09

Les mois ont vite passé. L'automne pluvieux a laissé place à un hiver glacial et enneigé. Pour les cinquièmes années, les BUSES approchent à une vitesse affolante. Pourtant Sirius ne s'en soucie pas vraiment. Quittant sa façade de garçon inaccessible, il traîne maintenant une réputation de Don Juan cruel, laissant tomber ses conquêtes du jour au lendemain. Les études sont le cadet de ses soucis.

— Mckenzie ? Sérieux ? S'offusque Marlène.
— Eh bah quoi ? Rétorque Sirius.

Les deux gryffondors sont installés dans le dortoir vide. Marlène assise entre deux lits, une revue de Quiditch qui trainait là posé sur les genoux. Sirius est allongé sur son matelas, les bras croisés derrière la tête. Les confessions de cette nuit d'octobre, trois mois auparavant, les ont considérablement rapprochés, faisant naître entre eux une amitié inattendue, que leurs caractères explosifs à tous les deux avait toujours empêchée.

— Une septième année ! Insiste Marlène.
— C'est pas ma première. Les autres se font juste plus discrètes.
— Et une serpentard en plus..
— Je suis comme toi.

Marlène roule des yeux, amusée. Sirius sourit avec espièglerie. Il est vrai qu'il a tendance à exagérer, mais ce n'est pas de sa faute ! C'est les filles qui viennent à lui. Et il aime bien cette nouvelle réputation de Casanova. C'est un bon compromis. Nul besoin de faire semblant d'être amoureux tout en ayant une couverture assurée, sans négliger sa côte de popularité qui grimpe de jour en jour.
Puis, il n'y a pas que ça. Il a quelque part développé une dépendance à ce sentiment d'être aimé, même si ce n'est que le temps d'une nuit, des sentiments éphémères qu'il aurait souhaité provenir d'un autre.

Sirius manque d'amour. Et c'est un secret parmi tant d'autres.

— Je comprends juste pas.. ajoute Marlène, pensive. Je serais incapable de coucher avec un mec. Alors toi avec des dizaines de filles..
— Je ne couche pas avec toutes pour commencer. Et c'est pas si terrible.. je ferme les yeux, j'imagine quelqu'un d'autre.. c'est vite passé.
— Ouais.. on se demande pourquoi tes préférées ressemblent le plus souvent à..
— Marley. Ferme là.

La jeune fille obtempère mais articule silencieusement son nom. Sirius presses ses mains sur son visage, étouffant un soupir.

— C'est juste plus simple, tu sais..
— Ce serait pas encore plus simple de lui parler ?
— Marlène..
— Je dis simplement que toute cette mascarade c'est ridicule ! Franchement, Sirius, briser des cœurs pour protéger le tien ?
— Je ne brise le cœur de personne ! Elles le font seules, en s'accrochant désespérément à moi. Je ne leur promets rien.

Marlène soupire, laissant la revue froissée glisser de ses genoux. Sirius se redresse sur ses coudes, une moue anxieuse sur le visage.

— Je sais que je joue les connards, mais..
— Rhabillez-vous, je me découvre les yeux dans dix secondes !

La porte s'ouvre dans un fracas. Marlène lève les yeux au ciel avant de balancer un oreiller sur la figure de James, qui vient de faire irruption dans la pièce.

— Personne n'est nu, Potter, maugrée-t-elle.
— Tu es sûre ? J'suis pas certain de survivre au traumatisme.. Enfin, toi, Marley-chérie, je me ferais un plaisir de te dévorer du regard mais Padfoot..
— Par pitié, ferme là, Prongs.

Sirius se laisse tomber à nouveau sur lit. James ouvre prudemment les yeux. Un grand sourire s'étale sur son visage.

— Bande de filous..
— Qu'est-ce que tu veux ? S'exaspère Sirius.
— Oh, moi, rien. Mais Remus a une grande annonce à faire, lui.
— Une annonce ? Remus ?
— Ouais, il nous a demandé de nous rassembler en bas. Vous venez ?

Sirius et Marlène échangent un regard curieux avant de suivre James dans les escaliers. Dans la salle commune, Lily, Mary et Peter sont déjà assis sur des canapés. Les nouveaux arrivants se laissent lourdement tomber à côté d'eux. Un instant plus tard, Remus traverse la pièce depuis le tableau de la grosse dame. Une fille marche derrière lui. Sirius baisse un peu les yeux. Il sent son cœur tomber quelque part au fond de son estomac. Leurs doigts sont liés.

Elle se poste devant eux, agitant timidement sa main libre. Remus la regarde avec tellement de douceur, c'en est à gerber.

— Alors, tout le monde, je vous présente Hestia. Hestia.. je te présente tout le monde.
— On connaît tous Hestia ! Rit Lily. Passe aux choses sérieuses.

Sirius se souvient vaguement d'elle. Une serdaigle de sixième année, assez grande – peut-être même plus que lui, des cheveux blonds et une peau bronzée. Ses yeux sont d'un noir profond.

Oh.

C'est elle, la fille dont Remus avait parlé, déjà plusieurs mois auparavant. « J'aime déjà quelqu'un d'autre ». C'est donc sérieux. Sirius reste de marbre, un sourire figé et froid sur son visage pâle. Remus déblatère mais Sirius n'écoute pas, il a ce regard brillant qui lui est d'habitude réservé.

— C'est une personne importante à mes yeux.. vraiment, dit-il, et chacun de ses mots transperce Sirius comme une lame tranchante et aiguisée. Ça fait quelques semaines qu'on sort ensemble alors je pensais qu'il était temps de vous l'annoncer.
— C'est formidable, Remus ! S'écrie Lily en serrant le couple dans ses bras.
— Bien joué, mon pote ! Ajoute James avec une tape dans l'épaule. Tu nous l'avais cachée, celle-là !

Sirius ignore le regard compatissant que Marlène fait peser sur lui. Il sent la colère monter doucement, l'amertume former un venin qu'il ne peut que cracher.

— C'est pas trop tôt, lance-t-il avec un rictus.

Remus se tourne vers lui sans comprendre. Sirius aurait du s'arrêter là, mais c'est plus fort que lui.

— T'es la première, Jones ! On commençait à se poser des questions..

Hestia penche la tête sur le côté. Remus carre la mâchoire. Sirius aurait vraiment du s'arrêter là.

— On se demandait si c'était parce qu'aucune fille ne s'intéressait à lui ou simplement parce qu'il était.. tu sais. Pédé.

Marlène pousse une exclamation indignée. Dans le groupe, tout le monde reste silencieux, mélange de surprise et d'incompréhension. Sirius et Remus se toisent en silence. Une animosité qui ne les a jamais habités s'insinue lentement dans l'atmosphère. Destructrice.

— Mieux vaut avoir l'air d'un pédé qu'être la salope de Poudlard, lâche froidement Remus. Hein, Sirius, c'est quoi les tarifs pour toutes les filles qui passent dans ton lit ?

Hestia lui frappe l'épaule, choquée. Sirius encaisse la remarque, c'était justifié après tout, mais elle lui laisse un vilain bleu sur le cœur. Pendant toutes ces années, il n'a jamais entendu Remus parler ainsi. À personne. Même Rogue n'a jamais mérité ces paroles.

— Haha, vous êtes cons, les gars ! Lance James comme si il s'agissait d'une simple plaisanterie. T'inquiètes pas Jones, ils se chamaillent tout le temps.

Hestia hoche la tête, rassurée. Tout le monde à part elle sait qu'il ne s'agit pas que de ça. La situation va plus loin qu'une bonne rigolade entre amis. Sirius se lève, le corps raide et l'esprit vide.

— La prochaine fois, si vous voulez me faire descendre, ayez une bonne raison, lance-t-il en guise d'au revoir.

Il croise le regard peiné d'Hestia sans une once de culpabilité. Il remonte lentement les escaliers. Personne ne le retient. Non mais tu t'es vu ? Hurle la voix à son oreille. Pathétique. Oublie Remus une bonne fois pour toutes, tu l'étouffes avec ton amour mal placé.

Et pour une fois, il est incapable de la contredire.

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