Qu'on en fasse pas une habitude, a dit Remus alors que Sirius le coinçait dans une cage d'escalier. Qu'on en fasse pas une habitude, a répété Remus alors qu'il fermait à double tour la porte du dortoir. Qu'on en fasse pas une habitude, a réitéré Remus alors que Sirius l'entrainait dans une salle de classe vide. Qu'on en fasse pas une habitude, a insisté Remus alors qu'ils se perdaient entre les étagères de la bibliothèque.

Ils en ont manifestement fait une habitude.

Mais ils n'en parlent pourtant pas, le sujet semble être un vieux coffre fort dont on a jeté la clé. Remus continue de jouer les parfaits petits copains pour Hestia, ne jetant que de vifs coup d'œil à Sirius lorsqu'ils sont tous les deux. On ne peut pas dire que la situation lui convient, mais il préfère encore se languir de Remus en sachant, qu'à un moment ou un autre, il le retrouvera, plutôt que de se languir tout court.

— Tu l'as vraiment lu en entier ?

Le professeur Binns récite le cours d'une voix monotone alors que toute la classe somnole ou prend des notes avec lassitude. Remus et Sirius sont assis au fond de la salle, serrés sur l'étroit banc. Leurs genoux se rencontrent timidement de temps à autre.

— Oui, pourquoi tu ne me crois pas ? Se vexe Sirius.
— Parce que tu ne lis jamais mes livres en entier. Tu lis la première partie, puis le dernier chapitre parce que t'es trop impatient de connaître le dénouement. Et au final, t'es trop flemmard pour retourner à la partie que tu n'as pas lue.

Sirius ouvre la bouche pour protester, sachant pertinemment que Remus a raison.

— Mais si, je.. Non, ok, c'est vrai. Je pensais juste que ça te ferait plaisir de savoir que je lisais tes livres.

Remus a un sourire attendri. Sous la table, il prend sa main dans la sienne. Les mains de Remus sont grandes, râpeuses, et toujours chaudes. Celles de Sirius, en contraste, sont fines et douces, mais toujours froides.

— Elles sont gelées, murmure Remus avec un regard réprobateur.

Il porte ses doigts à ses lèvres avec douceur. Sirius le regarde faire, songeant qu'il risque d'entrer en combustion à tout moment.

— C'est mieux, merci, chuchote-il avec un rire.

Il a vraiment envie l'embrasser. Puis il se souvient à regret de qui il est. De qui ils sont.

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Dehors, la neige a cessé de tomber, mais l'épais tapis blanc qui recouvre le parc n'est pas prêt de fondre. Les entraînements de quiditch ont repris la veille. James a sauté sur son balai et Peter, fidèle à lui-même, l'a suivi. Seul dans les gradins, il applaudit à ses prouesses de ses petites mains gelées.

Dans le dortoir, à l'abri du froid hivernal, Remus est allongé sur le tapis. Un bras en travers du visage, il écoute attentivement la musique qui s'élève du tourne-disque, hochant la tête en rythme. Sirius, assis en tailleur, mime une guitare électrique, suivant la mélodie du morceau des Talking Heads.

— This ain't no party, this ain't no disco, chantonne Remus en tapant du pied.
— This ain't no fooling around, complète Sirius.

Il accélère le mouvement de ses doigts dans le vide sous le regard amusé de Remus. Il se redresse sur ses coudes.

— On ira à leur concert tous les deux, un jour, promet-il.
— C'est un rencard ? Rit Sirius en stoppant ses gestes de rocker aguerri.
— T'es con..

Le sourire de Sirius se fane. Il laisse retomber ses bras le long de son corps et fixe un point part la fenêtre. Le ciel s'assombrit peu à peu.

— Vaut mieux que t'emmènes Hestia, pas vrai ? Marmonne-t-il d'un ton amer.
— Sirius..

Remus se redresse, passant une main dans ses boucles désordonnées. Sirius se mord les joues. Il pensait pouvoir se contenter de ça, l'attention de Remus de temps à autres, cachés et presque honteux. Le regarder retourner à Hestia en espérant que lors de leurs baisers, c'était à lui qu'il songeait. Mais plus les semaines passent, moins il le supporte.

— Tu va continuer de tromper Hestia jusqu'à la fin des temps ou tu vas faire un choix ? Ajoute-t-il.
— Je ne trompe pas Hestia ! Riposte Remus. J'ai juste.. quelques moments d'égarement.
— C'est ce que je suis, alors ? Un moment d'égarement ?
— C'est pas ce que..
— C'est exactement ce que t'as dit.

Remus passe une main sur son visage. Sirius torture ses lèvres avec ses dents. Memories can't wait bat son plein mais sonne comme un bourdonnement lointain à ses oreilles.

— Tu pensais qu'on était quoi, Sirius ? Demande Remus après une minute de silence.
— Je.. j'sais pas mais..
— Je suis désolé mais tu ne peux rien exiger de moi. On ne s'est rien promis.

Remus se lève avec raideur. Sirius reste assis, le regard rivé sur le tapis. Il se sent terriblement idiot. À quoi pensait-il bon sang ? Remus semble se radoucir un peu devant son air dépité. Il hausse les épaules d'un geste las.

— Écoute.. On devrait s'arrêter là. J'aurais jamais du faire ça à Hestia, ni à toi. Faut que je fasse un choix, t'as raison.
— Mais on..
— On se voit plus tard, Sirius.

Remus lui jette un dernier regard avant de quitter le dortoir. Sirius presse ses mains sur ses paupières closes pour empêcher les larmes de couler. Il ne sait plus ce qu'il fait. En fait, ça fait des mois qu'il a perdu le fil. Il ne peut pas vivre sans Remus, mais peut-il même vivre avec lui ?