Chapitre 30 - Vers la Victoire !

Le soir tombait sur Bordeaux.

Pendant qu'Anna, captive, regardait tristement les lumières de la ville du haut du 5ème étage du Burdigala, François arrivait sur la place de la Victoire.

L'endroit scintillait de lumières et vibrait de monde. Les terrasses des cafés et les restaurants étaient bondés. Les rires, les discussions, les bruits de verre qui trinquent et de bouteilles qu'on ouvre, tout cela sur fond de musique créait une atmosphère conviviale et charmante.

François avait décidé d'aller repérer les lieux sur place, sans se douter que le tueur le suivait comme son ombre...

Il passa devant le Plana, le Bodegon, chez Auguste, les bars mythiques de cet endroit où les jeunes étanchaient leur soif et leur joie de vivre.

Il marcha sur la place piétonne et arriva devant la porte d'Aquitaine, cette immense arche de pierre historique qui datait de 1753. Il sourit et prit un malin plaisir à passer dessous en se disant "Encore une porte, mais celle-là, au moins, elle n'est pas sous terre" !

À cette heure tardive, beaucoup de boutiques étaient fermées mais restaient quand même allumées. On pouvait donc encore faire du lèche-vitrine de nuit. Le Mc Donald's, encore ouvert, déversait aux alentours des relans de viande grillées et de frites qui le firent saliver. Il continua sa déambulation tardive avec son idée fixe (pas son chien !) : où installer sa bouquinerie.

Il passa devant tant de bars, de bistrots et de restaurants que ses pas l'avaient éloigné du lieu de son objectif. Le dédale des rues, le labyrinthe des immeubles,
ce fond sonore de brouhaha et de musique, d'odeurs, de lumières et de gens, l'avaient transporté, presque téléporté, place Saint Projet.

Il flana devant l'Utopia, un cinéma d'art et d'essais, qui passait "La chambre d'à côté"..."Pile ou face"... "Sans rien savoir d'elle" et "Tony, Shelly et la lumière magique".

Il s'arrêta un peu devant les affiches et cherchait comme un message caché dans tous ces titres qui avaient l'air de résonner en lui, quand soudain il se figea dans la foule. Il ne pouvait plus bouger ni réfléchir. Il fut saisi, surpris par quelque chose qui était venu interrompre sa rêverie de façon abrupte et violente, comme un coup de poignard...

Une odeur venait de rentrer dans ses narines et monopoliser tout son être. Il devait se soumettre devant cette force irrésistible. Elle l'avait capturé, hypnotisé, pour ne plus le lâcher. C'était l'odeur du kebab de chez Coluche. Le nom pourrait faire rire mais ils faisaient d'aussi bons kebabs que Coluche des blagues ! Le cuisinier lui cria comme à une vieille connaissance :

— Moun ami ! Comment ti va ? Qui-ce ti veux manger ? Oun kibab ? Allez mon frère ! Ji ti fais un bon kibab ! Salade tomate oignons ? Avec frites ? Et sauce blanche ?

Il ne put résister ni à l'homme ni à l'odeur, ni à sa faim qui le tiraillait. Une telle insistance ne pouvait qu'aboutir à ses fins !

Il acquiesça et commanda avec un grand sourire un kebab frites avec salade tomates oignons et sauce blanche ! Il en salivait d'avance !

"Chez Coluche est l'un des meilleurs kebabs de Bordeaux. Le succès de ce snack tient à ses délicieux kebabs préparés avec des produits de qualité, ainsi qu'à son équipe agréable et chaleureuse", se permit Cindy, off.

"Merci très chère, mais j'étais en train de me demander, en voyant au loin la grande librairie Mollat : je me demandais : à part Mollat, il n'y a aucune librairie digne de ce nom ici ou quoi ?"

La petite voix intervint :

"Francois ? Tu sais que la Librairie Mollat à Bordeaux est une institution emblématique. Elle est située au cœur du centre-ville, et c'est la plus grande librairie indépendante de France, 2 700 m² et environ 300 000 ouvrages en stock !"

"Wow ! Ah ouais ? mais comment tu sais ça toi ?"

— Missi, vot' kibab, lui dit le cuisinier de chez Coluche

— Ah ! Merci mon ami, lui fit François avec un grand sourire. Il le paya, prit le "kibab"et croqua immédiatement dedans en se brûlant un peu avec la viande et les frites mais la sauce blanche éteignait l'incendie à chaque fois ! Chaque bouchée était un délice.

La pitite ... heu ... la petite voix off de Cindy reprit :

"François, l'avantage d'être dématérialisée, c'est qu'on peut aller partout et s'infiltrer même dans les rouages d'internet ! À moi Google et Wikipédia !!"

" Wouah ! C'est extra ! Tu es une sorte de fée numérique aussi alors ? Comme Alexia ou Siri ?" lui répondit dit François en pensée tout en marchant et en mangeant tranquillement.

"Mouais ! Mais en mieux ! Moi j'ai quelque chose qu'elle n'ont pas ces I.A. , ces Idiotes Attardées ! "

" Quoi donc, petite prétentieuse ?" fit François qui revenait vers la place de la Victoire en finissant déjà son sandwich.

"Moi, monsieur, j'ai une âme et un coeur ! "dit fièrement Cindy.

" Ah oui évidemment ! Donc tu sais tout sur tout alors ?"

" Heu... En fait...oui ! "

" Et donc moi aussi puisque tu es en moi, comme tu m'as dit !"déclara François tout excité, qui se découvrait un nouveau pouvoir avec sa présence magique.

"Oui ! On est colocataire alors on partage tout ! plaisanta la petite voix de Cindy. Je continue ?"

"Oui, fabuleuse IA, je veux tout savoir sur Mollat !" s'extasiait le jeune écrivain prodige.

" OK. Mollat offre une vaste gamme de livres couvrant diverses spécialités, des sciences humaines aux romans, en passant par les arts graphiques et la musique. Elle dispose également d'une galerie d'exposition et de deux salles de conférence où sont organisées des rencontres, des conférences et des lectures. En plus de ses activités traditionnelles, Mollat propose également des livres numériques et soutient des projets culturels locaux"

"Wow ! Prodigieux !" fit François.

"Quoi ? Mollat ?", tiqua Cindy.

"Oui ce qu'ils font est super et plein de bonnes idées pour moi et mon projet ! Mais ce que je trouve prodigieux, c'est toi ! C'est un pouvoir infini que celui de la connaissance !"

"Oui merci ! Mais ton smartphone te donnerait les mêmes infos tu sais..."

"Certainement mais filtré par ton intelligence, ce savoir est une arme absolue !"

"... à qui sait s'en servir de la bonne façon..."

"Tu sais à quoi je pense là ? ..."

" Evidemment ! À la phrase clé dans Spiderman ! De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités !" ironisa la voix off.

"Yes !", jubila François intérieurement.

"Pff ! T'es qu'un gamin !" lui envoya comme un uppercut l'IA intégrée.

"Je me sens comme un super héros en fait ! C'est grisant !"

"Oui, hé bien, redescends de ton nuage magique Superman!"

Sa déambulation l'avait amené dans une rue très passante, la rue Sainte-Catherine. Il y avait toujours autant de monde à cette heure tardive.

"Ok Cindy !?" fit François plein d'ironie comme s'il s'adressait à son IA de maison avec un "OK Google !".

"Oui Monsieur ! Que puis-je faire pour vous monsieur ?" plaisanta la voix off dans sa tête.

"On est rue Sainte-Catherine là, non ? "

"Exactement Monsieur. La rue Sainte-Catherine est une rue emblématique du centre-ville de Bordeaux."

"Ça je le savais, Jarvis !!"

" D'accord Monsieur Starck ! Lol ! Elle est connue pour être la plus longue rue piétonne commerçante d'Europe, avec une longueur d'environ 1 250m. Elle commence place la Victoire et se termine à la place de la Comédie, près du Grand Théâtre."

"Je le savais aussi ça, Alfred !"

"Ah ! Vous n'êtes plus Iron Man ? Vous êtes Batman maintenant ? Il faut suivre ! Et moi je ne suis plus Jarvis mais un vieux monsieur grisonnant ? Je préférais être une IA ultra perfectionnée...

"Bahh ! Le prends pas mal ! Je plaisante ! Tu peux me dire quoi d'autre sur la rue Sainte-Cath' ?"

"Elle abrite plus de 250 boutiques, y compris des grands magasins comme les Galeries Lafayette, la Fnac, la ..."

"Ouais ouais ! Je le savais déjà..." , fit François blasé.

" Ah oui ? Et savais-tu aussi, gros malin, qu'il y avait une bouquinerie rue Sainte Catherine ?"

"Ah non ! Ça je ne savais pas ! Ils proposent quoi ?"

"Bandes dessinées pour petits et grands lecteurs, littérature et fiction avec des romans classiques et des nouveautés. Des ouvrages sur l'art, la culture et les questions sociales. Des livres sur la cuisine, le jardinage, des livres éducatifs et informatifs. Il y a aussi des livres sur la mode et le stylisme"

" C'est pas mal !"

"Oui. Et pour les amateurs de musique et de films, ils proposent des CD, des DVD et des BluRay."

"Mais c'est génial ! C'est une super idée ça !"

"Et ils font même des jeux de société pour passer du temps en famille ou entre amis !"

"Ah oui ! Des jeux ! Très très bonne idée aussi !" s'exclama François.

"C'est un excellent endroit pour découvrir de nouvelles histoires ou redonner vie à des anciens trésors littéraires." s'enhardit la voix.

"C'est exactement ça que je cherche ! Allons les voir !"

Il fut guidé par sa petite IA personnelle au milieu de la foule des noctambules, jusqu'à cette bouquinerie attrayante. La devanture était éclairée mais sur la porte était marqué "Fermé ". François colla son nez à la fenêtre. L'intérieur était propre et chaleureux, généreusement achalandé et bien décoré. Il aperçut un homme aux traits fatigués qui rangeait ses livres précieusement comme des trésors.

Il toqua au carreau.

— C'est fermé mon gars ! répondit le type à l'intérieur. Sa voix était un peu voilée par l'épaisseur de la fenêtre.

—Bonsoir monsieur ! C'est juste pour une question !

— C'est pas l'office du tourisme ici ! fit l'homme visiblement dérangé dans sa tâche.

— Mais c'est pour votre bouquinerie !

— Ben quoi ma bouquinerie ?

— Vous la vendez ?

L'homme à l'intérieur fut stupéfait.

— Ben non ! enfin... ça marche pas trop en ce moment...mais ...c'est mon gagne pain quand même ! Même si en ce moment j'ai que des miettes ! Ça c'est à cause de toute leur électronique là ! Les gens ils lisent plus ! Les téléphones ! Les consoles de jeu ! Les télés ! Y a plus personne qui tourne des pages ! Des vraies pages ! En papier ! C'est bien dommage ! Mais c'est la vie ! Et si jamais ils lisent, c'est sur leurs satanés smartphones !

"François, cette librairie affiche un déficit colossal. Le gérant a des dettes par dessus la tête. Il devrait vendre..."

— Monsieur ! Combien pour reprendre votre affaire !? Réfléchissez ! Votre prix sera le mien !

— Quelle audace ! Quel culot ! Tu veux me détrousser de mon bien le plus précieux !? De ma poule aux œufs d'or ?

L'expression lui rappela GéGé avec sa boutique...un frisson lui parcourut l'échine.

— Mais c'est aussi pour vous que je fais ça, lui dit François.

— Mais qu'est-ce qu'il me fait lui ? C'est une blague ? C'est la caméra cachée ?

- Non Monsieur ! Je sais que ça peut paraître surprenant mais j'ai flashé sur votre librairie ! En fait je cherche à avoir une librairie-café !

— Quoi ?! Mais on sert pas de café ici jeune homme ! Vous vous êtes trompé d'établissement !

— Il y a un bar à côté ! Et les deux ensemble, ça pourrait le faire !

"Monsieur, le bar en question affiche lui aussi un énorme déficit ! Le gérant sera ravi de vous céder son affaire !"

"Comment tu sais tout ça ! Ah oui ! C'est vrai ! Bon sang c'est super pratique une petite fée numérique ! Merci mon petit ange gardien !"

— Mais tu es carrément barjot mon gars ! répondit le gérant. Après...c'est vrai que je me sens fatigué et que j'aimerais bien prendre ma retraite ... mais je pensais pas si tôt...et pas comme ça...enfin...c'est peut-être une bonne idée que t'as là gamin...Ça doit être le destin...

— Allez Monsieur ! Réfléchissez ! Je sais que vous êtes dans les dettes ! Je vous propose de vous offrir une retraite confortable et la fin de vos tracas !

"Tu fais du forcing comme le kebabier !? Hi hi ! bien joué ! " fit Cindy.

"Oui j'apprends vite !" répondit François en silence.

— Comment tu sais pour mes dettes ! T'es de la police ? T'as pas les moyens, jeune homme ! Et joue pas les héros ! C'est un métier de passion le livre ! On fait pas ce job juste pour le pognon !

— Je sais, monsieur ! Et je suis entièrement d'accord avec vous. Je suis le meilleur repreneur que vous puissiez trouver. J'ai l'argent et la passion. Ne vous inquiétez pas monsieur, votre librairie sera entre de bonne mains. Et vous serez toujours le bienvenu si vous voulez passer voir ce que j'en ai fait.

— Vous allez vite en besogne vous !

— Dites moi juste un prix ! lui lança François plein de certitude.

— Bon...écoute mon garçon ! C'est quoi ton nom ??

— François.

— Bon écoute François, si t'es vraiment sérieux, et surtout si t'as vraiment les moyens...

— Oui monsieur ! Je suis sûr de moi et je peux vous payer !

— Tu me plais gamin ! On sent la fougue et la passion dans ta voix. Tu me rappelles moi à mes débuts !

— Alors ? Marché conclu !?

— François. Si c'est pas des cracks que tu me racontes. Viens me voir demain vers 8h ! On parlera sérieusement.

— OK merci ! Super ! Waouh je suis trop heureux ! Demain je serai là monsieur ! à 8h pétantes ! Trop génial !

— T'emballe pas le gadjo ! J'ai pas dit oui ! J'ai dit qu'on allait en discuter !

— Oui ! OK ! merci beaucoup monsieur ! Au fait, c'est quoi votre prénom ?

— Dimitri. Et tu peux me tutoyer.

— Ok Dimitri ! À demain alors mon ami ! Et François le salua en levant sa main droite derrière la vitre et lui fit un sourire immense.

— À demain ...heu... François, fit Dimitri encore secoué par cette demande et cette énergie irrésistibles.

Le tueur, toujours planqué dans la pénombre, avait tout vu et tout entendu. Il fut très touché que François veuille vraiment acquérir une bouquinerie. Il eut un pincement au cœur en pensant à son frère qui aimait tant ses livres et son travail qu'il y avait dévoué sa vie entière, corps et âme, jusqu'à la mort. Il ressentit alors encore plus de sympathie pour lui, il le trouvait attachant, passionné, plein de vigueur, rien ne pouvait l'arrêter. Avec son rêve, le jeune homme ramenait presque GéGé à la vie.

L'homme de l'ombre, le frère de GéGé, ému, abdiqua. Le tueur était sensible...

Il tourna les talons et retourna chez lui en fendant la foule tel un fantôme, le sourire aux lèvres. Il jeta en chemin son couteau dans une bouche d'égoût. Il n'avait plus envie de tuer personne. Son rêve de vengeance s'était évanoui. Sa noirceur avait été vaincue par tant de lumière.

Il rêvait maintenant d'être son ami, ou son allié. Il lui rappelait tellement son frère...

C'était pour François, malgré lui, et sans qu'il n'en sache rien, une belle victoire du bien sur le mal.

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