Chapitre 9 - C'est quand le bonheur ??


Revigorée par sa séance spéciale chez la guérisseuse locale, Marie la policière, armée de son philtre d'amour "magique", était partie reconquérir son prince charmant, son amour de jeunesse perdu, son cher Pierre Rafeu. Elle voulait, d'une certaine manière, rallumer la flamme !!

Anna et François, de leur côté, étaient en plein extase dans leur chambre du "Jardin d'Eden", cet hôtel qui portait si bien son nom.

Leurs corps en sueur, leurs yeux brillants, leurs respirations saccadées ... ils venaient de consommer leur relation !

Comme pour Marie, la séance de Cindy avait ouvert des portes, et même brisé des murs, dans l'esprit torturé de François !
Sa métamorphose était en marche pour lui aussi. C'était un autre homme.

L'endorphine post-coïtale aidant, l'écrivain prodige était extrêmement détendu, comme jamais auparavant, et dans l'intimité et la ferveur de ce moment, quand souvent l'homme s'assoupit ou fume une cigarette, lui fut pris d'un élan poétique et romantique puissant.

Il saisit un stylo à bille sur la table de nuit, un bout de papier, et griffonna quelques lignes en deux minutes. Sur son visage défilaient toutes ses émotions : l'amusement, la créativité, le doute, la réflexion, puis finalement la fierté.

L'air décidé, il la fixa droit dans les pupilles et lui tendit son texte, sa confidence, sa confession, son poème, bref sa déclaration.

Intriguée, elle lut avidement les mots de son homme, qu'elle but comme un calice délicieux :

[Anna,
ma très chère Anna.

Tu es mon âme,
Tu es ma flamme.
Je veux que tu sois ma femme
pour la vie.

Je veux être ton homme,
Je veux être la pomme
dont tu as envie
à l'infini.

La seule que tu voudras croquer
dans ce verger,
La pomme rouge de l'amour !

Je veux rester là,
tout le jour,
toute la nuit,
collé à toi,
dans ce lit,
à t'embrasser
toute la journée,
et essayer de trouver,
enfin, le courage
de te demander ...
en mariage !]


Pendant sa lecture, son regard était concentré puis coquin, elle sourit finalement en plissant les yeux et les lèvres. Elle fit mine de le croquer de toutes ses dents en le regardant intensément.

Elle était transie d'émotion, surprise et conquise par ces mots, qui, comme les petites flèches de Cupidon, avaient atteint leur cible.

Son cœur était en pleine implosion nucléaire, au paroxysme du bonheur. L'homme de sa vie lui avait enfin demandé ce qu'elle espérait depuis longtemps. Elle put à peine répondre, la gorge nouée sous le coup de la trop forte émotion, mais elle ne voulait pas manquer cette occasion historique dans sa vie amoureuse. Elle trouva la force de lui montrer son enthousiasme et son bonheur infinis. Sa réaction le déconcerta.

Elle prit elle aussi un petit bout de papier sur la table de nuit et lui écrivit des petites lignes timides, comme un élève qui essaye d'impressionner son maître.

[ J'aime lire
les mots de mon poète,
qui joue de la lyre
sous mes fenêtres,
et qui, après l'amour,
comme un troubadour,
a encore assez de vigueur
pour m'écrire qu'il m'aime
avec des fleurs
et un poème !
Et je ne saurais dire non
à sa demande d'union !]

François en était bouche bée. Il n'aurait pas fait mieux ! Un grand sourire illumina son visage.

- Anna ... épouse-moi ! Je t'en supplie. Je ne peux pas vivre sans toi ! Tu es ma muse ! Ma moitié ! Ma perle rare ! Annaaaaaa !!!!

Devant son attente interminable, il réitéra sa demande plus posément mais avec humour, en souriant :

- Anna ? Veux-tu me "zépouser" ? Hi hi !

- Oooooooh ! François ! Mon amour ! Ouiiiiiiii ! Ouiiiiii ! C'est un grand oui ! Mille fois oui ! bien sûr mon chéri ! Je veux te "zépouser" comme tu dis ! hi hi ! C'est trop marrant ! Je veux te "zépouser" ! On va se "zépouser" !

Elle se mit alors à sauter toute nue sur le lit en chantant comme une enfant espiègle "on va se zépouser !", affichant sans vergogne sa plastique parfaite devant les yeux éblouis de son homme, qui bavait de désir comme le loup de Tex Avery devant Betty Boop !!

Cela fit valser aux quatre vents les stylos et les feuilles de papier, les mots d'amour et les serments.

- Grrrrr ! Je vais te manger ! Te dévorer tout crue ! lui dit-il.

- Oh ! Sois sage mon p'tit loup ! Je veux être ta femme François ! Je veux que tu sois le père de mes enfants ! Je veux vivre à tes côtés jusqu'à mon dernier souffle, mes derniers instants. Je t'aime pour la vie ! Je t'aime à l'infini ! Francois je suis folle de toi ! Je suis toute à toi !

- Je t'aime tellement Anna ! Je ne savais pas que tu écrivais et que tu parlais si bien. J'adore tes mots ! Je veux faire ma vie avec toi ! Tu es tellement magnifique ! Et tu me surprends encore aujourd'hui avec ta poésie. Je suis fou de toi. Je voudrais crier mon bonheur au monde entier.

- François, je veux des enfants de toi ! Plein ! Au moins deux ou trois petits louveteaux ! Hi hi ! Je les vois déjà courir partout en riant dans notre belle bibliothèque, notre super café littéraire, ou notre jolie bouquinerie chic ! Oh ! Je m'emballe ! Désolée. Je suis tellement heureuse ! Je dis n'importe quoi !

- Tout ce que tu voudras mon amour ! Nous serons entourés d'enfants et de livres dans notre super librairie ou café littéraire ou ce que tu veux. Et j'ai déjà pensé à un nom !

- Pour les enfants ??

- Non ! Ha ha ha ! Pour notre boutique ! J'ai pensé à lui donner comme enseigne :

"Des Livres ... et moi !".

Anna fronça les sourcils et retourna sous les draps.

- "Délivrez-moi" ? Mais tu n'es plus en prison ! T'as juste ce fichu bracelet électronique qu'on va bientôt t'enlever ! Tu veux qu'on te délivre de quoi mon amour ?

- Ah ! Si tu savais ! Il n'y a pas que ce bracelet ! J'ai tant de boulets aux pieds et tant de croix à porter! fit-il en regardant tristement le plafond.

- Oh mon pauvre petit cœur ! C'est pour ça qu'il faut que tu retournes voir Cindy ! Pour que tu oublies tous tes soucis et que tu sois complètement libéré !

-- Oui ! Tu as raison. Je retournerai la voir. Pour revenir au nom de l'enseigne, en fait, c'est un jeu de mots ! L'idée c'est que lire des livres délivre.

- Attends ? Quoi ? Redis-moi ça calmement s'il plaît ?! J'ai pas tout compris là !

- Hé bien ... l'enseigne " Des livres et moi " indique l'évasion, la liberté, le rêve, le voyage que peut procurer la lecture.

- Ah ouais d'accord j'ai compris ! La délivrance quoi ! ok ! Mais si on lit bien, on devrait dire "des livres zé moi " ! Avec la liaison ! Et là ça veut plus rien dire ! Excusez-moi, monsieur l'écrivain, je veux pas détruire ton idée dans l'œuf mais le lecteur qui lit bien et qui fait bien la liaison ne va pas voir le jeu de mots ni le côté liberté, évasion, tout ça ! Il va entendre le "zé" qui sonne super moche ! Il va lire " des livres zé moi" ! Et "zé" pense que "zé" pas très zoli ! Fit-elle en souriant d'un air moqueur.

- Hi hi ! Mais oui Mince ! Tas raison ! j'avais pas pensé à la liaison ! C'est vrai que toi, tu vois toutes les fautes, les "zérreurs", les trucs gênants dans les textes ! C'est ton côté "bêta-lectrice" ! Tu mets des "zé-ros" à tous les "zé-crivains" qui veulent faire des "zé-mistiches" ou des "zé-loges" ou encore des "zé-pitaphes" !

- Oh mais tais-toi donc idiot ! Je t'aime trop pour me fâcher avec toi ! Surtout maintenant ! Et arrête avec ce terme de "bêta- lectrice" ! Ça me fait trop penser à ma grand-mère qui me disait tout le temps "betassou" quand je faisais des bêtises !

Francois éclata de rire.

- Mais c'est dingue ! Mamou aussi me traitait de "betassou" quand je faisais l'intéressant !

- C'est une dinguerie ça ! fit Anna en commençant à sourire.

- Une pure "dinguerie" comme tu dis !

Et les deux amants, nus comme au premier jour de leur vie, comme Adam et Eve au Paradis, sous les draps encore chauds de leurs ébats, furent pris d'un fou rire irrépressible qui, comme leurs cris d'amour, fit trembler tous les murs de l'hôtel !

Ils ne se lâchaient plus des yeux. Ils se fixaient amoureusement, longuement, silencieusement, bêtement, pleins d'une niaiserie touchante, d'une guimauve romantique, d'une naïveté enfantine et surtout pleins des promesses d'un avenir radieux.

Anna, comblée, se remit à chanter dans sa tête son ancienne ritournelle :

"et les yeux dans les yeux ..."

François, lui, bizarrement, avait perdu le sourire. Il avait autre chose en tête. Un frisson lui parcourut l'échine. Une voix grave, puissante, animale, lui soufflait à l'oreille avec une lenteur diabolique :

"Elle porte ton enfant ! ...

... Ta mauvaise graine ! ...

... Alors tu sais quoi faire ! ...

... Tu crois vraiment que tu as les compétences pour être un bon père ? AH ! AH !

... Tu rigoles ! ...

... Tu vas juste reproduire les mêmes erreurs que le tien ! ...

... Tu ne peux pas continuer...

... Tu dois partir ! ...

... et la quitter ! "

Choqué, tétanisé, il tenta de rétorquer intérieurement :

" Mais je l'aime ! Je ne veux pas la quitter !! Elle porte mon enfant !?? C'est vrai ? Comment tu peux le savoir ! Mais c'est génial ! Je vais être papa ! "

Et la grosse voix d'outre tombe insista dans le cerveau contaminé du pauvre François. Elle martelait chaque mot dans sa tête comme le sabot d'un cheval fou, d'un cavalier de l'apocalypse, tout droit dorti des Enfers, qui frappait le sol et piétinait son âme.

"TU NE VAS PAS Y ARRIVER !

TU NE PEUX PAS Y ARRIVER !!

Tu dois tout arrêter !

Cet amour, cet enfant, tu ne les mérites pas !

Fuis ! Cours ! Ne restes pas là !

Tu n'es pas à ta place !

Vas-t-en tant qu'il est encore temps ! "

Cette injonction violente, insistante, redondante, qui venait du fond des abysses, du fond de lui-même, l'avait glacé, terrorisé, retourné, chamboulé.

Un effroyable conflit intérieur le dévorait, le rongeait sans jamais rien laisser paraître aux yeux de sa bien-aimée.

Il était en proie à des forces occultes, possédé par son démon intérieur, ou peut-être juste paralysé par le fait de toucher enfin du doigt le bonheur ultime.

Il était si près du but ! Il allait bientôt avoir un enfant et se marier avec la femme de sa vie, se libérer dans quelques jours de son bracelet électronique, toucher une grosse somme d'argent qui allait lui permettre de vivre heureux au milieu des livres comme il l'avait toujours rêvé. Son avenir était tout tracé.

Il avait peut-être juste peur de tout ce bonheur à venir et n'avait qu'une seule envie : le fuir.

Il aurait pu chanter Birkin : "Fuir le bonheur de peur qu'il se sauve" !

Anna continuait de sourire tandis que lui serrait les dents.

Cela ne présageait rien de bon ...

***

"C'est quand le bonheur ?

(Cali)

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