05

Chaque fois que Sirius croise son regard, ce jour-là, il sent une honte cuisante s'abattre sur lui. La soirée de la veille lui revient en tête ; ses paroles insensées, son visage larmoyant, l'expression gênée de Remus. Il s'est dévoilé, et ce qu'il redoutait le plus a fini par arriver.

Quand les cours touchent à leur fin, que James prend le chemin du terrain de Quidditch et Remus celui de la bibliothèque, il file directement au dortoir. Où, accablé, se laisse tomber sur l'épaisse moquette rouge. D'un geste mécanique, il lance un vinyle, laisse la musique infiltrer son esprit, pour ne plus penser à rien, rien, rien. Juste aux voix qui se brisent dans le micro et aux sons électriques des guitares.

— Sirius, ça va ?

Peter se tient timidement près de la porte du dortoir, hésitant à y poser un pied de plus.

— Heu, ouais, répond Sirius en baissant le volume, et la voix de David Bowie meurt dans un murmure.

Peter se décide à entrer, et s'assoit près de lui. Le silence tombe, presque apaisant. Ils fixent tous deux le mur d'en face comme si ils voulaient en déceler toutes les imperfections.

— James est un peu chiant en ce moment, hein ? Déclare soudain Peter. Avec toutes ces conneries sur Vance.
— Ouais..
— Tu ne devrais pas écouter ce qu'il dit. Il a toujours fait ça avec moi. Parce que je ne me suis jamais intéressé à personne. Il voulait pas me laisser tranquille.
— Ouais, je me souviens.
— C'est parce qu'il est tellement amoureux de Lily, alors il pense que tout le monde devrait être amoureux comme lui.

Sirius le regarde avec curiosité. Habituellement, Peter n'est pas du genre à se confier. Il écoute, patiemment, sans un mot, attend que vous ayez terminé puis sort un vieux bonbon de sa poche si vous avez besoin de réconfort.

— Je n'aime personne. Je ne pense pas que ça m'arrivera un jour. Tu sais, de tomber amoureux.
— Dis pas ça, Pete', l'amour c'est..
— Je n'ai pas dit que ça me dérangeait. Ça me convient parfaitement.
— Comment tu peux être sûr que tu ne tomberas jamais amoureux ?
— Je le sais. C'est tout. Ce genre de choses là, ça se ressent. Je crois que tu vois ce que je veux dire.

Tout d'un coup, Peter ne ressemble plus au Peter que Sirius connaît. Celui qui se cache derrière sa frange blonde et l'ombre de James. Même si il ne parle pas, il observe tout, attentivement, et finit par remarquer ce que personne n'a encore jamais remarqué.

— Tu devrais lui parler, chuchote Peter comme si il avait peur d'être entendu.
— De quoi tu parles ?
— Tu sais aussi bien que moi, Sirius.

Il soutient le regard entendu de Peter pendant quelques secondes, mais fini par se détourner dans un soupir.

— C'est si évident que ça ?
— J'sais pas.. hésite Peter, gêné. J'ai juste tendance à faire attention aux moindres détails.

— Trop tard, Pads !

James éclate de rire alors que Sirius tente toujours d'avaler le plus de bonbons possible, la main sur le chronomètre.

— À Wortmail, maintenant, décide-t-il en lui lançant le paquet de sucreries.

Peter l'attrape au vol. Remus leur jette un regard moqueur depuis son lit, où il est paresseusement allongé sur le ventre.

— Tu ne veux pas jouer ? Demande James en démarrant le chrono.
— Non, vous savez très bien que vous perdriez lamentablement. Et Sirius est bien trop mauvais joueur pour ça.
— Pardon, Moony ? Dois-je te rappeler que tu es celui qui a jeté nos bavboules par la fenêtre après une défaite ?
— Le jeu était truqué.

Sirius rit devant le sourire malicieux que Remus lui adresse. Il en oublie presque les précédents événements.

— Je n'ai pas envie de passer une autre soirée à frotter ces trophées, soupire James en jetant un coup d'œil à sa montre.
— Pas une soirée non, plutôt cinq minutes, réplique Remus en tournant une page de son livre.

James et Sirius le regardent sans un mot, intrigués. Derrière eux, Peter lève un poing victorieux.

— Vingt-six bonbons, bande de trolls !
— C'est bien, Peter, répond distraitement James. Explique nous ton plan, Moony.

Dix minutes plus tard, le groupe progresse avec difficulté dans les couloirs de Poudlard. Bien que vides, James a insisté pour qu'ils emmènent la cape d'invisiblité. Cette dernière qui couvrait aisaiement chacun d'entre eux en première année, dévoile à présent leurs chevilles si ils manquent de prudence.

— Pourquoi on n'y a pas pensé plus tôt ? On se serait épargné bon nombre de soirées pénibles.

Caché sous la cape, à l'étroit entre James et Sirius, Remus jette un rapide sort sur la serrure du cagibi. La porte s'ouvre dans un grincement.

— Pousse pas !
— Vous allez marcher sur Peter.
— Achetez votre propre cape au lieu de monopoliser la mienne !
— Tu te plaignais pas, en première année quand on voulait bien venir avec toi !
— Ouais, mais maintenant Moony est trop grand.

Remus lâche un râle et sort de la cape.

— Au pire, quoi ? Personne ne va nous en vouloir de cambrioler un vieux placard.

Il entre dans la pièce, vite suivi de ses compagnons. James le dépasse en trottinant et sort fièrement sa baguette, la pointant sur des chaudrons encore sales.

— Alors, euh.. recurvite !

Le cuivre étincelle soudainement, débarassé de sa rouille d'atan. A nouveau sous sa forme humaine, Peter tape bruyamment des mains.

— Fini les corvées ! Exulte-t-il.
— Dépêchons-nous, dit James. Il nous reste encore la salle des trophées.

Les maraudeurs passent les minutes suivantes à récurer chaudrons et trophées d'un coup de baguette nonchalant.

— Et maintenant ? S'inquiète Peter une fois le travail terminé. Rusard va remarquer la supercherie.
— Mais non, Wormy, répond Sirius en haussant les épaules. On fera comme si de rien n'était, on ira toujours nettoyer ce soir.
— Mais.. on vient de le faire.
— Tu es donc si bête !? On fera semblant bien évidemment. Tu pourras toujours faire une sieste au lieu de récurer.
— C'est l'heure, constate Remus. Allons attendre Rusard.

Il s'élance dans le couloir et James le dépasse rapidement, désireux de toujours être en tête du groupe. Peter accourt à leur suite, tandis que Sirius reste un instant en retrait. Une heure seul avec Remus. Une heure sans le bruit des éponges pour étouffer sa honte. Une heure sans occuper ses doigts pour éviter d'aggriper ceux de Remus à la place.

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