Chapitre7⌛Dernier Quartier⌛
Dernier Quartier
"La fin du rêve"
???
" Journal de Jimin, Décembre 2015
Le paysage défile rapidement au travers des vitres de ce train, une vision en efface une autre, ne laissant qu'un faible souvenir à cette mémoire endormie qui ne s'habitue qu'au bout d'un certain temps . Cette boîte mécanique s'enfuit trop vite, l'homme ne la remarque que trop tard, une fois son long corps métallique élancée à toute vitesse loin devant ses yeux émotifs.
Contraint par les créations de Dieu, le monstre de boulons fait de son mieux pour affronter son ennemi de toujours, le vent, sans blesser ses inventeurs. Il doit souffrir seul des griffures de cet élément de la nature, ne pas parler de ses peines, retenir ses plaintes. Les hommes ne remarquent pas ses maux, ils pensent que le bruit assourdissant qui les accueille en pleine vitesse n'est qu'un effet scientifique, une théorie résolue. Jamais personne ne s'est penché sur les conséquences négatives du temps qui passe trop vite, des roues qui s'échauffent sur des railles usés prématurément. Plus vite, plus vite, plus vite, on veut toujours tout dans des délais trop courts.
Quand est-ce que l'homme se rendra compte de la dictature des aiguilles, de la manipulation des secondes, du despotisme des minutes ?
L'horloge mère n'est qu'un moyen de plus pour tenir les chiens du temps en laisse.
J'ai attendu dix-sept années pour apprendre que, finalement, je n'ai pas su comprendre les choses au bon moment, le train est passé sans même me laisser monter à son bord. Je vais mourir sans avoir vécu, je vais mourir sans avoir vu, je vais mourir sans rien connaître, parce que j'ai été un soldat docile qui n'a jamais su voir moins loin que l'avenir.
On se plaint de ceux qui ne voient que par le présent, qui ne voient pas venir l'avenir, c'est une erreur. Il n'y a pas plus belle humanité qu'une humanité qui se construit de jour en jour sans craindre le besoin , qui vit pour satisfaire sa joie plutôt que ses désirs illusionnistes.
Je voudrais retourner en arrière, non pas pour changer mon futur, mais pour interférer sur mon présent. Savourer, goûter, rire, vivre.
Être un Jimin libéré, capable de plus de fantaisies.
Un Jimin grandit."
...
Aucune fin ne se ressemble, si le petit garçon de mon roman s'en est tiré indemne, le petit oiseau de nuit, bientôt, ne chantera plus. La vie tournera la dernière page sans possible relecture, elle effacera les effluves joyeuses de cet enfant compromettant. Il est dangereux, encore aujourd'hui, d'écrire un livre trop différent, qui interroge plus qu'il ne le devrait, il est important d'en limiter l'usage. Jimin est cette œuvre qui dérange, cette lumière particulière, c'est pour cela qu'une encre noire tente de rayer ses chapitres, d'écrire sa suite. L'allié de la lune doit s'éteindre pour permettre au soleil de récupérer sa suprématie. Il ne faut pas mettre à mal ce système archaïque en place depuis tant d'années.
Une larme s'évade, suivie d'une autre, le déni ne me protège plus. Mes histoires sont devenues inefficaces, je n'y crois plus. Ma force s'est transformée en une faiblesse plus douloureuse encore. Jimin n'est pas mon invention, je ne peux pas diriger son destin, je n'ai aucune emprise sur ce qui lui arrive, je ne peux pas lui redonner sa voix, je ne peux pas le sortir de cette prison bienfaitrice, il est piégé dans cette réalité que j'ai tant fui.
Hier, ou avant hier, ou la semaine dernière, je ne sais plus, mon oiseau a été emmené à l'hôpital, plus pâle que jamais, le souffle court, le corps lourd, je n'ai pas eu besoin d'explication pour comprendre qu'il ne me restait pas beaucoup de lignes à écrire à son sujet. Bientôt, peut être lorsque mes paupières se fermeront avant de se rouvrirent de nouveau, Jimin s'en ira. Notre idylle se terminera à son commencement, emporté par la maladie, arraché par la vie, détruit par l'injustice. Lorsque je reprendrais une bouffée d'air, le sien se tarira, les machines sonneront, les médecins comprendront, ne prendront pas la peine de se dépêcher, des voix s'élèveront, et tu n'entendras rien de tout cela, la nuit que tu aimes tant t'envelopperas de son voile éternel.
Parfois, je me dis que tout cela n'est encore que le fruit de mes divagations, je me dis que ce n'est pas possible, que ce n'est pas toi qui es allongé, les yeux fermés, dans ce lit aux draps fraîchement sortis de la laverie. Je m'imagine encore que tu es loin, que tu continues cette petite farce qui n'en était pas une, que tu es en plein pèlerinage à la recherche de beaux paysages à me raconter. Jimin, je réalise, pour de vrai, je comprends, je suis réveillé, alors tu peux arrêter, tu peux manger pour retrouver tes jolies joues, tu peux reprendre tes petites habitudes, tu peux quitter ce lit et me crier un "Je t'ai bien eu !", je t'assure que je ne serais pas fâché.
Je ne sais pas, je ne sais plus, je ne suis pas certain d'être totalement conscient au final. Chaque clignement de mes paupières me transporte ailleurs, dans une autre pensée, un coup je suis lucide, un autre pris par l'illusion que tout ceci n'est que fictionnel. Où se trouve la vérité ? Qui la détient ? Existes-tu ? Mon mal me prive des derniers instants que je peux passer en ta compagnie. Tu es devant moi, je le sais, mais je ne te vois, ni t'entends distinctement, c'est comme s'il y avait un mur entre ma vision et ma raison. Tu sais, j'aimerais que tu ne sois rien de plus que ce personnage, j'aimerais te recroiser dans cette rue, te revoir avec ce bonnet que tu n'as pas pu mettre et que tu n'as pas pu réclamer par la faute de ta voix qui s'en est allée en première. Je voudrais tout revivre, encore, encore, encore et encore, même si cette douleur qui me comprime la poitrine doit revenir. Je suis prêt à gémir ma tristesse à l'infini si cela peut m'amener la certitude que nos vies se recroiseront. Jimin, tu sais à quel point je t'aime ? Je me sens crever à tes côtés, j'ai l'impression que c'est mon souffle qui se coupe lorsque ton aide respiratoire fonctionne un peu trop bien. Quand tu vomis, que tu tousses, ma gorge me brûle, mes boyaux se tordent, je me dis : "et si c'était la dernière?". La dernière de quoi au juste ? La dernière fois que mon innocence parle ? La dernière fois que je te vois ? La dernière fois que tu souffres ? Elles sont finies nos premières fois, ils ne restent que les dernières.
Derniers bisous, derniers sourires, derniers rires, derniers regards complices, dernières caresses, dernières possibilités de te confier mon amour immuable, dernières fois que j'entends le bip régulier des machines me prouver que tu es bien en vie, à mes côtés, que tu peines à rester mais que tu le fais pour moi.
Ma tête est une passoire, elle est inconsistante, y a plus rien qui me permet de connecter mes neurones ensembles. Dans un sens je suis pressé que tout cela cesse, ça m'est difficile de te voir aussi impuissant, mais dans un autre je voudrais prolonger les minutes, les heures, les jours, pour te garder plus longtemps près de moi, pour sentir ton odeur si singulière encore un peu, pour contempler tes jolies lunes si fatiguées. Jimin, je le sais, au prochain chapitre, à la prochaine page, tu ne seras plus une donnée valide, tu ne seras plus au présent, tu feras parti du passé, comme je le serais, comme tout le monde le deviendra. Je sais que le prochain point marquera ton trépas évident.
Jimin, on ne le dit pas assez, on ne pense pratiquement jamais à le faire savoir, on y songe pas suffisamment , on le remarque toujours trop tard, mais je t'aime, comme un fou, je t'aime et je ne me lasserai jamais de le dire.
Kim Taehyung aime Park Jimin, Park Jimin a aimé Kim Taehyung.
...
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