chapitre 16

Felix se sentit moins seul, il avait envie de parler avec Hyunjin, mais il ne savait pas si c'était une bonne idée. Ils regardèrent ensemble la mer s'agiter doucement sous leurs yeux.

- Tout est de ma faute, commença Felix d'une voix triste. J'aurai dû m'enfuir seul, vous auriez été bien mieux là où vous deviez aller. J'ai pensé que ce serait mieux pour nous quatre, mais j'ai été égoïste.

- Ne dis pas ça, le réprimanda le plus grand. Tu as sauvé tes amis, tu as permis de nous réunir de nouveau Seungmin et moi. Tu nous as rendu notre liberté, et c'est la meilleure chose qu'il pouvait nous arriver.

Le rouquin ne répondit rien, il espérait que tous pensaient la même chose, il s'en voudrait tellement s'il arrivait quelque chose à l'un de ses amis. Il voulut lui avouer son secret inavouable, qui commençait à peser lourd sur ses frêles épaules.

- Hyunjin, comment tu as su que tu aimais Seungmin ?

- On se connait depuis quelques mois, au début il criait pendant son sommeil, il réveillait tout le monde. Il commençait à prendre beaucoup de coups de fouet, et ça en devenait insupportable. Je ne voulais plus jamais le voir souffrir, je voulais absolument le protéger, alors je venais dormir contre lui, je me sentais bien quand je le prenais dans mes bras. Et puis il a toujours été là pour me soutenir et m'encourager quand j'en avais besoin. Alors j'ai commencé à mal dormir, parce que je pensais très souvent à lui, et je ressentais un vide quand il n'était pas près de moi. J'ai alors compris que j'étais amoureux, mais je n'avais jamais eu le courage de le lui dire.

Felix réfléchît à ses paroles. Changbin lui manquait, il avait de moins en moins sommeil. Toute sa personne l'intriguait et l'attirait d'une étrange manière. Il n'eut pas le temps de se torturer l'esprit plus longtemps que Hyunjin le regardait intensément.

- Je ne sais pas si je dois parier entre Jeongin et le fils du capitaine.

Le rouquin cria nerveusement et lui frappa l'épaule, suivi des rires de son ami.

- Pourquoi tu penses à eux ?

- Eh bien, tu t'entends plutôt bien avec Jeongin, peut-être qu'il y aurait quelque chose entre vous. Mais depuis que tu es là, le fils du capitaine est différent.

- Différent en quoi ?

- Avant, il ne souriait presque jamais, tous les prisonniers avaient peur de lui. Mais j'ai l'impression que depuis que tu es venu, il n'est plus le même. On dirait qu'il s'inquiète pour toi, on le voyait même sourire quelquefois. Et quand j'ai su qu'il avait demandé à son père de nous garder tous les trois, j'ai vraiment douté.

Felix se sentit flatté, le pirate pour qui il ressentait une forte attraction n'était peut-être pas si indifférent à son égard. Il ne savait que répondre à son ami, qui le regardait avec insistance. Mais le rouquin lui fit signe de ne rien dire, ils n'en avaient pas besoin. Ils savaient que ses sentiments grandissants ne pouvaient pas connaître d'issue heureuse, jamais il ne le reverrait. Ils regardèrent ensemble à l'horizon, rassurés de la présence de l'autre. Après un long moment, Hyunjin décida d'aller se coucher, puis alla se blottir dans les bras de son amant.

Le rouquin alla ensuite alimenter le feu qui commençait à s'éteindre. Il regarda ses compagnons, paisiblement endormis autour de lui. Il se remémora des paroles de son ami, ils étaient à présent une famille, chacun comptait sur les autres et s'entraidait, tout cela a pu continuer grâce à l'intrépide Felix. Il ne voulait pas dormir, il n'y arrivait pas, quelque chose le retenait. Il décida d'aller faire un tour, face à la brise marine, il voulut se rendre à la petite crique où ils avaient accosté. Felix marcha lentement, savourant la belle vue nocturne que lui procurait l'île.

Lorsqu'il s'y engouffra, il aperçut une masse noire, le jeune homme se retint de hurler et se cacha derrière les arbres. Il attendit que son rythme cardiaque se calme légèrement, puis sortit sa tête, il n'entendait aucun bruit. La forme qui avait la forme d'un corps, était inerte. Il n'avait jamais été à l'aise avec la vue d'un cadavre, surtout depuis l'attaque sauvage dans son village. Il avança avec la plus grande des prudences, redoutant un brusque retournement de situation. Les courbes du corps lui étaient familières, pris de violents frissons, il se précipita vers leur propriétaire, redoutant le pire. Il le prit par la taille et le retourna pour voir son visage. Felix blêmît, c'était le fils du capitaine, dans ses bras, le visage aux teintes cadavériques, immobile. Le rouquin posa sa tête contre sa poitrine trempée, il respirait encore. Rempli d'espoir, il tenta de réveiller l'homme de ses insomnies.

- Changbin ? Réveille-toi.

Il le secoua plusieurs fois, mais cela semblait n'avoir aucun effet. Il lui donna de petites frappes sur le visage, l'appelant encore, il était de plus en plus paniqué. Quand la victime ouvrit faiblement les yeux et crachota de l'eau salée, Felix ne put s'empêcher de pousser un cri de soulagement, le fils du capitaine était en vie, près de lui. Celui-ci sembla retrouver rapidement ses esprits, il prit appui sur ses coudes et releva son buste avec difficulté.

- Felix ? C'est toi ?

Repris par la gêne, le jeune moussaillon s'éloigna de lui, sans savoir quoi dire à part acquiescer. Changbin ne semblait pas en colère, loin de là, à sa grande surprise, son expression se faisait à la fois inquiète, et à la fois soulagée. Le rouquin aimait cette expression sur son visage, il le trouvait plus beau, plus attirant, il lui donnait l'impression d'exister, d'être apprécié par une personne aussi importante pour lui. Des cernes ornaient le dessous de ses yeux mi ouverts, certaines parties de ses vêtements étaient déchirées, ceux-ci étaient en piteux états. Des fragments de planches en bois flottaient encore dans l'eau noire d'encre.

- Que s'est-il passé ? s'inquiéta Felix. Comment tu es arrivé ici ?

- J'ai essayé de te rattraper avec une autre barque, mais j'ai été attaqué par des alligators sur l'île d'à côté, j'ai réussi à leur échapper. J'ai échoué ici, et je t'ai retrouvé.

Le rouquin sentit son cœur battre à une vitesse affolante, il avait traversé l'océan pour le trouver, il avait réussi à fuir les dangers pour lui. Il ne pensa pas à la mention d'une île à côté de la leur, la priorité était Changbin.

- Pourquoi tu as voulu me retrouver ?

- Je ne sais pas, avoua le noiraud. Avant, je t'aurais dit que c'était mon devoir, de ramener quatre prisonniers sur le navire. Mais depuis cette traversée, je ne vois plus les choses de la même façon.

Le fils du capitaine dévisageait Felix d'un regard indescriptible, il semblait tourmenté, comme s'il enfermait des milliers de secrets en lui qu'il n'avait jamais dit à personne. Il attendit que le jeune homme explique ce qu'il avait voulu dire.

- Dès que je me suis lancé à ta recherche, j'ai cru mourir plusieurs fois. Et maintenant je sais pourquoi j'ai eu le courage de continuer et de survivre. C'est parce que je ne pouvais pas mourir sans te dire que...

Il avait du mal à parler, il regarda le rouquin avec plus d'émotions qu'il n'avait montré de sa vie, des fourmillements continuèrent de procurer à celui-ci de doux frissons au creux de son bas-ventre. Le temps sembla s'être arrêté autour d'eux, ils retinrent leur respiration, totalement paniqués par ce que l'autre allait faire, ils étaient tous deux si imprévisibles pour l'autre.

- Qu'il ne s'est pas passé une seule seconde, sans que je ne pense à toi. Je n'ai pas réussi à dormir, parce que je m'inquiétais pour toi. J'étais mort de peur d'imaginer qu'il puisse t'arriver quelque chose, et que je ne puisse jamais te retrouver. Jamais je n'avais ressenti ça, et ça m'effraie.

Felix fut incapable de respirer correctement, Changbin évitait son regard, il semblait honteux de lui avoir avoué la même chose que le rouquin ressentait pour lui. Il ne pouvait plus attendre, ils regardèrent les lèvres de l'autre, avides de passion et d'étreinte charnelle. Il l'attira à lui et posa ses lèvres sur celles du pirate. Elles étaient douces et humides, un léger goût salé parfumait ces muscles parfaits. Changbin répondit à son appel et mouva en rythme avec son partenaire, ils goûtèrent l'autre pendant un long moment. Felix se sentit complet, comme s'il l'avait cherché toute sa vie, sans le savoir. Il était peut-être l'auteur de son brusque changement de vie, mais à présent, il l'aimait, cette vie, pleine d'aventures et d'inattendu, surtout avec lui à l'intérieur.

Changbin attira son corps contre le sien, et Felix se laissa aller. Il s'allongea sur son corps et continua à l'embrasser fougueusement, tout en caressant passionnément ses cheveux ébouriffés. Ils sentirent le souffle haletant de l'autre contre leurs lèvres, et ils sourirent tous les deux de plaisir. Il n'en pouvait plus de nier ses sentiments, de cacher l'évidence qui les liait tous les deux. Lorsqu'il mêla ses pieds entre les siens, le noiraud arracha un cri étouffé de douleur. Felix se retira brusquement, il avait oublié la balle qu'il lui avait tirée dans le pied en signe d'adieu.

- Je suis vraiment désolé, s'excusa-t-il devant son regard tordu par la douleur.

Changbin ne savait que répondre. Non seulement Felix avait occupé toutes ses pensées au point d'en perdre le sommeil, mais en plus il avait passé ces derniers jours avec une douleur atroce au pied. Le rouquin n'osa même pas imaginer, il devait l'amener avec eux pour dormir ne serait-ce que quelques heures, pour récupérer du mieux qu'il pouvait cet éprouvant voyage.

Il l'aida à se relever, comme si leurs fougueux baisers n'avaient jamais eu lieu. Ils marchèrent, l'un boîtant, l'autre l'attendant à son rythme. Les trois compagnons de voyage de Felix dormaient à poing fermé, ils devaient faire moins de bruit. Le rouquin aida le fils du capitaine à s'allonger confortablement, celui-ci le remercia, son regard était le même, fatigué, mais animé d'un passionnel sentiment. Felix s'installa à ses côtés, il se perdirent tous deux dans les yeux de l'autre. Il avait peur, pour des milliers de raisons. Il craignait que ce que Changbin lui avait avoué n'était dû qu'à la fatigue, à la folie dont il a dû être exposé durant des jours de solitude extrême. Il avait peur de ses sentiments, de ce qu'il pouvait faire par amour, du monde qui s'offrait à eux dès que quelqu'un découvrirait leur union interdite. Il se coucha tant bien que mal, torturé par tous ces changements et ses incertitudes.

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