Chapitre 40

Adrian n'aurait jamais pensé retourner un jour dans le grand manoir des Hell et encore moins dans la chambre de Holy. La décoration avait changé depuis. Il n'y avait plus aucune photo de lui nulle part. Le cœur d'Adrian se serra malgré lui. Arrête ! Ça ne veut rien dire du tout !

Son loup avait raison. Ce n'était pas comme si Holy avait eu le temps de remettre les pieds dans sa chambre depuis leur réconciliation. Et puis, il y avait beaucoup plus important pour l'instant.

Holy ne s'était toujours pas réveillé.

Cela faisait de longues minutes que Naomi s'activait à son chevet, mais son teint restait toujours aussi pâle et ses yeux désespérément clos. Debout dans un coin de la pièce, Adrian se rongeait les ongles sans savoir quoi faire pour aider. Il se sentait de trop, mais ne pouvait se résoudre à s'en aller. Il voulait être sûr que Holy n'avait rien, ensuite il pourrait essayer de se concentrer sur les conséquences de... TON STUPIDE COMBAT DE PLEINE LUNE !

Adrian porta les doigts à ses tempes douloureuses, alors que son loup continuait de hurler de rage dans sa tête : Espèce d'abruti ! Il était à notre merci ! On aurait pu le tuer et être enfin libre ! Mais non ! Môsieur a préféré se la jouer grand seigneur ! Un combat de pleine lune, sérieux ?

La ferme ! Tu peux chouiner autant que tu veux, ce qui est fait est fait, OK ? Et je ne regrette rien. C'était la meilleure chose à faire, donc ferme-là. Tu me files une putain de migraine !

NON ! A cause de toi et tes conneries, on doit encore attendre un mois pour lui arracher la tête !

Mais tais-toi...

Naomi coupa court à leur dispute puéril lorsqu'elle se leva soudain pour quitter le chevet de Holy. Adrian bondit aussitôt à sa rencontre, oubliant momentanément à quel point elle devait le détester. Elle avait toutes les raisons de lui en vouloir. Holy était à nouveau blessé par sa faute...

— Comment va-t-il ? Pourquoi il ne se réveille toujours pas ? s'enquit Adrian, anxieux.

Naomi le jaugea un instant du regard et pendant une terrible seconde, Adrian crut qu'elle allait lui jeter un sort, voire même le changer en crapaud. Elle se contenta cependant de lâcher un soupir.

— Il est vidé, grogna-t-elle en se pinçant l'arrête du nez. Cet imbécile a trop forcé sur ses pouvoirs... Mais ça va. Une bonne tisane revigorante et quelques jours de repos devraient le remettre d'aplomb très rapidement. Une bonne claque sur la tête aussi ! ajouta-t-elle avec colère. Mais qu'est-ce qu'il avait dans le crâne ? Attaquer l'Alpha Suprême chez lui ? Sérieusement !

— Désolé, murmura Adrian. C'est ma faute...

— Holy est tellement impulsif ! Surtout quand il s'agit de toi, il fonce tête baissée sans réfléchir aux conséquences de ses actes. C'est justement à cause de ça que je ne lui ai pas dit que tu...

Naomi s'interrompit brutalement, consciente de ses paroles. Il y eut un moment de flottement entre eux, puis elle détourna vivement la tête pour éviter son regard. Elle avait l'air aussi coupable que gênée. Adrian, lui, se sentait beaucoup trop fatigué pour réagir et encore moins se mettre en colère contre elle. Il se contenta de soupirer, il avait l'impression d'avoir le poids du monde sur les épaules. Il soupira de nouveau, glissa une main tremblante dans ses cheveux. Ses doigts restèrent coincés dans ses mèches devenues rêches à cause du sang séché.

Adrian se rendit alors compte qu'il avait mal partout et qu'il devait faire peine à voir.

Naomi pensait visiblement la même chose, car elle attrapa soudain son bras pour le traîner vers une chaise. Sans plus de cérémonie, elle l'obligea à s'y asseoir, s'installa en face de lui. D'un geste un peu brusque, elle s'occupa ensuite de ses multiples blessures au visage et aux bras. Elle s'affaira en silence, toujours sans le regarder et la bouche froissée en une moue coupable.

Adrian, lui, ne trouvait rien à dire. La situation était surréaliste. Il ne s'était encore jamais retrouvé seul avec Naomi Hell, encore moins pour se faire soigner à coup de magie et d'antiseptique.

— Tu n'es pas obligé, commença-t-il dans une pauvre tentative de dissiper le malaise entre eux.

— Désolée pour tout à l'heure, le coupa Naomi. Ce que j'ai dit...

— Non, ça va, je comprends, assura Adrian.

Et c'était vrai. Il la comprenait parfaitement.

— A vrai dire... je crois que je ne t'en veux pas. Ce que tu as fait... tu avais de bonnes raisons de le faire. Tu as dit que tu voulais protéger Holy... Ce n'était peut-être pas la meilleure solution, mais... tu voulais juste le protéger. Et je suis mal placé pour te jeter la pierre. J'ai fait pire.

FOUTAISES !

Naomi ne répondit pas. Elle se contenta de pincer les lèvres comme si elle se retenait de lui cracher une remarque particulièrement acerbe au visage. A la place, elle referma une profonde coupure sur son épaule avec tellement de zèle qu'Adrian sentit sa magie lui brûler la peau.

Il ne fit cependant aucun commentaire, contrairement à son loup qui traita la jeune femme de tous les noms. Aaaaaaaaaaaaah ! Je suis sûre qu'elle l'a fait exprès cette morue !

Un nouveau silence pesant s'installa entre eux, les enveloppa telle une chape de plomb. Et pourtant, ni l'un ni l'autre n'essaya de le rompre, ils n'avaient encore jamais vraiment parlé... Adrian fut plus que soulagé lorsque Naomi finit par s'écarter une fois sa besogne finie.

— Merci, dit-il maladroitement.

Naomi lui répondit par un signe de tête un peu raide, elle esquissa ensuite un geste pour se lever, mais se ravisa soudain. A la place, elle croisa les mains sur ses genoux d'un geste brusque, se tordit nerveusement les doigts comme une gamine, se mordit la lèvre.

— Comment va Isaïah ? finit-elle par demander d'une toute petite voix et les yeux baissés.

— Il...

Il va bien, faillit répondre Adrian. Mais c'était faux. Isaïah n'allait pas bien du tout.

— Il est dévasté. Tu lui as brisé le cœur, lâcha-t-il sans prendre de gants, le ton presque dur.

Ouais ! Balance-lui ses quatre vérités à la figure ! Isaïah mérite mieux !

Naomi ne releva pas. Ses yeux restaient obstinément baissés sur ses genoux, ils brillaient de larmes contenues. Elle s'empressa de les effacer d'un revers de la main en reniflant.

La voir ainsi remua Adrian plus que de raison.

Sans même s'en rendre compte, il lui tendit un mouchoir trouvé dans la poche de son jean. Naomi fixa un instant le carré de tissu, puis le prit sans un mot. Elle le retourna pendant plusieurs secondes entre ses doigts, lentement, toujours sans rien dire, avant de s'en servir.

— J'ai toujours pensé que tu ne méritais pas Holy, murmura-t-elle. J'ai toujours pensé que tu étais aussi cinglé et dangereux que le reste de ta famille... Je n'ai jamais compris ce que Holy voyait en toi et pourquoi il t'aimait autant. Maintenant, je comprends... et je suis désolée de t'avoir mal jugé. Je sais que c'est un peu tard pour s'excuser, mais... je suis vraiment désolée.

Mieux vaut tard que jamais ! Sale morue !

Adrian fit taire son loup décidément rancunier comme tout.

— Ce que tu as fait pour Holy... reprit Naomi, le ton cette fois-ci hésitant. C'est courageux... mais également très stupide. Défier l'Alpha Suprême dans un combat de pleine lune...

— Tu as fait quoi ?!

Adrian et Naomi sursautèrent brutalement lorsque la voix furieuse de Holy explosa soudain dans la pièce. Ils se tournèrent aussitôt vers lui pour le découvrir quittant son lit d'un geste brusque.

— Holy !

Adrian se précipita, le cœur soulagé comme jamais. Il voulut le prendre dans ses bras, le serrer très fort contre lui, s'assurer qu'il n'avait rien, il était encore si pâle... Holy le repoussa cependant presque brutalement pour le foudroyer du regard. Il irradiait d'une colère noire.

— Qu'est-ce que tu as fait, Adrian ! demanda-t-il, la voix tremblante. Qu'est-ce que tu as fait ?

— Holy... calme-toi, s'il te plaît...

Il voulut à nouveau l'attirer à lui, mais Holy s'écarta d'un bond, l'air toujours aussi furieux.

— Tu as vraiment défié ton père dans un combat de pleine lune ?! cracha-t-il incrédule.

— C'était la meilleure chose à faire... se justifia Adrian, il aurait voulu s'expliquer davantage, mais Holy ne voulait absolument rien entendre. Mon ange, si tu voulais juste m'écouter...

— Tu as complètement perdu la tête !

— Pas plus que toi qui l'a attaqué chez lui, sur son territoire ! s'écria Adrian, perdant patience. A quoi tu pensais ? Depuis le temps qu'il veut te faire la peau, toi, tu te jettes droit dans sa gueule !

NON ! Arrête de lui crier dessus ! Arrêtez de vous disputer ! ARRÊTEZ TOUT DE SUITE !

— Tu aurais dû me laisser le tuer ! cracha Holy. Tu aurais dû !

— Bien sûr que non ! rétorqua Adrian sur le même ton. Et tu sais très bien pourquoi !

— Quoi ? Tu ne me crois pas capable de tuer ce connard ? Tu penses que je suis faible ?

Holy serra les poings, il plissa les yeux dans une attitude à la fois blessée et pleine de défiance. Adrian, lui, se retint pour ne pas taper le sol avec ses pieds, tel un gamin exaspéré.

— Arrête ! Ce n'est pas du tout ce que je...

— Il était à ma merci et toi m'as empêché de le tuer, Adrian !

— Et j'ai bien fait ! L'Alpha Suprême...

— Est un monstre ! Il mérite de crever ! Personne ne le pleurera ! Pourquoi, toi, tu le protèges ?

— Tu ne comprends donc pas ? C'est toi que je protège, pas lui ! cria Adrian en l'attrapant par les épaules d'un geste plus vif qu'il ne l'aurait voulu. Je m'en fous de mon père ! Il n'y a que toi qui compte, Holy ! Tu comprends ça ? Il n'y a que toi qui compte pour moi ! Toi et toi seul !

Alors que Holy écarquillait les yeux de surprise, Adrian ne lui laissa pas le temps de répondre. Il le serra très fort dans ses bras, enfouit son nez dans ses cheveux comme il adorait le faire. Respirer son odeur à plein poumons suffit pour éliminer l'énorme boule qu'il avait dans la gorge.

— Je t'aime tellement, Holy, murmura-t-il en le gardant contre lui. Je t'aime et je ferais n'importe quoi pour te protéger, pour empêcher qu'il ne t'arrive quoi que ce soit... Tu sais parfaitement que si tu avais tué l'Alpha, tu serais mort, toi aussi. Tu le sais très bien ! Les loups-garous t'auraient traqué sans relâche, ils t'auraient arraché la tête ! Je ne pouvais pas te laisser faire !

— Parce que défier ton père dans un combat de pleine lune, c'est mieux peut-être ?

Holy s'arracha à son étreinte pour le couver d'un regard plein de colère et d'angoisse. Ses mains restèrent cependant plaquées sur son torse, ses doigts agrippaient son t-shirt avec force. Adrian, lui, baissa la tête, incapable de soutenir ses grands yeux furieux et incrédules.

— C'était la meilleure chose à faire, plaida-t-il d'un ton qu'il voulait ferme, mais sa petite voix coupable manquait cruellement de conviction, ce qui fit hurler son loup.

Abruti ! Qui tu crois convaincre avec un ton aussi pitoyable ?

La ferme...

— La meilleure chose à faire ? La meilleure chose à faire ? répéta Holy, la voix dans les aigües. ON PARLE D'UN COMBAT A MORT, PUTAIN ! En quoi est-ce la meilleure chose à faire !

— Je l'ai défié dans un combat à la loyale ! se défendit Adrian. Il ne pourra pas utiliser la marque pour prendre le dessus sur moi ! Et si je gagne, ce sera aux yeux de toutes les meutes de la Louisiane ! Je n'aurais aucun compte à rendre à qui que ce soit, je serais libre, mais surtout personne n'aura le droit de te toucher et encore moins revendiquer ta tête !

— Si tu gagnes... répéta Holy, dans un souffle rauque.

Adrian sentit ses mains trembler contre son torse, ses doigts relâchèrent son t-shirt pendant un bref instant, avant de les agripper à nouveau avec encore plus de force.

— Donc tu n'es même pas sûr de gagner...

— Non, je ne... bafouilla Adrian, réalisant la bourde monumentale qu'il venait de commettre.

Espèce d'imbécile ! Qu'est-ce que tu as encore fait !

— Donc si j'ai bien compris, tu as défié ton père dans un combat à la loyale, mais tu n'es même pas sûr de pouvoir le battre. Et si tu perds, tu meurs. C'est bien ça ?

Le ton de Holy était dangereusement calme, il parlait d'une voix basse et lente qui annonçait clairement une tempête dévastatrice. Adrian se maudit de ne pas avoir su fermer sa gueule.

— Non ! Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire. Holy, je te promets que je...

— ARRETE DE FAIRE DES PUTAINS DE PROMESSES EN L'AIR ! explosa Holy.

Il le repoussa ensuite en arrière avec une telle force qu'Adrian se retrouva étalé sur son lit, la tête ahurie. La seconde suivante, Holy se ruait hors de la pièce, claquant violemment la porte derrière lui.

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