Chapitre 33

— Isa, je t'assure que vous n'avez pas à vous inquiéter, assura Adrian. Je vais bien.

— Ah ouais ? C'est drôle parce que dix jours sans nouvelles, pour moi, c'est comme une invitation à ce qu'on vienne défoncer ta porte à grands coups de pied, Ad. Ava est à deux doigts de le faire, tu sais ? Et je crois que je n'ai pas très envie de l'en empêcher.

La voix d'Isaïah était très calme à l'autre bout du fil, Adrian le devinait cependant en colère, mais surtout très inquiet. Il s'en voulut aussitôt d'avoir fait silence radio depuis le concert des Moonflowers. Pourquoi agissait-il toujours aussi égoïstement lorsqu'il était question de Holy ?

Parce qu'on l'aime comme un fou ?

Pas maintenant, s'il te plaît.

Adrian ferma les yeux et réprima un soupir. De sa main libre, il pressa les doigts sur sa tempe d'un geste agacé. Son loup était particulièrement en forme depuis le retour de Holy dans leur vie. Il était omniprésent dans sa tête, bien décidé à profiter de chaque petite seconde avec leur bien-aimé. Bon, Adrian ne pouvait pas lui en vouloir. Lui aussi avait constamment collé Holy au cours des deux derniers jours. Heureusement pour eux, ce dernier ne s'en plaignait pas.

Au contraire !

Holy et lui ne s'étaient pas quittés du week-end. Ils avaient passé tout leur temps à discuter, cuisiner, flâner sur la terrasse et bichonner les fleurs, mais surtout à se câliner et faire l'amour.

C'était fou ! Leurs corps se réclamaient constamment, à croire qu'ils souhaitaient aussi rattraper les neuf années passées loin l'un de l'autre. Adrian avait oublié à quel point le sexe avec Holy était intense et merveilleux. Ce n'était pas seulement physique. Son corps, son esprit, mais surtout son cœur n'avaient jamais été aussi comblé depuis longtemps. Adrian se sentait revivre.

— Adrian.

La voix agacée d'Isaïah le ramena sur terre, ravivant sa culpabilité par la même occasion.

— Pardon de vous avoir inquiété, Ava et toi, plaida-t-il aussitôt d'une petite voix. Tu as raison, j'aurais dû vous donner des nouvelles, surtout après ce qui s'était passé à la réception chez les Hell. Je suis vraiment désolé, je n'ai aucune excuse, je sais...

Bien sûr que si on a une excuse ! On était très occupé avec Holy !

Mais tais-toi !

— S'il te plaît, Isa, il ne faut surtout pas qu'Ava vienne ici. Je... je ne suis pas seul.

— Ah ouais ? répéta son meilleur ami, le ton soudainement très intéressé.

— Euh oui... marmonna Adrian en se passant la main dans les cheveux d'un geste nerveux.

Silence à l'autre bout du fil. Isaïah attendait visiblement qu'il lui en dise plus, mais Adrian n'avait pas envie d'en parler au téléphone. Il ouvrit la bouche pour lui proposer de prendre un verre au Country Club dans la semaine, mais son meilleur ami le prit de vitesse :

— Putain, ne me dis pas que Holy est chez toi ?

— Quoi ? Pas du tout ! nia aussitôt Adrian.

Heureusement qu'Isaïah ne pouvait pas le voir, sinon ses joues rouges tomates l'auraient trahi.

— Vous vous êtes réconciliés ? Comment c'est arrivé ? Parce que si je me souviens bien, il y a deux semaines, Holy paradait encore au bras du guitariste de son groupe.

— Merci de me le rappeler, grommela Adrian avec mauvaise humeur.

Les horribles images de Sasha pelotant allègrement Holy (SON Holy) lors de la réception de Naomi dansaient joyeusement dans sa tête. Pouah ! Vision de cauchemar !

— Ecoute, reprit Isaïah, l'arrachant à ses désagréables pensées. Si Holy est bien chez toi et que vous êtes à nouveau ensemble, je suppose que c'est... génial ? Je n'aurais jamais pensé que ça arriverait aussi vite, mais c'est une super nouvelle. Je suis content pour toi.

Le ton de sa voix restait cependant neutre, presque prudent. Adrian le sentait perplexe, mais aussi sur ses gardes. Cette étrange réaction l'agaça plus que de raison. Il ouvrit la bouche pour dire il ne savait quoi, mais son meilleur ami le coupa à nouveau dans son élan.

— Tu me raconteras tout plus tard, OK ? lança-t-il d'un ton précipité. Je dois te laisser. Salut !

Adrian entendit un espèce de couac des plus désagréables avant qu'il ne lui raccroche au nez.

Pff, c'est sûrement à cause de Naomi ! Cette morue !

Son loup continua de pester contre Sasha, Naomi ainsi que toutes les personnes qui osaient gâcher leur vie et à qui il arracherait volontiers la tête. Adrian soupira d'agacement et le chassa dans un coin de son esprit. Il quitta ensuite le balcon pour retourner auprès de Holy.

Celui-ci furetait dans l'appartement, s'attardant tout particulièrement devant sa bibliothèque. Ses mains étaient sagement ramenées dans son dos, mais Adrian voyait bien qu'il mourait d'envie de feuilleter ses bouquins. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire amusé.

— Je ne te demande pas des nouvelles d'Isaïah, je sais par Naomi qu'il va très bien, lança Holy sans se retourner. Je peux ? demanda-t-il ensuite en avisant sa collection de romans horrifiques.

Adrian l'entoura de ses bras sans répondre. Il plongea le nez dans ses cheveux, puis descendit dans son cou pour humer sa peau et la couvrir de chastes petits baisers.

— Tu es chez toi, lui murmura-t-il. Tu peux toucher à tout et même refaire la déco si tu veux.

— N'importe quoi, pouffa Holy. Pourquoi je changerais la déco ? C'est très joli ici : un peu minimaliste c'est vrai, mais c'est chaleureux. Je trouve que ça te correspond bien et c'est parfait.

— Donc, tu trouves que je suis minimaliste ? commenta Adrian, avec une moue taquine.

Holy se contenta de rire, il se dégagea ensuite de son étreinte pour attraper un livre au hasard.

— Bien sûr. Tu es désespérément minimaliste. Mais ce n'est pas grave. Je t'aime quand même.

L'air toujours aussi espiègle, il lui vola un bisou, avant de se jeter sur le canapé pour bouquiner.

Adrian lâcha un petit rire et le rejoignit. Il s'installa à ses côtés, Holy changea aussitôt de position pour poser sa tête sur ses genoux. Il se plongea ensuite dans sa lecture sous l'œil attendri d'Adrian qui lui caressa les cheveux d'un geste affectueux.

Ils restèrent ainsi un très long moment pour savourer l'instant présent : Holy confortablement calé contre lui et dévorant son roman, Adrian jouant avec les mèches rebelles sur son front.

— Sinon, tu ne me demandes pas comment j'ai deviné pour ta saga ? demanda Holy, sans lever les yeux de son livre, mais un petit sourire étirait le coin de ses lèvres. Malgré ton pseudo ?

— Euh... fut tout ce qu'Adrian trouva à répondre tant il était embarrassé.

— En fait, c'était facile : Moonflowers, une histoire de loup-garou écrite par un certain Mr Wolff.

C'est tellement évident que c'en est risible ! ricana son loup. Ses moqueries puériles irritèrent Adrian qui l'envoya méchamment valser dans le fin fond de son esprit en guise de représailles.

Holy ferma le bouquin qu'il lisait d'un geste brusque et se redressa pour lui faire face.

— Je savais que c'était toi dès la sortie du premier tome, avoua-t-il en se mordillant la lèvre, le regard coupable. J'ai acheté tous tes livres, mais... j'étais trop furieux et blessé pour les lire... C'est tellement bête ! Si je l'avais fait plus tôt, on n'aurait pas perdu autant de temps !

— Holy, ce n'est pas ta faute, protesta Adrian. Ça ne sert à rien de culpabiliser et ressasser le passé. Tout ce qui compte c'est qu'on soit à nouveau ensemble et qu'on ne se quittera plus.

Il lui prit la main et planta un regard déterminé dans le sien. Holy s'empressa de sécher ses yeux larmoyants et lui offrit un sourire à la fois heureux et penaud. Il se blottit ensuite dans ses bras.

— Oui, on ne se quitte plus, murmura-t-il avec un petit soupir. Plus jamais.

Adrian déposa un tendre baiser sur le sommet de son crâne. Il se sentait le plus heureux des hommes (et des loups !) à chaque fois que Holy lui faisait cette promesse. Mais en même temps, son cerveau ne put s'empêcher de cogiter sur ce qui allait se passer ensuite.

— En parlant de ça... commença-t-il, mais des coups frappés à la porte l'interrompirent.

— Adrian, ouvre immédiatement ! Je sais que tu es là ! s'écria la voix irritée d'Ava. Et n'essaie même pas de cacher Holy dans ta chambre. Je sais aussi qu'il est là !

Quoi ? Merde !

Isaïah, traître ! songea Adrian, à la fois furieux et effaré. Il bondit hors du canapé, alors qu'Ava continuait de tambouriner contre le pauvre battant qui n'avait rien demandé à personne.

— Tu comptes vraiment me planquer dans ta chambre ? s'enquit Holy en haussant un sourcil.

— Euh... marmonna Adrian, indécis quant à la marche à suivre.

Son cerveau carburait à toute vitesse, en quête d'une solution miracle pour éviter que Holy ne se retrouve face à Ava. Ce n'était pas le bon moment. La pleine lune était pour demain, leurs loups étaient à fleur de peau et la confrontation pourrait très vite virer au désastre.

Ava ne portait pas du tout Holy dans son cœur. Elle le détestait profondément. Adrian savait qu'elle pèterait un câble en le voyant chez lui, simplement vêtu d'un t-shirt et des suçons plein le cou. Et alors ? On s'en fout de son avis. Dis-lui de se mêler de ses affaires !

Arrête. On ne va pas se brouiller avec Ava. C'est mon amie et je lui dois la vie.

— Adrian !

Sa voix transpirait désormais l'inquiétude. Elle va vraiment défoncer la porte, cette folle !

Adrian poussa un soupir mi-agacé, mi-résigné. Il se tourna vers Holy, le regard anxieux. Celui-ci lui offrit cependant un sourire rassurant. Il attrapa sa main et la serra dans la sienne.

— Ne t'inquiète pas pour moi, dit-il avec calme, mais Adrian le sentait un peu nerveux. Quoi que dise Ava, je ne m'enfuirais plus, je te le promets. Laisse-moi juste le temps de m'habi...

La porte s'ouvrit cependant à la volée et Ava déboula dans l'appartement, suivie de près par un Isaïah contrit... et Naomi ? Adrian n'eut pas le temps de s'attarder sur sa présence surréaliste chez lui, car Ava lui tomba dessus sans ménagement. Le regard à la fois furieux et paniqué, elle saisit son visage entre ses paumes pour l'examiner sous toutes ses coutures.

— Ava ! protesta Adrian. Calme-toi, je vais b...

— Tais-toi, siffla-t-elle. Ne dis rien qui pourrait aggraver ton cas, Adrian. Ne dis plus rien.

Il obéit par instinct de survie.

Ava était dans une fureur noire. Elle avait toutes les raisons de l'être.

La dernière fois qu'Adrian n'avait pas donné de nouvelles pendant aussi longtemps, Isaïah et elle l'avaient retrouvé à moitié mort, une énorme quantité d'aconit tue-loup dans les veines. Adrian leur avait fait tellement de mal ce jour-là. Il s'était juré de ne plus jamais recommencer, de ne plus jamais les blesser. Et pourtant voilà qu'aujourd'hui, les yeux d'Ava débordaient de larmes d'inquiétude et de colère. C'était entièrement de sa faute. Il aurait dû l'appeler, il aurait dû.

— Ava, je suis vraiment désolé de t'avoir inquiétée...

Il voulut la prendre dans ses bras, mais elle le repoussa pour se tourner vers Holy qu'elle toisa de haut en bas d'un air mauvais. Non ! Elle va s'en prendre à Holy ! NE LA LAISSE PAS FAIRE !

Toi, cracha-t-elle avec animosité.

— Laisse-le tranquille ! répliqua aussitôt Naomi en bondissant devant son frère.

Elle fusilla Ava d'un œil menaçant, puis attrapa la main de Holy qu'elle tira vers la sortie.

— Viens, Holy. On s'en va !

NON !

Submergé par la fureur et la panique de son loup, Adrian se rua devant la porte sans même s'en rendre compte. Il poussa un grognement enragé malgré lui, alors qu'il leur barrait le passage.

ON NE DOIT PLUS LAISSER PERSONNE NOUS SÉPARER DE HOLY !

— Adrian ! s'alarma Isaïah. Calme-toi, mec. Ça va aller, OK ?

Il fit un pas vers lui, mais Holy fut plus rapide. Il se dégagea de la poigne de sa sœur d'un coup sec, puis se jeta dans ses bras. Adrian le serra aussitôt très fort contre lui, il plongea le nez dans son cou en fermant les yeux. S'il te plaît, ne nous laisse pas, aurait-il voulu supplier, mais seul un gémissement de chiot blessé sorti de sa bouche. Holy lui caressa les cheveux en réponse.

— Adrian, mon loup... reprend-toi. Je ne vais nulle part, le rassura-t-il avec tendresse.

Rasséréné par ses paroles, Adrian hocha la tête en reniflant. Il ne défit cependant pas son étreinte et garda obstinément son visage tout contre sa peau. Son loup avait pris le dessus et ne voulait qu'une chose : rester blotti tout contre Holy et respirer son odeur pour toujours.

— Qu'est-ce que tu lui as fait ? s'écria soudain Ava, brisant leur bulle d'amour. Tu l'as envoûté ?

Quoi ? MAIS NON, FERME-LA !

— Bien sûr que non ! se défendit Holy. Jamais je ne ferais une chose pareille !

Mais il parlait d'une petite voix étranglée, comme à chaque fois qu'on l'accusait de faire des choses horribles avec ses pouvoirs. Adrian le sentit d'ailleurs trembler contre lui.

Une bouffée de colère l'envahit. Elle fait du mal à Holy ! ELLE LUI FAIT DU MAL !

Ses bras s'enroulèrent fermement autour de la taille de son ange, son amour, il leva ensuite la tête pour foudroyer Ava des yeux. Un grondement menaçant s'échappa de sa gorge.

— Pourquoi il est comme ça alors ! attaqua encore son amie, également sur les nerfs.

Sa voix était devenue rauque, tandis que la couleur de ses iris passait lentement de bleue à dorée.

— Ava, arrête. Ad n'est pas envoûté, intervint Isaïah en se plaçant entre eux d'un mouvement nonchalant, mais Adrian le sentait tendu et sur ses gardes. Il est très amoureux c'est tout...

— Jamais je n'utiliserais mes pouvoirs sur Adrian ! répéta Holy. Je ne lui ferai jamais de mal !

— Ah oui, et pourtant c'est exactement ce que tu as fait il y a deux semaines ! fit Ava, le ton et le regard dur. Ton petit spectacle à la réception de ta sœur, tu crois que ça ne lui a pas fait mal ?

Holy se raidit, il devint livide. STOP ! Fais-la taire ! FAIS-LA TAIRE !

Poussé par son loup, Adrian fit un pas vers son amie, mais Holy le retint. Sa main tremblait dans la sienne, mais sa poigne restait ferme. Ils échangèrent un regard, Holy avait l'air ébranlé, ses yeux le suppliaient cependant de rester calme. Adrian s'exécuta de très mauvaise grâce, mais c'était sans compter Ava qui semblait vraiment déterminée à pousser son loup à bout.

— Et toutes ces années où tu vivais ta petite vie parfaite de rock star pendant qu'Adrian était au plus mal, hein ? poursuivait-elle, hargneuse. Tu ne voulais pas le blesser en ignorant tous ses messages, peut-être ? Bien sûr que si ! Tu savais qu'il était brisé, mais tu as continué ta vie ! Tu ne lui as donné aucune chance ! Tu lui as fait beaucoup de mal et tu le savais parfaitement !

— Ava ! STOP ! Je t'interdis de lui parler comme ça ! s'écria Adrian, il se dressa devant elle, désormais dans une fureur noire, les crocs et les griffes à deux doigts de sortir.

Son loup écumait de rage. Protéger Holy ! ON DOIT PROTÉGER HOLY DE CETTE FOLLE !

— Tout ce qui est arrivé, ce n'est en rien la faute de Holy ! Ce sont MES conneries, pas les siennes, OK ? Holy n'était au courant de rien ! Il ne savait pas que je...

— Et depuis quand tu m'interdis quoi que ce soit ? le coupa Ava sur le même ton.

Les bras croisés sur sa poitrine, elle n'était pas du tout impressionnée par son attitude menaçante. Au contraire, elle irradiait d'une aura tout aussi bestiale et intimidante que la sienne.

— Tu ne m'empêcheras pas de lui dire ce que je pense ! cracha-t-elle. Pas après tout le mal qu'il t'a fait, tu m'entends ? Parce que oui, Holy t'a fait du mal ! Quand vas-tu arrêter de le placer sur un piédestal ? Et te mettre enfin dans le crâne qu'il t'a abandonné pour un rockeur peroxydé !

— LA FERME ! explosèrent Adrian et son loup, hors d'eux.

— Adrian, non ! supplia Holy, mais c'était trop tard.

Ava et lui se jetaient l'un sur l'autre, crocs et griffes dehors, remontés à bloc par leur loup respectif. Isaïah bondit entre eux pour les empêcher de s'arracher mutuellement la tête.

— Adrian ! Ava ! On se calme ! rugit-il. Bichette, un peu d'aide ne serait pas de refus !

Adrian en avait presque oublié la présence de Naomi Hell. Fidèle à elle-même, madame la Sorcière Suprême préféra cependant s'occuper de ses propres affaires, en l'occurrence Holy.

— Holy, on s'en va ! s'écria-t-elle en essayant à nouveau de l'entraîner vers la porte.

Sa voix transpirait la panique et elle semblait vraiment pressée de quitter les lieux. Adrian aurait trouvé son attitude bizarre s'il n'était pas autant occupé à tenter de repousser Isaïah pour atteindre Ava et lui enfoncer ses crocs dans la jugulaire. Elle va payer pour avoir insulté Holy !

— S'il vous plaît ! STOP ! cria soudain ce dernier.

Il n'avait pas utilisé ses pouvoirs, mais son intervention cloua tout le monde sur place. Adrian fut immédiatement interpellé par le désespoir dans sa voix. Cela lui fit reprendre un peu ses esprits.

— Adrian, Ava... s'il vous plaît. Arrêtez de vous battre, implora Holy, le visage défait.

Adrian voulut le prendre dans ses bras, mais Holy le stoppa d'un geste. Il serra gentiment sa main dans la sienne pour le rassurer sur son état puis se tourna vers Ava, le regard déterminé.

— Ava, je sais très bien à quel point j'ai fait du mal à Adrian, murmura-t-il. Et tu ne peux pas savoir à quel point je m'en veux, à quel point je regrette toutes ces années de malentendu. Moi aussi j'ai cru qu'il m'avait abandonné. Crois-moi, si j'avais su qu'il était marqué, je...

— Arrête de prétendre que tu ne savais rien ! répliqua Ava, les poings serrés.

La virulence avait cependant disparu de sa voix, ne restait plus qu'une profonde tristesse.

— Ta sœur était au courant. Quand Adrian était au fond du trou, je l'ai supplié de t'en parler !

QUOI ?! Naomi était au courant ! Adrian jeta cependant l'information dans un coin de son cerveau, car Ava revenait à l'attaque. Elle débordait à nouveau de ressentiment envers Holy.

— Ne me dis surtout pas que tu ignorais sa tentative de suicide ! Adrian avait besoin de toi, Holy, mais l'as abandonné ! Tu comprends ça ? Alors excuse-moi de ne pas être ravie de te retrouver à moitié nu dans son salon et faire comme si rien ne s'était passé !

Mais putain, Adrian ! FAIS-LA TAIRE !

Le cœur d'Adrian chuta dans sa poitrine lorsque le visage de Holy se décomposa et que sa main s'affaissa dans la sienne. Putain, non ! Holy n'était pas censé apprendre ses conneries de cette manière. Pas comme ça ! PAS COMME CA ! Une vague de haine envers Ava le submergea à la vue de son bien-aimé complètement bouleversé par cette horrible révélation.

— FERME TA PUTAIN DE GUEULE ! explosa-t-il, hors de lui. ARRÊTE DE TE MÊLER DE MA VIE, BORDEL ! C'est MA vie, tu m'entends ? Occupe-toi plutôt de tes putains d'affaires ! Comme cette mascarade de fiançailles entre toi et Dick !

Ce fut au tour d'Ava d'accuser le coup. Ses yeux s'écarquillèrent et elle recula légèrement, blessée par cette attaque en traître. Mais Adrian avait perdu tout bon sens et n'en fut pas du tout désolé. Son loup avait pris le contrôle et il voulait juste lui faire autant de mal qu'elle venait d'en faire à Holy. Peu importe à quel point c'était petit et mesquin, Ava devait souffrir.

— Adrian, le rabroua sèchement Isaïah, le regard plein d'avertissements.

— Quoi ? Tu penses exactement comme moi ! Ces fiançailles ne sont que des foutaises ! Qui voudrait se marier avec son propre cousin, putain ! C'est complètement tordu !

— Tais-toi ! gronda Ava. Je t'interdis d'insulter ma famille...

— Non, TOI, TAIS-TOI ! Mais surtout mêles-toi de tes putains d'oignons, bordel ! Holy et moi, on est de nouveau ensemble, que ça te plaise ou non, OK ? Et maintenant, dégage de chez moi !

Ce fut comme si une chape de plomb s'était abattue dans la pièce. Le silence était lourd et malaisant, le regard d'Ava vrillait le sien avec colère et incrédulité. Les dents serrées, Adrian ne baissa pas la tête face à ses yeux plein de ressentiments. Elle finit par se détourner avec dédain.

— Très bien. Je m'en vais !

Oui, c'est ça ! BON DÉBARRAS !

Personne n'essaya de la retenir et Ava quitta les lieux à grands pas en prenant soin de claquer violemment la porte derrière elle. Son départ fut suivi d'un silence toujours aussi lourd.

Adrian se tourna vers Holy, ne sachant que dire ou faire. Il le découvrit toujours aussi bouleversé, ses yeux débordaient de larmes. Il transpirait la culpabilité... mais aussi la colère. Son regard dériva lentement vers sa sœur. Il ouvrit la bouche, mais Isaïah le devança :

— C'est vrai ?

Tout en parlant, il la dévisagea sans ciller. Et pour la première fois, les yeux qu'il posa sur elle étaient durs. Son regard était aussi glacial que sa voix lorsqu'il réitéra sa question.

— Est-ce que c'est vrai, Naomi ? Tu savais pour Adrian ? Et tu n'as rien dit à Holy ?

Naomi ne répondit pas, trop occupée à se tordre les mains et se mordiller la lèvre.

— Oui, finit-elle par répondre.

— MAIS POURQUOI TU NE M'AS RIEN DIT ! hurla Holy. POURQUOI ?

Naomi demeura muette. Son regard oscilla entre Holy et Isaïah, Adrian remarqua qu'elle évitait le sien. Elle semblait terriblement mal à l'aise, mais tentait malgré tout de garder la face.

— Tu savais à quel point Adrian était mal, reprit Isaïah, le ton toujours aussi froid. Tu savais pour sa tentative de suicide. Tu savais qu'il avait besoin de Holy. Tu le savais, Naomi. Mais tu as choisi de ne rien lui dire ? Même si Adrian — mon meilleur ami, mon frère — pouvait en mourir ?

— Je suis désolée, Isa, mais je devais protéger mon frère ! s'écria Naomi, sur la défensive. Holy n'avait plus le droit de revenir à La Nouvelle Orléans. S'il avait appris pour Adrian, il l'aurait quand même fait ! Et il serait mort, tu comprends ça ? Je devais le protéger à n'importe quel prix ! Dis-moi que tu comprends, Isa ! supplia-t-elle ensuite. Tu aurais fait la même chose pour Adrian !

Isaïah ne répondit pas, il se contenta de la dévisager d'un regard éteint.

A n'importe quel prix ? rugit Holy, fou de rage. Tu t'entends parler ? Comment tu as pu faire une chose pareille ? Tu n'avais pas le droit de décider à ma place ! TU N'AVAIS PAS LE DROIT !

— Je n'avais pas le choix, Holy !

— Non ! Tu aurais dû me le dire ! TU AURAIS DÛ ! S'il était arrivé quoi que ce soit à Adrian...

— Holy, s'il te plaît, calme-toi, supplia ce dernier, paniqué de le voir dans un tel état de détresse.

Mais Holy s'effondra, en larmes. Adrian le rattrapa de justesse avant qu'il ne s'écroule au sol. Naomi esquissa, elle aussi un geste, mais son frère la repoussa brutalement.

— Non ! Casse-toi ! CASSE-TOI !

Isaïah choisit aussi le moment pour prendre la porte. Son visage était lisse et fermé, ses yeux avaient cependant viré au doré, trahissant sa rage. Adrian le devinait également dévasté.

— Isa... murmura Naomi d'une petite voix cassée.

— Non, l'interrompit-il d'un ton glacial et sans la regarder. Non... ne dis plus rien, Naomi. Je... je ne veux plus t'entendre, OK ? C'est fini entre nous. Je ne veux plus jamais te revoir. C'est fini.

Sa voix se brisa cependant vers la fin de sa phrase, mais il se reprit rapidement en se raclant la gorge. Il se tourna ensuite vers Adrian pour lui offrir un petit sourire forcé.

— Adrian, on se voit demain. Ne t'en fais pas pour Ava, je m'en occupe. Salut.

Isaïah s'en alla sans un regard en arrière.

Naomi, elle, resta un long moment figée au milieu de la pièce, les yeux rivés sur la porte comme si elle s'attendait, espérait qu'Isaiah revienne. Mais il ne revint pas. Des larmes silencieuses dévalèrent soudain sur ses joues alors qu'elle demeurait immobile comme une statue.

C'était la première fois qu'Adrian la voyait dans cet état : le visage complètement défait, pleurant sans retenue. Mais au lieu de le réjouir, cet étrange spectacle le remua plus que de raison.

— Naomi... commença-t-il, Holy toujours à moitié affalé dans ses bras.

— Je suis désolée, Adrian, le coupa-t-elle cependant. Je suis vraiment désolée. Pour tout.

Sur ces mots, elle quitta précipitamment l'appartement, laissant un lourd silence derrière elle.


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