Chapitre 8 - Le philtre d'amour


Marie, pleine d'espoir et d'excitation, était arrivée très vite devant la porte rouge du cabinet de la "magicienne". Elle se voyait déjà renouer avec son ex, son super agent spécial, son "Pierrot" d'amour. Elle n'avait que ça en tête mais elle n'imaginait pas jusqu'où cette expérience mystique la mènerait et à quel point elle en serait transformée.

Elle n'eut pas le temps de sonner que Rodolphe, le rouge aux joues, lui avait déjà ouvert. Marie fut très surprise par le côté magique de son accueil mais aussi par l'expression de son hôte qui, malgré son grand sourire commercial de façade, affichait une émotion forte, un désir retenu, une excitation inappropriée qu'elle ne comprenait pas en de telles circonstances.

"Il a chaud ou quoi ? ... ou c'est le reflet de la porte ? ... Oups ! j'ai peut-être interrompu un câlin ..."

Marie se perdait en conjectures quand Rodolphe lui dit d'une voix bizarrement enjouée :

— Vous devez être Marie ! Moi je suis Rodolphe. Entrez mademoiselle ! Montez ! Attention à la marche ! Cindy vous att-

— Bonjour Marie ! Je t'attends depuis si longtemps, intervint la divinatrice qui était arrivée en courant, comme une enfant devant son cadeau de Noël.

Elle était pieds-nus et avait choisi de ne porter pour l'occasion qu'un boxer en cuir noir qui laissait apercevoir le bas de ses fesses et un débardeur d'un blanc immaculé quasi transparent qui laissait deviner la nudité de sa poitrine pulpeuse. Cela choqua quelque peu sa nouvelle cliente qui comprit l'état extatique de son homme et ses yeux brûlants de désir. Marie fut tellement surprise de cet accueil qu'elle faillit, malgré l'avertissement, glisser sur la petite marche de l'entrée ...

— J'ai tellement entendu parler de toi, lui fit amicalement l'hot-esse, j'ai l'impression de déjà te connaître ! Je sais pourquoi tu es là ma chérie ! Ton Rafeu, ton "Pierrot", il m'a tout raconté ! Viens avec moi ma belle ! Je sais comment résoudre ton problème !

Elle la prit par la main comme une enfant sans qu'elle put dire un mot et lui expliqua qu'elle avait mis cette tenue très sexy spécialement pour elle, pour lui montrer combien une femme pouvait être désirable si elle le voulait. Elle n'avait qu'à voir l'impact de sa tenue affriolante sur son Rodolphe ! Il n'avait jamais été aussi excité !
Marie était à la fois amusée, intriguée et séduite par ses mots, son énergie et son charme. Elle fut invitée à passer sans attendre au petit salon, qui avait été préparé spécialement pour l'occasion.

Des pétales de roses avaient été dispersés un peu partout au sol et sur le petit canapé, embaumant fortement la pièce.

Sur la table se dressait verticalement, majestueusement, dans un magnifique cadre doré en forme de cœur, une photo de son cher Pierre, jeune et fier en habit de policier, au garde-à-vous.
Juste à côté, dans un gros cendrier d'époque en verre carré, fumaient les cendres d'une de ses cigarettes.

Aux essences de roses et de tabac se rajoutait dans l'air la présence de son parfum. Les effluves enivrants et veloutés de santal et de musc embaumaient la pièce avec ses notes boisées et épicées, viriles et puissantes, qui le rendaient comme présent physiquement pour Marie, qui commençait à s'enivrer dans cette atmosphère chargée.

En fond sonore passait un air de musique rock, "Highway to Hell" de AC-DC, celui qu'il écoutait en boucle et le rappelait encore à sa mémoire.

Toute l'ambiance était posée et Cindy, en grande manipulatrice mentale, avait accordé beaucoup d'importance aux accessoires.

Il y avait sur la table, à côté du cendrier, des objets personnels de Pierre : ses cigarettes, son gant de boxe usé, sa vieille pipe en bois et sa manette de console de jeu X-Box.
Marie eut de suite le sourire à la vue de ces trésors et prit d'abord dans ses mains le gant usé, le contempla sous tous les angles et le caressa comme un fétiche du passé, une partie de l'être aimé, si loin et si proche. Elle se revoyait l'accompagner à chacun de ses combats sur le ring et trembler à chaque coup qu'il recevait. Son petit sourire nostalgique de plaisir ne la quittait pas.

Elle reposa délicatement le gant de boxe et prit ensuite la pipe en bois entre ses doigts fins. Elle se rappelait quand il la portait à sa bouche pour la faire rire en disant imiter son grand-père. Son sourire se fit alors de plus en plus large en se repassant dans sa tête ses moments avec lui. Elle reposa la pipe et fronça un peu les sourcils devant la manette de jeux, toute usée tellement il passait du temps tous les soirs sur sa console avec ses jeux de guerre et ses amis en ligne ! Elle en était jalouse ! Elle prit la manette fermement entre ses mains et commença à titiller les boutons et agiter les leviers dans tous les sens.

— Je n'ai jamais compris comment ça marchait ce truc ! Lui il avait l'air de savoir s'en servir ... et d'adorer ça !

Cindy réagit.

— Il te manque tellement ton Pierrot. Tu l'aimes et tu le désires à tel point que tu ferais nimporte quoi pour le reconquérir ! Tu es magnifique tu sais ! Et il t'aime encore énormément je le sais.
Ouvres-toi Marie ! Libères-toi de ton carcan ! Brise tes chaînes ! Deviens qui tu es vraiment ! Deviens celle qu'il désire !

— Mais comment ? demanda Marie à-demi somnolente qui commençait à être prise par l'ambiance travaillée ainsi que la logorrhée positive et répétitive de Cindy.

— Tu as cette femme en toi ! Cette fleur qui doit s'ouvrir et offrir son pistil aux étamines. Laisse faire la nature féconde.

— Mais comment ça ?

— Laisse juste sortir le petit vermisseau de sa chrysalide et devenir papillon. Qu'il s'envole pour pouvoir butiner la fine fleur à la rosée du matin.

— Je ne comprends pas !

— Ouvre toi à lui ! Fais-lui confiance. Laisse-lui les commandes.

— J'y vais mais j'ai peur !

— Je vais t'aider à affronter ça Marie. Pour cela, tu vas boire ce que je t'ai préparé. Un remède ancestral, une boisson magique qui va te rendre irrésistible pour l'être aimé, une sorte de philtre d'amour. Il devra en boire lui-aussi pour que ça marche ! Ce verre là, c'est pour toi, et la petite fiole, c'est pour ton Pierrot ! Ne la perds pas et assures-toi bien que ce soit bien lui qui la boive ! Lui, et pas quelqu'un d'autre, sinon c'est la catastrophe !

Cindy lui tendit son verre dans lequel brillait un liquide blanchâtre et poisseux, qui sentait fort le gingembre, la noix de coco et plein d'alcools forts mélangés.
Elle but aveuglément le breuvage, d'un trait, sans se poser de questions, mais si vite que le liquide visqueux coulait de sa bouche et tombait en perles brillantes sur sa poitrine. Elle sentit le fond de sa gorge brûler au passage du liquide, son cœur s'accélérer et ses yeux s'écarquiller ! Marie affichait un large sourire, comme comblée de satisfaction et pleine d'espoir. Elle prit un moment pour respirer, passa sa langue sur ses lèvres pour récupérer les dernières gouttes et se recoiffa sensuellement d'une main douce et légère. Elle releva fièrement la tête et ses yeux brillèrent d'un nouvel éclat. Une assurance et une force de séduction indestructibles l'envahissaient. Une nouvelle Marie était née ! Prête à tout pour reconquérir son amour perdu.

— Quel coup de fouet ! C'est trop bon ! Lâcha Marie.

— Un coup de fouet pour un coup de foudre, fit Cindy, fière de sa réussite et de sa phrase. Marie ! rien ne peut plus t'arrêter ! Pierre est à toi ! Vas-y fonces ma belle ! Va le cueillir comme la belle pomme rouge et juteuse du verger ! Va retrouver ton amour de jeunesse. Il n'attend plus que toi ! Tu as tout ce qu'il faut pour le croquer à pleines dents !

Rodolphe écoutait tout derrière la porte et lui dit :

— Tu utilises encore le coup de la pomme rouge ?

— Oh mais tais-toi nigaudouille ! Tu vas briser le charme ! T'y connais rien à l'hypnose et aux sciences occultes ! Arrête de m'espionner et laisse-moi travailler ! Sale commère ! Bon il faut réveiller la belle aux bois dormant ! MARIE ! MARIE ! lui dit-elle d'une voix forte, réveille-toi ! Récupère ton homme et séduis-le ! Va accomplir ta mission !

— Oui maîtresse Cindy ! lui répondit Cindy les yeux hagards.

La patiente voulut lui montrer sa reconnaissance éternelle et n'eut pas d'autre idée que ... de l'embrasser sur la bouche !

Cindy fut d'abord surprise, mais trouva la sensation si agréable qu'elle fit durer ce baiser fougueux un peu plus longtemps, en la serrant dans ses bras et en se collant contre elle comme une très bonne amie.

Rodolphe entra à ce moment là et surprit la scène, ce qui l'émoustilla encore un peu plus quil ne l'était déjà. Gêné, il voulut refermer la porte discrètement, comme un enfant qui aurait vu un spectacle interdit, mais Cindy le vit et lui lança :

— Roro !? Qui t'a autorisé a rentrer !? Tu t'es bien rincé l'œil !? Bon, calme tes ardeurs et encaisses la demoiselle et après tu la raccompagnes gentiment à la sortie. Merci. J'ai un autre client juste après s'il te plaît. Next !

— Tarif habituel ? Lança Roro

— Oui ! Bien sûr ! 300 !

— 300 ??!! T'es sûre ? Mais tu fais pas le tarif ...

— Tu as quelque chose à dire ? Tu discutes mes ordres !? C'est qui le patron ?!

— Non non ! Je ne dis rien ma douce princesse en sucre ! C'est toi la maîtresse des lieux, ma jolie Cindy.

— Mouais ! Je préfère ça !

La cliente paya son dû et emporta sa petite fiole magique avec toujours ce grand sourire aux lèvres.

Elle croisa en sortant le regard noir et plein de haine du nouveau client qui attendait son tour. Elle fut terrorisée et fila vite au coin de la rue.

Ce monsieur venait voir la divinatrice pour rechercher le meurtrier de son frère.

La maîtresse de maison ne se doutait pas qu'elle allait rencontrer le vrai visage du diable.

L'agneau allait rencontrer le loup...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top