Chapitre 3

Résumés des chapitres précédents :

Jérôme est le nouveau propriétaire du Green Apple Ranch. C'est un historien et un écrivain français. Ce que ses nouveaux compatriotes ignorent c'est qu'il est veuf et gay.

La ferme a été mise en faillite et l'ancien propriétaire Jason Harper est en prison. Son fils Jay Harper est le contremaitre ce qui selon le shérif du comté n'est pas l'idée du siècle.

Personnages principaux :

Jérôme Dambreville, écrivain de 28 ans, historien. Il écrit sous des romances boys love sous le pseudo Ange Charmeville.

Jay Harper un des fils de l'ancien propriétaire du ranch, contremaitre du ranch il a 25 ans

Personnages secondaires :

Amelia Harper sœur de Jay elle a quitté la maison. Vit dans un restaurant à Louisreed

Steven Harper, frère de Jay, il est en prison

Jason Harper le père de Jay, ancien propriétaire qui a fait faillite, il est en prison

Les trois employés du ranch : Roderic, Pablo et Dowan son vrai nom Dowanhowee un Sioux.

Les villageois de Bedford : Larry Mortimer Directeur du magasin, Shérif Jack Monroe,

***

Jérôme

Le directeur du magasin Larry Mortimer me materne comme un bébé, ce pays est surréaliste !

Jay conduit silencieux. Je l'admire, le beau blond aux yeux bleu, concentré sur la route.

─ J'ai tout trouvé, je vais vous faire un gâteau que je vous apporterais tout à l'heure pour me faire pardonner.

Il jure.

─ Tu as entendu Larry ? C'est une putain de tempête de neige qui arrive ! Interdiction de sortir de la grande maison avant trois jours. Si je n'avais pas été là, il ne t'aurait pas laissé repartir !

─ C'est rid...

─ Je suis sérieux, s'il faut que je t'enferme dans une pièce pour ta sécurité, je le ferais !

─ Ne te fâche pas ! Je promets de ne pas sortir pour vous apporter de gâteau.

Il n'a jamais pris ce ton sévère, il ne rigole pas. Dommage qu'il n'ait pas proposé de m'attacher au lit et de s'occuper de moi.

J'aurais été son esclave sexuel, cela aurait été trop bien !

J'ai vingt-huit ans et mon rancher d'amour en a vingt-cinq, il a pourtant l'air tellement mur. Je soupire agacé contre mes pensées absurdes.

Le vent souffle et la neige s'est remise à tomber, la différence c'est que ce n'est plus la chute molle des flocons incitant à la rêverie. Les coups de vent violents font tanguer la voiture, les jets de glace martèlent la carrosserie.

Je n'ai pourtant pas trainé au magasin, je me tourne vers Jay, il ne dit rien, ne m'a rien reproché et reste concentré sur la route. Si on devait le comparer à un animal, je dirais un mammouth inflexible, non ça ne va pas ! un lion ? non plus ! un hippo. Je ricane tout seul et il me regarde surpris.

─ Je pense des bêtises, je me contente de murmurer.

─ Heureux de voir que cela t'amuse guyyys.

C'est un autre surnom, mec en anglais, prononcé avec son accent trainant. Il ne m'appelle jamais par mon prénom. C'est patron en français ou boss et frenchie très souvent.

Frenchie dans sa bouche, ça sonne comme une insulte, il me semble. Cela revient à dire : idiot, pas raisonnable et pas sérieux, imprudent qui ne devrait pas être là !

─ En tout cas ton fusil ne servira à rien contre la neige !

Je suis anti-armement et lui évidemment est pro, je ne lui demande pas pour qui il vote, je sens que ça détruirait le mythe. Les armes et ce pays, c'est un combat perdu d'avance, malgré tous les drames.

Il sourit quand j'ai terminé ma tirade.

─ J'ai pris l'automatique, avec je peux creuser un trou dans une congère, pour nous faire un abri qui pourrait nous sauver la vie, si nous tombons en panne.

Je cligne des yeux admiratifs, tout en observant l'extérieur, inquiet.

─ Tu me fait peur.

─ Soit sage et laisse-moi conduire !

Je fais la mimique de fermer ma bouche à clé et de la jeter.

Un dinosaure ! Le plus puissant : le T-Rex, le plus fort. Voilà, c'est cela qui lui convient le mieux. Je me retiens de lui prendre le bras et scrute la tempête qui nous a assailli. Pourtant le blizzard ne devrait arriver que ce soir, mais des congères- des blocs de glace se forment déjà sur la route, l'obligeant à slalomer. Mon idée d'aller en course me parait maintenant complétement stupide. J'espère que nous n'aurons pas à tester la véracité de sa capacité à nous bâtir un igloo à coup d'arme à feu.

Nous arrivons au haut portique brinquebalant fait de poutre qui marque l'entrée du ranch. Le grand panneau de bois est usé et abimé. On distingue difficilement l'inscription en blanc sur un fond brun :Green Apple ranch et en dessous famille Harper.

Il est terne et manque de cachet. Je compte rectifier cela !

Quelques arbres couverts de neiges, des chênes et des sapins, marquent l'entrée du domaine, il nous reste moins de cinq miles à faire.

Quand j'ai demandé d'où venait le nom du ranch, s'il y avait un verger, Jay a rigolé et retorqué que rien ne résiste aux hivers ici et les étés brulants sont pire. Il n'y a jamais eu d'arbres fruitiers dans le coin. Il a ajouté sec que si je voulais des arbres fruitiers, je n'avais qu'à viser la Californie.

Depuis sa réponse lapidaire, je murie une idée, je les veux mes arbres fruitiers qui lui feront passer la manie de se moquer de moi. Au passage le nom du ranch sera mérité.

Avec internet j'ai trouvé ce que je voulais, ma commande va arriver au printemps et le surprendre. Le climat n'est pas idéal, mais il y a toujours des solutions, certes onéreuse.

Après tout l'argent est fait pour être dépensé.

Il est temps d'améliorer le coin.

Tout est un peu moche ici, sans charme : le Mall, le village de Bedford posé le long du Missouri, à se demander comment les touristes peuvent avoir envie de venir. Par contre la nature et les habitants sont magnifiques, enfin je trouve.

Bon il y a pas mal d'obèse, mais quand ils ne le sont pas les mecs sont souvent à tomber.

***

Un souvenir m'assaille alors que nous franchissons les derniers miles dans la propriété.

J'étais un jeune homme timide, falot. Quand j'ai terminé ma thèse d'histoire, mes parents m'ont offert une croisière de luxe pour découvrir le Mexique et des caraïbes. Le hasard a fait curieusement les choses, car j'y ai rencontré Henri, qui lui aussi voyageait solitaire. La moyenne d'âge sur la croisière était autour des soixante-dix ans. Nous étions les deux seuls jeunes, tous les deux célibataires et gay, notre rapprochement était inévitable.

Il était bel homme, le fils d'une grande famille d'industriel. Il avait déjà hérité une fortune colossale et nous nous sommes mariés amoureux. Nous partagions notre vie entre son immeuble privé dans le marais, son château en Sologne et une villa dans le sud de la France. Je n'avais pas réalisé qu'il était aussi gravement dépressif.

Henri s'est vite révélé compliqué, il était un intellectuel exigeant, avec des sautes d'humeur terribles.

Sexuellement ce n'était plus cela, il n'avait jamais envie et me trouvait lassant.

Être intelligent rend parfois très con, il était bourré de préjugés, toujours à critiquer. Il se targuait de philosophie, de culture, mais voyait tout en noir et détruisait toute gaité. Le vrai intellectuel snob.

Je lui soumettais mes ouvrages, il les trouvait trop basique. Je ne lui ai jamais parlé de mes romances coquines, il n'aurait pas compris. Je passais la plupart de mon temps en Sologne dans notre propriété, tandis que lui trainait dans les salons Parisiens, lançant de polémiques, toujours au courant des dernières nouveautés. A l'affut du moindre gadget, il flairait les tendances pour des magazines élitistes, mais toujours par jansénisme.

Il était aussi critique littéraire et adorait détruire les réputations des écrivains. J'ai eu la chance d'être son mari, il me l'a affirmé à de nombreuse fois, sinon il aurait laminé mes livres. Je baissais la tête ne sachant que répondre.

J'ai été invité à présenter une série de conférence à la Sorbonne sur les grands thèmes de l'histoire, Henri est reparti en Sologne. J'avoue que l'idée qu'il y aille, pile quand je n'y étais pas, m'a fait très mal. Heureusement, pris dans le feu de mes conférences, les débats et la rencontre avec un groupe d'historiens, j'étais occupé.

Je lui avais déjà parlé de nous séparer, il avait refusé méchant. Je ne l'intéressais plus, mais je restais à lui.

Je n'ai pas eu de nouvelles de mon mari pendant deux jours. J'ai supposé qu'il boudait encore pour une de mes fautes imaginaires. C'était à moi de l'appeler systématiquement, matin et soir et il décrochait quand cela lui convenait.

Je suis rentré le troisième jour en Sologne agacé, m'inquiétant de son silence, de son étrange absence de récrimination. Il n'était pas facile à aimer et je songeais de plus en plus souvent au divorce.

J'ai franchi la grande allée menant au château.

─ Je suis rentré ai-je crié.

Le silence m'a répondu.

Il était la pourtant, en témoignait ses chaussures et ses bottes dans l'entrée en vrac, son manteau accroché sentant le tabac. La cheminée fumait et il n'a pas aéré depuis un moment, ça ne sent pas bon.

Je l'ai appelé, me demandant s'il avait décidé de jouer à un jeu sexuel. Il m'attendait peut-être nu dans le lit avec une rose rouge dans la bouche. C'est quelque chose qu'il n'avait jamais fait, à mon grand regret.

J'ai cru m'évanouir en arrivant dans le salon d'apparat, aux meubles anciens et aux lourdes tapisseries d'époques. C'était la pièce ou j'aimais travailler, cela ne sera plus jamais possible !

La douleur m'a foudroyé, Le chagrin, l'horreur se disputent mon esprit en découvrant son corps. Il s'est pendu en utilisant la balustrade.

Je n'avais jamais imaginé voir son corps pendu ainsi, c'était effroyable. J'ai tenté de lui soulever les jambes, paniqué. Ça ne servait plus à rien depuis longtemps.

J'ai appelé à l'aide, en vain puisque le château est isolé. Nous avons une cuisinière et une femme de ménage, elles ne viennent que deux matinées par semaine. Il m'a fallu lâcher ses jambes pour prendre mon portable et appeler les pompiers.

D'une voix hachée, j'ai prononcé les paroles inimaginables : Mon époux s'est suicidé.

Le drame remonte à plus de deux ans, il m'a laissé anéanti.

Henri m'a tout légué. Je me suis retrouvé seul à la tête d'une immense fortune, principalement des fonds américains et encore agrandi avec la vente du château maudit. Déprimé, je cherchais que devenir, j'avais une petite passion secrète pour les romances boys love sur les beaux cow-boys, alors j'ai fait passer le message à mon investisseur New-yorkais, je cherchais un ranch isolé pour vivre une aventure. C'est comme cela que je suis devenu propriétaire du Green Apple ranch.

J'ai acheté les yeux fermés, sans même visiter. Je ne m'attendais pas à flasher à ce point sur les lieux et mon contremaitre.

Il faut dire que Jay harper est un homme superbe, l'archétype du beau gosse. Il doit rendre les femmes heureuses.

Nous arrivons enfin aux bâtisses. Le vent qui souffle fait dévier le véhicule.

La grande maison est de bois rouge avec un perron et de chaque côté une rotonde de verre, celle de droite est un grand salon et l'autre à gauche est devenu mon bureau. D'après Jay pince sans rire c'est le salon des dames. Il y a également une grande verrière sur l'arrière de la maison que je n'utilise pas non plus.

Plus loin sur la gauche, on trouve des rangées d'écuries, de granges et d'ateliers. Les paddocks, des bâtiments tous de la même couleur, un peu trop de rouge pour moi.

Ça manque de végétation et de charme. Tout est en terre battue, recouvert de neige et derrière les bâtiments de la ferme, à l'écart, il y a les maisons des ouvriers, ou ils sont censés vivre à deux ou trois. Comme ils ne sont que quatre, ils ont chacun la leur. Ce qui manque surtout c'est de la végétation pour embellir et camoufler. J'ai déjà fait des vidéos que j'ai envoyé à un expert paysagiste, qui va travailler sur les plantes que nous pouvons planter ici. Elles doivent résister aux fortes chaleurs et au grand froid. Il m'a rassuré entre les résineux, grands arbres peuplier et érable et même chêne, j'ai le choix. il va pouvoir me trouver de quoi tout embellir. L'irrigation sera sophistiquée et technologique.

Je n'arrive pas vraiment à imaginer que ce soit sa maison d'enfance, il ne se comporte pas du tout comme s'il avait la nostalgie des lieux.

Dans le descriptif faramineux de la propriété, j'ai acheté des bungalows de vacances en bon état pour des vacanciers désireux de se ressourcer. D'après le descriptif du rapport financier, quand j'ai acheté le ranch, il y avait peu de réservations. Le site internet du domaine est archi nul et à revoir complétement. J'ai une foule de projet pour le ranch ; qui inclue une piscine, un lac pour la pêche et je compte tout axer sur l'écologie. Je ne le dis pas à mon mister male, il ne va pas être d'accord. Plus tard, je mettrais la grande maison à louer, cela permettra de donner une belle visibilité au domaine.

Ce n'est pas mon seul projet et Mister sexy va s'étrangler. Je l'imagine me frapper le cul avec sa queue. Si seulement !

Jay m'a affirmé que les bungalows sont tous en bon état m'a proposé une balade à cheval pour faire une tournée d'inspection. Il faisait trop froid pour moi et je ne sais pas monter, ce que je ne lui ai pas avoué.

─ Nous sommes arrivés je vais t'aider à décharger.

Il a pris la peine de me déposer juste devant la maison.

Quand j'ouvre la portière je suis surpris par la violence des grésilles coupantes qui nous assaillent. J'ai presque eu l'impression que le vent pourrait m'emporter, ce n'est pas une sensation agréable.

Lui a déjà ouvert le coffre et pris les sacs puis il me pousse à l'intérieur de la maison avant de décharger les sacs sur le pas de la porte, en me regardant sévère.

─ Sérieusement Jayrrrhhaaome, il ne faut pas sortir promis ? la purée de poie arrive ! tu ne survivras pas deux minutes dehors.

Je hoche la tête. C'est la première fois qu'il utilise mon prénom et ça me donne des frissons. En le prononçant avec son accent c'est comme si nous avions le même. Amusant !

Il me dévisage essayant de vérifier si je suis bien sérieux. Il doit se retenir de m'enfermer à clé.

─ Je vais garer la voiture dans le hangar. Les gars ont tendu des cordes pour que je trouve mon chemin. Même moi, je peux me perdre et mourir de froid à quelques mètres de la maison.

Il m'énerve quand il me prend pour un imbécile.

─ Oui j'ai compris, promis et vous alors ?

─ Les cordes sont là pour ça. Il faut qu'on s'occupe du bétail. Si tu as besoin tu téléphones, OK patron ?

─ Content que tu te rappelles qui est le patron !

─ Je m'en rappelle puisque c'est toi qui payes !

Il est parti me laissant le souffle court. Je déballe mes courses dans la grande cuisine équipée d'un ilot central. Elle a un plan de travail de marbre blanc qui fait tout le mur sous une baie vitrée.

J'ai une vue imprenable sur la tempête de neige.

Jay a raison, un brouillard étrange envahi les lieux, je ne distingue plus les écuries et les bâtiments. Je me sens bien seul ce soir quand je reçois un message.

N'oublie pas patron, appelle s'il y a quoi que ce soit. Bonne soirée. Jay

Il est toujours cool ce mec. Je range mes courses dans le garde-manger. Je suppose qu'une des chambres doit être la sienne. Je n'ai pas osé lui demander laquelle.

Un jour en panne d'inspiration, j'ai fouillé les lieux, espérant deviner. C'est comme si les anciens propriétaires étaient partis du jour au lendemain. Plusieurs chambres évoquent des repères d'adolescents, je n'ai donc pas trouvé et je n'ai pas poussé le vice jusqu'à fouiller les placards.

Pendant que je cuisine, la tempête de neige tombe sans discontinuer. Un muret un peu plus loin pour séparer la maison de la ferme, me permet de mesurer ce qui est déjà tombé. La couche blanche est montée déjà de cinq centimètres.

Je me lance dans une bouillabaisse et un curry d'aubergine. J'ai faitdes macarons. Je peux les conserver plusieurs jours dans le garde-manger avecle froid et je pourrais leur faire gouter.

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