01

La salle de classe s'assombrit lentement, les vitraux poussiéreux ne laissant passer que quelques faisceaux de lumière. Le vieux fantôme promène son corps flottant entre les rangées de pupitres et laisse sa voix monotone faire écho entre les murs de pierre. James somnole, ses lunettes de travers, les yeux à peine ouverts. Sirius, quant à lui, est bien réveillé. Impassible, il fixe un petit bout de parchemin qu'il tient fermement entre ses doigts fins. À ce soir. Ce ne sont que trois petits mots. Trois petits mots qu'il scrute sans relâche depuis plusieurs minutes.

— Qu'est ce qui se passe ? Demande soudain son voisin de table d'une voix endormie.
— Je ne sais pas.

James se redresse en même tant que ses lunettes, curieux. Sirius froisse le papier et le serre au creux de sa paume.

— J'ai un rencard, soupire-t-il, la gorge nouée.
— C'est pas une bonne chose ? S'étonne James.
— Non, c'est.. Laisse tomber.

James ouvre la bouche pour répondre mais la cloche sonne, le coupant dans son élan. Sirius en profite pour s'éclipser, ignorant les instructions du professeur Binns sur une évaluation prochaine. Les couloirs se remplissent peu à peu d'élèves alors qu'il les traverse d'un pas pressé. Derrière lui, il entend la course effrénée de James et le froissement de sa robe.

— Attends moi ! Qu'est ce qui te prend ?

Sirius ralentit le pas. Ses mains se resserrent autour du cuir de sa bandoulière.

— C'est quoi le problème avec ce rencard ? Elle si horrible que ça, cette fille ? Le questionne-t-il, essoufflé.
— Elle est loin d'être horrible, Prongs, c'est bien ça le problème.
— Je ne comprends pas.
— J'arrive pas à m'intéresser à elle, putain, même si elle a tout pour plaire.
— Oh.. Ça arrive, tu sais.

James se frotte la tête, ne saisissant visiblement pas le problème. Devant la salle commune, Sirius grommèle le mot de passe si doucement que la grosse dame fronce ses sourcils. James est obligé de répéter.

— Alors tu vas y aller à ce rendez-vous ? Hésite-t-il.
— Y a un truc qui tourne pas rond chez moi.
— Mais qu'est ce que tu..
— J'ai embrassé des dizaines de filles, James, et c'est toujours la même chose. J'ai l'impression de me mentir à moi même.

Sur ce, il court s'enfermer dans la salle de bain, la porte claquant brutalement derrière lui. James reste immobile dans le dortoir, impuissant. Remus et Peter ne tardent pas à y entrer à leur tour.

— Où étiez vous passés ? Demande Remus en s'asseyant sur le bord de son lit.
— Sirius perd la boule, répond James avec un haussement d'épaules.
— Quoi ?

James secoue la tête sans dire un mot de plus. Chacun vaque à ses occupations et le silence tombe sur la chambre, lourd de questions. Quand Sirius ressort de la salle de bain, quelques minutes plus tard, le sourire a repris sa place sur son visage. Mais ses yeux ne mentent pas.

— Je ne vous demande pas à quoi je ressemble, je connais déjà la réponse. Je serais de retour pour le dîner, à tout à l'heure !

Il s'engouffre dans l'escalier en colimaçon, ignorant les chuchotements intrigués de ses amis derrière lui.
C'est juste un stupide rencard. Une stupide fille. Rien de plus. Se répète-t-il en boucle sur le chemin. Alors pourquoi je peux pas être comme tous les autres ? Il descend les étages, lentement, le pas traînant. Emeline l'attend, assise dans l'alcôve d'une fenêtre, ses jambes ramenées contre sa poitrine. Ses longs cheveux bruns se perdent sur ses épaules.

— Salut, lance-t-elle d'un ton enjouée, et sa voix est si douce.
— Salut, répond Sirius, mais la sienne est un peu cassée.

Elle passe ses pieds hors de l'alcôve, les laissant pendre dans le vide. Elle a joliement maquillé ses lèvres en rouge, remarque Sirius, pourtant il rebute à les embrasser.
Emeline tapote doucement la place à côté d'elle. Il s'y assoit tel un automate, le visage de marbre et le corps raide.

— Je suis contente que tu aies accepté de me rejoindre, dit la jeune fille en ramenant une mèche de cheveux derrière son oreille. J'avais entendu dire que tu n'acceptais jamais les rencard.
— C'est vrai, acquiesce Sirius d'une voix blanche.

Emeline hésite, puis laisse ses doigts glisser jusqu'à lui. Sa main est d'une douceur écœurante. Sirius aimerait la repousser mais il ne peut pas. Qu'est ce qui ne tourne pas rond chez toi ? Susurre une petite voix au creux de son oreille.

— Tu n'es pas très bavard, commente Emeline, incertaine, je fais quelque chose de mal ?
— Non, la rassure Sirius dans un murmure.
— Oh, alors.. Peut-être que tu ne veux pas parler ?

Elle rosit un peu avant de se pencher en avant, ses cheveux suivant le mouvement, caressant les joues de Sirius au passage. Ce n'est pas désagréable. Mais c'est atrocement vide, comme le redoutait Sirius. Je n'aime pas. Je ne ressens rien. Il presse un peu plus fort, dans un geste désespéré. Il veut que son cœur s'agite, qu'une lueur de désir s'allume quelque part au fond de sa poitrine. Les lèvres d'Emeline sont chaudes mais les marques qu'elle sème sur sa peau lui laissent une impression froide. Je veux aimer. Gémit-il au fond de lui même. S'il vous plaît.
Emeline se détache de lui, à bout de souffle. Quand elle croise son regard, son visage se décompose.

— Tout va bien ? S'inquiète-t-elle.
— Oui, souffle Sirius. Non, pense-t-il.

Emeline se détend un peu. Elle s'apprête à recommencer mais Sirius l'arrête doucement.

— Je vais y aller, Emeline. Excuse moi.

Ses grands yeux bruns s'assombrissent un peu. Elle passe une main dans ses cheveux, gênée.

— Oh.. Mais je pensais que..
— C'est pas contre toi, je te promets.

Sirius esquisse un faible sourire et se lève. Emeline le regarde s'éloigner, toujours perchée dans son alcôve, ses épaules affaissées. Il marche vite, court presque. Il ne veut plus sentir son regard déçu qui lui brûle la nuque. La honte qui lui tord l'estomac. La vérité qu'il fuit depuis bien longtemps qui s'insinue sournoisement dans son esprit. Merde. Être un traître à son sang ne lui suffisait pas ?

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