07

[tw : tentative de suicide]

La nuit est tombée depuis des heures. Le ciel est sombre et menaçant, de gros nuages cachent la lune presque pleine. Sirius sort du dortoir à pas feutrés, enfilant un pull qui trainait là par dessus son pyjama. Alors que le doux tissus recouvre sa peau et qu'une odeur de cannelle l'enveloppe tout entier, il devine un cardigan de Remus avec un pincement. L'obscurité de la pièce lui cachait jusque là l'identité du propriétaire.
Le gryffondor descend rapidement les escaliers, il n'a pas trouvé ses chaussures et la pierre est froide sous ses pieds. La salle commune est vide, l'envie de se pelotonner sur un fauteuil près des braises lui vient. Il la chasse rapidement, il a besoin d'air frais, d'air pur.

Les mains dans les poches, Sirius erre dans les couloirs comme un fantôme. De temps à autre, la lumière de la lune traverse un nuage et projette une ombre inquiétante sur les murs, il s'en amuse.

Ça fait du bien. Ça fait du bien d'être là, dans le silence et la solitude d'une nuit que même les étoiles ne sont pas là pour combler. Soudain Sirius voudrait que ce soit toujours ainsi. Qu'il n'ait plus jamais à se soucier de ce que les gens pourraient penser. Vivre sans peurs, sans doutes, sans dégoût. Le bruit de la pluie qui s'infiltre par une fenêtre ouverte renforce soudain cette idée. Il l'atteint en deux enjambées, grimpe facilement sur le rebord et fixe le sol, deux dizaines de mètres plus bas. Les gouttes s'écrasent avec force sur l'herbe boueuse. Certaines trempent ses joues laiteuses.

Sirius se penche un peu en avant, ses doigts le retiennent fermement en arrière, agrippés au rebord en métal froid. Il suffirait d'une fraction de seconde. Il pourrait tout lâcher et se laisser aller, tête en avant. Soudain ce serait un silence constant, une paix éternelle. La nuit n'aurait plus jamais d'étoiles.

Ses mains relâchent la pression. Il n'est plus si solidement accroché. Le sol tangue, plus bas, et c'est comme si il l'appelait.

— Sirius ?

Une voix retentit derrière lui. Pas en bas, bien derrière, dans la sécurité du couloir. Il se jette brusquement à l'intérieur, reprenant soudainement conscience de ses actes. Effrayé, il lève les yeux. Marlène se tient debout au dessus lui et le regarde d'un air effaré. Elle se précipite sur la fenêtre pour la fermer.

Sirius se relève et rabat en arrière les mèches brunes trempées par la pluie. Marlène tient fermement le loquet, comme si elle avait peur de le lâcher.

— Je ne faisais que regarder au dehors, se justifie Sirius, honteux.

Elle soupire et ses épaules se relâchent.

— Je sais, chuchote-t-elle. Mais il fait froid tu ne trouves pas ?

Le visage de la jeune fille est doux et rassurant. Elle n'en parlera pas si il ne le fait pas. Il veut plonger dans ses bras mais s'abstient. Il s'est assez donné en spectacle pour la soirée.

Les deux adolescents se fixent en silence, trop inquiets pour parler.

— Qu'est-ce que tu fais dehors à cette-heure ? Demande finalement Marlène avec un geste vague pour le couloir désert.
— Besoin de prendre l'air. Et toi ?

Elle semble hésitante. Le regard fuyant, elle bafouille des explications. Un rayon de lune éclaire soudain son visage et Sirius peut apercevoir ses lèvres gonflées, ses cheveux ébouriffés et la trace de rouge à lèvres dans la pâleur de son cou. Il repense brusquement à son attitude suite au débat de la veille et tout s'associe dans sa tête.

— Marlène, dit-il plus brutalement qu'il ne l'aurait voulu.

Elle pose ses grands yeux bleus sur lui, surprise. Sirius serre les poings, paumes moites.

— Tu étais avec quelqu'un ? Demande-t-il sans détour.

Marlène ouvre la bouche pour protester mais comprend vite qu'il est inutile de mentir. Elle fourre ses mains dans ses poches.

— Oui, avoue-t-elle.
— Et ce quelqu'un c'est..

Les paroles meurent sur ses lèvres. Marlène ne détache pas les yeux des siens, déterminée.

— Une fille, oui.

Elle s'attend sûrement à un flot d'injures parce qu'elle carre les épaules et fixe ses pieds. Mais il ne vient jamais. Sirius hoche simplement la tête.

— Okay, dit-il.
— Okay ? S'étonne Marlène.
Okay, dis m'en plus sur elle.

Un sourire dévore soudainement le visage de Marlène. Sirius sent toutes ses peurs s'envoler, il sait que les siennes viennent de le faire aussi.

— Marchons un peu, propose-t-elle avec douceur.

Sirius avait besoin de ça. Du bras chaud de Marlène autour du sien. De sa voix rêveuse et de ses yeux brillants.

— C'est Dorcas Meadowes, de Serpentard.
— Ta rivale de quidditch !?
— Eh bien quoi ! J'aime les femmes de caractère.
— Comment ?
— Les entraînements tard le soir et les vestiaires vides ça ouvre la discussion. On avait fini par devenir amies, tu sais. Puis un jour.. un jour, je l'ai embrassée.

Le regard de Marlène se fait vague. Son sourire s'efface un peu.

— Elle y a pas tout de suite répondu. Je me suis sentie mourir pendant un instant. Je la voyais déjà en train de le crier sur tous les toits. J'ai eu si peur, Sirius.

La discussion reprend un tournant sérieux. Elle s'arrête au milieu d'un escalier pour lui faire face, et ce n'est plus de l'amour qui brille dans ses yeux.

— Y a pas de place pour moi, dans ce monde. Je suis si heureuse près d'elle, mais je peux pas oublier que tout cet amour peut aussi causer ma perte.

Marlène laisse échapper un soupir las.

— Ça doit te sembler stupide. Tu peux pas comprendre.

Elle reprend son chemin, les bras serrés autour d'elle. Sirius reste immobile, hésitant.

— Je comprends.

Elle s'arrête en haut des escaliers et se retourne, sourcils légèrement froncés. Sirius ne bouge toujours pas.

— Je sais ce que tu ressens insiste-t-il.

Le visage de Marlène se décompose un peu. Elle redescend quelques marches et entoure précipitamment sa taille de ses bras fins.

— Oh, Sirius..
— Je l'avais jamais dit à voix haute, murmure-t-il, le visage enfoui dans ses boucles blondes.

Elle se recule pour le regarder avec des yeux humides. Il sourit faiblement.

— Je n'en avais jamais formulé l'idée à voix haute. J'arrivais à peine à y penser alors..
— Ouais.. j'ai connu ça aussi. T'es seulement la deuxième personne à qui j'en parle, tu sais.
— Et moi, la première.

Ils se sourient et reprennent leur chemin vers la salle commune. Sirius ne s'est pas senti aussi bien depuis longtemps.

— Ce que t'as dit tout à l'heure.. commence-t-il. Je vis la même avec Remus.

Marlène souffle un sourire. Sirius soupire.

— Des fois je le regarde et j'ai tellement envie de l'aimer que ça me fait mal. Mais bien l'aimer, avec les gestes et les mots qui faut, c'est impossible.
— Pourquoi ça ?
— Tu le sais très bien, Marlène. Je risque tout.

Il s'arrête pour souffler le mot de passe à la grosse dame – irritée d'avoir été réveillée à une heure si tardive. Marlène secoue gentiment la tête.

— Remus est un gentil garçon, il ne ferait rien qui puisse te blesser, peu importe la situation, dit-elle avant de s'engouffrer dans l'ouverture. Même si je sais que c'est dur à admettre.

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