Chapitre 11
Mars 2008, La Nouvelle-Orléans
Les jours défilèrent pour se transformer en semaines, puis en mois.
Adrian alternait ses journées entre les cours et les entraînements. Son père se montrait impitoyable et ne lui laissait aucun répit. Tous les après-midi, ils se retrouvaient au sous-sol où Adrian devait repousser les limites de son corps et son esprit. Il avait l'impression de se briser à chaque séance, alternant entre les moments d'apathie totale et ceux où une rage animale le prenait soudain aux tripes. C'était terrifiant, mais surtout très éprouvant.
Il comprenait maintenant pourquoi Anthony avait perdu la tête.
Heureusement qu'Isaïah était là. Et Ava.
Adrian avait fini par l'appeler un soir après un entraînement particulièrement pénible. Depuis, ils passaient beaucoup de temps ensemble. Isaïah en était presque jaloux.
C'était vraiment bizarre. La présence d'Ava avait quelque chose de réconfortant. Elle savait ce qu'il endurait, elle était passée par là. Elle partageait d'ailleurs son expérience de jeune louve, lui donnait de bons conseils pour gérer le stress, les angoisses et se préparer pour sa quinzième lune. Sa toute première transformation en loup.
Il ne restait plus qu'un mois avant ce jour fatidique et le simple fait d'y penser effrayait Adrian au plus haut point. Et s'il n'y arrivait pas ? S'il devenait un Rougarou ? Ou pire : s'il en mourrait ? Dans les deux premiers cas, son père le tuerait de toute façon...
— Voilà pourquoi tu dois t'entraîner dur, mais vraiment dur, ne cessait de répéter Ava. Il faut renforcer ton corps et le préparer à la transformation. Tu dois savoir que la première fois est toujours terrible : tes os se brisent, tes muscles se tordent, tes organes se liquéfient... ton corps d'humain se change en celui d'un loup. Certains n'y survivent pas tellement c'est horrible.
— Merci. Tu me rassures beaucoup, Ava, grognait Adrian en réponse à son petit rictus amusé.
— Tu dois aussi renforcer ton mental, poursuivait-elle, ravie de le torturer sur le sujet. Sinon crois-moi, la douleur te rendra fou... enfin, si les entraînements ne te font pas perdre la tête avant ! Au pire, tu te transformeras en un répugnant Rougarou avide de chair et de sang.
— Génial...
— D'ailleurs pour les entraînements, le secret c'est de se raccrocher à des trucs positifs : des sentiments, des souvenirs... une personne qu'on aime beaucoup... Tu as quelqu'un en vue, Adrian ? demandait ensuite Ava en esquissant un petit sourire amusé, presque mesquin.
C'était devenu un rituel stupide entre eux. Mais elle arrivait toujours à le prendre par surprise. À chaque fois, Adrian ne pouvait s'empêcher de rougir, avant de la rembarrer maladroitement.
— N'importe quoi ! Personne ne m'intéresse dans ce foutu lycée !
MENTEUR !
— Quoi ? Même pas moi ? insistait alors Ava, une fausse moue boudeuse sur le visage.
Et comme d'habitude, Adrian esquivait le sujet avec autant de subtilité qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Il inventait aussitôt une excuse bancale pour s'en aller au plus vite, il détalait ensuite sous le rire amusé de sa nouvelle... amie ? Il ne savait toujours pas dans quelle catégorie ranger sa relation avec Ava Sinclair. Qu'attendait-elle de lui, exactement ?
Arrête d'être aussi bête. Elle nous veut !
Mais Adrian avait du mal à y croire. Oui, il était un Ashes. Le fils de l'Alpha Suprême et oui, il était destiné (obligé !) à suivre les traces de ce dernier. Mais il refusait de croire qu'une fille comme Ava Sinclair puisse s'intéresser à quelqu'un comme lui. Et puis, cette idée le gênait.
Ava était belle et intelligente, elle était vraiment cool et d'agréable compagnie, elle sentait bon. Adrian la trouvait vraiment jolie, mais elle ne l'attirait pas du tout.
Il n'y avait qu'une seule et unique personne qui occupait toutes ses pensées.
Adrian n'avait plus osé approcher Holy depuis son anniversaire, et encore moins lui parler. Il se contentait de l'admirer discrètement pendant leurs cours communs. Il utilisait son odorat de loup-garou pour le repérer dans le lycée et se gorger de son odeur à distance.
Il avait l'impression d'être un obsédé à l'épier secrètement, mais c'était le seul moyen de ne pas sombrer. Ava avait dit de se raccrocher à quelque chose de positif. Penser à Holy, savoir qu'il n'était pas loin, c'était ça l'ancrage d'Adrian. C'était ce qui l'aidait à rester debout, à ne pas s'effondrer sous la pression psychologique que lui infligeaient son père et ses entraînements.
Holy était sa lumière dans les ténèbres.
Lorsque c'était vraiment dur, Adrian se réfugiait dans leur cachette secrète dans les bois. Au milieu d'un petit parterre aménagé devant le cabanon, il avait planté la fleur de Lune offerte par Holy pour son anniversaire. Adrian la chouchoutait précieusement, c'était tout ce qui lui restait de son ami. Il espérait qu'elle fleurisse enfin cette année, en juin si tout se passait bien.
Ces petits moments à s'occuper de ses plantes lui apportaient un peu de baume au cœur. Mais juste un peu. Le mal-être revenait bien vite le tourmenter. Holy, lui manquait trop. Toute cette situation était insupportable et Adrian ne s'y ferait sans doute jamais. Sans parler de son loup qui ne voulait pas lâcher l'affaire : ce dernier hurlait sa rage et sa frustration à la moindre occasion, réclamant Holy avec un désespoir qui frisait presque la folie.
Mais Adrian tint bon.
Il avait choisi de rester loin de Holy, il avait trop peur de lui faire du mal.
Et puis Holy avait déjà quelqu'un et il semblait vraiment heureux avec Parker. Adrian les croisait parfois dans les couloirs et Holy avait toujours le sourire. Surtout lorsque son petit ami passait un bras affectueux autour de ses épaules... À chaque fois, Adrian avait une furieuse envie de scalper la face de cet abruti de Parker. Il continuait cependant sa route comme si de rien n'était. Il arrivait désormais à se contrôler et rester toujours calme en apparence.
Mais Adrian se sentait comme une cocotte sous pression, avec son loup qui tournait en rond et qui attendait le bon moment pour sortir et se déchaîner. Adrian savait qu'il pouvait exploser à tout moment. Malheureusement pour lui, ce jour arriva et ce fut un véritable désastre.
***
Holy n'était pas venu en cours depuis une semaine. Au début, Adrian pensa qu'il avait décidé de changer de lycée, cette pensée lui broya le cœur. Mais les bruits de couloir lui révélèrent une tout autre vérité. La peine et l'anxiété d'Adrian se muèrent en panique.
Fou de rage, il coinça Naomi Hell au détour d'un couloir. D'habitude entourée de toute une clique de lèche-bottes, elle était seule et semblait aussi dans une fureur noire. Son regard de tueur aurait fait fuir n'importe quelle personne sensée, mais Adrian n'avait plus toute sa tête.
Il voulait savoir, il avait besoin de savoir. On avait fait du mal à Holy... La respiration rapide, Adrian se sentit trembler. Sans réfléchir, il agrippa le bras de Naomi Hell et la tira vers lui.
— Qui ? demanda-t-il sans préambule.
— Lâche-moi tout de suite ! siffla son interlocutrice en essayant de se dégager de sa poigne.
— Qui a fait du mal à Holy ? insista Adrian, la voix devenue rauque, presque bestiale.
Il était au bord de la crise des nerfs. Son loup grondait et s'agitait en lui. Adrian le sentait gratter et s'acharner avec violence, tel un animal en cage qui voulait à tout prix sortir. Il allait sortir.
On va tous les tuer !
— Qui ? Dis-moi qui c'est ?
Adrian aurait voulu hurler, mais seul un grondement incompréhensible sortit de sa gorge.
Quelques curieux s'approchèrent, des vautours avides de potins croustillants. Le regard de Naomi changea brusquement. Visiblement partagée entre la colère et la panique, elle tira soudain Adrian par l'épaule et le traîna dans une salle de classe vide.
— Tu es complètement malade ! cracha-t-elle en claquant la porte. Non, mais regarde-toi ! Tu as fumé quelque chose ou quoi ? Tu veux te transformer devant tout le lycée ?!
— Qu'est-ce qui s'est passé ? Qui l'ont tabassé ? s'obstina Adrian, il n'avait plus rien d'autre en tête. Sa voix se fit soudain suppliante : dis-moi que Holy va bien ! Dis-moi...
— Mais qu'est-ce que ça peut te faire, connard ? le coupa Naomi avec fureur. C'est à cause de sales chiens comme toi que mon frère reste cloîtré dans sa chambre depuis des jours !
Adrian se tut. Il serra les poings. Il aurait dû s'en douter.
— Quoi ? Tu vas leur casser la gueule ? Merci, mais je vais m'en charger moi-même.
Mais Adrian n'écoutait plus. Il avait deviné l'identité des coupables. Des loups-garous. Cette bande de connards... Ils avaient osé faire du mal à Holy. Ils avaient osé...
ON VA LES TUER ! TUONS-LES !
Oui, Adrian allait tous les tuer.
Aujourd'hui. Maintenant.
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