Chapitre 14
Le bal de promo, l'évènement de l'année. L'excitation était d'ailleurs à son comble au lycée. Tout le monde ne parlait plus que de ça : qui allait avec qui, qui allait mettre quoi...
Adrian, lui, ne partageait pas du tout l'enthousiasme d'Isaïah et de ses camarades de classe. Il avait horreur des fêtes. Et puis, avec qui pourrait-il y aller ? Holy avait déjà quelqu'un, Adrian savait que Parker l'avait invité. Le simple fait d'y penser le déprimait au plus haut point. Son loup gémit de dépit et de désespoir. Il ne s'était toujours pas fait à l'idée qu'entre lui et Holy, il n'y aura jamais rien. Qu'Adrian avait raté sa chance. Où plutôt qu'il avait tout foiré en beauté.
Pauvre imbécile !
— Salut, Adrian. Je te vois plus ces derniers temps.
L'arrivée d'Ava le détourna de ses pensées moroses. Elle se planta devant lui, une lueur dangereuse dans ses yeux bleus. Mains derrière le dos, elle le dévisagea avec insistance, attendant qu'il lui sorte une excuse bancale. Adrian ne fit même pas l'effort d'être original.
— Euh, désolé. J'ai eu plein de trucs à faire ces derniers temps et...
— Menteur, le coupa Ava avec un sourire amusé. Tu étais très occupé avec une fille, avoue !
Les pensées d'Adrian dérivèrent aussitôt vers Holy. Le rouge lui monta aux joues.
— Quoi ? Non, j'ai pas de petite amie !
— Vraiment ? Alors pourquoi, on ne te vois plus après les cours ?
— Je... euh...
— Oui ?
La tête penchée sur le côté, Ava le fixa d'un air inquisiteur. Mais le coin de ses lèvres était étiré en une petite moue candide qui se transforma petit à petit en grand sourire. Adrian croisa les bras sur sa poitrine, la mine renfrognée, lorsqu'il comprit qu'elle se moquait de lui.
— Si tu voyais ta tête, pouffa Ava.
— Très drôle !
— Et donc, tu n'as vraiment pas de copine... ou de copain ?
— Ava !
— C'est bon, j'arrête. Mais si tu voyais ta tête !
Sans cesser de ricaner, Ava attrapa son bras avec autorité et l'entraîna à sa suite.
— Donc si j'ai bien compris, tu as passé les dernières semaines à m'éviter pour rien ? insista-t-elle, la tête à nouveau innocente. C'est inadmissible. Tu dois absolument te faire pardonner, Adrichou.
Adrian leva les yeux au ciel. Il détestait ce surnom ridicule.
— Je te paie le déjeuner ? proposa-t-il, désireux de lui échapper au plus vite.
— J'ai autre chose en tête, mais oui, c'est un bon début.
Pour son plus grand malheur, Ava glissa son bras sous le sien. Elle savait très bien qu'il détestait ça ! Ils prirent ensuite la direction de la cafétéria sous le regard insistant des élèves. Adrian ne put retenir un soupir irrité. Cette attention constante le mettait mal à l'aise.
Il ne s'y ferait jamais !
Avant, il avait toujours été invisible aux yeux de ses camarades de classe. Ou alors, il était ce grand roux bizarre dont le frère aîné faisait peur à tout le monde. Beaucoup l'évitaient, d'autres n'en avaient rien à faire de lui. C'était l'anonymat, le paradis !
Et pourtant, depuis la rentrée, c'était comme si tout le lycée avait constamment les yeux braqués sur lui. Les humains parce qu'il n'était qu'un pauvre troisième année qui traînait pourtant avec Ava Sinclair. Les surnaturels parce qu'il était le prochain Alpha Suprême et qu'il formait déjà une alliance solide avec les Sinclair et les Scaveau. Mais n'importe quoi !
Adrian détestait vraiment ça, il n'en voulait pas de toute cette attention.
— Adrian, tu m'écoutes ?
— Hein ? Euh quoi ?
Ils étaient arrivés à la cafétéria et Ava le fusillait du regard. Adrian fit comme s'il n'avait rien vu et se glissa dans la file d'attente, attrapant deux plateaux au passage.
— Tu m'énerves, tu le sais ça ? fit Ava.
Elle entreprit ensuite de remplir son plateau avec tout et n'importe quoi. Elle prit même des frites, alors qu'elle n'aimait pas du tout ça. Adrian voyait clair dans son petit jeu, mais ne fit aucun commentaire. A la place, il attrapa un sandwich et une bouteille de jus qu'il posa sur son plateau, puis la suivit vers une table libre après avoir payé toute sa montagne de nourriture.
— Désolé, je pensais à un truc...
Ava lui colla gentiment son poing dans les omoplates pour le faire taire.
— N'agrave pas ton cas, s'il te plait. Donc je disais que comme tu n'as pas d'amoureux.se ET pour te faire pardonner, viens avec moi au bal. Ça me ferait vraiment plaisir, tu vois.
— Quoi ? Mais t'y vas pas avec ton copain ? protesta Adrian en s'installant.
— Tu as de la chance, j'ai largué Steve.
Elle en parlait d'un ton badin, comme si elle ne venait pas de briser le cœur d'un pauvre mec sûrement fou d'elle. Courage Steve, se dit Adrian en croquant dans son sandwich.
— Tu parles d'une chance... grogna-t-il pour lui-même, mais Ava l'entendit.
— Attention à ce que tu dis, Adrichou !
Nouveau coup de poing et cette fois-ci, elle ne se montra pas gentille du tout. Adrian ne put retenir un couinement de douleur pour la plus grande satisfaction de son amie.
— Donc c'est réglé ! On va au bal ensemble. Passes me prendre à dix-neuf heures.
— Ok je passerais te prendre à vélo, répondit Adrian du tac au tac.
— Très drôle.
— Ben quoi ? J'ai quinze ans, j'ai pas encore mon permis. Ou bien tu veux que mon père — l'Alpha Suprême — nous conduise au bal à bord de sa magnifique et puissante Cadillac ?
Il ne rata pas l'éclair d'horreur dans le regard d'Ava à la mention de son père. Mais elle le cacha bien vite en plissant les yeux, ses lèvres tordues en une petite moue ennuyée.
— Tss, n'importe quoi, fit-elle avec un dédain beaucoup trop appuyé pour être naturel.
— Tu peux toujours te trouver un autre cavalier tu sais ? suggéra Adrian avec espoir.
— C'est moi qui passe te prendre à dix-neuf heures, rétorqua son amie, comme s'il n'avait rien dit. Tu as intérêt à te faire tout beau ! Sur ce...
Elle se leva, sans même avoir touché à son plateau.
— Hey, mais tu vas où ? protesta Adrian. J'ai déjà payé tous ces trucs, moi !
— Quoi ? Tu croyais vraiment que j'allais manger les plats dégoûtants de la cafétéria ? le toisa Ava. Ah lala Adrian, on est amis depuis maintenant des mois et tu ne connais toujours pas mes petites manies ? Tu devrais avoir honte, tu me brises le cœur, se désola-t-elle ensuite, l'air faussement dramatique, avant de s'en aller et de le laisser royalement en plan.
Adrian la suivit d'un regard furieux. Non mais !
Ava lui fit un petit signe de la main en réponse, puis passa les portes de la cafétéria en riant.
***
Adrian réprima un énième soupir alors qu'il faisait tournoyer Ava au milieu de la piste de danse. Il se sentait au summum du ridicule dans son costume trois pièces et son nœud papillon. Mais qu'est-ce qu'il fichait ici d'abord ? Les talents de persuasion d'Ava étaient parfois terrifiants.
— Cache ta joie surtout, ironisa cette dernière.
Les bras passés autour de son cou, elle le toisait d'un air mi-agacé, mi-amusé.
— Wouah, c'est tellement génial, grogna Adrian, sarcastique. Aïe !
Ava venait de lui écraser le pied avec son talon aiguille en guise de représailles.
Adrian la fusilla des yeux et son amie lui répondit par un rictus angélique.
Il décida de l'ignorer, préférant fouiller les alentours du regard. Il repéra Isaïah et Naomi, également en train de danser ou plutôt de s'embrasser passionnément sur la piste de danse. Adrian secoua la tête, ces deux-là étaient vraiment désespérants.
Il essaya ensuite de repérer un autre couple dans la salle décorée de draperies et de ballons ridicules. Mais Holy n'était nulle part. Où pouvait-il bien être ? Adrian ne put réprimer un soupir dépité. Il essaya de ne pas l'imaginer quelque part en train de se bécoter avec Parker.
Cette simple idée mettait son loup en rage.
— Et si tu me parlais de cette mystérieuse personne qui accapare toutes tes pensées ? s'enquit soudain Ava, une lueur curieuse et taquine dans ses yeux bleus.
— Quoi ? Mais non !
— Mais si. Tu es aussi transparent que du verre, Adrian Ashes. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure que tu en pinces pour quelqu'un. Alors c'est qui ? Je la ou le connais ?
— Mêles toi de tes affaires, riposta aussitôt Adrian, les joues brûlantes. Mais sérieux, Ava ! Je t'en poses moi des questions sur ta vie amoureuse ?
— Non, mais tu devrais. J'adorerais en papoter avec toi, tu sais ?
— N'importe quoi, grommela Adrian.
Son amie éclata de rire, clairement ravie de le faire tourner en bourrique.
— Mais sérieusement, Adrian, reprit-elle ensuite, bien décidée à ne pas lâcher l'affaire. Qu'est-ce que tu fais ici avec moi, à danser avec toute la mauvaise foi du monde ? Pourquoi tu n'as pas invité cette personne qui te plait tant ? Tu es vraiment bête, tu sais ?
— Je suis pas bête, OK ? Cette personne est déjà en couple voilà.
— Et alors ?
Encore cette question stupide ! Tout comme Isaïah, Ava le fixa comme s'il était un idiot fini. Et cette fois encore, Adrian sentit l'irritation le gagner. Pourquoi refusaient-ils de comprendre que ce n'était pas aussi simple ? Holy avait quelqu'un, merde ! Adrian n'avait pas envie de se prendre un râteau, mais surtout, il ne voulait plus perdre Holy. Il préférait de loin être friendzoné que de ne plus l'avoir dans sa vie. Adrian ne le supporterait pas. Son loup non plus.
— Est-ce qu'on pourrait parler d'autre chose ? finit-il par grogner. S'il te plait.
— Non. J'adore trop te voir rougir et bafouiller comme un crétin.
— T'es vraiment chiante, Ava.
— Ton compliment me va droit au cœur, Adrichou ! Mais bon, d'accord. J'arrête.
Son regard continuait cependant d'être inquisiteur et plein de reproches. Adrian n'en supporterait pas davantage. La musique à peine finie, il la traîna à une table libre.
— Je vais nous chercher un truc à boire, dit-il ensuite avant de s'éloigner en direction du buffet.
Adrian grogna de soulagement une fois loin de son amie. Ava était vraiment fatigante parfois.
Il attrapa deux gobelets en plastique qu'il remplit généreusement de soda, puis rajouta des glaçons. Il faisait une de ces chaleurs, c'était insupportable. Les verres en mains, Adrian ne retourna pas tout de suite auprès de son irritante cavalière.
Il scanna à nouveau la foule d'élèves d'un regard plein d'espoir, huma l'air à la recherche de l'envoûtant parfum de jasmin et de violette, mais rien. A la place, son odorat de loup fut assailli par une tempête d'odeurs diverses et désagréables : parfum, eau de cologne, sueur... le mélange était tout simplement horrible et Adrian faillit s'étrangler de dégoût.
Et comme si ce n'était pas assez, Parker choisit cet instant précis pour apparaître dans son champ de vision. Il n'était pas avec Holy, mais un élève de sa classe, et paraissait un peu maussade. Son ami semblait d'ailleurs lui remonter le moral. Ils se dirigeaient vers le buffet.
— Salut, les héla aussitôt Adrian. Holy n'est pas avec vous ? Je le vois nulle part...
Sa question fut suivi d'un blanc. Parker devint livide, tandis que son ami toisait méchamment Adrian. Celui-ci se sentit aussitôt inquiet. S'il était encore arrivé quelque chose à Holy...
— Je ne sais pas où est Holy, répondit soudain Parker d'un ton abrupt. On n'est plus ensemble.
— Quoi ?
Adrian n'en croyait pas ses oreilles.
— Ouais. Holy m'a largué. Tu dois être aux anges. Il est tout à toi, maintenant.
— Je... non...
Menteur. Son loup hurlait de joie.
Après un dernier regard (triste pour Parker et dégoûté pour son ami), les deux s'éloignèrent, laissant Adrian complètement interdit. Il n'arrivait pas à croire ce qu'il venait d'entendre.
Holy n'était plus avec Parker. Il avait rompu !
Qu'est-ce que ça voulait dire ? Se pourrait-il qu'Isaïah ait raison et qu'Adrian ait une chance ? Une minuscule chance que... Holy partage aussi ses sentiments ? Sinon pourquoi aurait-il aussi soudainement laissé tomber Parker ? Pourquoi...
Mu par une soudaine détermination, Adrian souffla un bon coup. Il fonça ensuite vers la table où l'attendait une Ava très occupée à flirter avec un dernier année qui la regardait comme si elle était la huitième merveille du monde. Adrian leva les yeux au ciel. Elle n'avait pas perdu de temps ! Et puis tant mieux, il ne comptait pas rester de toute manière.
— T'as raison, Ava, déclara-t-il de but en blanc.
Tout en parlant, il lui fourra son verre entre les mains, tendit l'autre au gars.
— J'aime quelqu'un et... faut que j'aille le rejoindre. Faut que je lui dise que... Désolé, Ava, faut vraiment que j'y aille. Je dois tenter ma chance tu comprends ?
— Ça va, Adrichou. Je comprends et je te soutiens à 100 %, répondit son amie en agitant une main nonchalante, comme si elle congédiait un domestique. Cours rejoindre cette mystérieuse personne qui fait battre ton petit cœur. Max va bien s'occuper de moi ce soir. N'est-ce pas, Max ?
— Oh ouais alors, répondit aussitôt l'interpellé, l'air niais.
— OK, j'y vais alors. Amusez-vous bien !
Adrian quitta la soirée en trombe. Il se sentait fébrile et n'avait plus qu'une seule chose en tête : rejoindre Holy et lui avouer ses sentiments. Il devait tenter sa chance.
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