Chapitre 29 : La bonne place
François arrivait justement devant chez Anna, bien décidé à avancer dans la recherche d'une place pour la librairie de ses rêves.
Le pendule allait l'aiguiller !
Il entra dans l'appartement. Quel bazar ! Il avait oublié que la téléportation qu'avait opéré Cindy avait mis un tel capharnaüm. Cela lui rappelait presque son chez-lui. Se poser, respirer, lire et écrire, lui manquaient. Il voulait utiliser le pendule mais il s'aperçut que la ficelle avait été raccourcie et mal réparée. Il comprit que cela avait affecté l'endroit indiqué. Il fallait donc réparer cette ficelle. Un bout devait se trouver quelque part ! Mais où ? Comment la trouver dans tout ça !
Le tueur avait choisi l'adresse d'Anna pour retrouver ses proies. Il vit que François était à l'intérieur, seul. Une cible idéale, facile. Pas de témoin. Il pensait faire le même coup que pour le couple d'hypnotiseurs. Il le regardait un peu derrière la fenêtre du salon, caché encore dans un buisson.
Francois entendit un craquement de branche dehors. Il jeta un oeil. L'homme se baissa vite. Francois leva les sourcils.
Grigri se mit soudain à miauler et à feuler très fort.
— Ah ! tu es là toi ! dit-il tout haut, plein d'affection. Bon ! Elle est où cette ficelle dans ce bazar !? Tu le sais toi, Grigri ? Tu l'as vue ? Tu aurais pas joué avec par hasard ?
La petite voix ressurgit de l'ombre.
Cindy était toujours présente.
"François ... mon cœur ... je peux encore t'aider tu sais"
" Tu veux téléporter encore tout ça ? Tu en as encore la force Cindy ?"
"Oh ! Tu n'imagines pas la puissance de l'au-delà mon coeur !",
lui dit-elle.
"C'est ...au-delà...de mon imagination ?!" plaisanta-t-il.
"Hi hi hi !" rigola sa petite voix magique qui était maintenant bien installée en lui.
François se recula et lui dit en pensée, comme une invocation :
"Par la puissance de tes ailes,
Je t'implore,
petite fée douce et belle.
Apporte l'ordre dans le chaos,
et transforme ce bazar
en sérénité.
Au nom de la magie,
Que cet ordre soit accompli !"
"Wow ! Tu m'implores ?! Et en rimes ? J'adore mon chéri ! Hi hi ! C'est très stimulant ! Allez c'est parti pour un coup de vent ! Attention... bazarum reparum !"
...rien...
" bordelos rangearos !?"
...toujours rien ne bougeait...
"demenagibus illico !!"
... ça ne marchait pas...
"Maow" fit le chat curieux qui regardait.
Le tueur allait rentrer encore par la fenêtre pour accomplir son crime quand Cindy fit parler François de vive voix et lui fit dire ces mots :
— ordonnarum et rangearum capharnaüm !!"
Et là, enfin, sous les yeux ébahis du tueur planqué, du chat effrayé et de François émerveillé, le canapé, la table, le pendule, les cadres s'agitèrent, se levèrent et se déplacèrent dans le petit appartement d'Anna. Tout s'organisa et se plaça proprement et sans faire de dégâts.
L'homme derrière la vitre faillit tomber à la renverse. Il avait assisté à un spectacle incroyable, une démonstration de force magique exceptionnelle, choquante et terrifiante. Il n'imaginait pas que François avait de tels pouvoirs. Il prit peur et décida de ne rien tenter pour l'instant.
- Bravo ma bonne fée ! dit François tout haut, emporté par l'émotion.
"Tu sais, tu n'as pas besoin de parler mon chou...je suis en toi je te rappelle.."
"C'est étrange, dit comme ça..." pensa-t-il
" Tu as peur ? Je le sens. Pourquoi tu as peur ? De quoi ? De qui ? ... quoi ? ...De moi ? Tu as peur de moi et de mes pouvoirs ?"
"Ben...Cindy...c'est quand-même une puissance colossale. Je ne sais pas si je saurais la gérer."
" Tu n'as pas à la gérer. JE gère ! " sa voix se modifia un peu.
"Mais c'est quand-même moi qui..."
"NON ! C'EST MOI QUI DÉCIDE !!" cria une voix différente, plus forte, plus grave, plus virile, presque...diabolique qu'il crut reconnaître...
François fut terrifié par ce qu'il avait en lui. Il se découvrait un pouvoir qui le dominait, qui le dépassait, et qui cherchait à le contrôler.
"CINDY ? C'était toi ça ? Tu me fais peur là .." fit timidement François dans sa tête.
"CINDY EST PARTIE !" répondit la grosse voix.
"WOW! Mais t'es qui toi ?"
"JE SUIS LE CÔTÉ FACE DE CINDY. SON CÔTÉ MASCULIN, FORT, DOMINATEUR, CALCULATEUR, MANIPULATEUR. EN FAIT LE PLUS PUISSANT DES DEUX !"
"Mais je ne veux pas de ce côté là ! Je veux que Cindy revienne !"
"COMME TU VOUDRAS...PETIT ! MAIS QUAND TU SERAS EN COLÈRE OU EN DANGER, C'EST MOI QUI REVIENDRAIS T'AIDER ! C'EST PAS TA GENTILLE PETITE FÉE CLOCHETTE ! HA HA HA !"
François était tout retourné. Il avait déjà entendu cette voix posée, grave,terrifiante, pleine de haine, c'était lors d'une séance d'hypnose chez Cindy. Cette voix puissante et dévastatrice, ce tonnerre intérieur, ce feu de l'enfer qui brûlait en lui, dans sa tête, son coeur, son âme. Il se sentait envahi par elle. Possédé. Soumis. Ce n'était pas le "côté face" de Cindy. C'était bien sa voix à lui, son côté sombre, son "passager noir".
"Cindy ?"
"..."
"Cindy ? T'es là ? Reviens s'il te plaît !"
"...Je suis là ! Désolé mon cœur que tu aies assisté à ça !"
"Mais c'était quoi ça Cindy ? C'était flippant !"
" C'est le côté sombre de tout homme, une puissance incontrôlable et destructrice ...si facilement accessible, si tentante...si dangereuse..."
"Mais comment on lui résiste ?"
" Comme on doit résister au mal, à toute tentation...le mal est partout et prend souvent des allures plaisantes...pense aux sirènes dans l'Odyssée qui attirent par leurs charmes les marins et les font s'écraser contre le récif pour les dévorer !"
" Mon dieu ! Et j'ai ça en moi ?!"
" Comme tout homme mon cœur..."
"OK...Bon...je vais chercher la corde qui manque de ce fichu pendule, mais sans magie. Je vais me débrouiller. Salut !"
"...mouais...salut ..." fit Cindy d'un ton boudeur, un tantinet vexée.
— Bon ! À nous deux petit bout de ficelle ! Où te caches-tu ! Petit petit petit ! Ah... ça va être moins facile sans formule magique ! Mais je vais y arriver ! Tout seul !
Et il se mit à fouiller partout, sous le canapé, sous la table de Ouija, et dans tout l'appartement, mais rien !
— Mais il est où ? dit-il tout haut.
"Je peux ?" demanda timidement la petite voix fine.
— Non ! Je veux trouver tout seul ! fit François.
"OK ! OK ! Mais tu ne risques pas de le trouver ton petit bout de ficelle ! Enfin ... moi je dis ça ... je dis rien !"
— Mais comment ça, je risque pas de le trouver ? Ça veut dire quoi ?
"Ça veut dire qu'il est réparé ton pendule mon canard ! Tu croyais que j'allais tout ranger et laisser mon pendule cassé ?"
— Ahhhh ! Trop bien ! C'est réparé ! Cool, merci ! cria François de vive voix.
"De rien...c'est gratuit !" bougonna la petite présence. "Mais tu dois savoir quelque chose...mon pouvoir est limité. Je m'épuise un peu plus à chaque fois que je l'utilise. Cette magie n'est possible que parce que je suis dématérialisée et que tu es un réceptacle, un hote, puissant. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Je peux être ta petite voix, mais il ne faut plus utiliser mes pouvoirs."
— D'accord ma très chère Cindy. De toutes façons, c'est trop effrayant et dangereux. Je comptais ne plus m'en servir.
Le tueur vit l'écrivain se parler tout seul et le prit pour un vrai fou à lier, quelqu'un d'aussi fou que lui. Il le trouva presque sympathique avec son démon intérieur et ses voix et cette magie. Il se perdait même à penser qu'en d'autres circonstances, il aurait aimé l'avoir comme ami. Il avait envie de le connaître, de savoir d'où lui venaient ses pouvoirs, à qui il parlait, son histoire...il se cacha dans un buisson pour l'observer, mais semblait avoir perdu toute animosité. Il était en train de changer, juste au contact de François, et commençait même un peu à regretter son geste envers Anna, Cindy et Rodolphe. Il s'en était pris à ses amis et jamais François ne pourrait le pardonner.
Le jeune prodige alla vers le pendule, qui avait en effet retrouvé son aspect d'origine et posa sa question :
— Pendule, trouves-moi la meilleure place sur Bordeaux où je pourrais enfin installer ma petite librairie-café, et tu gagneras toute ma confiance !
L'objet magique se mit à vibrer, puis le fil commença à tourner au dessus de la carte de la ville. François était comme un enfant qui attend le passage du père Noël, fébrile, excité, fasciné et impatient.
Au bout d'un long, très long moment, la ficelle ralentit puis se figea au dessus d'un endroit bien précis, comme un chien de chasse devant son gibier.
La boule indiquait nettement un endroit très connu de Bordeaux, très fréquenté, très populaire; la Place de La Victoire.
— Victoire ! cria-t-il. J'ai trouvé ! C'est là que je vais installer ma bouquinerie !
"Ah ! Oui ! Victoire ! C'est malin ! Et merci qui !?", marmonna Cindy.
Le frère de GéGé, en entendant ces mots, fut touché. François voulait établir une bouquinerie comme l'avait fait son frère. Ils avaient tous les deux, François et Gérard, la passion des livres et l'envie de vivre entouré d'eux. Cela fit sourire l'homme qui était venu pour le tuer, fissurant sa carapace de noirceur, transformant sa vengeance en curiosité, et sa violence en affection.
C'était le pouvoir de François. Donner, s'investir, y croire tellement, s'accrocher à son rêve avec tant de force que l'on ne pouvait que l'admirer. Il forçait l'admiration et le respect par sa fougue et son talent.
On ne retient pas une étoile qui monte, on ne peut que la suivre des yeux...
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