Chapitre 9

https://youtu.be/ouW_RCAI0sg

Pendu.

Anthony s'était pendu dans le sous-sol de la maison avec une chaîne en argent.

Adrian n'arrivait pas à y croire. C'était impossible.

Et pourtant... son frère s'était vraiment suicidé. Il était mort.

Adrian avait vu son corps. Raide, immobile, froid. Son visage blafard, ses traits figés.

Anthony était mort !

Pourquoi ? Adrian était perdu. Il s'était toujours douté que son frère n'était pas bien dans sa tête, mais il n'aurait jamais pensé qu'Anthony était mal au point de mettre fin à ses jours. Il était le chouchou de l'Alpha Suprême, pourquoi voudrait-il mourir ? Et pourquoi maintenant ?

Adrian n'y comprenait absolument rien.

Les jours suivants défilèrent comme dans un cauchemar.

Oui, c'était ça : un horrible cauchemar éveillé.

Les loups et autres surnaturels arrivèrent des quatre coins de la Louisiane pour présenter leurs condoléances à l'Alpha Suprême. Les regards se braquaient ensuite sur Adrian qui aurait voulu disparaître sous terre. Ils le dévisageaient avec un mélange de pitié, de condescendance et de curiosité. Personne n'osait cependant chuchoter et encore moins spéculer sur les véritables circonstances de la mort d'Anthony. Personne ne savait pour le suicide.

La veillée funèbre lui sembla durer une éternité. Vint ensuite la mise en terre. Adrian dut rester aux côtés de son père et Ariana, se dressant tel un piquet à la droite de l'Alpha. Il ne versa aucune larme, mais sa mâchoire lui fit un mal de chien à force de serrer les dents. Il n'en pouvait plus de cette musique jazz qu'un orchestre jouait avec application dans un coin du cimetière. Mais en même temps, il ne voulait pas que toute cette mascarade s'arrête.

Il ne voulait surtout pas...

Il n'avait pas envie de découvrir ce qui arriverait ensuite.

Ce que la mort d'Anthony impliquait pour lui.

Prépare-toi à morfler, mon petit Poil de carotte ! Ça va être l'enfer !

Non, non, non !

Adrian eut soudain envie de pleurer, mais ce n'était pas à cause du chagrin. La mort d'Anthony ne lui faisait absolument rien. Adrian se sentait vide. Et monstrueux.

Il s'enfuit dans la forêt dès qu'il le put. Délaissant son père, sa sœur et les invités, Adrian courut dans les bois. Il courut, courut, courut... Ses pas le guidèrent mécaniquement vers son coin secret. Il n'y était plus revenu depuis l'incident avec Anthony...

L'image de son frère, raide et immobile dans son cercueil, lui vint soudain à l'esprit et la bile lui monta à la gorge. Adrian vomit ses tripes et boyaux dans le fourré le plus proche.

— Adrian ?

Il entendit des pas et une main lui effleura timidement l'épaule, Adrian reconnut la voix de Holy, son parfum. Il se redressa et s'effaça aussitôt la bouche du revers de la main. Pourquoi se retrouvait-il toujours dans des situations aussi embarrassantes face à Holy ?

Celui-ci ne fit cependant aucun commentaire. Il lui tendit une bouteille d'eau et Adrian la prit sans un mot. Il ne savait pas quoi dire. C'était la première fois qu'ils se revoyaient depuis leur bref tête-à-tête au lycée. La gorge sèche, Adrian vida la bouteille d'une traite.

— Je... je cherchais un peu de calme, alors je suis venu ici, finit par dire Holy d'un ton incertain. J'espère que ça ne te dérange pas.

— Non, ça va. Tu peux venir ici quand tu veux, Holy.

Un silence gêné s'installa entre eux, s'étirant, devenant aussi lourd qu'une chape de plomb. Holy enroula ses bras autour de ses épaules. Adrian remarqua ses traits tirés. Il paraissait bouleversé, comme si la mort d'Anthony le touchait personnellement.

— Holy...

Adrian hésita un court instant avant de poser ses mains sur ses épaules. Elles lui parurent toutes frêles, comme si le poids du monde y reposait. Comme si Holy pourrait s'effondrer à tout moment. Cédant à ses pulsions, Adrian l'attira contre lui pour le serrer très fort dans ses bras. Holy s'agrippa à sa veste de smoking en réponse. Adrian enfouit son nez dans ses cheveux, inspira son parfum. Les effluves de jasmin et de violette l'apaisèrent aussitôt.

Adrian ressentit comme une envolée de papillons dans son ventre et il resserra son étreinte. Il ne voulait plus lâcher Holy. Il avait la terrible impression de vivre son ultime moment de bonheur avant très longtemps. Peut-être même le dernier. Adrian voulait en profiter.

— Adrian... est-ce que ça va ? demanda Holy.

Il se recula un peu pour le couver d'un regard inquiet. Adrian attrapa son visage entre ses paumes sans répondre. Il effleura délicatement ses joues de son pouce. Il n'avait aucune idée de ce qu'il faisait. Ou plutôt si. C'était ce qu'il avait toujours voulu après tout.

Holy ne fit aucun geste pour l'arrêter. Le regard légèrement écarquillé, il semblait retenir son souffle comme s'il attendait la suite. Ses iris argentés transperçaient Adrian avec intensité.

— Je suis désolé pour ton frère, murmura-t-il. Je...

Sa voix était étrangement implorante. Mais Adrian n'avait pas envie de parler d'Anthony.

— Tes yeux sont tellement beaux, le coupa-t-il, sans cesser de caresser sa peau si douce. Tu es magnifique, Holy Hell. Tu es... la plus belle personne que j'ai jamais rencontrée.

Ses doigts glissèrent malgré lui vers sa bouche. Adrian effleura ses lèvres du bout de l'index. La sensation était grisante, il avala difficilement sa salive, puis décida soudain de se lancer.

— Est-ce que je... est-ce que je peux ? demanda-t-il dans un souffle.

— O-oui... chuchota Holy, son regard ancré au sien. Tu peux.

Adrian ne se le fit pas dire deux fois. Il se pencha et posa ses lèvres sur les siennes. C'était la première fois qu'il embrassait quelqu'un. Adrian ferma les yeux, savourant ce contact à la fois chaud et doux contre sa bouche. C'était merveilleux. Embrasser Holy provoqua une myriade de sensations extraordinaires dans tout son corps. Adrian se sentait flotter, il avait l'impression que son cœur allait exploser d'un moment à l'autre, tant il battait fort.

Holy attrapa soudain sa nuque pour approfondir leur baiser. Sa bouche contre la sienne, son odeur si envoûtante, ses doigts graciles sur sa peau... Adrian soupira de bonheur et le serra plus fort contre lui. Il aurait voulu que ce moment dure pour toujours.

***

Adrian se faufila dans le vestibule en essayant de faire le moins de bruit possible. Il était tard, la maison baignait dans un calme assourdissant. Aucune trace d'invités ni de domestiques. Ariana et leur père n'étaient également nulle part. Le silence était lourd et malaisant.

Adrian se précipita vers les escaliers, pressé de rejoindre sa chambre et profiter des dernières heures de répit qu'il lui restait avant de... Il secoua vivement la tête, ne voulant surtout pas y penser. Adrian préféra se remémorer les instants qu'il venait de passer avec Holy. Il ressentait encore sa bouche contre la sienne. Le goût de ses lèvres, la douceur de leur étreinte, du baiser... Adrian se sentait à la fois heureux et malheureux. Il aurait voulu avoir plus de temps.

— Où étais-tu ?

La voix froide de son père claqua soudain dans le silence. Un pied sur l'escalier, Adrian se retourna d'un bond pour lui faire face. Aaron Ashes se tenait dans l'encadrement de la porte qui menait au petit salon. Un verre à la main, il toisait Adrian de toute sa hauteur. Ses yeux verts brillaient dans la pénombre, de longues mèches noires lui tombaient sur le front.

Son visage n'exprimait aucune émotion, mais il irradiait d'une aura de haine et de colère qui submergea Adrian avec la force d'un tsunami. Ce dernier baissa instinctivement la tête en un geste de soumission. Il ne devait surtout pas contrarier l'Alpha Suprême.

— Je... j'étais dans la forêt, couina-t-il. J'avais besoin de...

— Te cacher pour pleurer ? Tu es pathétique.

Les mots, crachés avec mépris, transpercèrent Adrian en plein cœur. Les yeux obstinément baissés sur le sol, il ne répondit pas. Il se contenta de serrer les dents et les poings pour essayer de contenir les tremblements qui secouaient son corps.

Une sueur froide coula le long de sa tempe et de sa nuque lorsque son père s'avança vers lui. Adrian n'osa pas lever le regard pour lui faire face. Il ne put que regarder ses chaussures de luxe et parfaitement cirées se rapprocher lentement. Telle une sentence de mort, elles claquaient sur le parquet dans un bruit assourdissant.

Le cœur d'Adrian cognait violemment dans sa poitrine lorsque son père se planta devant lui. Mais cela n'avait rien à voir avec ce qu'il ressentait lorsqu'il était avec Holy. Le bonheur et le bien-être étaient remplacés par une terreur pernicieuse qui s'enroulait autour de sa gorge, menaçant de l'étouffer. Les yeux écarquillés, Adrian se mordit la lèvre pour garder contenance et ne pas s'effondrer comme une chiffe molle devant son père.

Ne surtout pas contrarier l'Alpha. Ne surtout pas...

— Regarde-toi. Tu trembles comme une feuille. Tu transpires la peur, commenta soudain ce dernier d'une voix basse et onctueuse. Que vais-je bien pouvoir faire de toi, Adrian ? Tu es si faible et insignifiant. Tu n'as rien, absolument rien, d'un Alpha.

Tout en parlant, il lui tourna autour d'un pas lent et mesuré. Adrian avait l'horrible impression d'être une proie face à un vicieux prédateur. C'était terrifiant.

— Malheureusement, tu es tout ce qui reste pour sauver la réputation de la famille et garder le titre d'Alpha Suprême. J'espère pour toi que tu sauras te montrer digne de cet honneur, Adrian.

— Oui, père, répondit l'interpellé d'une petite voix étouffée, tant sa gorge était nouée.

Le silence s'installa de nouveau, les recouvrant tel un sinistre linceul. Adrian retenait son souffle et n'osait esquisser un geste, alors que son père continuait à lui tourner autour.

— Va te coucher, ordonna-t-il soudain en se détournant pour retourner dans le petit salon. Ton entraînement commence demain à l'aube. Je te déconseille d'être en retard.

Adrian s'exécuta sur le champ. Il monta les marches quatre à quatre, puis se précipita dans sa chambre. Il ferma la porte à double tour, avant de se laisser tomber sur le sol, le souffle désormais chaotique. Adrian ramena ses jambes contre sa poitrine, puis les entoura de ses bras d'un geste tremblant. C'était la première fois depuis très longtemps que son père — l'Alpha — lui accordait pleinement son attention. C'était tout simplement glaçant.

Ton entraînement commence demain à l'aube.

Non non non ! Adrian ne voulait pas.

Ton entraînement... demain à l'aube.

Il ne voulait pas être l'Alpha.

Demain... à l'aube...

Adrian se sentit suffoquer. Un pitoyable gémissement s'échappa de sa gorge.

La petite voix d'Anthony éclata d'un rire sardonique dans sa tête.

Tu vas tellement en baver mon petit Poil de carotte. On va bien rigoler !

Le cauchemar ne faisait que commencer.





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