Chapitre 2
Jérôme
Jay m'adresse une mimique d'excuse. Pour cette expression, waouh je suis amoureux. Je le croyais plus doué que cela avec un volant. Intérieurement je me réjouis de sa présence, seul j'aurais paniqué, mais comme il est là, je peux la jouer cool.
─ Je vais voir si les essieux tiennent le coup et on pourra repartir ! Il y a une énorme plaque de verglas, je vais bruler de l'essence.
─ Non ! C'est polluant ! On a du sable, non ?
─ C'est plus cher !
─ Et moins polluant ! Le sable !
─ C'est toi le patron ! c'est toi qui payes !
─ J'aime bien quand tu t'en rappelles !
─ Je m'en rappelle quand tu payes.
Il veut toujours avoir le dernier mot. Je n'insiste pas, je me fais du mal pour rien. Il est sorti en chemise alors qu'il doit faire moins vingt dehors.
Frimeur !
Il est grand, baraqué, un fessier à damner un saint. Faire l'amour avec lui ça doit être quelque chose !
Je baisse la tête, car il me dévisage en téléphonant. Pourvu qu'il ne m'ait pas vu le mater. Un peu inquiet, je redoute toujours des réactions homophobes, je sors rapidement pour me donner une contenance.
L'air glacial dans la plaine ventée me coupe le souffle. J'observe les lieux, faisant un tour complet sur moi-même, stupéfait comme à chaque fois, par l'immensité de l'espace. À perte de vue, pas une habitation, on se croirait sur une autre planète, perdu au milieu des collines blanches et désertiques.
Je manque de glisser, en effet la route est devenue une patinoire lustrée.
Il vient de prévenir nos gars pour qu'il rapplique avec du sel et il appelle le shérif en tournant à nouveau la tête vers moi.
Jay
─ Bonjour Shérif, c'est Jay Harper, il y a une énorme plaque de verglas sur la I15. Il faudrait mettre un panneau et bloquer la route. Je peux m'en occuper, si vous voulez ?
Je grimace en regardant mon patron qui me rejoint. Ce n'est pas contre lui, simplement je déteste ce connard de shérif qui me le rend bien. Il faut dire que ma famille n'est pas des plus facile à vivre.
─ Pourquoi tu es sur la route ?
─ Le chef voulait faire du shopping, j'ai préféré l'accompagner.
─ OK ! grogne l'homme de loi. Je vais aller risquer ma peau ! Tu as raison il peut y avoir des huluberlus qui sortent.
─ Pour info, on va mettre du sable et installer deux cônes de signalement.
Je n'oublie jamais sa menace, s'il arrive quoi que ce soit au frenchie, je serais suspect avec un aller direct pour la geôle de l'état et ses combinaisons orange.
Je sors le sac de sable que j'ai toujours dans la camionnette, pendant que lui admire le paysage. Il m'énerve à se prélasser comme un touriste sans s'occuper de la vie de la ferme et le pire c'est quand il regarde son téléphone. Pourquoi avoir acheté le ranch s'il ne s'en occupe pas ?
C'est horriblement vexant et inquiétant pour l'avenir du domaine. Parfois je quand je cogne mon sac de boxe j'imagine corriger cet idiot qui ne m'inspire nulle confiance.
Je sors ma lame pour ouvrir le sac, il a un sursaut en découvrant mon couteau. J'en suis fier, je l'ai forgé moi-même.
Je ne risque pas de le tuer, qu'il se rassure. J'ai déjà été en prison pour avoir frappé un mec en état de légitime défense. Je ne compte pas y retourner. Ce cow-boy m'avait traité de tantouze et il m'avait attaqué avec deux autres. J'ai frappé trop fort et il ne s'est jamais réveillé de son coma. Tuer est une horrible chose et surtout la prison est un cauchemar, je ne compte pas y retourner.
Mon copain Josh, qui était avec moi le soir de l'agression et qui sait bien ce qu'il s'est passé, est le notaire en ville et c'est lui qui s'est occupé de la vente de la propriété.
Il m'en devait une et m'a prévenu que le nouveau propriétaire cherchait un contremaitre. J'ai postulé, décidé à rester chez moi. Josh avait les pleins pouvoirs et il m'a recruté, malgré le désaccord du shérif.
En m'activant, je marmonne après cet étrange huluberlu qu'est mon patron, cet extraterrestre qui se balade sans chapeau. Il est là depuis deux mois déjà et il parait qu'il est riche comme crésus. Je n'en suis pas revenu quand j'ai été le chercher à l'aéroport, en découvrant le minet étrange. Un visage délicat très mignon, des lèvres roses, quelques tâches de son improbables sur une peau crémeuse, mais c'est quoi ce mec. Barbara la beauté du village pouvait aller se rhabiller.
Il a racheté le ranch et depuis ne s'en occupe pas. Les rares fois où je lui pose des questions, il me répond qu'il n'en a pas la moindre idée. Il n'a pas été admirer son cheptel, ne veut pas augmenter la production. Ce mec est une véritable hérésie. La maison a été vendu avec tous les meubles, les banquiers y ont veillé. J'avais peur qu'il s'en débarrasse ou qu'il les revende pour se faire de l'argent, j'apprécie qu'il ne change rien.
Est-ce que ça va durer ? Il faudrait que je lui pose la question sur l'avenir du ranch. Je n'ai pas osé le faire, redoutant la réponse.
Les rumeurs disent qu'il est gay, mais lui n'a rien annoncé. Certaines filles qui l'ont croisé en ville en aurait bien fait leurs quatre heures. Surtout, que ce qui ne gâche rien, c'est le paquet de fric qu'il doit avoir à disposition. Il n'a jamais cédé aux avances.
Par contre un gay qui ne va pas dans les bars tirés son coup ? C'est étonnant ? Il ne sort pas et on ne le voit avec personne. Il s'appelle Jérôme quelque chose, c'est imprononçable. Il reste à son bureau qu'il a installé dans la pièce où ma mère cousait. Il est écrivain.
Ma sœur Amelia a récupéré un de ses livres et me l'a prêté en me disant que c'était compliqué. J'ai tenu trois pages avant de lâcher l'affaire. C'est illisible, nul et chiant, mais il a payé notre ranch rubis sur l'ongle. Depuis, il paye tout ce que je lui réclame, sans s'inquiéter, ni chercher à comprendre. Il semble me faire confiance.
Je ne dois pas penser qu'il me plait, car j'ai trop besoin de ce poste. Je dois rester dans mon ranch, il n'est pas question de tout foutre en l'air pour un coup d'un soir. Ma queue sait se tenir.
Le froid me tenaille alors que je sable la plaque de verglas. Pendant ce temps, il est retourné dans la voiture, le nez dans son téléphone, alors je sors de l'essence et en verse sur la dernière partie en me gelant les couilles. Les gars la bruleront quand ils arriveront.
J'aime les mecs pour ma part et j'avoue que son minois me plait et mes rêves érotiques le prennent souvent comme personnage principal. Il doit être superbe nu.
J'aime bien nos échanges-disputes.
Curieusement, c'est parce que je suis gay, que je ne suis pas en taule. Mon père m'a surpris dans un bar avec un mec. Il m'a cassé la gueule car je déshonorerais la famille et m'a exclu de la direction des affaires importantes du ranch. Ma sœur et moi nous n'étions plus sur l'acte de propriété, donc les banques ne m'ont pas poursuivi.
Ma mère est morte quand j'étais adolescent, j'ignore comment elle aurait réagi.
Ma sœur s'était déjà tirée depuis longtemps agacé par le machisme de mon père, plus heureuse à vivre seule comme serveuse au diner de Louisreed. Elle m'a logé dans son appartement au-dessus du restaurant, quand je me suis retrouvé à la rue, jusqu'à ce que mon père me rappelle comme ouvrier.
Le français m'a recruté à distance, sur un vague entretien téléphonique. Je lui ai réclamé à garder nos trois hommes avant de plus tard lui balancer toutes les factures en souffrance.
Il a débarqué en septembre, la pire période pour découvrir notre région. Juste avant le grand hiver glacial et les blizzards.
Nous avons parié avec les gars, sur le temps qu'il allait tenir. Notre coin n'a rien à voir avec Paris sa ville lumière. Jusqu'à présent, il ne semble pas souffrir de la solitude et me fout la paix pour le ranch. Je fais ce que je veux et il paye. Je me demande combien de temps cet arrangement magique va durer. Les choses vont se compliquer inévitablement, mon père et mon frère vont sortir de prison au printemps. Le shérif m'a prévenu, ils ont interdiction de revenir ici, ils ne sont plus chez eux ! Sauf que lui comme moi, savons que mon père n'a jamais été raisonnable.
Je sens la chaleur m'envelopper, à ma surprise, le maigrichon vient de déposer ma veste sur mes épaules.
─ Il parait qu'on ne peut rester que cinq minutes dehors sans protection ! Tu es imprudent ce n'est pas bien.
─ Merci, je marmonne, amusé.
─ Oh non tu as mis de l'essence, pollueur ! rouspète t'il choqué.
J'aime qu'il se préoccupe de la région. Il fait la même chose au ranch, il essaye de tout préserver, il veut toujours ce qui est le plus naturel. Il ne semble pas pour les grands chambardements.
Il ignore que la troisième fenêtre sur la gauche est la chambre de mon adolescence. Ce ranch j'y tiens plus que tout.
─ Je n'avais plus de sable.
Nous regardons tous les deux la glace qui s'évapore.
─ Bon c'est efficace, mais tu as un mauvais point !
Je ricane avec ces expressions idiotes, je t'en foutrais des mauvais points. Si j'avais désobéi à mon père, il m'aurait mis un crochet dans la mâchoire, au point de me sonner. C'est comme ça, que je sais obéir.
─ Allons y patron, ne trainons pas, c'est trop calme, la tempête peut arriver plus vite que prévu.
J'ai conduit dans le silence jusqu'au Mall, luttant contre ce désir qui m'envahi, quand je suis près de lui, cette envie de le gouter, de le lécher. Je lui désigne l'horloge sur le cadran de bord.
─ Tu as une heure maximum. J'attends dans la voiture.
D'après la météo, les premiers vents du blizzard arrivent dans la soirée, mais il vaut mieux être prudent.
─ Et toi, Tu n'as besoin de rien ?
─ Non, c'est bon on a plein de burger et de glaces dans les congels.
Il grimace. J'ai eu le temps de l'observer ces derniers mois. Lui cuisine souvent. Il est beau à regarder. Je ne le loupe pas car la cuisine comme le salon sont dotés d'immenses baies vitrées qui me permettent de l'admirer de l'extérieur.
Il utilise plus la cuisine que ma mère. Je suis sûr qu'elle n'a jamais utilisé nombres des appareils qui s'y trouvait. Elle nous faisait des sandwichs au thon ou au beurre de cacahuètes, des steaks et des frites et c'était très bien comme ça. Je n'aime que la viande.
Il prend son caddy et me fait un signe de la main.
Je suis content de l'avoir accompagné et préfère être là avec lui, s'il lui arrivait quelque chose, je ne me le pardonnerais pas. J'en frissonne d'angoisse rien que d'y penser.
Rodéric m'appelle pour me confirmer qu'ils ont sablé la plaque de verglas et qu'ils ont installé des cônes. Il me presse de ne pas trainer, les vents sont déjà violents et il y a des congères qui se forment sur les côtés. Le petit minet va souffrir. Trois jours sans sortir, il va comprendre sa douleur !
Je grimace réalisant qu'il a déjà fait pire. Il passe parfois plusieurs jours sans mettre le nez dehors, il s'est fait livrer des appareils pour faire une salle de sport à l'intérieur et il court sur un tapis de course ou fait du vélo elliptique. Puis de temps à autre, il sort marcher ou courir. Je lui ai proposé d'aller faire une balade à cheval, il a toujours refusé.
Le soir les lumières indiscrètes m'ont renseigné, sur ses habitudes. Il n'occupe que deux ou trois pièces sur le côté. La rotonde lui sert de bureau, la cuisine, un bureau derrière lui sert de salle de sport. Il dort dans l'ancienne chambre de mes grands-parents et utilise la salle de bain attenante, de mémoire elle était plutôt vieillotte.
Il fait le ménage lui-même avec des écouteurs. Je l'ai surpris une fois et j'ai eu la surprise de ma vie en le voyant passer l'aspirateur avec un casque sur les oreilles et son cul qui se trémoussait, c'était quelque chose.
Il y a un truc qui me stresse, c'est qu'il est propriétaire de nos chevaux. Il possède même mon Anaconda, j'y tiens plus que tout. Sans le savoir il entretient Polly la jument de mon père, Sasha le cheval de mon frère.
Il pourrait les revendre ce qui occasionnerait d'ailleurs des drames et quand je lui ai demandé anxieux, lequel je lui réservais il m'a avoué qu'il en avait peur.
Je déteste qu'il ne s'intéresse pas aux chevaux. Pour moi, c'est le signe qu'il s'agit d'une lubie et qu'il va revendre le ranch et les bêtes, tôt ou tard.
Comment il peut avoir autant d'argent avec ses bouquins pourris illisibles ?
En théorie, nous devrions avoir plus de deux cents chevaux et le triple de bétails. Je lui ai répété qu'il ferait des économies d'échelle, la main d'œuvre est déjà là et c'est presque aussi cher d'entretenir pour vingt que pour deux cents.
Son business ne peut pas marcher s'il continue comme ça. Et quand il aura revendu que va devenir le ranch ? Comment gérer mon père qui va débarquer ? L'angoisse me tenaille.
La route est déserte dans mon rétroviseur. Il y a des voitures sur le parking et deux ou trois inconscients dans le magasin. Le directeur du Mall, Larry, habite au-dessus, il aurait dû fermer ! Bedford est une ville si calme, quelques ranchs et quelques bâtisses disséminés le long du Missouri, comment peut-il se plaire ici ?
Une heure plus tard, Jérôme ressort avec ses sacs de courses, accompagné par Larry, qui me salue d'un hochement de tête. Nous nous sommes affrontés dans des épreuves de tirs, il m'en veut de lui avoir volé son titre. Il s'accoude à ma fenêtre m'obligeant à ouvrir.
─ Tu l'as laissé sortir ?
─ Ce n'est pas un enfant, c'est mon boss !
─ Ne tardez pas à rentrer ! Je suis venu vérifier que tu étais là, sinon je ne l'aurais pas laissé repartir ! Appelle-moi quand vous êtes arrivés au ranch.
Le petit père réalise que c'est sérieux. Il se tortille, gêné alors que je redémarre, Je sens que ses yeux se posent sur mes mains, je me demande à quoi il pense ?
Surtout ne pas lâcher ce volant pour l'embrasser. C'est mon patron, un connard, un abruti avec des dollars et c'est juste une pompe à fric, surtout ne pas craquer sur lui.
Je n'aurai pas dû penser au mot pompe !
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