Chapitre 21

— Merci pour ce merveilleux week-end, mon loup. J'arrive toujours pas à croire que t'ai réussi à convaincre ton père de te laisser partir à Bâton-Rouge, tout seul et pendant plusieurs jours !

Adrian passa un bras autour des épaules de Holy qui glissa le sien sur sa taille en une étreinte pleine d'affection. L'air était frais et vivifiant dans la forêt alors qu'ils rejoignaient leur coin secret pour un dernier petit moment ensemble avant de rentrer chacun de leur côté.

Son loup gémissait déjà de désespoir à l'idée d'être séparé de Holy. Adrian lui tapota mentalement la tête pour le consoler, même s'il n'en menait pas large. Il ressentait une étrange et angoissante boule dans le ventre depuis leur retour. Serait-ce un mauvais pressentiment ?

Adrian secoua aussitôt la tête pour chasser le sentiment. C'était ridicule.

— Bah, j'ai fait mes preuves à Lafayette, répondit-il d'un ton qu'il voulait naturel. Du coup, Père a estimé que j'avais droit à une récompense. Et puis, Ariana m'a aidé à le convaincre. C'était sympa de sa part, mais ça m'a surpris. D'habitude, elle se contrefout de moi et de ma vie.

— Arrête. C'est ta sœur, je suis sûr qu'au fond, elle t'aime beaucoup, le rabroua aussitôt Holy. C'est juste qu'elle n'est pas très démonstrative ? Il y a des gens comme ça, tu sais !

— Mouais...

— T'as déjà essayé de faire un pas vers elle, au moins ?

Adrian repensa aux airs constamment froids et distants d'Ariana. Il n'avait jamais été proche de sa sœur et n'avait jamais essayé de faire évoluer leur relation. Il ne la détestait pas, mais son regard vide et dénué de toute émotion lui faisait froid dans le dos. Adrian avait la désagréable impression d'être face à une version féminine et plus jeune de son père. C'était effrayant.

— Tu pars quand pour Oslo ? s'enquit-il, dans une tentative peu diplomate de changer de sujet.

— A la fin de l'été, répondit Holy, les sourcils légèrement froncés par son attitude puérile.

C'est dans TRÈS BIENTÔT ! se lamenta son loup, le désespoir de nouveau à son paroxysme.

Arrête avec tes larmes de crocodile, rétorqua Adrian. C'est déprimant.

Ou plutôt, cela ne faisait que le déprimer davantage. Devant Holy, Adrian faisait comme si tout allait bien, mais la vérité c'était qu'il se sentait complètement perdu par son départ imminent. Il en faisait des cauchemars depuis des semaines. Adrian essayait d'imaginer sa vie sans Holy, lorsqu'il serait parti à des millions de kilomètres de lui, et à chaque fois, il finissait en pleurs comme un bébé. On va mourir sans lui !

Adrian ravala tant bien que mal les larmes qui lui montaient aux yeux. A cet instant précis, il fut bien heureux que Holy ne puisse pas voir sa tête de con pleurnichard. Il se racla la gorge dans une pitoyable tentative de s'empêcher de renifler. Il serra ensuite Holy un peu plus fort contre lui, tout en déposant un petit baiser sur sa tempe et respirant son odeur florale au passage.

— Tu me manques déjà, fut tout ce qu'il trouva à dire pour exprimer le maelstrom d'émotions qui virevoltait dans son cœur et lui broyait impitoyablement la gorge.

Brusquement porté par un sentiment d'urgence, il ne laissa pas le temps à Holy de répondre et s'empara fougueusement de ses lèvres. Mais alors que son petit ami répondait à son baiser et enroulait ses doigts dans ses cheveux, Adrian se figea soudain. Il s'écarta légèrement de Holy pour humer l'air, tel un animal aux abois. Intrus, intrus, INTRUS ! hurla son loup en s'agitant.

— Adrian ? Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta Holy, mais Adrian posa un doigt sur ses lèvres pour le faire taire. Les sens en alerte maximum, il tendit l'oreille, huma l'air avec plus d'insistance.

Cette odeur...

Courez. COUREZ !

Soudainement écrasé par la terreur et un instinct primaire de survie pour lui, mais surtout pour Holy, Adrian attrapa sa main sans réfléchir et l'entraîna à sa suite dans la direction opposée.

— Adrian ! Mais qu'est-ce que...

— Cours ! ordonna-t-il en accélérant le pas, le traînant cette fois-ci sans ménagement.

Mais c'était trop tard. Adrian aperçut une ombre du coin de l'œil. Elle fonçait droit sur eux, Adrian devinait qu'elle avait l'intention de leur couper la route et les attaquer de front.

Non, non, non ! Protéger Holy ! IL FAUT PROTÉGER HOLY !

Son loup prit le contrôle et Adrian attrapa Holy par la taille, juste à temps pour l'écarter et éviter le premier coup. Il le jeta plus qu'il ne le déposa dans le fourré le plus proche, au moment précis où l'ombre fondait à nouveau sur eux. Les bras croisés devant sa poitrine, Adrian para in extremis le deuxième coup de leur agresseur. Le choc l'envoya cependant valser contre l'arbre derrière lui avec une telle force qu'il sentit le tronc centenaire craquer dans son dos.

Merde !

— Adrian ! s'écria Holy en se précipitant, mais celui-ci le repoussa pour bondir sur ses pieds.

Merde, merde, merde !

Son sang ne fit qu'un tour lorsqu'il croisa le regard de son adversaire.

Ils étaient foutus. Foutus ! Complètement foutus !

— Tu es d'une lenteur affligeante, Adrian. C'est décevant. Où est donc passé toute la dextérité dont tu as fait preuve à Lafayette ? Est-ce le dhampire qui te ralentit ?

Désormais paralysé, Adrian ne put que fixer son père, l'Alpha, alors qu'il se plantait à un mètre face à eux. Ce dernier ne leur accorda aucune attention, trop occupé à lisser le devant de son costume d'un geste nonchalant. Il ramena ensuite ses longues mèches ébènes en arrière, avant de nouer ses mains derrière son dos, toujours aussi tranquillement.

Ce ne fut qu'une fois sa tenue arrangée qu'il leva enfin les yeux vers eux.

Il faut protéger Holy ! PROTÉGER HOLY !

Partagé entre la rage et l'effroi, son loup hurlait à s'en briser les cordes vocales dans sa tête, exhortant Adrian à faire quelque chose, mais ce dernier restait désespérément figé. Englué dans un sentiment de terreur pure, il n'arrivait plus à bouger et encore moins à réfléchir.

Holy s'agita soudain à ses côtés. Il ne dit rien, mais sa main se glissa doucement dans la sienne. Adrian entendit son cœur battre la chamade. Il ressentait sa peur.

Il n'en fallut pas plus pour débloquer son cerveau, mais tout ce qu'il réussit à faire fut de se décaler légèrement sur le côté pour se mettre devant Holy. Son loup avait raison, il devait à tout prix le protéger. Son père ne devait pas... il ne devait surtout pas...

Leurs doigts s'entrelacèrent presque convulsivement. TRÈS MAUVAISE IDÉE, car le regard glacial de l'Alpha glissa lentement vers leurs mains jointes. Adrian se sentit trembler.

— Qu'as-tu fait à mon fils ?

La question claqua dans le silence tel un coup de fouet, les faisant sursauter malgré eux. Son père parlait d'une voix basse, onctueuse et dangereusement calme. Ses yeux verts luisaient faiblement dans la pénombre alors qu'ils fixaient désormais Holy sans ciller.

— Qu'as-tu fait à mon fils ? répéta-t-il en détachant lentement chaque syllabe.

Non, non, non ! Il faut faire quelque chose, FAIS QUELQUE CHOSE !

Réfléchis, Adrian. Réfléchis ! s'ordonna-t-il mentalement, tandis que son loup continuait de gueuler dans sa tête. Mais il ne trouvait rien ! Aucun plan, aucune issue possible.

Que pouvait-il faire ? Fuir ? L'Alpha les rattraperait facilement. Se battre ? Il ne tiendrait même pas une minute et connaissant Holy, ce dernier n'accepterait jamais de le laisser affronter son père seul. Mais alors, que faire ? Que faire ! QUE FAIRE !

— Dhampire. Qu'as-tu fait à mon fils ?

— Rien du tout, cracha soudain Holy, la voix légèrement tremblante, mais pleine de défi. Je ne lui ai rien fait, contrairement à vous ! accusa-t-il soudain avec aplomb.

Tais-toi, TAIS-TOI ! voulut hurler Adrian, mais aucun son ne sortit de sa bouche, juste un pitoyable gémissement horrifié. Et comme si ce n'était pas assez, Holy s'avança d'un pas décidé pour se placer à ses côtés et défier l'Alpha bien en face.

Non, non, non !

Contre toute attente, l'Alpha éclata de rire. Un rire sans joie, un rire froid, presque désabusé. Une sentence de mort. L'angoisse le prit aux tripes et Adrian eut soudain envie de vomir.

— Tu oses insinuer que je fais du mal à mon fils ? murmura son père, dont le visage redevenu lisse et dénué de toute émotion ne présageait rien de bon.

Ses yeux toujours dardés sur Holy brillaient d'une lueur mortelle.

— Tu oses, alors que par ta faute, mon fils aîné s'est suicidé ?

Quoi ?

— Non... s'étrangla Holy, toute trace d'assurance désormais balayée.

Adrian sentit sa main trembler violemment dans la sienne. Inquiet, il osa quitter l'Alpha du regard une demi-seconde pour s'assurer de son état et le découvrit complètement livide.

— Ce n'est pas... ce n'est pas moi qui... je n'ai pas tué Anthony ! s'écria-t-il d'une voix blanche. Je ferais jamais une chose pareille ! Je ne suis pas comme vous. Je ne suis pas un monstre !

— En es-tu sûr, dhampire ? Vas-tu aussi pousser le seul fils qui me reste au suicide ?

Non, non, non ! Fais-le taire ! FAIS-LE TAIRE !

— Non ! protesta Holy d'un ton à la fois choqué et horrifié. Jamais je ferais du mal à Adrian !

— Dans ce cas, explique-moi pourquoi l'as-tu envoûté avec tes immondes pouvoirs.

L'Alpha continuait de parler d'un ton égal, le visage inexpressif. Adrian percevait cependant toute sa rage. Latente, monstrueuse, elle n'attendait qu'à exploser. Tout comme son loup dont Adrian ressentait parfaitement la puissance. Il savait que la bête était là, tapie derrière cette façade glaciale, prête à bondir sur Holy pour le déchiqueter en mille morceaux.

Non ! ON DOIT PROTÉGER HOLY !

Oui, mais comment ?!

La main de Holy trembla dans la sienne. Adrian aurait voulu la serrer fort, mais n'y arriva pas.

— Je n'ai pas... je ne l'ai pas envoûté... murmura Holy d'une petite voix étranglée.

Dis quelque chose ! Aide-le ! Parle ! l'exhorta son loup, alors qu'Adrian demeurait figé comme une statue. Son cerveau en panique cogitait furieusement dans son crâne à la recherche d'une idée brillante pour s'en sortir sans trop de casses. Et s'il dirigeait toute la fureur de son père sur lui ? Non, ça ne marcherait pas. L'Alpha s'en prendrait à Holy pour le punir...

Il ne lui restait donc plus qu'une seule solution.

Adrian se haïssait déjà pour ce qu'il allait faire.

Non ! Ne fais pas ça ! ARRETE !

Ignorant les suppliques de son loup, il arracha sa main de celle de Holy et s'éloigna d'une démarche qu'il voulait assurée pour rejoindre l'Alpha. Comme dans une scène au ralenti, Adrian creusa une distance fatidique entre lui et l'amour de sa vie. Chaque pas lui broyait le cœur. Il se sentait atrocement mal, et pourtant, il continua d'avancer, tel un robot.

Protéger, Holy. Je dois protéger Holy...

Pas comme ça, PAS COMME CA !

— Adrian ? appela son merveilleux et si magnifique ange d'une petite voix incertaine.

Adrian se figea brièvement sur place.

Arrête. Ne fais pas ça ! On peut encore s'enfuir... Laisse-moi prendre le contrôle, on ira plus vite ! On emmènera Holy chez lui, chez les Hell. Ne fais pas ça s'il te plait, ne fais pas...

— LA FERME ! hurla Adrian. Ferme ta putain de gueule !

Sa voix explosa comme une bombe dans la clairière silencieuse. Adrian eut envie de vomir, mais il ne devait surtout pas flancher. Il devait protéger Holy de son père. A n'importe quel prix.

Pas comme ça, gémit son loup, partagé entre l'horreur et la colère. PAS COMME CA !

Adrian le repoussa violemment dans un coin de son esprit pour le faire taire. Il s'accorda ensuite une petite seconde de répit, puis son visage se figea en un masque froid et impassible. Ignorant ostensiblement Holy, il se planta devant son père, décidé à capter toute son attention.

— Père, s'il vous plaît. Le dhampire dit la vérité : je ne suis pas envoûté.

Comme il l'avait espéré, les yeux de l'Alpha se détournèrent de Holy pour le darder d'un regard glacial. Adrian y décela toutefois une trace d'intérêt. C'était à la fois rassurant et terrifiant.

— Tu veux dire que tu as passé trois ans à batifoler avec cette abomination de ton plein gré ?

L'Alpha est au courant de tout ! Dis la vérité, dis-lui qu'on aime Holy ! On ne peut pas lui mentir.

— Oui, répondit Adrian, la gorge effroyablement sèche. Oui, je...

— Tu me déçois terriblement, Adrian. Je vais être obligé de te punir...

Tout en parlant, ses yeux verts dérivèrent à nouveau vers Holy, un léger rictus apparut au coin de ses lèvres minces et cruelles. La terreur et la panique envahirent Adrian lorsque de longues griffes noires et acérées émergèrent lentement de ses doigts.

— Non ! Ce n'est pas ce que vous croyez ! Je... j'ai fait tout ça pour venger Anthony !

Menteur ! MENTEUR !

— Ah oui ?

De plus en plus intéressé, l'Alpha daigna à nouveau se tourner vers lui.

— Et comment prévoyais-tu de venger ton frère, Adrian ? s'enquit-il, la voix redevenue douce et onctueuse. Dis-moi tout. Qu'avais-tu prévu d'aussi horrible pour le dhampire ?

C'est l'Alpha ! Il sait que tu mens ! Bien sûr qu'il le sait ! Tu transpires le mensonge, tu es pathétique ! hurla son loup avec fureur. Mais Adrian ne l'écoutait plus. Ses yeux fixaient les griffes de son père. Ces longues serres recourbées traverseraient Holy comme du beurre.

Cette horrible vision le conforta dans sa décision. Adrian inspira imperceptiblement. C'était le moment d'inventer le pire mensonge de toute sa vie. Pardon, Holy.

— Lui briser le cœur. Voilà ce que je comptais faire.

Un silence assourdissant s'abattit dans la clairière. Adrian avait l'impression que ses tripes bouillonnaient dans son ventre, tant il avait mal. Il se haït profondément pour ce qu'il allait dire.

— Lui casser la gueule n'aurait servi à rien à part déclencher les hostilités avec Naomi Hell. Je me suis dit que ce serait plus douloureux et humiliant pour ce sale dhampire si je piétinais son cœur et son amour propre. Regardez-le comme il est pathétique. N'êtes-vous pas heureux à l'idée qu'il ira pleurer dans les jupes de sa sœur et sa grand-mère pour un chagrin d'amour et qu'elles ne pourront rien faire d'autre à part ramasser cette abomination à la petite cuillère ?

Chaque mot lui arrachait la bouche, lui donnait envie de hurler, de pleurer, de vomir, de se jeter aux pieds de Holy pour lui demander pardon, mais Adrian ne pouvait plus s'arrêter de parler. Il ne devait surtout pas s'arrêter sinon Holy mourra. Je dois le protéger. Par tous les moyens...

Comment oses-tu sortir des conneries pareilles ? rugit son loup, complètement hors de lui. Holy est là ! Il t'entend ! IL NOUS ENTEND ! Tais-toi ! Ferme-là ! PITIÉ, FERME-LA !

— Intéressant.

Toute l'attention de l'Alpha était désormais tournée vers Adrian. Holy n'existait plus.

Holy... Adrian sentait son regard lui brûler la nuque. Il mourait d'envie de s'assurer qu'il allait bien. Il n'osa cependant pas se retourner pour jeter un œil dans sa direction. Il avait trop honte de croiser ses grands yeux argentés. Trop peur d'y retrouver la colère, la déception. La haine. Adrian était terrifié, il savait avoir franchi la limite. Pardon, Holy. Pardon, pardon, pardon...

— Donc, si j'ai bien compris. Tu ne faisais que t'amuser avec cette chose ?

— Père. Comment pourrais-je l'aimer ? C'est un dhampire. Une abomination.

Sa réponse fut suivie d'un long et horrible silence. Adrian espéra de tout coeur que ce ne soit pas le calme avant la tempête. Le grondement d'un orage imminent choisit cet instant précis pour exploser au-dessus de leurs têtes et le contredire. Le vent se leva et un éclair illumina brièvement le ciel, ainsi que le petit sourire pervers qui se dessina sur les lèvres de son père.

— Très bien. Dans ce cas, frappe-le, ordonna-t-il.

— Quoi ? couina Adrian, c'était comme si la foudre venait de lui tomber dessus.

— Tu m'as parfaitement bien entendu. Frappe-le.

NON ! JAMAIS !

— Non, je... protesta Adrian

Les derniers mots s'étranglèrent cependant dans sa gorge lorsque son père fut soudain face à lui. Lorsqu'il se pencha vers lui et que sa bouche fut à quelques millimètres de son oreille. Les yeux écarquillés, Adrian resta complètement tétanisé, il ne l'avait même pas vu bouger. Une sueur froide coula le long de sa nuque lorsqu'il sentit son souffle rouler sur sa peau.

— Fais-le. Ou sinon, je le tue.

L'Alpha prononça les derniers mots d'une voix basse, onctueuse et lourde de menaces. Ses paroles coulèrent sur Adrian, tel du poison enrobé de miel, bloquant à nouveau son cerveau. Mais surtout, elles écrasèrent soudain toute la combativité de son loup. Adrian le sentit se recroqueviller tout au fond de lui en poussant un petit glapissement des plus pitoyables.

Il ne pouvait cependant pas lui en vouloir : Adrian se sentait dans le même état. Complètement écrasé et acculé par la puissance de son père et son odieux chantage.

S'il ne frappait pas Holy, l'Alpha le tuerait. Mais il ne pourrait jamais faire une chose pareille ! Frapper Holy... c'était au-dessus de ses forces. Adrian n'arriverait jamais à le faire, il ne pouvait tout simplement pas. Mais s'il ne le faisait pas, Holy...

— Je lui arracherais la gorge avec mes crocs, lui susurra son père au creux de l'oreille. Aimerais-tu voir cela, Adrian ? Aimerais-tu voir son sang rouge et chaud imprégner la terre ?

— Non, souffla ce dernier, la gorge nouée. Non !

— Dans ce cas, frappe-le. Frappe-le fort.

Non, non, non, pleura son loup, toujours en boule au fond de son esprit. Pas ça. Pas ça...

Mais Adrian n'avait pas le choix. Il n'avait pas le choix.

Le corps aussi raide qu'une statue, il se retourna lentement, douloureusement, pour enfin se retrouver face à Holy qui n'avait pas bougé. Les bras ballants, il fixait Adrian sans un mot. Celui-ci sentit son coeur se fissurer en croisant ses yeux plein de larmes. Il ravala les siennes avec difficulté, la boule qui obstruait sa gorge était si énorme qu'il se sentait étouffer.

Au prix d'un immense effort de volonté, Adrian réussit à avancer, mais ses jambes semblaient peser une tonne. Holy n'esquissait toujours aucun geste, il se contentait de le regarder s'approcher sans prononcer la moindre parole, ses grands yeux toujours ancrés aux siens.

Pardon Holy. Pardon, pardon, pardon.

Comme dans une horrible scène au ralenti, Adrian réduisit lentement, très lentement, la distance entre eux. A mesure qu'il se rapprochait, il repensa à ses paroles, aux mots d'amour qu'ils n'avaient cessé de se chuchoter à Bâton-Rouge, aux promesses.

Il s'y raccrocha de toutes ses forces.

Promets-moi de ne jamais oublier à quel point je t'aime...

Adrian se planta devant Holy. Son cœur cognait violemment dans sa cage thoracique.

N'oublie jamais... que je t'aime...

Il serra les dents aussi forts que ses poings. Son loup gémissait à la lune. L'orage grondait de plus en plus fort dans le ciel. Adrian sentait le regard de son père sur lui. L'Alpha attendait.

Promets-moi de ne jamais oublier...

Les deux orbes argentés le couvaient d'un regard choqué, suppliant. Adrian ferma aussitôt les yeux, ravalant désespérément ses larmes. Il eut envie de mourir lorsqu'il se mit en position pour frapper. Pardon, Holy. Pardon, pardon, pardon... Et pendant ce temps, leurs promesses continuaient de tourbillonner dans sa tête, le hantant, le torturant impitoyablement.

Promets-moi...

Le cœur d'Adrian explosa en mille morceaux à l'instant précis où son poing toucha le visage de Holy.

Promets-moi de ne jamais oublier à quel point je t'aime.

Promis juré.


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