Chapitre 6 : Le Cadeau
~ DELYTH ~
La jeune femme n'osait rentrer dans la maison. Depuis que le Vampiris d'Aron lui avait rappelé que ce jour était celui de son anniversaire, elle ne pouvait s'empêcher d'espérer d'avoir ne serait-ce qu'un repas festif. Voir même d'avoir un ou deux cadeaux, bien que le fait d'être sortie de cet institut était le plus beau présent qu'elle aurait pu recevoir. Mais ces divagations la faisait se sentir coupable : avait-elle le droit de vouloir être choyée, alors qu'elle avait rendu la vie de son père la plus pénible possible des mois durant ?
Mordant sa lèvre inférieure, elle se décida à enfin rentrer dans la maison, en tentant d'oublier ses désirs. Plutôt que divaguer sur de futiles espoirs et de risquer d'être déçue, elle préférait amplement profiter de la visite de sa nouvelle demeure. Avant même de rentrer, elle put apprécier la nouvelle porte d'entrée en bois brut, qui semblait ressortir dans les couleurs claires du perron. Chaque murs extérieurs ainsi que les barrières autour du perron avaient été lavés et repeints en blanc. Tout était si éclatant que cela donnait mal à la tête, avec le zénith qui approchait.
― Vous avez tout peint en blanc ? s'étonna Delyth. Enfin, c'est vraiment plus joli qu'avant mais... vous ne vouliez pas un peu de couleurs, même pâles ?
Aeddan était ressorti de la maison après avoir déposé la valise de sa fille à l'intérieur. A présent, il souriait malicieusement sans répondre à sa fille. Ce fut Cadeyrn qui donna un petit coup de coude à sa nièce en lui désignant Aeddan, qui tentait de cacher son amusement.
― Justement, ton père voulait que tu choisisses la couleur, lui signala-t-il. Surtout qu'au final, on a bien bossé sans toi, il fallait bien te garder un peu de travail au chaud pour ton grand retour !
― Haan, c'est trop gentil ! Merci mon papounet, fit la jeune femme en sautant dans ses bras.
― Il faut croire que le fait que tu sois devenue majeure légalement ne t'empêche pas de faire de gros câlins à ton vieux père ! ria Aeddan en serrant un peu plus sa fille dans ses bras.
Delyth sentait les larmes perler à ses yeux, avant même qu'elle n'ait mis le pied dans sa nouvelle maison.
― Je te souhaite un très bel anniversaire, ma chérie.
― Joyeux anniversaire ! firent Cadeyrn et Elyana en cœur.
Les deux acolytes d'Aeddan venaient de surgir de la porte d'entrée. Cadeyrn portait un gros gâteau surmonté d'une multitude de bougie, posé sur un plat en porcelaine, tandis qu'Elyana montrait son plus beau sourire. La jeune majeure ne savait plus quoi dire mis à part murmurer des remerciements en sentant les larmes de joie mouiller ses joues tachetées d'éphélides. Elle souffla les bougies avant que la cire ne vienne goutter sur la crème de la pâtisserie et essuya ses joues de ses doigts d'un mouvement d'experte.
― J'ai le droit d'entrer, maintenant ? Le perron est super mais... j'ai hâte de découvrir l'intérieur !
― D'accord, acquiesça Aeddan, mais alors tu dois fermer les yeux !La jeune femme fit une moue boudeuse avant de rabattre ses paupières. Elle sentit des bras la tirer dans la pièce et elle tituba en avant, suivant le mouvement.
― Je peux les rouvrir ? demanda-t-elle, extatique, tandis que sa voix résonnait étrangement dans la pièce.
Elle imaginait déjà tout : les couleurs qu'ils avaient choisies aux murs décorés de sublimes tableaux. Des meubles raffinés que son père avait dû chiner d'on ne savait jamais où, probablement plusieurs tapis comme il les appréciait énormément. Oui, Delyth voyait déjà à travers ses yeux clos une pièce richement décorée, sublimée par des couleurs chatoyantes.
― Tu peux ouvrir, lui permit Aeddan.
― Alors elle découvrit la véritable pièce, dont le véritable aspect se superposa à son imagination. Et elle tomba des nues.
― M-mais, qu'est-ce que ?Son regard balaya la tristesse de la pièce. Certes, les murs avaient encore les deux couleurs que Delyth et Aeddan avaient peintes, cependant le reste de la pièce offrant un contraste saisissant.
Pour cause, le peu de meubles qui se trouvaient dans l'immense pièce venait de leur ancien appartement, beaucoup plus petit que leur nouvelle maison. La grande salle de vie paraissait si vide, si morne. Presque dépourvue de décoration, elle faisait pâle figure comparé à ce qu'elle avait imaginée.
― C'est euh... comment dire, cafouilla-t-elle en cherchant à ne pas les blesser. C'est un peu...
― Vide ? proposa son père.
― Dépareillé ? surenchérit Elyana.
― Triste ? compléta Cadeyrn en souriant.
― Ouvre donc ton cadeau, fit Aeddan en lui fourrant un grand paquet lourd dans les mains.
Elle déchira l'emballage, découvrant une dizaine de catalogues, certains épais, d'autres vraiment très épais. «Décore ta demeure», «Osez le changement», «Idée Maison» ou encore «Design&Deco». Abasourdie, Delyth regardait tour à tour les visages de son père, de son oncle et de sa nouvelle amie.
― Vous avez vécu dans cet endroit dépourvu de tout style, avec si peu de meubles pendant tout ce temps... juste pour moi ? demanda Delyth, des trémolos dans la voix.
Ces trois personnes, ces trois êtres formaient malgré leurs différences une famille. Elle le ressentait en cet instant, à travers leurs émotions. Tous exultaient la joie, le plaisir et la satisfaction. Heureux d'avoir vécu avec un immense salon qui n'avait qu'un petit canapé de deux places, dont la couleur jurait avec celle du mur. Heureux d'avoir patienté et de voir la jeune Draccubus se confondre en gêne et en joie.
― Tu devrais jeter un coup d'oeil à ta chambre, aussi.
Le regard d'Aeddan s'était voulu neutre mais même ses yeux ne pouvaient camoufler les ridules de sa peau, laissant apparaître un visage souriant et serein à la fois.
Grimpant quatre par quatre les marches des escaliers, la jeune rouquine ouvrit la porte de la pièce qui devait être sa chambre, celle qu'elle avait auparavant choisie. Elle n'était ni la plus spacieuse ni la plus isolée mais elle aimait son plafond en pente et ses poutres apparentes. Aujourd'hui, tout était comme dans son souvenir sauf que la pièce avait été nettoyée à fond et que les murs avaient eu droit à un petit coup de peinture blanche. Tout était vide et blanc, tout était encore à faire. Le sol n'était même pas encore refait, aucun meuble n'occupait la surface.
— Nous avons entreposer tes anciens meubles dans une chambre vide, précisa Aeddan d'un ton rassurant.
Cette fois-ci, les larmes eurent raison de la jeune femme, qui éclata en sanglots. Elle réalisa la peur qu'elle avait eu, de venir habiter dans cette nouvelle maison, de découvrir des lieux inconnus. Seulement, cette maison n'avait pas encore d'âme, elle n'était pas finie. Delyth aurait le plaisir de participer à sa création, de faire les choix pour construire ce qui deviendrait leur quotidien. Là où ils mangeraient, où ils cuisineraient, où ils passeraient du temps en famille... et le mieux : sa chambre, son nid douillet personnel. Oui, cet espace ne pouvait être créé que par elle, à travers ses idées et ses humeurs.
En ces intentions, ils lui avaient donné le plus beau cadeau qu'ils auraient pu lui faire. Ils lui avaient donnée une motivation, ils lui avaient créée une famille. Dans de simples mots, elle avait de nouveau une raison de vivre.
Delyth profita de cet après-midi d'insouciance, à manger la pâtisserie recouverte de glaçage d'un blanc brillant. Elle prit même du temps pour feuilleter les catalogues qui lui avaient été offerts. Le soir venant, elle s'était réfugiée dans la pièce où ses anciens meubles étaient entreposés. Et la nostalgie lui vint par vague. L'armoire sur laquelle elle avait plaqué Markus par deux fois, la première quand il s'était infiltré dans son appartement en traquant Faël, juste après sa transformation. La seconde, quand ils s'étaient embrassés sous l'emprise de ses pouvoirs de Succubus. Son regard baissa sur son tapis, où s'asseyait souvent Faël, quand il venait lui rendre visite. La jeune femme fouilla dans les cartons qui bordaient le mur. Elle en ouvrit plusieurs avant de trouver ce qu'elle cherchait. Au milieu de quelques peluches colorées, elle avait trouvé un coffre en bois à peine plus petit que le carton qui le contenait. Elle l'emporta sur le tapis moelleux et s'assit en tailleur devant lui. Son bois était délicatement sculpté et ses nombreuses fissures et éclats marquaient la vie qu'il avait vécu avec ses précédents propriétaires. Ce coffre était vieux, plein d'histoires et de mystère. Ses charnières avaient dû être réparées mais il gardait son essence antique. La jeune femme aimait dessiner ses motifs de ses doigts, toucher ses rugosités et capter ses imperfections. Tout ce qui faisait de lui un objet unique, qui avait presque l'air vivant.
Quand il fut enfin ouvert, elle fut humée toutes sortes d'odeur en sortir. Celle de quelques feuilles mortes qui séchaient, les minéraux des cailloux aux effluves bien particulières. L'encre, le papier, une odeur d'usure. Les odeurs des trésors d'une enfant de maintenant dix-huit ans, ce qu'elle avait accumulée et qui l'attendaient toujours dans ses moments nostalgiques. Elle attrapa avec délicatesse une feuille aux bordures dentelées, qui avait autrefois été jaune mais qui avait virée au brun clair. Celle-ci, elle l'avait ramassée lors de sa première rencontre avec Kasper. Elle la manipula avec délicatesse, bien conscience de sa fragilité, puis la posa sur le tapis, juste à côté d'elle avait de replonger dans l'inspection de ses trésors.
Son doigt tomba sur un aspect lisse et doux et elle tira sur le tissu qui lui avait procuré cette sensation. Elle vit alors un ruban bleu pâle, qui était légèrement jauni par le temps. Datant de sa petite enfance, il lui avait été offert par Faël en cadeau lors de son quatrième anniversaire. A l'époque, elle l'avait porté autour de son poignet comme une sorte de bracelet. Aujourd'hui encore, le ruban portaient des plis et des striures à l'endroit où son père nouait le bout de tissus en un joli nœud papillon.
Le ruban fut déposé à côté de la feuille. Puis Delyth se leva et fouilla dans ses cartons annotés d'un « vêtements ». Alors, elle le retrouva. Une robe de chambre robe avec un personnage Disney en son centre. Son pyjama Bambi, que Markus avait revêtu quand il était venu chez elle sous sa forme animale.
Elle déposa sa tenue près des deux autres objets qui lui servaient de souvenirs. Les trois réunis formaient le trio qu'elle n'avait jamais vu ensemble et qu'elle ne verrait jamais. Elle se souvint d'eux avec force, les trois Lycanthropes qu'elle considérait comme ses meilleurs amis. Markus, Kasper et Fäel. Comme ils lui manquait ! Les larmes qu'elle n'attendait pas se mirent à couler. Comme un étau silencieux, sa poitrine se comprima douloureusement. Elle avait une famille, mais cela suffirait-il ? Malgré leur présence, elle se sentait seule, désespérément seule. Demain, elle devrait déjà reprendre ses études, aller dans une nouvelle école, avec des nouveaux camarades, de nouveaux professeurs. Elle réalisait à peine que Faël ne serait pas là-bas. Depuis qu'elle était à l'école, il avait toujours été dans la même classe qu'elle. Ils avaient toujours été ensembles.
Mais là, elle se retrouvait soudainement sans rempart et sans soutien. Et ses amis ? Comment se sentaient-ils ? Vivaient-ils confortablement ? Leur manquaient-ils ?Malgré leur présence, elle se sentait seule, désespérément seule. Demain, elle devrait déjà reprendre ses études, aller dans une nouvelle école, avec des nouveaux camarades, de nouveaux professeurs. Elle réalisait à peine que Faël ne serait pas là-bas. Depuis qu'elle était à l'école, il avait toujours été dans la même classe qu'elle. Ils avaient toujours été ensembles.Mais là, elle se retrouvait soudainement sans rempart et sans soutien. Et ses amis ? Comment se sentaient-ils ? Vivaient-ils confortablement ? Leur manquaient-ils ?
Elle se roula en boule sur son tapis, tout contre ses petits trésors sortis de leur boîte et s'endormit en tentant d'oublier sa souffrance. Toutefois, la jeune femme ignorait qu'avant de tomber de sommeil, une enveloppe blanche marquée de son adresse et de son nom reposait sur sa table de nuit.
La nuit passa et les premiers rayons du soleil qui se levèrent dans sa chambre éclairèrent doucement la pièce. La jeune femme, marquée par sa nuit de mauvaise qualité, sortit de la pièce sans remarquer la précieusement enveloppe, qui pourrait répondre à certaines de ses inquiétudes. Elle s'apprêtait à affronter sa journée de rentrée en plein mois d'octobre, tâchant d'oublier ses remords et de ravaler ses angoisses.
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