Chapitre cinq
❝ La torture interroge et la douleur répond ❞
Même s'ils sont différents, les Homonculus ressemblent aux humains en bien des points. C'est ce que certains chercheurs au courant de leur existence rêvaient d'expérimenter et ce que l'armée refuse. Ainsi, ils durent trouver une alternative afin d'assouvir leur soif de savoir. Avant que le laboratoire numéro cinq désaffecté ne soit détruit, Lust et Envy s'occupaient d'encadrer les scientifiques et les alchimistes à tour de rôle. Les chercheurs élaborèrent un plan pour neutraliser l'un des deux dès que possible et le hasard voulut que ce soit Envy.
Un soir, alors qu'il errait dans le laboratoire qu'il trouvait étonnamment vide, ils l'attrapèrent au détour d'un couloir et l'attachèrent avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit. On lui administra pour commencer une forte dose d'anesthésiant qui le calma à peine mais l'empêcha de se transformer. Il n'avait jamais envisagé la possibilité que son corps immortel intéresserait la science, qu'un jour, il serait le sujet d'une expérience : un simple cobaye. Sous ses hurlements, les chercheurs testèrent sa résistance à la douleur, l'entaillant d'abord avant de carrément le poignarder voire de lui couper certains membres ou doigts. Tandis qu'il se régénérait à chaque fois ils en conclurent qu'il ressentait comme un humain normal.
Par la suite, ils décidèrent de le droguer à forte dose, beaucoup plus que ce qu'un humain normal pourrait supporter, analysant chacune de ses réactions jusqu'à ce qu'il finisse par être engourdi. Il avait résisté à ce qui aurait entraîné une overdose à un homme normal plus de cent fois et il n'était même pas complètement dans les vapes. Ainsi, il fut gavé de substance alcoolisée, plusieurs dizaines de litres avant qu'il ne soit plus capable d'aligner deux mots correctement ou même d'hurler sous la douleur. Ils continuaient de découper petit à petit sa peau et sa régénération continuait d'agir mais lui, il ne savait même plus ce qu'il subissait ou pourquoi est-ce qu'il était là.
Les scientifiques le délaissèrent après trois longues heures, encore attaché à la table d'opération tout en prenant des notes. Il voyait le monde tanguer autour de lui, respirait fort et se sentait complètement affaiblie. Malgré ça, il réussit à défaire ses sangles au bout de quelques minutes, tombant mollement au sol.
Riful rôdait depuis un moment autour du laboratoire. Comme promis à Olivier, elle surveillait les faits et gestes des Homonculus, un plus en particulier. À vrai dire, sa surprise fut immense lorsqu'elle le vit sortir par la porte de derrière, pantelant et mal en point. Mais au lieu de le suivre, le général de division attendit qu'il s'en aille avant d'entrer à l'intérieur arme main. Elle n'eut aucun mal à retracer ses pas sur sol qui étaient juste un mélange d'eau et de sang. D'ailleurs, des traînées rouges apparaissaient parfois sur le mur ce qui l'intrigua : les Homonculus pouvaient saigner ?
Elle arriva dans une grande salle vide, mise à part la table d'opération en fer au milieu avec de nombreux ustensiles utilisés. Son regard dériva vers les sangles brisées et l'image d'Envy lui réapparut : il avait des marques rouges au niveau de son corps.
Riful serra les poings et rangea son arme dans son port. Elle n'eut aucun mal à deviner ce à quoi les chercheurs avaient pu s'adonner ici puis faire le lien avec l'état de l'Homonculus fut encore plus rapide. Elle s'accroupit devant un des seaux qui contenait un liquide semblable à celui qui constituait les traces de pas d'Envy. La brune y trempa son doigt puis le porta à ses lèvres avant de froncer les sourcils.
« Mix d'alcool... » murmura-t-elle en se redressant.
Des pas rapides arrivèrent dans son dos. Elle se tourna pour voir un homme en blouse blanche lui hurler qu'elle n'avait rien à faire ici mais Riful n'entendait plus rien. Elle faisait abstraction du monde autour d'elle et c'est interdite mais surtout énervée au fond qu'elle pointa son arme vers lui et tira simplement. L'homme s'écroula au sol, se vidant lentement de son sang tandis qu'elle sortit de la pièce, esquivant volontairement la flaque afin de marcher vers la sortie tout en retraçant ce qui avait bien pu se passer ici.
Elle se dirigea sur les pas d'Envy afin de le retrouver le plus rapidement possible. Riful ne chercha pas longtemps d'ailleurs mais elle ne fut pas moins surprise du lieu où il se trouvait : un bar assez fréquenté avec quelques chambres au-dessus qui se payaient à la nuit. Il était recroquevillé dans un coin avec un verre à la main, à même le sol.
La brune resta longuement figée à quelques tables de lui. Elle n'avait jamais échangé un seul mot avec lui, ni même des regards. Elle se doutait qu'il devait la connaître en tant que sacrifice humain mais à son contraire, Riful en savait sur lui bien plus que les autres à force de le suivre à son insu. Pas qu'il avait un côté qu'il ne montrait à personne, jamais il ne laissait quoi que ce soit transparaître mais elle avait su interpréter ses mimiques et même ses tics de langage pour qu'ils lui soient familiers. D'un côté, elle connaissait presque tout de lui mais à ce moment-là, elle ne s'était jamais sentie aussi étrangère à lui.
Tête dans ses genoux, il se servait du mur pour tenir ne serait-ce qu'assis. Lorsqu'elle avait demandé si quelqu'un habillé bizarrement traînait dans le coin aux passants, elle avait tout de suite eu des réponses. Que devait-elle faire ? Le laisser là était clairement une mauvaise idée mais d'après ce qu'elle avait vu, il avait été drogué ainsi que saoulé au point de ne plus connaître son propre nom. Ses questions cessèrent lorsqu'elle le vit rejeter sa tête en arrière, dévoilant sa gorge avec quelques-uns de ses cheveux qui y collaient à cause de la sueur — voire de l'alcool. Tout ce qu'elle put se dire c'était que même maintenant, il lui donnait des frissons.
Riful se ressaisit, ignorant l'ignoble sensation qui lui tiraillait les entrailles et s'approcha d'Envy, accroupie devant lui. Il ne semblait même pas la voir et elle en profita pour le saisir par le bras, le tirant vers elle et à sa plus grande surprise il se laissa faire. Elle put le relever afin de l'entraîner jusqu'au comptoir puis de l'asseoir normalement. Elle eut d'abord peur qu'il ne tienne pas assis mais au final, il le pouvait sans peine.
« Est-ce qu'il a payé ? » demanda Riful au barman qui la regardait déjà de haut en bas à cause de son uniforme de l'armée.
« Qu'est-ce qu'il y a, vous avez rien d'autre à faire que de traquer les gaillards ivres jusque dans les bars pour savoir s'ils ont payés ? » cracha-t-il avec véhémence. La brune le dévisagea pendant de longues secondes, pensant s'excuser avant de se stopper. Il était clair que cet homme n'aimait pas voir des militaires entrer dans son bar mais elle ne se dégonfla pas pour autant.
« Excusez-moi monsieur, c'est à moi que vous parlez ? » lui lança-t-elle en fronçant les sourcils. « Il me semble d'ailleurs vous avoir posé une question, refusez-vous d'y répondre ? » Elle sut qu'il regrettait ses paroles au moment où elle le vit déglutir. Il secoua simplement la tête et Riful sortit des billets de sa poche, demandant un second verre.
La situation lui semblait ironique. Elle se trouvait dans un bar qu'elle n'aurait jamais pensé fréquenter à côté d'un Homonculus qui se tenait la tête entre les bras sur le comptoir, complètement saoul, avec elle en train de boire. Il n'avait même pas dit un mot depuis le début mais elle ne se sentait pas gênée le moins du monde. Du moins, avant qu'il ne se redresse d'un coup, ayant bu tout son verre avant de presque tourner de l'œil, sa tête heurtant l'épaule de Riful.
La jeune femme sentit sa respiration se couper, tandis qu'elle terminait elle aussi de boire avant de le pousser afin qu'il comprenne qu'elle n'était pas un appui ni un mur. Il sembla comprendre le message assez rapidement.
« Qui t'es, toi ? Je sais qui t'es... » l'entendit-elle marmonner en posant son menton dans la paume de sa main. Il soupira longuement d'un air perdu, tentant de se souvenir où il l'avait vu mais c'était peine perdu avec l'alcool qui embrumait sa tête en plus de la drogue. Il ne s'était jamais senti comme ça, il n'aimait pas la sensation d'impuissance que ça lui procurait mais il était obligé de le subir.
« Doucement ! » s'exclama Riful. Il se sentit rattrapé alors qu'il tombait encore sur le côté, étourdi. Il entendait son cœur battre à travers sa poitrine, sentait son odeur qui enivrait ses narines et la douceur de sa peau qui agrippaient fermement ses bras. Envy releva la tête, distinguant son visage clairement sur l'instant, du moins bien mieux qu'avant. Il sut à ce moment-là qu'il la connaissait mais impossible de se rappeler de son nom.
La brune réussit à s'arracher des yeux de l'Homonculus pour essayer de le repousser une seconde fois, bien à sa place, avant de sentir sa main sur sa cuisse. Pas vraiment volontaire, tout ce qu'il faisait était s'accrocher mais il réussit à la faire frissonner. Elle n'eut plus la force de l'envoyer paître et le laissa en soupirant longuement tout en se demandant ce que, bordel, elle faisait.
Lorsque Riful se tourna, elle sentit une chaleur effleurer ses lèvres. Après observation, c'était Envy, bien trop proche et malgré le fait qu'il ne s'attendait pas à un tel contact, ses idées s'embrumèrent encore plus et avant que la jeune femme ne puisse faire un geste, il l'embrassa franchement. Elle écarquilla les yeux en essayant de le repousser mains posées sur son torse mais l'Homonculus attrapa ses poignets les plaquait à l'endroit où aurait dû figurer son cœur afin d'approfondir l'échange. De son bras libre, il laissa sa main gauche serpenter sous son haut qu'elle essaya d'arrêter vainement, frissonnante et lâchant des gémissements au travers de ses lèvres.
« Si vous voulez faire vos cochonneries, prenez une chambre ! » pesta le barman en fronçant les sourcils. Envy daigna se détacher de Riful et les deux dévisagèrent l'homme pendant de longues secondes.
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