Chapitre 4 - L'homme dans le miroir

La belle Anna était sûre d'avoir reconnu le monstre Gérard derrière la fenêtre du bar.

— Mais comment c'est possible ? pensa-t-elle. Il est tombé dans l'escalier, s'est planté son couteau dans le ventre et a cramé dans l'incendie ! Il n'aurait pas pu survivre à ça ! Mais comment j'ai pu le voir, ici, moi aussi ? C'est une hallucination collective ou quoi ? François avait l'air tellement convaincu que j'y ai cru ! Et maintenant je le vois partout ! Ohlala mais qu'est-ce qui m'arrive ? Je débloque ! Je dois me ressaisir !

Pendant qu'elle réfléchissait, elle aperçut un homme étrange, trapu, une capuche sur la tête, qui ressemblait un peu à celui qu'elle avait vu derrière la vitre ! Il était rentré dans le bar. Elle l'observa attentivement et vit qu'il se rapprochait discrètement de François et allait mettre ses mains sur lui !! Ni une ni deux, elle cria pour appeler Ponce et Rafeu, et sauta comme une lionne sur le dos de l'inconnu. Ponce lui mit des petites claques en émettant des cris aigus ! Quant à Rafeu, stoïque, il lui colla une grosse droite dans le visage ! L'inconnu s'écroula par terre, un peu sonné. Les gens s'écartèrent et le serveur demanda si ça allait et s'il fallait appeler la sécurité. Ce à quoi répondit Rafeu en enlevant la capuche du suspect et en découvrant sa figure :

— C'est nous la sécurité !

— Mais c'est pas GéGé du tout ! Rien à voir avec lui ! S'écria Anna. Mais c'est qui ce mec ? On y est peut-être allé un peu fort ! On aurait dû lui parler d'abord ! Mais qu'est-ce qu'il lui voulait à mon François ? Oh bon sang ! si ça se trouve il voulait juste un autographe !

— Oups ! Zut de flûte de crotte ! on a tué un de ses fans ! C'est galère ! Fit Ponce tout chamboulé.

— Mais il arrive dans son dos lui aussi, comme un assassin ! Il est louche ! Il n'a qu'à se comporter normalement ! déclara Rafeu. Moi quand j'ai un doute, je frappe ! Comme ça, je lève le doute !

— Oh mais t'es une grosse brute toi ! lui dit Ponce en le tapant de ses petites mains dans le dos.

— Et toi tu préfères le tapoter en lançant des petits cris ? C'est ça ton Tai-Chi !? c'est pas un sport de combat ça ! C'est plutôt du yoga ! Ha ha !, se moqua Rafeu.

— Les gars ! Regardez ! Il se réveille ! Fit Anna en allant le voir de plus près.

— Mais t'es qui toi bon sang !? Grogna Rafeu. Qu'est-ce que tu lui veux à notre ami ?! Tu voulais le tuer ?

L'homme se releva péniblement en se tenant la mâchoire :

— Punaise vous avez une sacrée droite agent Rafeu !

— Mais comment il me connaît lui ! C'est qui ce bonhomme ? demanda l'agent.

— Je suis Henri Dupas, éditeur indépendant. J'étais venu demander à "votre François" d'être son éditeur pour son prochain livre ! Je n'ai aucune envie de le tuer ! Au contraire ! Qu'il vive le plus longtemps possible l'auteur de 2 best-sellers ! On ne tue pas "la poule aux œufs d'or" !

À ces mots, les yeux de François s'écarquillèrent et son cœur fut sur le point d'exploser ! C'étaient les mêmes mots qu'avait prononcés Émile dans la librairie infernale en parlant de lui : "la poule aux œufs d'or" ! L'avait-il fait exprès ? Comment connaissait-il Rafeu ? Tout cela était un mystère, entouré d'un secret, emballé dans une énigme !

Henri Dupas s'expliqua un peu plus.

— Je voulais faire une surprise à François en arrivant derrière lui, mais j'ai vite été intercepté par sa garde rapprochée ! Si j'avais su qu'il avait des vigils, je serais arrivé face à lui et sans ma capuche mystérieuse !

— C'est le risque quand on se déguise ... pensa tout haut Anna

— Et pour vous répondre Agent Rafeu, continua Dupas, je vous connais parce que vous avez défrayé la chronique mon cher ! Vous êtes celui qui a arrêté le grand François ! Le plus célèbre "écrivain de l'ombre" ! Celui qui a survécu à "la cave de la mort" et aux "flammes de la librairie infernale" ! Celui qui a terrassé les deux "démons"; Emile et Gérard, unis dans le mal jusqu'à la mort !

Ces noms qui surgissaient du passé heurtaient François. Les médias avaient romancé les faits et donné des noms de chapitres de livre à des moments violents de sa propre vie. En somme, ils avaient écrit son histoire à sa place !

Anna, Rafeu et Ponce s'excusèrent de l'avoir maltraité. Lui s'excusa de son côté et proposa au grand auteur de travailler pour lui.
François lui répondit qu'il n'était pas en état de faire quoi que ce soit tant qu'il aurait son "boulet" au pied, et il lui montra son bracelet électronique à la cheville.

— Ah je comprends ! lui répondit l'éditeur. Ça c'est l'œuvre de la police ! Elle vous soupçonne encore d'avoir quelque chose à voir avec les deux morts ? J'espère que personne ne vous croit coupable. Non ! Vous n'y êtes pour rien ! Enfin je pense ! Bon, dès que vous êtes libre François, vous m'appelez ! Voici ma carte !

Il lui tendit une jolie carte de visite neuve, épaisse, cartonnée, d'un blanc coquille d'œuf immaculé, où étaient gravés en lettres d'or et en relief : "Les Éditions Dupas" et un numéro de téléphone.

Il fit honoré et lui promit de l'appeler au plus tôt. L'éditeur les salua et s'éclipsa.

— Mais moi, s'inquiéta Anna, je suis déjà en lien avec un éditeur pour toi mon chéri ! Il nous veut quoi lui, ce Monsieur Dupas ? Il va peut-être nous faire gagner plus d'argent...il a peut-être une plus grande distribution ... un plus grand réseau ...

À ces mots, les yeux d'Anna brillèrent de mille feux !

François n'oubliait pas pour autant sa vision cauchemardesque et cherchait encore du regard le revenant maléfique, le fantomatique Gérard.

— Hé ! Cria de joie Ponce ! T'as un éditeur François ! Il veut que tu travailles pour lui ! Va falloir lui demander le maximum ! Tu vas être millionnaire !

— Oui bravo mon grand ! lui lança Rafeu d'un ton paternel. Bien joué ! Good game !

— "Good game" ? S'étonna François.

— Oui ! Réagit Rafeu. C'est ce qu'on dit quand on joue en ligne et qu'on a gagné ! Allez ! Ça se fête mon Ponpon ! Allez François ! Lâche toi un peu ! Détends-toi ! Tu as du boulot toi au moins ! Nous, on est virés ! Allez ! On va boire à ta santé ! et il se mit à héler le serveur :

— GARÇOOON !?? TÉQUILAAAA !!

— Yes mon Pierrot ! T'es fou ! Mais je t'adore ! Téquilaaaa paf ! On va se mettre "paf" ! reprit Ponce tout guilleret. Allez mon François ! Avec moi ! Téquilaaaa !

— Non je ne crois pas que ce soit raisonnable...murmura François.

— Quoi ? Cria Rafeu ! J'ai rien compris ! Ponpon t'as compris ce qu'il a dit le gamin ? Allez ! Téquila pour tout le monde !

Et Rafeu commença à chanter et à danser : "Téquilaaaa ! Téquilaaaa ! Nous on aime la téquilaaaaa ! Allez François ! Viens boire de la téquila !"

Le serveur arriva :

— Et voilà ! 4 "Tek paf" !! Les citrons et le sel ! Ça promet une soirée mortelle !

Tout le monde bloqua net sur les mots du serveur...mais éclata de rire juste après !

— Mais Ponce, pourquoi on dit "Teq'paf" demanda le jeune écrivain innocent.

— Quand t'en bois trop, ben t'es "paf !" Non c'est très simple, expliqua Ponce, ton mini verre là, c'est un shooter avec de la téquila et du Schweppes tonic. On a chacun un quart de citron vert et du sel. Tu dois mettre du citron et du sel sur le dessus de ta main droite. Après, il faut que tu couvres le verre à shooter avec la paume de ta main gauche, que tu frappes le fond du verre sur la table (là ça fait le fameux "Paf" ! ) et tu le bois d'un coup ! Et après tu lèches ta main ! Hummmm !! J'adooore ! C'est super bon et ça te déboîte la tête !

— Mais j'ai pas envie de me déboîter la tête moi ! Pleurnicha François.

— Allez ! FRANÇOIS ! TEQUILAAAA ! cria Ponce avec une voix suraiguë.

Et les 4 amis frappèrent leurs verres sur la table en les recouvrant avec la main dans un grand "PAF !!!" sonore et groupé. Et ils burent d'une traite tous ensemble ! Sauf François qui renversa d'abord la moitié en faisant le "paf !" sur la table et le reste coula partout sur lui quand il voulut boire "cul sec". Puis ils léchèrent le citron et le sel sur le dessus de leurs mains. Bien sûr François mit trop de sel et trop de citron et fit une grimace extrêmement drôle.

Ponce en profita pour placer une petite phrase de provocation bien salace et drôle en léchant ses doigts et en regardant son Pierrot dans les yeux :

— Moi, ce que je préfère ... c'est lécher !

— Ooohhhh !! Ponpon ! Firent les convives choqués et amusés de tant de dévergondage outrancier.

Ponce commença à chanter des tubes des années 80 mais son état d'ébriété avancée le rendait extrêmement comique tellement il chantait mal ! Il massacrait avec beaucoup d'énergie "Partenaire Particulier" et " Macumba". Il adaptait aussi les paroles selon ses envies : il déformait "Elle a les yeux revolver" en "Il a un gros revolver" en pointant du doigt son Rafeu d'amour ! Ça devenait gênant.

Rafeu l'épingla :

— Ponpon mon chéri ... je crois bien que t'es "pompette !"

Tout le monde éclata de rire de ce bon jeu de mot quand les téléphones de Anna et de François sonnèrent. Chacun reçut un message automatique de la police par rapport aux horaires à respecter avec leurs bracelets électroniques. Ils devaient rejoindre au plus vite leurs domiciles sans quoi ils seraient "considérés comme hors la loi" et écoperaient "d'une incarcération forcée immédiate".

Le message était sans appel. Ils devaient rentrer illico.

Ils firent lire leurs messages aux deux policiers pour leur faire comprendre qu'ils regagnaient leurs pénates contraints et "forcés". Ponce leur envoya des bisous de loin en titubant et Rafeu souhaita aux deux tourtereaux de prendre garde et de bien rentrer.

Anna regardait François avec beaucoup de désir. Elle lui proposa de désobéir aux ordres et de venir dormir chez elle, mais lui refusa, prétextant que cela les conduirait à un endroit où il ne voulait plus retourner. Elle comprit et abdiqua. Son premier vœu se solda par de la frustration mais elle pensa : "ce n'est que partie remise ! demain tout sera réglé et je pourrai enfin vivre avec lui !"

Elle prit l'initiative de se jeter fiévreusement sur lui pour lui asséner un baiser très long, et très mouillé, au goût d'agrume iodé, qui laissa François surexcité comme un adolescent pré-pubère à une boum de lycée après un smack !

Anna éclata de rire en voyant sa tête, contente de ce qu'elle avait provoqué chez lui, et le laissa là, au coin de la rue, tout pantois et tout serré dans son pantalon !

Elle courut vers son bus et il aperçut sur son sac deux lettres "G" majuscules qui s'entrecroisaient en un seul sigle. Cela refroidit d'un coup ses ardeurs et fit retomber ses afflux de sang. Il eut un choc !

— "G.G." ? pourquoi elle a un sac avec "GG" écrit dessus ? C'est encore un coup du sort !? Un message du destin ? Ou juste du sadisme pour me faire souffrir !?

Il chercha son bus et marcha un peu seul dans les rues sombres...il reçut un texto de Rafeu :

[c'était une belle soirée ! Et bravo pour l'éditeur ! GG ! 👍]

"Quoi !?? Encore ces deux lettres ! Pensa-t-il Mais c'est quoi ce message ! C'est quoi cette insistance du sort ! Ça veut dire quoi bon sang ? Qu'il est vivant ? Qu'il va me trouver et me tuer ?! Pourquoi deux G ? Il y aurait deux personnes avec G comme première lettre de leurs prénoms ? Mais je ne connais que Gérard !"

"Cette histoire va te rendre complètement fou" se permit sa petite voix qui revenait, elle aussi, d'entre les morts !

François se perdait entre dialogues intérieurs, conjectures farfelues et masturbations cérébrales. Il avait atteint son arrêt de bus. Il attendit un long moment. Dans le silence de la nuit, des bruits de pas lointains, légers et furtifs se rapprochèrent. Ils semblaient maintenant tout proches mais avec les échos qui renvoyaient les sons dans tous les sens, il ne pouvait déterminer leur position. Il commença à sentir son stress monter, sa gorge se nouer, sa bouche s'assécher et son souffle se raréfier.

Soudain, il vit une ombre filer au coin de la rue. Son coeur fit un bond dans sa poitrine. Un bruit de talons de femmes qui claquaient sur le bitume le rassura.

— Ce n'est rien ! Tout va bien ! murmura-t-il.

Son bus arriva. Il allait monter quand, soudain, un inconnu surgit de nulle part et se précipita à l'intérieur en bousculant François. Son visage était camouflé sous une casquette. Il partit vite s'asseoir au fond du bus vide. François était tétanisé. C'en était trop pour lui. Il sentit arriver une grosse crise foudroyante de panique. Il essaya de la contrôler. Il tenta de respirer profondément, tranquillement, et trouva, contre toute attente, une technique qui allait se révéler très efficace.

Il s'assit calmement à l'avant du bus, souffla lentement ... très lentement pour évacuer tout l'air de ses poumons ... pour vider la moindre petite alvéole jusqu'au bout.. pendant de longues secondes. Il se concentrait uniquement sur sa respiration. Rien d'autre n'occupait son esprit. Il arrivait enfin à faire le vide dans ses poumons comme dans sa tête. Il resta un moment sans inspirer ni expirer. Bref en apnée.

Quelques secondes...1...2...3...4...

Ensuite il prit une grande inspiration, très profonde...
pendant de longues... longues secondes encore où il faisait rentrer un nouvel air neuf et frais dans ses poumons jusqu'à ce qu'ils soient pleins, remplis à ras bord, prêts à exploser !

...1...2...3...4...

Longues secondes où il eut l'impression qu'il visualisait le trajet de l'oxygène qui pénétrait et ranimait chacune des cellules de son corps, comme une eau propre et limpide vient chasser une eau sale et croupie. Comme un nettoyage intérieur, un décrassage, une renaissance.

Puis, une fois ses poumons remplis d'air frais, il rebloqua encore sa respiration. Longues secondes encore où rien n'existait pour lui que le temps...

1...2...3...4

Puis il expira doucement, en prenant tout son temps.

Un petit poème lui vint alors à l'esprit :

[Des alvéoles
de ma cage thoracique,
s'envole
l'air toxique.

Quand mes poumons
sont gonflés à bloc,
Je me sens solide
comme un roc.

De mon esprit,
je chasse les soucis,
Comme les souris
De mon taudis.

Je suis un Nouvel Homme
Qui prend le pari
D'affronter la vie,
Comme une comédie,
Ou un cirque Barnum.

Quand je sens de la gêne,
Je change d'oxygène !
C'est dans mon sang,
C'est dans mes gènes !

Quand l'air est impur
Je dois chercher l'azur
Je dois m'aérer
dans des courants d'air frais,
Respirer et souffler
Sur ce monde imparfait,
et faire s'envoler
Ses impuretés.]

Sa séance improvisée de respiration et de méditation était très proche de l'auto-hypnose. Cela dura une éternité pour lui, mais en réalité seulement quelques petites minutes.

Il avait chassé sa peur et son mal-être juste avec du vide et de l'air ! Il était ravi comme s'il avait gagné un combat, une bataille contre lui-même, contre ses démons et ses faiblesses.

Il sortit de sa bulle de protection et reprit alors conscience de la situation dans ce bus de nuit : du danger éventuel imminent, de ce passager bizarre au fond du bus, de l'image de Gérard derrière le carreau qui lui revenait en mémoire, de cet homme aussi qui était arrivé derrière lui pour le surprendre, qui se disait éditeur et qui avait l'air d'en savoir beaucoup sur lui ... Toutes ces images tournaient en boucle dans sa tête. La paranoïa le guettait et s'était peut-être même déjà emparée de lui. Mais il tenait bon. Sa séance de respiration contrôlée l'avait "regonflé à bloc" comme il disait !

Il cherchait un miroir dans le bus, une vitre, un reflet quelque part pour voir la menace derrière lui sans tourner la tête. Le métal de l'affiche en face de lui allait lui servir. C'était parfait ! L'homme louche était tapi dans l'ombre, tel une bête prête à bondir, enfoncé tout au fond du bus il regardait, fixement semblait-il, sans en être vraiment sûr avec ce reflet flou, dans la direction de sa jeune proie sans défense. François avait la désagréable impression que sa dernière heure avait sonnée !

Soudain l'homme se leva.

Il s'approcha très vite de François. Il arriva à sa hauteur, s'arrêta ...

...là François ne respirait plus ...

...puis l'homme continua et arriva devant les portes du bus qui s'ouvrirent quand le bus stoppa. Le passager mystère sortit simplement et disparut dans la nuit.

François se sentit soulagé. Il était seul, peut-être, mais sans aucun tueur ou zombie vengeur à ses trousses !

"Ton imagination te perdra ! Elle te joue des tours ! Tu te rends malade pour un rien ! Hin hin hin ! " ricanait dans sa tête sa vilaine petite voix grinçante, son démon intérieur.

Il reprit espoir et se dit : "demain je récupère mon chèque et après, avec Anna, on se fait enlever ces maudits bracelets ! Ça n'a que trop duré. On mérite la liberté !"

Son téléphone vibra. C'était un texto de Ponce :

[Coucou mon chou 😊 je t'ai pas dit mais je pense que t'es "HPI" ! T'en as toutes les caractéristiques mon biquet ! Bisous 😘 Kiss 🥰 love ❤ bye-bye 👋 nous on s'éclate encore un peu ! 🥳🍻🥂🍾 On a plus que ça à faire ! 😥]

Ce message fit sourire François et lui remit du baume au cœur. Mais il se demandait ce que signifiait "HPI" :

- Hyper Parano Introverti ?? ... Humain Presque Irréel ?! ... Horrible Pervers Immonde ?!!! Non ! je dis n'importe quoi ! Je chercherai le sens sur Wikipedia quand je serai rentré ! Encore un mystère à résoudre pour Sherlock Holmes !" Se dit-il pour plaisanter.

Il regarda alors par la fenêtre du bus. La pluie commençait à tomber et les pâles lueurs des réverbères éclairaient à peine la rue. Il fit d'abord surpris par un premier camion sur lequel on pouvait lire "Hellfest" (la fête de l'enfer), puis un autre à la suite avec une tête de diable , puis un troisième où était inscrit "Delmond", que François lut "Démon". Était-ce une annonce d'un malheur à venir ? Une menace ou juste une simple coïncidence ?! François recommença à gamberger comme un fou ! Son angoisse maladive et sa peur se réactivèrent aussitôt.

— Il faut que je reste sur mes gardes ! Se dit-il.

Le bus s'arrêta. François descendit et marcha un peu quand, dans le lourd silence de la nuit, un grincement devant lui le fit tressaillir !

Un chat noir sortit d'une poubelle et traversa la route devant lui en lançant un miaulement strident et agressif . Son cœur manqua de s'arrêter !

"Pff ! Ce n'est qu'un chat !" se rassura-t-il

Il rentra enfin chez lui et se dit :
"Home sweet home ! Enfin en sécurité ! tranquille !! "

pensait-il ...

***

Anna, de son côté, était bien rentrée. Elle ne pensait pas avoir été suivie mais, par moments, elle entendait des bruits suspects près de chez elle, comme si quelqu'un marchait sur sa terrassse ... et même une fois, elle crut que quelqu'un chercha à ouvrir sa porte. Elle se leva. Regarda par sa fenêtre et crut voir une ombre se camoufler derrière un buisson, mais dans cette obscurité, les "ombres" étaient légion. Difficile d'être sûr de quoi que ce soit.

Très inquiète, elle passa une nuit très agitée. À 2h du matin elle commença à écrire un texto à François :

[François, je crois qu'il y a quelqu'un de suspect dehors. J'ai peur.]

Elle ne l'envoya pas pour ne pas l'inquiéter et lui déclencher une crise mais, avec la fatigue, elle fit une mauvaise manipulation et lança un appel, qu'elle arrêta immédiatement en espérant qu'il ne l'eut pas vu, ni reçu. Elle préféra camoufler cet appel manqué par un texto positif :

[Dors bien mon chéri ! A demain ! Je t'aime. ❤❤❤]

Après elle vérifia que chaque porte, chaque fenêtre et chaque volet soient bien fermés. Elle mit son alarme de maison en marche - ce qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps - et essaya de dormir.

Elle ne put dormir que de 2h30 à 7h du matin.

***

François, dans la nuit, ne se sentait finalement pas si tranquille et détendu. Il voulut lui aussi écrire à sa bien aimée mais pour ne pas l'inquiéter ou passer encore pour un fou avec des "visions" ou des "hallucinations", il n'en fit rien. Son téléphone vibra. Il vit que cela venait d'Anna...il lut son message et répondit simplement :

[Bonne nuit mon amour.
J'ai hâte qu'on se retrouve enfin
et qu'on vive pour toujours
Un amour sans fin 😘]

Les rimes lui venaient naturellement.

Plus tard, dans la nuit, comme il ne dormait pas, il écoutait dans le silence chaque bruit suspect. Il crut entendre des pas devant sa porte, des bruits de poignée que l'on tourne, et des crissements de chaussures sur le sol.

"Impossible d'entrer ! pensa-t-il. Il faut passer la porte d'entrée du bas avec un code. Mais si ça se trouve, ils ont vu mon code ! Ils sont dans l'immeuble !"

Les yeux embués de sommeil, la démarche vacillante de fatigue, Il s'approcha de sa porte d'entrée discrètement, dans le noir, sans faire aucun bruit. Il vit des ombres bougeaient dans la lumière du couloir. Il perçoit le bruit d'une respiration rauque juste derrière... Soudain sa poignée descendit ! L'inconnu chercha à rentrer ! François, au paroxysme d'une peur tétanisante, osa coller un œil par le judas. A ce moment, la minuterie du couloir s'arrêta. Il eut juste le temps d'entrapercevoir son visage. Il crut reconnaître - encore et toujours - le visage de GéGé, le "monstre" du passé !!
... Puis il entendit :

— Ah ! Merde ! C'est pas vrai ! connerie de minuterie ! J'y vois plus rien ! Bordel !

C'était son voisin de palier, un peu éméché, qui râlait dans le couloir, juste derrière sa porte !

François gloussa de rire et se détendit.

Lui ne ferma pas l'œil de la nuit.

***

Le Lendemain, il se leva à 8h, avant le soleil. Il partit à la banque et arriva à 8h30 alors qu'elle n'ouvrait qu'à 9h ! Il voulut être le premier à entrer, trop pressé d'en finir avec cette affaire de justice. Il fut en effet le premier reçu par la banquière mais fut vite éconduit : il fallait prendre rendez-vous ! Ce qu'il fit pour dans ... 3 jours, à 14h !!

François, très déçu mais impuissant, dût s'y résigner !

Il envoya immédiatement un message à Anna, l'informant qu'ils devaient garder leur fichue contention encore 3 jours ! tant que leur dette n'était pas réglée.

"J'ai 3 jours à tuer" lui dit-il pour plaisanter dans son message.
Anna se moqua et lui répondit qu'il n'allait "tuer personne pendant ces trois jours !"

François en profita pour lui demander ce que signifiaient les deux "G" sur son sac qui l'intriguaient beaucoup. Elle lui répondit simplement que c'était la célèbre marque "Gucci" ! "GG" c'est Guccio Gucci.

— Gucci c'est son nom et Guccio c'est juste son prénom !, plaisanta-t-elle encore. C'est tout ! Lui dit-elle ! Et rien à voir avec ton méchant mais défunt "GéGé" !

Ponce appela François et lui demanda s'il avait pu avoir son chèque et payer sa dette. François lui refit la blague des "3 jours à tuer ! ."

— "Oh mon dieu ! mais tu veux tuer qui pendant trois jours !!??" S'exclama Ponce.

François entendit Rafeu au téléphone derrière lui qui lui disait :

— Mais c'est une expression, nounouille ! "Tuer le temps" ! tu connais pas l'expression ?!

Le couple gai se disputa une fois de plus. Et François fut très amusé.

Ponce demanda au jeune écrivain de venir avec Anna au café en bas de chez lui pour "tuer le temps" mais ensemble !

Ils s'y retrouvèrent tous les 4 .

C'était le café où la mère de François allait picoler de longues heures. Ces souvenirs douloureux remontèrent à la surface comme une bulle de gaz toxique d'une mare infectée.

François en parla un peu à Ponce, qui le consola aussitôt en le prenant dans ses grands bras maigres.

Rafeu voulut le distraire en proposant une occupation :

— Bon, cet exorciste, on va le trouver ?

— Mais c'est pas un exorciste, s'énerva Ponce, c'est un hypnotiseur ! Un roi de la méditation et de la transe régressive ! T'y connais rien gros nigaud ! Oui allez on y va ! C'est pas loin ! C'est à deux arrêts de bus !

Ils y allèrent tous les 4, bien décidés à se frotter aux forces occultes et aux démons intérieurs.

Dans le bus, François posa la question qui le taraudait :

— Ponpon ? C'est quoi un HPI ?

— Oh ! Mais pas besoin d'être "HPI" pour être transcendé ! s'exclama Ponce, sinon ils auraient personne !

— Mais qui ça "ils" ?, fit Anna

— Cindy et Rodolphe ! répondit l'agent décomplexé. C'est un couple d'amis qui vous ressemble un peu, physiquement. Ils étaient aides-soignants avant et ils en avaient marre de répondre aux sonnettes des malades, de changer leurs couches, de les faire manger et de rien leur apporter de plus ! Du coup ils ont tout plaqué pour ouvrir un cabinet d'hypno-
thérapie !

— D'hypno...quoi ?? s'étonna François.

— C'est de la thérapie par l'hypnose ! Expliqua Rafeu, très sérieux. Ils pratiquent l'hypnose régressive spirituelle transpersonnelle ! De La "DMS- EMDR" et du "PNL" ! T'inquiète pas ! C'est des mots barbares mais ça fait pas mal ! On l'a fait Ponpon et moi ! Et maintenant, on est des hommes neufs ! Révélés ! Transcendés ! Hein mon Ponpon ?!

— Ouiiii ! on est "libérés ! délivrés !", cria Ponpon dans le bus.

— Alors ... allons-y ! j'ai hâte !s'écria François tout excité...

*****

(Ce qu'il ne savait pas, c'est que cette expérience allait ouvrir la cage de la bête qu'il avait à l'intérieur et devenir catastrophique et destructrice pour lui et pour son entourage.

"Qui ne tente rien n'a rien".
Certes. Mais des fois il vaut mieux
ne rien tenter.

Il aurait peut-être vraiment dû aller voir un exorciste !

Allez ! N'ayez pas peur ! Ça va bien se passer ! "Montez !")

😱😱😱

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