Chapitre 3 - Folle soirée au "Kiwi Bar" !

La nuit tombait déjà sur la ville. Les quatre compères s'arrêtèrent dans un petit troquet aux lumières multicolores. Le brouhaha et les rires rassurants étaient agréables et engageants. Une fois assis, ils commencèrent à discuter en attendant de passer la commande.

- Quand même ! ils sont pas gênés de nous virer comme ça ! Je suis dégoûté ! Commença Ponce.

- Ouais c'est clair ! C'est du n'importe quoi ! Il nous ont retiré nos insignes et nos flingues ! On n'est carrément plus des flics ! On n'est plus rien ! se lamentait Rafeu.

- Mais si ! Vous êtes toujours des policiers ! Vous êtes juste "suspendus" le temps qu'ils résolvent l'affaire ! Les rassura Anna.

- Bon Pierrot ! on commande un truc bien fort pour se démonter la tête ! J'en ai besoin ! Lança Ponce.

- Allez ! Ok mon Ponpon ! On est plus en service ! On peut se lâcher ! Fit Rafeu qui avait repris le sourire.

- Moi j'ai pas trop le cœur à la fête, marmonna François.

- Mais fais pas la tête mon FranFran ! Lui fit Ponce énergiquement. Ça roule pour toi gamin ! Ton avenir est tout tracé ! Demain tu vas à ta banque, ils te filent ton gros chèque que tu vas remettre illico à la "charmante" policière, qui vous enlèvera vos bracelets et vous serez enfin libres ! Voilà ! Fin de l'histoire ! Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants !

- Oh Ponce ! ça serait tellement bien ! Mais l'histoire n'est jamais écrite à l'avance ! Pensa tout haut François.

- Alors "Écris l'histoire ! " comme chantait Gregory Lemarchal ! lui ordonna Rafeu. C'est toi l'écrivain !

- C'est tellement plus simple de l'écrire plutôt que de la vivre. On gère tout ! On contrôle tout quand on est derrière sa feuille avec le stylo à la main. Dans le monde réel, c'est pas si simple ! on ne gère rien ! dit François la tête basse.

Anna voulait passer une bonne soirée entre amis et refusait les plaintes et les larmes. Elle eut une idée :

- Messieurs, apprenons à mieux nous connaître. Parlez-nous de ce que vous aimez, de ce qui vous passionne, de qui vous êtes vraiment !

- Bonne idée ma petite Anna ! Rétorqua Rafeu. Je commence : moi, à part mon métier que j'adore et que je ne quitterai pour rien au monde, j'aime la boxe, le rock, et les jeux de guerres en ligne sur ma X-Box !

- Ah !! Cool ! Et tu manges des "Pasta Box" en écoutant " I'm living in a box" ?! plaisanta Anna.

Un serveur arriva :

- Bonjour bonjour messieurs dames ! Bienvenue au "Kiwi Bar" ! On vous sert quoi ?

- Ah bonjour ! fit Rafeu. On va pas prendre un truc trop fort finalement ! On va éviter la téquila ! Hein Ponpon ! dit-il en lançant un clin d'œil à son complice. Ce sera une bière pour moi.

- Hola oui ! On va éviter la "téquila paf" ! Moi ça me rend tout "paf" ! Après je ne répond plus de rien !! Je fais n'importe quoi ! gloussa Ponce. Je vais prendre une bière comme mon loulou. Tout pareil !

- Pour moi juste un café s'il vous plaît ! Dit froidement François.

- Un café à cette heure-ci ? C'est pas raisonnable mon grand ! Fit Ponce avec des grands cris. Tu vas rien dormir de la nuit ... à moins que tu n'aies prévu de faire des folies de ton corps avec la belle Anna cette nuit !!

- Ponpon ! intervint Rafeu, arrête de les taquiner ! Ils ont encore leurs bracelets électroniques ! Ils peuvent pas dormir ensemble ! Ils doivent encore rester chacun de leur côté jusqu'à ce qu'on leur enlève ! Sinon c'est au mitard ! Donc ce soir on se couche pas trop tard ! Oh j'ai fait une rime !

- Oui ! c'est bien ! t'as fait une rime ! Wow ! Mais c'est honteux de les séparer alors qu'ils sont amoureux ! Moi je trouve ça dégueulasse ! s'énerva Ponce.

- C'est clair ! Mais c'est le jeu ma pauvre Lucette ! C'est la "Justice" dit Rafeu

- Ben la justice est dégueulasse ! Cria Ponce en plein bar ! Et je connais pas de "Lucette" !

Le serveur, toujours debout, attendait la fin de sa commande bien sagement mais avec une pointe d'impatience :

- Alors donc ? Messieurs : deux bières et un café ! Et madame ? S'enquit-il.

- Oh moi ? un jus de goyave !

- Ah désolé ! Nous n'avons pas ça ici madame !

- Quoi ? Mais c'est nul ! Répondit Anna du tac au tac.

Le garçon de café fit une drôle de tête, les yeux écarquillés et les sourcils levés.

- Alors un jus de ... papaye ! Reprit Anna

- Ah ! Non plus non ! On ne fait pas ça ici madame ! Vous devez vous tromper d'établissement !

- Bon ! Jeune homme ! Dit Anna en montant la voix. Vous avez quoi comme jus de fruits ici !?

Le garçon de café, un peu décontenancé, répondit :

- Nous avons du jus d'orange et du jus de pomme, mais ici on fait surtout du jus de "kiwi" ! C'est le "Kiwi bar" ici !

- Du kiwi ? Ah oui ? Fit Anna

- Oui oui ! Pressé ! Dit le serveur

- Vous êtes pressé ? Alors oki pour le kiwi !

- Très bien madame, je vous amène ça tout de suite, fit le serveur en tournant les talons très vite.

Anna n'en revenait toujours pas.

- C'est quand-même dingue ça non ? se disait-elle tout haut.

- Qu'on soit virés ? c'est clair !! s'agaça Ponce

- Non ... qu'il soit pressé ! Et qu'ils aient pas mon jus de goyave ! C'est quoi ce bar chelou !!

- Anna ! Non mais "allo" quoi ! c'est le "Kiwi bar" ici ! C'est normal ! réagit Ponce de sa voix chantante. Après je sais pas si vous le saviez ... Oh désolé je vais faire mon savant ... mais le kiwi c'est aussi un oiseau qui sait pas voler ! Oh le pauvre ! Et quand j'ai entendu qu'on était au "Kiwi bar", ben j'ai eu peur qu'on nous serve ces pauvres petits volatiles à manger !

- Mais n'importe quoi mon Ponpon, lâcha Rafeu. C'est un bar ! Pas une brasserie ! On vient pour boire ! Pas pour manger ! Allez je continue ... où j'en étais ?

- Les jeux de guerre et le rock ! se rappela Anna.

- Ouiiiiii !? voilà ! C'est ça qui me botte ! Je joue sur ma X Box et j'écoute du métal ! Ça défoule grave ! Y a rien de mieux ! se confia Rafeu.

- T'as une "X Box" ? demanda Ponce. Moi je jouais à la "PlayStation" avant. Mais ça ... c'était avant ! Maintenant j'ai d'autres occupations...

Anna, très curieuse, lui demanda :

- T'as d'autres occupations ? Ah oui ?

- Le Kiwi ! pour madame ? Coupa le serveur.

- Oui ! Merci c'est pour moi, fit Anna surprise. Et donc ? Ponce ? Après la PlayStation !? C'est quoi ? "Playboy" !? Hi hi hi ! plaisanta Anna.

- ...Et un café ! reprit le serveur en posant la tasse devant François.

- Heu...Oui merci, dit Anna qui commençait à s'énerver d'être interrompue sans arrêt. Alors Ponpon ! Tu joues aux "Play...mobil" !? Hihi !

Le garçon revint encore.

- Désolé mais pour les deux bières. J'ai pas demandé. Blondes ? Brunes ? Ou Rousses ?

- Blondes ! crièrent ensemble les deux agents.

- Très bien ! Je vous amène les deux blondes...et comme ça ... y en aura trois ! Se permit le serveur plein d'humour.

- "Trois" ? réagit Rafeu. Pourquoi trois ? On en veut que deux !

- Ponce est-ce qu'on peut juste savoir ce que vous aimez faire à part jouer à la Play...

- Monsieur ! J'ai dit trois blondes parce que vous en avez déjà une ! Et 2+1 ça fait trois chez moi, renchérit le serveur insolent.

Anna était à bout de nerfs. Elle fixa le jeune homme droit dans les yeux et déclencha l'offensive :

- Bon écoute mon garçon, tes blagues nulles que personne ne comprend, tu les gardes pour toi ok ? Tu sers les deux bières blondes aux deux messieurs de la police, tu la fermes et tu te casses !

- Ah ! Ils sont de la Police ?

Ponce commença à dire " Hé bien.. plus vraiment...", mais Anna lui coupa la parole :

- Oui ! Ils sont de la Police ! alors si tu cherches encore à faire des blagues sexistes ou anti blondes devant deux flics, tu risques de finir en taule avec des menottes ! C'est ça que tu cherches ?

- Heu...non madame désolé ! Je savais pas. Je vous amène tout ça et ...pour me faire pardonner, c'est la maison qui offre ! Encore toutes mes excuses !

Le serveur ramena très vite les deux bières blondes et disparut sans rien dire.

- Wow ! Fit Anna. C'est génial d'avoir des potes dans la police ! Tout le monde a peur de vous !

- Oh non ! plus trop non ! Dit Ponce. De nos jours on nous caillasse, on nous défie, et on ne peut même pas répondre ! Bref j'en étais où ? Ah oui ! Moi j'adore mon métier aussi comme mon bichon ! Mais j'aime pas les jeux violents et la musique agressive comme lui ! Il jeta un regard de mépris vers Rafeu. Moi c'est plutôt le zen, le "chill", la paix quoi !

- Mais quoi de plus normal pour un "gardien de la paix" ! Lâcha Rafeu pour le taquiner en souriant.

- Ah ben c'est malin ça gros nigaud ! Toi tu t'y connais bien en pets ! Vu que tu en lâches toute la journée ! Et toc ! Bref, je reprends. Alors, j'aime tout ce qui est calme, tranquille, la musique douce, la lecture...la cuisine aussi ! J'adore aussi me balader en forêt, écouter la nature, le chant des oiseaux, sentir l'odeur de l'herbe fraîche...

Pendant que Ponce parlait, François crut voir, derrière un carreau, une ombre suspecte se cacher dans la rue, à l'ombre et qui regardait étrangement à l'intérieur. Cette personne avait l'air de les fixer, Anna et lui. On ne voyait pas bien son visage. Il avait une capuche. Il ressemblait énormément à ... Gérard !

Francois se crispa. Des sueurs froides lui glacèrent le dos. Il commençait à avoir du mal à respirer. Anna remarqua son expression horrifiée et coupa le laïus de Ponce.

- François ça va ? Tu es blanc comme un linge ! Qu'est ce que tu fixes comme ça avec autant d'intensité ? On dirait que tu as vu un fantôme !

- C'était....c'était...GéGé ! Il était là ! Derrière la vitre ! Balbutia François terrorisé.

- Mais c'est impossible ! Rétorqua Rafeu en riant très fort. Il est mort ton GéGé ! Le couteau et les flammes ... il s'en est pas sorti. Rassures-toi ! Il te fera plus rien !

- Mais je l'ai vu ! Je l'ai reconnu ! Il nous fixait tous les deux ! dit François en tremblant de peur et de panique.

- Qui ? Il fixait qui ? Demanda Ponce.

- Anna et moi ! C'est sûr ! C'est nous qu'il regardait ! Il est revenu d'entre les morts pour se venger ! C'est un zombie ! Un mort-vivant !Semblait délirer François.

- Mais on n'y voit rien à travers ces vitres ! Elles sont sales ! Et en plus il fait nuit ! On reconnaîtrait personne ! Fit Rafeu toujours hilare.

Anna eut un moment d'angoisse elle aussi. Elle se dit que c'était forcément une erreur de François, une confusion, un rêve éveillé, ou plutôt un cauchemar ! Peut-être que son stress ingérable, son anxiété maladive, lui occasionnait des délires, des visions, voire des apparitions loufoques. Il aurait comme une démence, un handicap mental qui lui pourrirait la vie, et lui rongerait le cerveau tel un cancer. Anna lutta contre ces idées saugrenues et flippantes. Elle se ressaisit et relança la discussion sur un terrain plus léger.

- Bon. C'est rien ! Y a personne François ! Ça pouvait pas être Gérard ! T'as confondu ! ça arrive. C'est peut-être un stress post-traumatique ! Bon je propose qu'on continue quand-même notre présentation ! Donc Ponce, toi, c'est tranquillité et petits oiseaux !

- Oui ! Et la cuisine ! Et les musiques des années 80 ! Et les réseaux sociaux ! Surtout "X" ! Rajouta Ponce d'une voix aiguë et montante

- Évidemment tu regardes du X ! Ça m'étonne pas ! Pervers ! Percuta Rafeu.

- Mais non ! pas du "X"! C'est pas du porno andouille ! C'est le nouveau nom du réseau social d'Elon Musk ! "X" ! Fini Twitter et ses petits oiseaux ! Ohlala ! J'espère que c'était pas des kiwis ! Ah et je fais aussi du tai-chi ! C'est super bon pour l'équilibre, les muscles et pour le bien-être !

- Ok ! Hé bien ! t'en fais des choses Ponce ! S'étonna Anna. Bon on fait qui maintenant ? Toi François ? T'es en état de parler de toi, de ta vie, de tes passions ? Pas trop secoué par ta "vision" et ta mini crise de panique ?

- Heu ... non pas trop là ... vas-y toi ! J'irai après. Honneur aux dames ! Répondit François.

- Ok allez ! Je me lance. Alors, moi j'aime la musique classique, les livres bien sûr, les mangas, les bandes dessinées. J'ai fait beaucoup de danse quand j'étais gamine. Et là j'ai commencé l'aïkido il y a deux ans. C'est un sport de combat ! J'adore ça ! Ça me vide la tête ! J'aime rêver et m'amuser. J'aime beaucoup rire et aussi me déguiser quand je le peux comme vous l'avez vu ! Ma devise c'est : "La vie est une fête !" Alors vivons chaque jour comme le dernier ! "Carpe Diem" ! À votre santé !

Et ils trinquèrent à leur santé.

Ponce reprit la parole :

- Moi j'ai oublié un truc tout à l'heure sur moi. Moi aussi j'aime rire et m'amuser ! Et j'aime danser aussi ! Et j'ai un côté zen mais ça va jusqu'à la méditation et la relaxation. Je pratique un peu l'hypnose et l'auto-hypnose sur moi même tout seul !

- ok en solo quoi ! plaisanta Anna.

- En vrai, reprit Ponce, je connais un couple d'amis qui en ont fait leur métier. Je vais vous les présenter ! Enfin c'est surtout pour François ! Il paraît que ses attaques de panique, ça peut se soigner et même s'arrêter complètement si c'est bien pris en charge.

- Ah ! mais ça m'intéresse beaucoup ça agent Ponce ! Fit Francois qui était sorti de son cauchemar. Bon, je vais terminer par moi pour cette présentation.

- Attends ! Coupa Rafeu. Moi ma devise c'est : " la vie est un combat !"

- Ok ! Merci Pierrot ! Bon je veux bien me prêter au jeu. Moi... ben...J'écris tout le temps ! Et quand j'écris pas, je pense qu'à écrire ! C'est mon truc ! Ma drogue ! Quand je fais les courses des fois, ou dans le bus, ou sous la douche, j'ai des idées pour mon roman. Et faut vite que je les note ! Si j'ai pas de papier et de crayon alors je les note sur mon téléphone ! C'est comme des flashes ! des éclairs qu'il faut attraper au vol sinon ils s'envolent et disparaissent dans les limbes de l'oubli. Je suis obnubilé, passionné par l'écriture, je suis dans mon monde, sur ma planète. Ma devise c'est : "La vie est une page blanche à écrire chaque jour".
Pour moi, la vraie vie des gens, leur réalité nourrit ma fiction. Leurs phrases, leurs réactions, leurs choix ... me servent de références pour mes personnages !

- Oh ben j'espère que je serai jamais dans tes livres moi ! J'aurais trop peur d'être ridicule ! Dit Ponce !

- Oh ! S'exclama Rafeu. Tu ferais une grande folle tordue trop sympathique ! Tu serais le personnage le plus drôle !

- Pfff ! Et toi le gros balourd idiot qui sort son flingue tout le temps ! Se moqua Ponce un peu vexé.

- Messieurs les policiers ! Vous êtes présents dans mon histoire comme vous l'êtes dans ma vie. Je grossis des fois un peu plus certains traits pour plus marquer des contrastes, dit l'écrivain.

- Mais t'écris quoi en ce moment !? Interrogea Anna.

- J'ai écrit un petit texte y a quelques temps, rien à voir avec mon roman. Ça vous intéresse ?

- OUIIIIII !! firent tous ses amis.

Certaines personnes se retournèrent vers la table de Ponce après ce cri commun.

- Ok. Bon je vous le lis.

Il sortit un petit papier froissé de sa poche. Un crayon tomba en même temps. Anna le ramassa. Elle remarqua qu'il y avait écrit sur le crayon : "Ivre de Livres". Elle eut un frisson et demanda à François :

- Attends François ! T'as gardé un crayon de la librairie de GéGé !? C'est chelou !

- Ben oui écoutes, je m'en sers encore. Il écrit bien. Et puis ce n'est qu'un crayon ! Bon je vous lis mon truc, mais avant je voulais vous confier une pensée : Quand je me mets à écrire, je me sens enfin vivre. Je vibre avec le monde ! Je le ressens ! Je suis à l'unisson des gens qui m'entourent ! Je les comprends mieux ! Je ne suis plus extérieur à eux , mais à l'intérieur de leur tête, de leur monde, de leur cœur ! Je crée la vie et son souffle fragile ! Je créée mes personnages comme mes enfants ! Mes histoires et mes intrigues palpitantes me transportent ailleurs ! Je fais naître des mondes que j'aurais aimé visiter ou lire dans d'autres livres ! Je me rendais compte surtout que ce que je créé, je suis le seul à le faire. Je suis unique ! Et cela m'enchante au plus haut point ! C'est comme faire de la musique ! Ce n'est pas juste en écouter ! Écrire est, pour moi, la phase ultime de mon amour des mots !

- Wow ! Fit Anna. Tu prendrais pas le globe toi !?

- Hola oui ! Déclara Rafeu. Il est un peu prétentieux là non ?

- Mes amis je suis désolé, s'excusa François, mais écrire me procure un tel plaisir, une telle évasion que tout me semble fade à côté ! Je sais que ça peut être pénible pour les autres...

- Mais t'inquiètes pas on t'aime comme ça va ! On te charrie ! T'es un artiste et t'as le comportement chelou de tous les artistes ! Sur leur petite planète .. Fit Ponce.

- Merci Ponpon ! Fit Francois un peu vexé.

- Mais de rien mon chou ! Fit Ponce ! Allez vas-y petit ! On t'écoute !

François lut sa feuille froissée et griffonée :

<<Le titre c'est :

Mon nuage magique.

C'est une référence à "Dragon Ball", un manga de mon enfance.

Avant,
un nuage noir plein de foudre et d'éclairs, de pluie, de grêle et de tonnerre me suivait chaque jour dans mon enfer sur cette pauvre Terre...>>

Le serveur s'arrêta pour écouter. Et les gens autour prétèrent l'oreille.

<<...Ma vie n'était que destruction, malchance, tristesse et solitude.

Aujourd'hui,
ce nuage est mon refuge contre l'ennui et le chaos du monde, c'est mon "cloud" virtuel pour mes rêves et ma création artistique, là où va se nicher la nuée de mes écrits, de mes idées et de mes cris enfermés, là où je stocke ma cocke ! mes livres magiques et mes lignes mystiques. C'est mon lieu d'évasion et de création, de jouissance et de puissance....>>

- Mon chéri, lui dit Anna, c'est pas un poème ça ! C'est une tirade, un exposé, ou même peut-êtrebien une thèse !

- Taisez- vous ! Lui lancèrent quelques personnes qui s'étaient rapprochés et semblaient écouter le discours.

François ne répondit pas à Anna. Il ne vit pas la foule qui grossissait autour de lui et continua tel un bulldozer qui balaye tout sur son passage :

...<<Je dois garder les pieds sur terre mais j'ai la tête dans les étoiles ! C'est pour moi la meilleure façon de marcher.
Ce nuage, c'est mon "plan B", ma porte de sortie, mon issue de secours, mon échappatoire, mon exutoire, mon défouloir ! >>...

Sa voix était montée d'un ton pour être au-dessus de tous les bruits environnants. Les gens étaient subjugués par sa verve. Ils avaient tous arrêté de boire, de rire et de parler pour entendre son discours envoûtant et exaltant, poétique et magnifique. Anna s'en aperçut et pensa en souriant que, comme aux Urgences, François avait ce pouvoir de réunir les gens et de galvaniser la foule, tel un grand orateur politique ou un grand poète.

Francois, comme une comète, continuait sur sa lancée mais ne lisait plus sa feuille, et malgré la centaine d'yeux braqués sur lui, il parlait simplement avec son cœur :

...<<Ce nuage magique, mes amis, c'est mon sac de frappe et mon jeu de guerre comme vous agent Rafeu, ma bouffée d'oxygène et ma balade en forêt comme vous agent Ponce ! C'est mon Aïkido verbal ma chère Anna ! Mon sport de combat ! Il est cérébral, certes, mais je lutte contre tant de choses juste avec mes pensées et mon stylo que je me sens comme un guerrier qui doit terrasser cent dragons gigantesques crachant du feu. >>...

Les gens réagirent par des "Ohh !"et des "Wow !"

<< Voyez vous messieurs dames, je m'évade dans les méandres de mon âme, dans le labyrinthe de mon subconscient, dans mes souvenirs effacés. Je me téléporte où bon me semble ! Je sors de moi-même et de ma vie pathétique, triste et ennuyeuse à mourir en créant d'autres vies, des histoires, des personnages, avec de l'action, de l'amour, de l'humour, du suspense, des décors, des paysages et des époques qui m'empêchent de retomber dans mon quotidien ordinaire, plat, vide et gris...>>

- Wow ! mais c'est pas gai du tout en fait ! C'est terriblement triste ! Se permit Ponce. Moi ça me déchire le cœur !

François ne répondait toujours pas et se noyait sous un flot incessant de mots qui lui sortait du cœur comme une hémorragie massive inarrêtable.

...<< Je me dois d'imaginer et de créer et pour magnifier ce monde, l'enjoliver. Je me dois d'inventer le mensonge pour cacher la misérable vérité, d'inventer le message quand il n'y a que le silence, le vide et la mort, d'inventer le relief contre la platitude, l'eau quand on est assoiffé, "La Femme" ou "L'Homme" quand on manque d'amour, l'action quand on meurt d'ennui et d'immobilisme. Je peux aussi inventer la peur, le suspense et même la mort. J'offre du rêve et de l'aventure à ceux qui sont coincés dans la boucle infernale du "métro-boulot-dodo" et qui n'ont pas la chance ou pas le temps de rêver ou qui n'ont juste pas le pouvoir de l'inventer. J'invente l'amour intense et brûlant pour ceux qui s'endorment seuls ou accompagnés d'un amour froid et mort.>>

Les gens étaient totalement hypnotisés. Ils acquiescaient à chaque phrase du poète. Il aurait pu tomber un missile russe à côté que personne n'aurait réagi. La musique pop de fond avait été baissée mais continuait à se faire légèrement entendre. Et là, dans ce bref moment de silence, et par une belle coïncidence, on pouvait entendre Sia chanter "Unstoppable".

<<Écrire, reprit encore François, est ma porte de sortie, ma clé pour ouvrir toutes les portes, mon "anneau pour les gouverner tous" comme dans le "Seigneur des anneaux".
Bref, écrire c'est mon "nuage magique", ma boule de cristal où je vois des choses que les autres ne voient pas, moi je vois plus loin, plus fort, plus haut, plus intensément. Face à des scènes banales du quotidien, des univers apparaissent comme des cathédrales qui sortent du sol.>>

- Ça devient un peu long François ! S'exprima Ponce. C'est un tantinet ennuyeux là !

- Oohhhh ! Silence ! Cria la foule en colère contre Ponce.

François clôtura enfin son interminable laïus :

<<...Mon cerveau tourne à 10.000 tours par seconde et fait une histoire d'un rien, un sketch d'une réplique et un film d'une saynète.
C'est une loupe extrême qui fait qu'une goutte d'eau devient un océan, une larme un tsunami, une allumette un brasier, et un regard une histoire d'amour !
Tout prend comme une traînée de poudre. Tout part en vrille, tout est amplifié, déformé, pour devenir tout autre qu'au début. C'est la magie mais aussi la folie de la création.
C'est mon credo, ma raison d'être, je suis un écrivain !>>

Un incroyable silence s'installa dans le "Kiwi bar" pendant les longues secondes qui suivirent ce discours mémorable et hypnotique.

Toutes les personnes de ce petit établissement eurent l'impression d'assister à un miracle divin, bouleversés comme après un concert ou un événement extraordinaire. Ils eurent du mal à retrouver leurs tables et leurs amis. Certains étaient groguis - voire assomés - par cette logorrhée écrasante, d'autres étaient en extase, chamboulés, ou même complètement transportés. Ils ne purent qu'applaudir avant de retomber doucement sur la terre ferme.

Anna était en pamoison devant ce sur-homme, cet ange venu du ciel, cet extra-terrestre. Elle le dévorait des yeux. En fond on entendait justement "E.T." de Katy Perry où elle parle d'un homme extraordinaire dont elle est amoureuse : elle chante que c'est un "extraterrestre", "un diable ou ange ", il est "hypnotisant", "magnétisant", avec un "A.D.N. différent", qui vient "d'un tout autre monde, d'une autre dimension" . Elle veut qu'il la "conduise vers la lumière". Et comme Anna pour François, la chanteuse veut être "embrassée" et "prise" par lui, "infectée par son amour", "remplie de son poison" ! Elle veut "ressentir ses pouvoirs". Elle le trouve "surnaturel" et "transcendantal". Elle chante même qu'il est sa "bonne étoile" et qu'elle veut être sa "victime" et qu'elle "risquera tout pour lui" !!

Bref cette chanson qui suivait la fin du discours de François reflétait exactement ce que ressentait Anna pour lui.

Elle eut 3 envies irrépressibles juste après son discours :

1 - Faire l'amour avec lui ! là ! tout de suite ! Maintenant !

2 - Se marier avec lui !

3 - Avoir un enfant de lui !

Elle allait lui proposer de braver (encore !) l'interdit et de venir passer la nuit chez elle pour valider son premier souhait. Elle se dirigea vers lui d'un pas décidé quand elle s'arrêta net, comme foudroyée de terreur, figée sur place, le regard fixe. Elle était pétrifiée devant une vision d'horreur, un cauchemar du passé, une présence terrifiante.

Elle aperçut très clairement, derrière une vitre sale du "Kiwi Bar", comme l'avait décrit François, le visage d'un homme qui la fixait avec des yeux pleins de haine et la mâchoire serrée.

C'était GéGé !

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