pas pu appliquer d'iratzes, d'où mon apparence...J'espère que je reste quand même un peu beau gosse ? Plaisanta-t-il malgré tout.

Pour toute réponse, l'immortel pleura plus encore de soulagement et serra son amant aussi fort que possible contre son cœur, l'empêchant ainsi de disparaître pour de bon. Malgré la douleur, Alec le laissa s'occuper de lui et, bientôt, la magie bleue électrique de l'Indonésien se fit plus chaude, plus caressante, plus délicate, et le noiraud sentit chaque blessure, chaque bleu, chaque douleur se dissiper jusqu'à complétement s'effacer, comme si l'attaque n'avait jamais eu lieu. Se sentant mieux, serein, et frais comme au premier jour grâce à l'intervention de son cher et tendre, le directeur de l'Institut de New York s'écarta de lui pour lui sourire tendrement. Ravalant ses larmes en souriant quelque peu fébrilement à son tour, Magnus profita d'avoir enfin la possibilité d'embrasser son époux sans lui faire mal pour ravir ses lèvres tentatrices. Le baiser qu'ils échangèrent était empli d'amour, de douceur, de soulagement et de promesse de toujours se retrouver, quoi qu'il puisse arriver, s'assurant mutuellement de ne jamais laisser qui ou quoi que ce soit les séparer, jamais...

- Monsieur ? Vous prendrez un apéritif ? S'enquit la voix d'une jeune serveuse d'une vingtaine d'années qui venait d'arriver à la hauteur de l'asiatique, le coupant dans son souvenir et le forçant à rouvrir les yeux.

- Hum ? Oh, je vais encore attendre un peu, j'attends quelqu'un. Merci, souffla-t-il sans pouvoir atténuer les larmes qui menaçaient de déborder.

La jeune femme arbora un sourire contrit et alla de table en table alors que Magnus posait ses coudes sur la sienne, prenant son visage entre ses mains pour inspirer et expirer aussi longtemps que possible et réfréner son envie de fondre en larme au milieu de tous ces Terrestres. Il ne savait pas ce qu'il avait cru : Matthew n'était peut-être même pas Alec. Peut-être que c'était Tessa qui avait raison : le noiraud avait été le sosie parfait de Will, peut-être que cet homme n'était qu'un simple sosie du Lightwood disparu. Ravalant difficilement ses larmes, Magnus eut un rire amer. Des chimères, voilà ce qu'il poursuivait depuis des semaines. Son ami était mort cinquante ans plus tôt et il ne reviendrait jamais, ça, c'était une certitude. Et il aurait beau attendre encore pour des siècles et des siècles, le noiraud ne referait jamais surface. Leur seul moyen d'être réuni encore c'était la mort, et le sorcier en avait parfaitement conscience. Voilà pourquoi à chaque anniversaire de sa mort il allait sur le pont de Brooklyn, espérant chaque fois trouver la force de se jeter dans les flots abyssaux de la Grosse Pomme pour se noyer comme il avait si souvent l'habitude de le faire dans les yeux cobalt de son cher et tendre. Alors qu'il commençait sérieusement à envisager de retenter l'expérience ce soir même, il sentit qu'on déposait un verre à sa place. Rouvrant les yeux, Magnus constata qu'il s'agissait d'un Martini, son deuxième cocktail préféré. Fronçant les sourcils, l'immortel leva les yeux vers le serveur.

- Je n'ai rien commandé, expliqua-t-il en secouant la tête. Vous devez faire erreur sur la table.

- Je vous assure que c'est pour vous, monsieur. Et un cuba libre pour votre ami. Bonne dégustation.

Magnus ouvrit la bouche pour répliquer qu'il devait certainement y avoir une erreur puisqu'il était seul mais à peine avait-il esquissé un geste vers le serveur qu'il vit arriver Matthew de l'autre côté de la terrasse. Son visage à la peau de lait était rougie au niveau des joues et ses cheveux noirs, toujours attachés en queue de cheval, s'échappaient par quelques mèches rebelles de son élastique. Avec son jean noir et sa chemisette bleue sombre qui faisait ressortir le bleu intense de ses yeux cobalts, il était toujours aussi beau et désirable dans le regard de l'asiatique qui sentit son souffle se couper. Il était là, Matthew était venu, il ne lui avait pas posé de lapin en fin de compte. Le jeune Terrestre repéra aisément son aîné et le salua d'un grand signe, un immense sourire étirant ses lèvres, comme si Magnus était le miracle d'une oasis au milieu du désert. Le Grand Sorcier de Brooklyn, lui, souriait d'émotion et de soulagement, toutes ses précédentes angoisses envolées comme si elles n'avaient jamais même traversé son esprit tumultueux soudainement redevenu aussi calme qu'une mer d'huile. Le noiraud le rejoignant, Magnus se leva et hésita un instant : devait-il l'enlacer ? Lui faire la bise ? Sans doute que lui serrer la main serait malvenu, ou peut-être pas ? Il avait l'impression d'être un jeune homme de seize ans débutant maladroitement dans ses premières amours, lui qui avait pourtant séduit nombre d'hommes et de femmes de part le monde. Le rouge commença à lui monter aux joues et il se retrouva comme un poisson hors de l'eau face à son crush, incapable de trancher sur ce qu'il devait faire ou non. Heureusement pour eux, Matthew fut le premier à esquisser un geste et il déposa un baiser aussi léger qu'une aile de papillon sur la joue de son aîné qui rougit un peu plus, si tenté que ce soit possible. Ils s'installèrent et le plus jeune sourit avec malice.

- Désolé du retard, j'avais une dernière course à effectuer et je n'ai pas pu me dérober. Enfin, bon, maintenant je suis là et j'ai toute ma soirée qui t'est consacrée !

- Ce n'est rien, je n'ai pas vu le temps passer, mentit l'asiatique en souriant toujours fébrilement.

- J'ai plus d'une demie heure de retard, Magnus : je n'ai aucune excuse, je suis vraiment désolé de t'avoir fait attendre. Quand j'ai vu l'heure, j'ai appelé au bar pour passer commande le temps que j'arrive jusqu'ici. J'espère que je n'ai pas fait un mauvais choix avec le Martini ?

- Tu aurais pu me prendre un Gin sec, contra l'Indonésien en reprenant de l'aplomb pour taquiner son cadet. Je plaisante, je plaisante, Matthew, gloussa-t-il en voyant son compagnon se décomposer devant ses yeux. C'est parfait, merci beaucoup. On trinque ?

- A nous peut-être ? Proposa le plus jeune en se détendant.

- A nous peut-être, répéta Magnus, tout sourire, en entrechoquant leurs verres.

Les deux hommes trinquèrent alors, et tout en commandant une planche apéritive composée de charcuterie, fromage, et autres bouchées farcies, discutèrent de tout et de rien, se parlant d'eux. Ils commandèrent ensuite leurs plats en se confiant comme s'ils s'avouaient leurs secrets les plus précieux.

- Je n'ai jamais connu ma mère, expliqua le noiraud en dégustant son assiette de pâtes à la carbonara, ses préférées entre toutes. C'est mon père qui m'a élevé seul depuis ma naissance. Il connaît bien le Monde Obscur, aussi bien que sa poche. Quand j'étais petit et qu'il avait des affaires à régler, il m'emmenait avec lui au Marché Obscur de la ville et je jouais entre les stands. C'est sans doute pour ça que j'ai conservé ma Seconde Vue.

- On dirait que c'étaient de bons souvenirs.

- Les meilleurs, j'ai eu une enfance vraiment géniale ! Je me souviens, quand j'étais petit, à force de voir tout ça, j'avais volé les affaires de mon père et je m'étais enfermé dans ma chambre. Je devais avoir six ans, peut-être sept, et j'ai commencé à mélanger tous les produits qu'il gardait pour essayer de faire une potion et faire un peu de magie moi aussi. J'ai failli mettre le feu à ma chambre et à toute la maison, avoua-t-il en éclatant de rire. A mon anniversaire qui a suivi, j'ai reçu une dizaine de boîtes de petit chimiste pour compenser. Il disait que c'était plus prudent !

- C'est pour ça qu'après tu es passé aux mélanges avec la création de cocktail ? Gloussa Magnus à son tour en secouant la tête.

- Quand j'ai eu dix-huit ans, il m'a montré tout ce qu'il y avait à savoir en matière d'alcool, les degrès, les mélanges qui rendaient malade et ceux qui te rendaient juste un peu euphorique. J'ai été bien encadré, sourit tendrement Matthew en hochant la tête. Mon père est un homme bien, et même si j'ai déjà vu et entendu certaines personnes dire du mal de lui, je n'en pense rien. Ils ne le connaissent pas, moi si : c'est quelqu'un de très bon et humain, même si en apparence il a l'air pas mal bougon, admit-il avec un clin d'oeil malicieux.

L'immortel aux yeux de chat acquiesça tendrement. Il ne connaissait pas le père de Matthew, ni n'avait jamais entendu parler d'un membre du Monde Obscur ayant un enfant Terrestre à la Seconde Vue, et pourtant il connaissait à peu près tout le monde. Malgré tout, il ne doutait pas de la véracité des paroles de son cadet. Matthew ne faisait pas semblant : il aimait sincèrement son père, comme lui aimait Ragnor de tout son cœur, et il voyait dans son regard la fierté d'être son fils. Peut-être aurait-il un jour la possibilité de le rencontrer et de remercier cet homme d'avoir mis au monde un fils aussi extraordinaire que le noiraud. Alors qu'ils finissaient leurs assiettes et qu'ils commandaient leurs desserts, ce fut au tour de Magnus de passer à table.

- Et toi alors ? Tu as de la famille, des amis ? S'enquit Matthew avec enthousiasme. Je sais que tu es veuf, ajouta-t-il plus timidement en jouant avec sa petite cuillère.

- J'ai perdu mon mari...il y a cinquante ans, commença l'Indonésien en sentant sa gorge se nouer. Il avait quatre-vingt-dix ans. C'était un Chasseur d'Ombre, le meilleur de sa génération. Il a été Consul, et directeur d'Institut. Mais il était surtout mon mari, un frère et un ami formidable, et un père génial...

- Oh, vous avez eu des enfants ensembles ? C'est super ! Est-ce qu'ils...enfin...

- Max est un sorcier, comme moi. Rafael est un Chasseur d'Ombre mais avec les progrès de la magie ils ont put se lier et partager leur immortalité. Je n'ai pas eu cette chance avec Alexander...On a découvert ça peu de temps avant son décès et avec l'âge qu'il avait...ça n'aurait pas été une vie pour lui de passer l'éternité dans le corps d'un homme qui avait fait son temps, même si son esprit a toujours été celui de ses vingt ans. Depuis...Je n'ai eu personne. Je m'occupe de nos fils comme je peux, même s'ils sont grands maintenant. J'ai mon père, que tu as vu au Pandémonium, mon autre père qui lui est à Edom, et aussi quelques amis qui, comme moi, sont soit sorciers soit immortels mais la plupart d'entre eux étaient Nephilims et...enfin voilà...

- Je suis vraiment désolé, ça doit être dur de voir ses êtres chers partir les uns après les autres. Je n'aurai pas dû te parler de ça, excuse moi.

Le noiraud secoua la tête, penaud, et soupira presque de soulagement lorsque les desserts arrivèrent. Il joua distraitement avec sa crème brûlée et Magnus baissa les yeux sur son mi-cuit au chocolat. Reposant sa cuillère, il posa sa main sur celle de son cadet.

- C'est vrai, c'est dur et ça fait mal, confia-t-il les larmes aux yeux. Mais c'est aussi un soulagement et un bonheur de pouvoir parler d'eux, ça les fait vivre encore un peu plus, et j'ai besoin de ça. Merci de m'avoir demandé de te parler d'eux.

- Alors parle moi encore d'eux, je veux tout entendre, sourit Matthew en reprenant confiance.

Le sorcier aux yeux félins, confiant, lui déballa alors toute l'histoire, de Jocelyne souhaitant effacer les souvenirs de sa fille à sa rencontre à la fête d'anniversaire de son chat avec tous les membres de l'Institut de New York. Il lui parla également des débuts tumultueux de sa relation avec Alec, de son accession au poste de Consul, de l'adoption de Max puis celle de Rafael, des larmes d'émotion dans les yeux. L'immortel évoqua ensuite l'évolution de leur famille, les moments ensemble, puis, plus tristement, la disparition de ses propres un à un. Jace était décédé peu de temps après son parabatai, la douleur de sa perte était trop dure à supporter pour son grand âge, suivit par Clary qui avait fini par tomber malade. Isabelle et Simon avaient été les plus résistants avant de s'éteindre dans leur sommeil une même nuit, ensemble pour l'éternité, comme il l'avait toujours été. A la fin de son récit, Magnus était en larmes, mais un immense sourire barrait son visage. Que c'était bon de pouvoir parler des personnes qui avaient le plus compté et marqué sa vie. Sa famille. Matthew, ému lui aussi, noua leurs doigts comme si ce geste était le plus naturel du monde entre eux.

- Je suis heureux de tous les connaître, même indirectement. C'étaient des personnes formidables. Heureusement, je pourrais peut-être rencontrer les membres de ta famille encore en vie ? proposa-t-il timidement avec un sourire tendre.

- Tu en as envie ? Vraiment ? S'étonna Magnus avec, malgré tout, un immense soulagement dans le cœur.

- Oui, vraiment. J'ai déjà rencontré ton père, ça me ferait plaisir si je pouvais rencontrer tes fils. Surtout que...tu me plais beaucoup, alors si nous...ça doit aller plus loin...enfin on pourrait....

Lâchant un rire de joie, et sans laisser le temps au noiraud de finir sa phrase, il se pencha par dessus la table et, saisissant les pans de sa chemisette, plaqua ses lèvres sur les siennes pour un baiser qui lui donnait l'impression de respirer pour la première fois depuis un demi siècle. D'abord surpris, Matthew se figea avant de gémir doucement et de mouvoir ses lèvres contre celles de son aîné, répondant passionnément au baiser. Sa langue se fraya un chemin jusqu'à sa jumelle et il prit en coupe le visage de l'Indonésien pour prolonger encore un peu ce moment suspendu hors du temps. A bout de souffle, les deux hommes s'écartèrent pourtant l'un de l'autre, forcé de reprendre leur respiration. Les joues rouges et les cheveux ébouriffés, ils se mirent à glousser comme des adolescents et leurs mains se joignirent une nouvelle fois.

- C'était...

- Wow...

- Comme tu dis, gloussa Magnus en se mordant la lèvre.

- Du coup...c'est oui, pour rencontrer tes enfants ? Demanda une nouvelle fois Matthew.

- Ma réponse n'était pas assez explicite, monsieur Rey ? S'amusa l'Indonésien en gloussant encore.

- Si, elle l'était, mais je ne dirais pas non à un autre baiser, ronronna presque le plus jeune.

Encore une fois, Magnus éclata d'un rire joyeux et ne se fit pas prier pour sceller leurs lèvres une nouvelle fois, plus tendrement cependant. Peut-être allaient-ils un peu vite en besogne tous les deux, mais pourquoi attendre quand l'évidence se manifeste aussi clairement ? Ils étaient fait pour être ensemble, et Magnus n'allait pas laisser passer cette chance d'être de nouveau heureux. Il espérait simplement que ses fils seraient du même avis que lui...

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Des avis, des théories ? A vendredi prochain ! 


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