04

Le soir venu, les maraudeurs reprennent le même chemin que la veille, toujours guidés par Rusard et son chat. Le silence des couloirs est quelque fois entrecoupé par un long baillement sonore.

— Je n'en peux plus de ces foutus trophées, geint James.
— Tu peux parler, réplique Sirius en plantant ses mains devant ses yeux. J'ai des ampoules plein les doigts à force de frotter ces vieux machins rouillés.

Rusard ouvre la porte du cagibi avec un sourire cruel. Remus et Sirius s'y engouffrent sous les miaulements hérissés de miss Teigne. La porte se referme lourdement derrière eux, et le bruit des verrous résonne dans la pièce.

— Au boulot, soupire Remus en reprenant sa vieille éponge.
— Quelle plaie.

Sirius se laisse tomber en avant, ses genoux heurtant durement la pierre froide. Ils ne se sont pas vraiment adressés la parole depuis le dîner, et silence un peu inconfortable flotte sur eux.

— Alors.. Je suppose que tu ne veux toujours pas me parler de cette mystérieuse personne qui a fait chavirer ton cœur ? Hésite Sirius après plusieurs minutes muettes.
— Tu supposes bien.
— Je la connais ?
— Est-ce qu'il y a quelqu'un que tu ne connais pas à Poudlard ?
— Non..

Le silence retombe, troublé par la friction des éponges contre le cuivre des chaudrons. Sirius hésite à poser la question qui lui brûle les lèvres.

— Dis moi au moins à quoi elle ressemble, finit il par lâcher.
— Sérieusement ?
— Oui, Moony !

Remus roule des yeux dans un soupir. Sirius garde un sourire assuré, comme si ce que Remus était sur le point de dire n'allait l'affecter en aucun point.

— Mhm, voyons.. Elle a des cheveux blonds, des yeux foncés, presque noirs.
— Il y a des tas de personnes comme ça, Remus.
— Elle adore étudier, ça change de vous.

Malgré lui, Sirius sent ses espoirs se briser. C'était puéril, il le sait, d'avoir cette infime impression que Remus l'aimait lui.

— J'espère qu'elle en vaut la peine, alors. Est ce qu'elle est plus drôle que moi ?
— Non. Tu es celui qui me fait le plus rire, pas sûr que ça change.

Sirius feint un rire suivit d'un long silence.

— Et.. tu l'aimes vraiment ? Demande-t-il finalement, gardant de son mieux un masque impassible.
— Je pense que oui. Et toi ?
— Non, je ne pense que je l'aime vraiment.
— T'es bête. Je voulais dire, t'es déjà tombé amoureux ?
— Non.

Le mensonge lui écorche la gorge, mais il semble convenir à Remus, qui hausse les épaules d'un air désolé.

— Ça te tombe dessus sans prévenir et c'est la fin du monde, conclut-il.

Sirius se mord les joues, le soulagement qu'il ressent apporte avec lui une grande culpabilité. Je ne vais pas passer toute ma vie comme ça. À espérer que les filles qui plaisent à Remus n'éprouve rien en retour.

Remus traverse la bibliothèque, s'assoit à un bureau loin du leur, attend. Une fille s'approche de lui, repousse ses longs cheveux blonds derrière elle et tire la chaise près de lui. Leurs mains se touchent, s'emmêlent, ne se lâchent plus. Leurs lèvres s'unissent discrètement, à l'abri du regard de Madame Pince et des autres élèves. Il l'aime, vraiment. Il espère qu'elle l'aime aussi. Il ne veut qu'elle.

Ce n'est un fragment de l'imagination de Sirius, mais ça lui suffit.

Un. Deux. Puis trois. Le liquide ambré coule à flots, débordant des verres étroits et inondant la table. Sirius en saisit un à la volée et le laisse glisser dans sa gorge, savourant la brûlure qui l'étourdit, brouille ses pensées douloureuses.

— Un autre ! Hurle James à son oreille.

Et Sirius suit son conseil, éclate d'un rire qui lui brise les cordes vocales. Sa tête lui fait mal. Le sang pulse contre ses tempes. Il entend à peine les voix des autres Gryffondor à ses côtés. On le tire par la main avec force, le fait danser, sauter. Plus rien ne compte.

Soudain, le verre lui échappe des mains, se renversant sur sa chemise, et se brise sur le sol dans un éclat étouffé par la musique. Sirius se penche pour le ramasser, perd l'équilibre à son tour, voit la pièce tourner autour de lui, et s'écrase durement sur le sol. Il n'arrive plus à bouger, le souffle saccadé et les yeux posés sur le plafond.

— Sirius.

Remus est penché au dessus de lui, les sourcils froncés d'inquiétude. Le cœur de Sirius s'accélère, même l'alcool ne suffit pas à calmer ces effets là.

— Tu es dans un état lamentable.

Il soupire et tire Sirius par le bras pour l'aider à se relever, guidant ses pas à travers la salle commune.

— J'ai pas ramassé mon verre, réplique ce dernier d'une voix cassée. Quelqu'un va se blesser.
— Je m'en occuperai.

Dans les escaliers, Sirius rate une marche sur deux, se cogne au mur, s'aggripe à le chemise de Remus. Dans le dortoir, il se laisse tomber sur le lit, tête entre les mains. Remus disparaît dans la salle de bain pour lui chercher un verre d'eau.

— J'ai mal, Moony, murmure-t-il d'une voix rauque.
— Quoi, où ?
— Partout. Tout le temps.
— Sirius..
— Je veux plus avoir mal, Moony.

Remus pousse un soupir et s'accroupit devant lui, prenant appui sur ses genoux pour garder l'équilibre. Il plante ses billes ambres dans les prunelles orage de Sirius.

— Bois. Et ne dis plus de bêtises.
— Je ne dis pas de bêtises.

Sirius tend sa main et la passe lentement contre la joue de Remus, caressant une cicatrice rose sur l'arête de son nez.

— Tu es tellement beau, Remus. Ça me fait mal parfois.
— À t'entendre, tout fait mal.
— Tout ce qui te concerne, oui.

Remus, dont les joues se sont empourprées, ferme les yeux et secoue doucement la tête, retirant délicatement la main de Sirius de sa joue.

— Tu ferais mieux de dormir, maintenant.

Il se relève, ses articulations endolories craquent dans le mouvement. Sirius attrape sa manche dans un geste presque désespéré.

— Reste avec moi, Moony.

Remus semble hésiter un instant, baissant le regard devant le visage suppliant de Sirius. Le clair de lune donne un côté fantomatique à son profil anguleux

— Tu auras oublié tout ça demain, chuchote Remus dans un rire amer.

Il s'arrache à son emprise sans brutalité, et quitte la chambre à pas lents. Sirius regarde la porte se fermer derrière lui. Il s'est complètement trahi. Tant pis, il aura honte plus tard.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top