Chapitre 39 - À la recherche du livre perdu
François retournait donc à son ancien logement pour retrouver ce livre précieux.
Il eut la désagréable surprise de voir son domicile visité comme celui d'Anna.
Le voleur, et il savait qui c'était, cherchait ce livre obstinément.
Il regarda vite fait s'il ne lui manquait rien, sachant déjà que le "cambrioleur" n'était venu que pour une seule chose. Il ne lui manquait rien. Tout son petit bazar d'avant était là, sens dessus dessous. Mais y avait-il vraiment un sens au départ.
Il se perdait, en regardant son foutoir, dans ses souvenirs, tendres et douloureux en même temps. Il était si bien dans son huis clos livresque, son abri du monde, mais si mal, seul et triste.
Ses sentiments l'envahissaient, se mélangeaient en lui comme la douceur de l'huile et l'acidité du vinaigre. Mais les deux liquides, non miscibles, ne faisaient que se dissocier. Ce mélange hétérogène l'amenait presque à une scission de lui-même. Une partie de lui pleurait presque de voir son ancien mal-être et son abandon de tout. Et l'autre partie regardait son ancien monde d'un regard distant, méprisant et fier. Il avait été ce garçon timide, fermé, isolé, et triste. Mais il était maintenant un écrivain reconnu, un futur propriétaire d'une librairie, et un futur papa avec une femme divine.
Il ne pouvait que se réjouir du chemin parcouru, mais des larmes vinrent quand-même noyer ses yeux.
Il avait avancé, mais il sentait encore à ses pieds, comme des chaînes, le poids de son passé.
Sa petite sauveuse intérieure intervint :
"François, mon grand, je sens une grande peine en toi, un énorme effondrement intérieur. Ce décor était le tien il n'y a pas si longtemps, et il t'a tellement servi. Il t'a protégé, il t'a nourri, il t'a réconforté. C'est de là que tu viens, par là que tu es passé. Et c'est ce qui a fait de toi ce que tu es. Tes livres sont là. Ils ont toujours été là, promesses de voyages intérieurs, découvertes d'autres vies, d'autres mondes et d'autres époques, pleins de sagesse comme de folie. Ils ont été la source vive de ta connaissance de l'autre, de tes références, tes citations ou tes pensées. Ils ont été les marches que tu as gravies une à une pour monter l'escalier de la vie et du savoir. Ils t'ont aidé à grandir. Tu leur dois tant..."
"Oui... je sais. Tout ce que tu dis est vrai. Et j'aurais pu me faire ces réflexions moi-même... mais je me sens si triste, je ne sais pas pourquoi... j'ai tout pour être heureux pourtant... mais je me sens, comme tu dis, effondré, lui répondit-il.
"Assis-toi, allonge-toi même au milieu de tous ces livres par terre. Repose toi, ressource toi, recharge ton énergie vitale par le contact de toutes ces pages...laisse rentrer le flux en toi. Reconnecte-toi à ce que tu aimes...respire...pense à faire de grandes respirations profondes... écoute les bruits autour de toi... de cette ville qui grouille et qui s'agite... tu ne peux pas les arrêter... écoute maintenant les battements de ton coeur...essaie de les calmer... ça tu le peux...respire... repose toi... François... tu en as besoin..."
François, en auto-hypnose, complètement détendu au milieu de son salon, allongé sur un sol recouvert de livres et de journaux, s'endormait à moitié. Il ne sentait plus de peine ou de douleur. Il était juste un morceau du monde, une pièce de ce puzzle gigantesque, une goutte d'eau dans cet océan.
Cette mise à distance, cette relativisation, lui avait fait du bien, l'avait soulagé de son mal-être, lui avait enlevé un poids immense.
Au bout de quelques courtes minutes dans cet état, il se leva d'un bond et se mit à ranger tout son appartement comme il l'avait déjà fait auparavant.
Une énergie extraordinaire lui coulait dans les veines. Il se sentait plus léger, plus fort, irrésistible. Un homme neuf, rechargé, revigoré.
Il rangea en deux-deux son ancien petit logement puis, serein, se fit un café.
Il le but tranquillement. Et il recommença à cogiter, mais c'était de l'analyse, de la réflexion. Il était de retour dans le moment présent.
"Pourquoi il veut ce bouquin à ce point-là ? Qu'est-ce qui peut tant l'intéresser dans un vieux livre à moitié cramé ? Est-ce que c'est un souvenir pour lui ? Un vestige de la bibliothèque brûlée ? Ce n'est qu'une valeur sentimentale alors ? Y aurait-il dans ce livre un message ? Un code ? Une lettre entre deux pages ? Il faut que j'en ai le coeur net !"
Il était reparti en conjectures et se rendait compte surtout que le fameux livre n'était pas chez lui.
Il se repassa les scènes pour essayer de se rappeler la chronologie des événements après l'incendie.
"OK ça a cramé ! et juste avant de m'enfuir des flammes j'ai vu ce livre sur une sorte de présentoir, comme un livre à part, une édition rare, ou une exposition particulière. C'était marqué Anna Karenine alors, évidemment, ni une ni deux, je l'ai sauvé du feu. Certains sauvent le chat, moi je sauve Anna !"
"Très bien, susurra Cindy, et tu as fais quoi après ?"
"Après y a eu l'hôpital... je l'avais dans mes affaires à l'hôpital j'en suis sûr... après y a eu Rafeu qui est venu m'interroger et je me suis enfui avec Anna..."
"Et tu avais le livre avec toi ?"
"Je pense que oui, en fait j'en sais rien. J'y pensais plus à ce bouquin. Je ne pensais qu'à fuir la police."
"Et tu es allé où après l'hôpital ?"
"Chez Mamou !"
"???"
"Chez Mamou et Papou ! mes grands-parents !"
"Alors le livre tant recherché est là-bas !" affirma la voix de la guérisseuse.
- ALORS C'EST REPARTI ! JE RETOURNE CHEZ MAMIE ! cria-t-il tout haut au milieu de son salon, le sourire aux lèvres.
A peine franchi la porte, son téléphone vibra, c'était Anna.
Il décrocha tout en descendant les marches :
- Anna ça va ?
- Non ! Pas du tout !
- Mince ! Pourquoi ? T'as vu le banquier ?
- Oui. Il nous refuse le prêt !
- Ah merde c'est pas vrai ! Pourtant on avait un dossier en béton.
-Ouais...je suis deg....il m'a dit que c'était bien beau de rêver mais qu'il fallait avoir les pieds sur terre...
- Quel con !
- C'est clair. Ah oui il m'a dit : <<vous n'êtes même pas mariés, vous êtes enceinte, et vous ne travaillez pas tous les deux ! Je ne prête pas d'argent à des va-nu-pieds !>>
- Des va-nu-pieds ? Il a dit des va-nu-pieds ? Quel con !
- Yes et il m'a dit que <<tes petits romans ne payent pas un loyer !"
" Mais ça achètera un château ! se permit la petite voix intrusive.
- Quel con, répéta François.
- Ouais j'ai le seum ! lâcha Anna.
- Bon, écoute, moi, de mon côté je n'ai pas trouvé le livre chez moi, enfin dans mon ancien appart.
- Ah flûte ! Mais c'est quoi ce bouquin qu'il cherchait le voleur ?
Le Codex Sassoon ? La fameuse bible hébraïque millénaire qui vaut 38 millions de dollars !?
- Non...heu.. j'ai pas ça !
- Le Codex Leicester de Léonard de Vinci alors ? Il a été acheté par Bill Gates 30 millions de dollars !
- Non c'est pas ça non plus ! Dis donc, tu t'y connais en livre chers ?
- Ben tu sais mon cœur, c'est un peu mon métier les livres ! J'ai quelques connaissances ! Mais alors c'est quoi ce bouquin qu'il cherchait ce voleur ?
- Le "voleur" comme tu dis, c'est le frère de GéGé.
- Encore lui ?
- Oui ! Encore lui, il nous courait après pour nous tuer. Et maintenant il cherche le livre Anna
- D'accord mais quel livre ?
- Anna je t'ai dit ! il cherche le livre Anna.
- Mais arrête de répéter mon prénom !
- Mais c'est Anna ! Le livre de Tolstoï ! Anna Karenine !
- Ahhh ! OK OK OK ! Mais il fallait le dire tout de suite ! T'es relou des fois mon chéri !
François préfèra ne rien répondre à ça. Il l'informa juste de la suite des événements :
- Mon amour, essaie de voir comment on peut récolter 400.000€ ! Je dois aller voir Mamou et Papou. Le livre est chez eux. J'ai une idée de comment l'utiliser si je le trouve. Bisous !
- Mais comment tu veux que je trouve 400 000 € ! Il est fou lui ! L'argent ça pousse pas sur les arbres !
- Alors commencer à chercher des idées de déco pour notre librairie-café ! On va l'avoir ! On va y arriver ! Et je sais comment !
Il racccrocha alors qu'il arrivait à l'arrêt. Il attendit un peu, puis s'engouffra dans un bus, vérifia l'heure, et s'assit en attendant d'arriver à destination, le regard confiant, le sourire figé de quelqu'un qui a un plan....
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