Chapitre 7


Le regard ancré dans celui de Holy, Adrian posa un doigt tremblant sur ses lèvres. Celui-ci hocha la tête en réponse. Les yeux écarquillés comme des soucoupes, il semblait terrifié.

Il avait raison de l'être.

Tout le monde savait qu'Anthony Ashes était un grand malade. Un psychopathe. Même la puissante et intrépide Naomi Hell évitait de le croiser en dehors des réceptions officielles réunissant les familles surnaturelles. Anthony ne devait surtout pas les trouver...

Adrian l'avait déjà entendu parler de ce qu'il adorerait faire au petit dhampire des Hell s'il arrivait à lui mettre la main dessus un jour. Il avait la nausée rien que d'y repenser : son frère était un véritable sadique, c'était terrifiant. Adrian se sentit trembler.

Faites que les charmes vaudou fonctionnent, faites que ça fonctionne, pria-t-il intérieurement, mais telle une sentence de mort, la voix d'Anthony se rapprochait inexorablement.

— Sors de ton trou, Poil de carotte ! Je sais que t'es pas loin. Je sens ton odeur dégueulasse.

Ils étaient foutus.

Adrian attrapa les mains de Holy et lui intima silencieusement de se lever. Il avait le cerveau en compote, mais était sûr d'une chose : tant qu'il vivrait, Anthony ne toucherait jamais Holy.

— Tu dois partir, murmura-t-il. Sors par là et cours. Moi je vais distraire Anthony.

— Poil de carotte, je vais compter jusqu'à trois. Si d'ici là, t'es pas sorti...

— Mais ton frère... il va te... protesta Holy, effrayé.

— Un.

— T'en fais pas pour moi, OK ?

Mais les doigts de Holy restèrent fermement entrelacés aux siens. Adrian ne savait pas laquelle de leurs mains tremblait le plus. Il déglutit, mais sa gorge était désespérément sèche.

— Deux.

— Adrian, non... viens... on va s'enfuir ensemble...

— Va-t'en, je te dis ! Cours et quoiqu'il arrive, ne t'arrête surtout pas.

Adrian se détourna d'un air qu'il se voulait assuré, mais tout son corps tremblait de peur, de la sueur froide coulait le long de sa tempe. Il inspira un bon coup pour se donner du courage. Ce n'était pas le moment de faire son trouillard. Il devait protéger Holy. Peu importe combien de coups il lui faudrait encaisser, il ne laisserait jamais Anthony poser ses sales pattes sur Ho...

— Trouvé !

Adrian n'eut pas le temps de réagir. Tout se passa en une fraction de seconde. Comme dans une scène au ralenti, il fut durement empoigné par le col de son t-shirt, puis jeté à l'extérieur avec une telle force qu'il s'écrasa au sol dans un bruit sourd. Une douleur terrible explosa dans tout son corps, le laissant à moitié assommé. Il entendit à peine le rire joyeux de son frère.

— Des charmes vaudous, sérieux ? Tss, mon petit Poil de carotte... t'es encore plus con que je le pensais. Tu croyais vraiment que ces saloperies allaient m'empêcher de te trouver ?

Adrian gémit pour toute réponse. Il essaya de reprendre ses esprits et se relever. Il n'avait désormais qu'une seule et unique pensée en tête : s'enfuir le plus loin possible avec Holy. Anthony était en train de faire sa crise, comme chaque fois que la pleine lune se rapprochait. Il devenait alors plus violent et sadique que d'habitude. Adrian ne comprenait pas ce qu'il fichait là, leur père l'enfermait toujours au sous-sol d'habitude.

Il tenta à nouveau de se relever, mais retomba sur le sol en gémissant de douleur. Les baskets d'Anthony apparurent soudain dans son champ de vision. Ce dernier l'attrapa par les épaules et le souleva d'un geste brutal qui lui arracha un autre couinement peu glorieux. Adrian croisa son regard fou. Son frère exultait et lui réservait clairement le pire des sorts.

— Qu'est-ce que tu croyais, hein ? Que tu pourrais avoir ton petit coin secret ? Que je le trouverais jamais ? Sale petite merde, je vais t'apprendre à te croire plus malin que moi !

Il ponctua ses dires par un violent coup de genou dans le ventre d'Adrian. Il le jeta ensuite au sol pour lui flanquer un coup de pied en plein dans le nez. Le souffle coupé et le visage en sang, Adrian l'entendait hurler de rire et de rage mêlés. Anthony était complètement fou.

Il lui donna un nouveau coup, puis un autre et un autre, lui arrachant un cri de douleur à chaque fois. Adrian ne put retenir ses larmes. Il n'avait même plus la force de se défendre. Il se sentait faible et pitoyable. Sa seule consolation fut de songer à Holy qui était sûrement déjà loin et en sécurité. Cette pensée le fit tenir bon. C'était tout ce qui comptait.

— Arrête ! Laisse-le tranquille !

Les coups de pied et le rire d'Anthony cessèrent soudain.

Le coeur d'Adrian rata un battement lorsque son frère se détourna de lui.

Non non non !

— Mais qui avons-nous là ? Le petit dhampire des Hell !

— Laisse-le tranquille ! répéta Holy, la voix vibrante de colère.

Va-t'en ! supplia mentalement Adrian. Au prix d'un terrible effort, il réussit enfin à se redresser. Sa tête le lançait terriblement, son corps n'était que souffrance. Et pourtant, toutes ses pensées étaient focalisées vers Holy. Holy qui n'était pas parti et faisait désormais face à Anthony. Holy qui paraissait si frêle et fragile... Son frère n'en ferait qu'une bouchée.

— Comment tu peux faire ça à ton propre frère ? C'est horrible ! C'est... monstrueux !

Par pitié, tais-toi ! voulut crier Adrian. Mais seul un geignement de chien blessé sortit de sa bouche. Il ne put que se traîner vers Anthony, il n'avait aucune idée de ce qu'il pourrait faire, peut-être l'attraper par les jambes et essayer de le faire tomber...

— Quoi ? Tu me traites de monstre alors que t'es un putain de dhampire ? hurla soudain son frère. Espèce d'abomination, je vais te crever et bouffer ton cadavre encore chaud !

La bête était lâchée. Dans un rugissement de rage, Anthony se jeta sur Holy.

— Non ! cria Adrian en parvenant, il ne savait par quel miracle, à bondir sur ses pieds.

— Stop.

La voix froide de Holy claqua soudain dans la clairière, résonnant lugubrement par-dessus les hurlements d'animal enragé d'Anthony. Contre toute attente, ce dernier obéit : il se tut et s'immobilisa à quelques centimètres de sa proie. Tel un zombie, ses bras se raidirent le long de son corps. Adrian resta sans voix face à ce brusque changement d'attitude.

Mais peu importe ! Ils devaient en profiter pour s'en aller. Adrian clopina vers Holy dans l'intention de l'entraîner loin, c'est alors qu'il vit son visage. Ses iris qui scintillaient d'une aura surnaturelle... et il comprit. Holy utilisait ses pouvoirs de dhampire sur Anthony !

Il n'y avait plus rien de gentil ni de doux dans son regard. Désormais ancrés dans ceux de son frère, ses yeux brillaient de rage et de haine. Et lorsqu'il parla, sa voix avait des intonations glaçantes. Adrian ne put retenir un frisson de terreur monter le long de sa colonne vertébrale.

— À partir de maintenant, tu vas arrêter de harceler Adrian. Tu vas arrêter de le frapper, de lui faire du mal, énonça Holy, le ton dangereusement calme. Tu ne le toucheras plus jamais.

— O-oui, répondit Anthony d'une voix sifflante, comme s'il souffrait le martyre.

— Tu vas devenir un petit chien inoffensif et ne plus jamais t'en prendre à qui que ce soit.

— O-oui... S'il te plaît, arrête ça.

— Plus personne ne doit être blessé par ta faute. Est-ce que tu as compris Anthony ?

— O-oui, gémit celui-ci, les lèvres tordues en une horrible grimace de douleur. J'ai compris ! Arrête maintenant. ARRÊTE ÇA TOUT DE SUITE, PUTAIN DE MONSTRE !

— Non, murmura Holy, toujours sans le quitter de son regard glacial. Je veux que tu souffres encore un peu. Tu le mérites, Anthony Ashes. C'est toi le monstre, n'oublie jamais ça.

Anthony poussa un hurlement de chien blessé puis s'effondra soudain au sol. Il tomba à genoux, mais ses yeux, désormais en larmes, restèrent plantés dans ceux de son bourreau, comme s'ils ne pouvaient s'en détacher. Ils semblaient capturés par ces deux morceaux de lune devenus mortels... Le spectacle était à la fois jouissif et terriblement dérangeant.

— Non, non, non ! Adrian... pitié, aide-moi !

Mais ce dernier ne fit aucun geste pour intervenir. Il restait figé sur place, incapable de dire ou faire quoi que ce soit. Il ne savait plus quoi penser : Anthony Ashes, le prochain Alpha Suprême, était à genoux devant Holy Hell. Il pleurait comme un bébé et suppliait pour sa vie.

Face à lui, Holy irradiait d'une force mentale, à la fois surnaturelle et écrasante. Adrian comprenait maintenant pourquoi les gens craignaient autant les dhampires. C'était terrifiant.

Holy choisit cet instant précis pour se tourner vers lui. Anthony s'écroula comme une masse, sans cesser de sangloter, mais Adrian ne lui prêta aucune attention. Il n'avait d'yeux que pour Holy qui paraissait désormais horrifié. Il jeta un bref coup d'œil sur la loque gémissante à ses pieds, puis se tourna à nouveau vers Adrian, le regard suppliant.

Ses iris continuaient de luire faiblement et il tremblait de tous ses membres. Le voir dans un tel état de détresse balaya la peur. Adrian eut soudain envie de se précipiter pour le prendre dans ses bras et le serrer très fort contre lui. Holy semblait complètement terrifié.

— Adrian... ? fit-il d'une petite voix plaintive.

— T'inquiète, je vais bien, assura aussitôt ce dernier. Et toi ça va ?

Il fit un pas en avant, la main tendue, mais Holy bondit en arrière, les yeux écarquillés. Il se cacha ensuite le visage derrière ses mains tremblantes.

— Non ! Ne m'approche surtout pas, s'il te plaît. Je... je pourrais te... Je ne veux surtout pas te faire de mal ! cria-t-il d'une petite voix étranglée. Je suis vraiment désolé, Adrian. Pardon !

Alarmé par ses paroles, Adrian voulut s'approcher, faire ou dire quelque chose pour le rassurer, mais Holy ne lui en donna pas le temps. Il tourna les talons et s'enfuit en courant.




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