Chapitre 5

— Ouille !

— Oh, pardon...

Adrian se mordit la lèvre alors que Holy continuait d'appliquer de la pommade sur son visage tuméfié, l'air contrit. Ses gestes étaient pleins de douceur et de précautions, mais ça n'en restait pas moins très douloureux. Cette bande de rats ne l'avait pas raté.

Adrian se sentit tout mortifié en y repensant. Il avait foncé dans le tas sans réfléchir. Résultat : il s'était fait tabasser dans les règles. Comme un parfait abruti, il n'avait rien pu faire pour se défendre. Rien du tout. Il était même tombé dans les pommes ! À son réveil, les troisième année avaient disparu et Holy était penché sur lui, l'air catastrophé.

La honte.

À quoi tu t'attendais. Cinq contre un et tu sais même pas te battre !

La petite voix d'Anthony s'esclaffa méchamment dans sa tête.

Adrian ne put qu'esquisser une moue dépitée. C'est vrai qu'il ne savait pas se battre. Son père n'avait jamais pris la peine de lui apprendre. Il n'y en avait toujours que pour Anthony. Le fils parfait, "un loup, un vrai". Et blablabla.

Adrian s'était toujours dit qu'il s'en moquait. Qu'il était content de ne pas être dans le collimateur de l'Alpha Suprême. Qu'il préférait vivre une petite vie tranquille, sans tous ces trucs violents de loups-garous. Mais maintenant, en voyant les bleus sur le visage de Holy Hell, il regrettait soudain de ne pas avoir appris à cogner. Pour défoncer ces troisième année. Leur péter les dents. Arracher leurs yeux de fouine...

— Je suis désolé.

La petite voix de Holy tira Adrian de ses pensées vengeresses. Il croisa son regard brillant de larmes, ses iris argentés ternis par la culpabilité. Cette vision le remua plus que de raison. C'était insupportable. Il ne voulait voir que de la joie dans ses yeux.

— T'es blessé à cause de moi. Je suis vraiment désolé.

— Arrête, c'est pas ta faute ! s'écria aussitôt Adrian, la tête révoltée. Ce sont plutôt ces types qui devraient s'excuser et ramper à tes pieds ! Ils sont passés où ?

Tout en en parlant, il voulut bondir sur ses pieds, mais retomba bien vite en position assise sur le sol bétonné. Le geste lui arracha une grimace de douleur. Il tâta son flanc et un grognement contrarié s'échappa de sa gorge. Des pics de souffrance partaient de ce point pour irradier dans tout son corps. Ses côtes étaient sûrement cassées.

C'était vraiment humiliant.

— T'as mal où ? demanda aussitôt Holy d'un ton anxieux. Fais voir.

— Du tout ! C'est rien, je t'assu...

— Laisse-moi voir, s'il te plaît.

Adrian finit par capituler face à ses grands yeux suppliants.

— Ça fait un peu mal là, bafouilla-t-il en remontant légèrement son t-shirt pour dénuder la zone douloureuse. Il se sentait gêné, il n'avait pas envie que Holy voie ses taches de rousseur horribles. Anthony s'en moquait constamment, il disait que c'était moche.

Adrian guetta anxieusement la réaction de Holy. Il serra instinctivement les dents, se préparant à le voir dégoûté... et pourtant, non. À la place, ses lèvres se plissèrent en une moue inquiète face aux énormes hématomes qui ornaient désormais la peau laiteuse d'Adrian. Celui-ci y jeta également un œil, c'est vrai que ce n'était pas du tout beau à regarder. Mais au moins, on ne voyait pas les taches de son.

— T'inquiète, ça va vite cicatriser, affirma Adrian avec aplomb, il se sentait étrangement content de l'absence de dégoût dans les yeux de Holy. T'oublies que je suis un loup-garou !

— D'accord, mais... je vais quand même mettre de la pommade dessus, si ça te dérange pas, insista Holy en brandissant le petit pot rempli d'une mixture verte et gélatineuse.

Les joues d'Adrian le chauffèrent immédiatement à cette idée, mais il ne fut pas le seul. Celles de Holy étaient également devenues écarlates aussitôt qu'il eut prononcé les derniers mots.

— Je veux dire... tu m'as aidé tout à l'heure et maintenant t'es blessé par ma faute, alors je voudrais t'aider aussi en retour, mais si tu trouves que c'est beaucoup trop bizarre... se justifia-t-il d'une traite, son joli visage désormais rouge comme une tomate bien mûre.

Adrian ne put s'empêcher de le trouver mignon.

Attention, Poil de carotte. Attention !

— Ah... euh, laisse. Je vais le faire moi-même, bredouilla-t-il en se mordant la lèvre, en punition pour ces nouvelles réflexions internes décidément dérangeantes.

La petite voix avait raison. Il n'arrêtait pas de penser n'importe comment depuis quelque temps. Adrian n'en comprenait pas la raison, mais il avait l'intime conviction que ce n'était pas à cause des "pouvoirs" de Holy Hell. Ce dernier ne lui ferait jamais de mal.

N'importe quoi ! C'est un sale dhampire, tu ne peux pas lui faire confiance !

La ferme ! cracha mentalement Adrian. Il entreprit ensuite d'appliquer de la pommade sur ses hématomes. Ce fut laborieux, il devait presque se contorsionner pour atteindre certaines zones. Il dut se mordre les joues à plusieurs reprises pour ne pas couiner de douleur. Du coin de l'œil, il vit que Holy suivait chacun de ses faits et gestes avec anxiété. Il mourait clairement d'envie de l'aider, Adrian ne voulait cependant plus qu'il le touche.

Pas parce que ça le dégoûtait, mais... il était juste horriblement gêné à l'idée que Holy glisse ses doigts sur son dos ou son flanc. Le simple fait d'y penser le rendait tout bizarre.

Adrian eut soudain envie de se cacher le visage derrière ses mains, tant sa bêtise l'embarrassait. À la place, il avala difficilement sa salive et s'empressa de rabattre son t-shirt sur sa peau nue et désormais badigeonnée de crème. Il se racla ensuite la gorge un peu trop bruyamment et tendit le pot presque vide à Holy d'un geste brusque.

— Merci beaucoup. Désolé, j'ai fini toute ta pommade.

— Pas grave, j'ai un autre pot dans mon sac.

Cette réponse déplut fortement à Adrian. Si Holy avait autant de pommade guéris-tout avec lui, cela ne pouvait dire qu'une seule chose : ce n'était sûrement pas la première fois que cette bande de sales cabots s'en prenait à lui. Adrian serra les poings malgré lui.

— Ta sœur est au courant ? Pourquoi elle ne les transforme pas en crapauds !

— Naomi ne sait rien et c'est beaucoup mieux comme ça, crois-moi, protesta aussitôt Holy avec véhémence. S'il te plaît, il ne faut rien lui dire, d'accord ? Je ne veux surtout pas causer de problèmes et encore moins des tensions entre les sorcières et les loups-garous.

— D'accord, bougonna Adrian de très mauvaise grâce. Mais ces types, ils vont continuer...

— Ne t'en fais pas. Je sais comment les gérer maintenant.

Holy parut soudain mal à l'aise. Il fit mine de farfouiller dans son sac, évitant soigneusement le regard d'Adrian. Il semblait avoir honte. Mais de quoi exactement ? C'était lui la victime dans toute cette histoire ! Adrian était révolté par la situation. Une furieuse envie de cogner cette ignoble bande de harceleurs le prit à nouveau aux tripes. Il se promit de le faire un jour. Mais d'abord, il devait apprendre à se battre. Cette dernière résolution le fit soudain penser à son père. Et Adrian se rappela d'un détail crucial pour sa survie et celle de Holy Hell.

— Euh, en parlant de secret, commença-t-il avec gêne.

Il baissa le regard pour éviter celui de Holy, préférant se concentrer sur ses mains qui trituraient nerveusement le devant de son t-shirt.

— Ce qui s'est passé hier... quand j'ai... euh... tu sais. Est-ce que tu pourrais le garder pour toi, s'il te plaît ? Mon père ne doit surtout pas... j'ai pas envie qu'il... sinon, il va...

Adrian se tut, incapable d'expliquer à Holy ce que l'Alpha lui ferait si jamais il apprenait que... Il ne voulait même pas y penser. Cela lui donnait des sueurs froides. Il se sentit pathétique à trembler comme une feuille, Holy devait le prendre pour une mauviette.

— Je comprends. Je te promets de ne jamais en parler à personne.

Holy conclut sa promesse en levant le petit doigt en l'air, un sourire hésitant sur les lèvres. Adrian le fixa un instant avec des yeux ronds, mais voyant qu'il ne plaisantait pas, lâcha soudain un petit rire. Heureux. Il leva à son tour son auriculaire.

— Merci.

Ils entrecroisèrent leur petit doigt. Adrian se sentait désormais léger, le sourire de Holy le rendait toute chose. Malgré son visage et ses côtes douloureuses, le bonheur l'envahit. Il voulait que cet instant dure encore un peu. Il eut alors une idée et les mots s'échappèrent de à toute vitesse de sa bouche avant même qu'il ne s'en rende compte.

— Tu sais. Si jamais tu veux... tu cherches, euh, un endroit où traîner après les cours, tu peux venir dans la forêt quand tu veux. Ma cachette secrète est assez grande pour deux.

Sa proposition fut suivie d'un moment de flottement. Holy le dévisagea sans un mot, leurs petits doigts toujours entrelacés. Il paraissait très surpris et Adrian se sentit rougir. Non, mais quelle idée stupide. Comme si Holy Hell avait envie de passer du temps avec lui !

Ce dernier esquissa cependant un petit sourire timide. Un sourire heureux.

— Oh oui alors. J'aimerais beaucoup. 




Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top