Chapitre 32 : Un Moment de Bonheur

~ Elyana ~

La jeune femme avait passé un après-midi au calme, entourée par Camaël et Cadeyrn, qui prenaient bien soin d'elle. S'ils tournaient encore en rond, fidèles à leurs habitudes, ils firent l'effort de laisser leurs préoccupations de côté, au moins pour cette journée.

Elyana s'étira dans son lit, s'éveillant d'une sieste bienvenue. Ces derniers temps, son corps épuisé réclamait de plus en plus de sommeil. Mais à contrario, son ventre proéminent et son bébé qui appuyait souvent sur sa vessie ne lui permettait pas d'accéder au sommeil du juste. La plupart du temps, ses nuits étaient ponctués de réveils intempestifs, où la Nymphus devait se rendre au petit coin avant de retourner boire un verre d'eau.

Son corps lui semblait étrangé, comme si la grossesse avait tout changé en elle, jusqu'à la moindre de ses habitudes. Elle voulait manger des plats qui la répugnait d'ordinaire, était devenue quelque peu irritable. Sans parler de petits détails du quotidien devenus un véritable défi, comme le fait de mettre ses chaussures. Pour y parvenir, elle devait s'asseoir par terre, en tailleur.

Aujourd'hui, elle alla au plus simple, en enfilant ses bottes sans ouverture, où elle pouvait se contenter d'y glisser son pied à l'aveuglette. Elle s'emmitoufla d'un gilet long et bien épais, puis d'un manteau court pour affronter le froid automnal, avant de descendre au rez-de-chaussée.

— Quelqu'un veut m'accompagner ? demanda-t-elle en se dirigeant vers la porte d'entrée.

— Tu devrais éviter de trop sortir, la réprimanda immédiatement l'Incubus, avant qu'il ne se sente coupable.

— Je suis une Nymphus, répliqua-t-elle. J'ai besoin d'être un peu dans la forêt la plus proche, pour me sentir mieux.

Elle souhaitait en effet sortir de cette léthargie qui semblait s'être emparée d'elle. Évidemment, concernée par l'état de sa grossesse, elle ne voulait pas vagabonder très loin. La plupart du temps, elle allait dans la forêt qui bordait les maisons, à quelques centaines de mètres. Mais à partir de maintenant, par précaution, elle sortirait seulement jusqu'au verger, situé juste derrière la maison victorienne.

Elle fit part de sa décision à l'oncle de Delyth, qui fut tout de suite plus rassuré.

— Je t'accompagne.

L'Incubus enfila un simple blouson de cuir, qui semblait trop fin pour le froid qui s'installait peu à peu dans l'air, prouvant que l'hiver n'était plus très loin.

Le jeune homme passa son bras sous celui d'Elyana et ensemble, ils sortirent dans l'ambiance glaciale et monotone de la fin de l'automne. Contournant la demeure, ils virent les arbres aux branches nues, dont les feuilles étaient venus mourir à leurs troncs, formant un tapis qui craquait sous leurs pieds.

— Camaël n'a pas voulu venir ?

— Si, il doit être là-haut, comme d'habitude.

Sans en préciser davantage, Elyana avait saisit l'idée. Elle se tourna en haut de la demeure et vit l'être angélique assit en haut du toit de la petite tourelle, qui guettait leur évolution. Elle le salua d'un petit geste, auquel il répondit d'un mouvement presque imperceptible de la tête.

— Ce serait tellement agréable d'avoir une balancelle dans ce jardin ! s'exclama la belle blonde. Tu imagines, lire un livre dans cet espace, tout en buvant un thé ? Ce serait le paradis.

— Il va bientôt geler, et toi tu penses à pique-niquer ici ?

— Il fait un peu froid, je l'avoue. Presque le paradis, se corrigea-t-elle d'un sourire.

Elle observa les quelques arbres fruitiers, qui n'avaient plus ni fruits, ni fleurs, ni feuilles. Ainsi mis à mal, on pouvait difficilement imaginer les odeurs et les saveurs qu'ils étaient capables d'offrir.

— Attends ici avec Camaël, je reviens ! fit l'Incubus, prit d'une sorte de frénésie nouvelle.

Il leva le regard, pour vérifier que le gardien ailé était toujours là pour veiller sur leur protégée.

— Mais...

— Où est Camaël ? compléta la jeune femme, cherchant dans les airs.

Cependant, ce n'est pas par le ciel que celui-ci fit son entrée. Il arriva, un large fauteuil en paille dans les bras. Il le posa contre le mur de la maison, de façon à avoir vu sur le verger tout en étant protégé du vent frais.

— Cam ! fit Cadeyrn, déboussolé. Tu sais lire dans les pensées ?

— Non, répondit-il en toute honnêteté.

— Ça alors, tu m'as volé mon idée !

L'Angélus le fixa en silence, pesant ses prochaines paroles, qui préparait toujours avec soin.

— Je...

— Si tu comptes t'excuser, le coupa Cadeyrn, je te préviens : je ne te parlerai plus... pour au moins cinq minutes. Tu sais que je dis la vérité, monsieur l'ange.

L'Angélus esquissa un bref sourire, une moue légèrement tordue, qui paraissait presque comique. Elyana sourit à son tour, avant de se laisser choir sur le siège. Des émotions positives avaient envahit les lieux, rendant son coeur en émoi, paisible.

— J'ai fait chauffer de l'eau, finit par déclarer Camaël, à la place de s'excuser.

— Je m'occupe du reste.

Cadeyrn partit dans la maison, un large sourire aux lèvres. Il revint quelques minutes plus tard, chargé comme un bœuf. Le voyant ainsi cocacement débordé, son ami vint à son aide. Il attrapa le petit tabouret qu'il tenait dans sa main gauche et alla le poser aux côtés du fauteuil de la jeune femme. L'Incubus posa une tasse fumante par dessus, avant d'étendre un plaid épais et chaud sur les jambes de sa protégée. Enfin, il déposa un livre sur ses genoux. Une romance teintée de surnaturel, à en juger le titre et la couverture.

— C'est une tisane, tu dois éviter la théine, précisa Cadeyrn, tandis que Camaël réajustait la couverture.

— Vous êtes les hommes de ma vie, murmura la jeune femme, soupirant de contentement.

Une nouvelle vague d'émotions agréables arriva jusqu'au cœur apaisé d'Elyana. Elle put voir les deux hommes s'échanger un regard complice, plein de fierté. Du moins, le visage de l'Incubus parlait pour lui.

Elle ne put que devenir troublée, de sentir à quel point il se sentait... reconnaissant, heureux et fier de l'avoir rencontrée, ainsi que de la voir évoluer au quotidien. Comme s'il avait retrouvé une famille, un ancrage qui semblait avoir disparu depuis bien trop longtemps. Elle n'avait pu le comprendre que récemment, sur sa raison qui le poussait tant à vouloir prendre soin d'elle. Tout à coup, la jeune femme se redressa sur son siège, l'air tout aussi préoccupé que les deux hommes. Une présence était tout près, les guettant dans l'ombre. Tous avaient été trop occupés sur leur moment de bonheur simple pour s'en être rendu compte.

Toutefois, la jeune femme sentit que cet arrivant impromptu n'avait point de mauvaises intentions. Il était un ami, venu de non loin. Elle sentit son affolement, qu'elle mit sur le compte de la présence menaçante de l'Incubus et de l'Angélus.

— Ne crains rien, n'aie pas peur. Ils ne te feront aucun mal.

Alors, l'être sorti de sa cachette. Il lui fallut quelques secondes pour parcourir les centaines de mètres qui le séparait d'Elyana, avant de contourner la maison d'un pas nonchalant, empli de méfiance. Elle le reconnu immédiatement, bien qu'elle ne l'ait jamais vu sous cette forme animale. Lui souriant, elle tendit sa paume ouverte dans sa direction.

— Approche, ordonna-t-elle calmement.

Toujours hésitant, il avança du bout des pattes. Le loup aux poils clairs parcouru les derniers mètres avec appréhension, jusqu'à pouvoir poser sa truffe humide dans la main de la jeune femme, qui vint ébouriffer les poils de sa tête. Il la renifla avant de poser sa gueule sur l'accoudoir, près du coude de la demoiselle.

— J'ai l'impression que cela fait une éternité que je ne t'avais pas vu, soupira-t-elle. Tout va bien ?

L'animal détourna la tête, les oreilles rabaissées. Il se tourna brièvement vers les deux hommes debout, qui ne loupaient rien de l'échange.

— Qui est ce Lycanthrope ? demanda l'Incubus.

— Nathan, le fils de l'ancien Alpha, lui apprit Elyana.

À ces mots, le loup couina un gémissement aigüe, avant d'enfouir son museau dans le creux du coude de la belle. Elle pouvait sentir sa rage, sentir l'impuissance dans lequel il était enveloppé. Ressentant ses émois, elle continua de caresser son pelage épais et duveteux, jusqu'à le sentir s'apaiser.

— Tu n'es pas très bavard, aujourd'hui, plaisanta-t-elle. Enfin, je suppose que c'est la raison pour laquelle tu es venu ainsi... pour ne pas avoir à parler, hum ?

Un soupçon de reconnaissance l'embrasa, et il s'assit à ses côtés, profitant de sa présence rassurante. Pour lui, elle était un baume qui avait le don de le calmer et de l'apaiser sans même qu'il ait besoin d'avoir à s'exprimer. Elle comprenait toujours là où il voulait en venir, avant même qu'il n'ait esquisser la moindre compréhension de sa propre situation. Nathan était attaché à elle, profondément. Et ces courts instants volés, ignorés même de l'Alpha, paraissaient extraordinaires. La vie quotidienne, auprès d'Elyana, avait des senteurs de paradis terrestre.

Il ne parvint pas à empêcher sa part animale d'agir d'elle-même, remuant la queue de contentement. Ses oreilles étaient dressées, son museau posé légèrement sur le ventre rebondit de sa dulcinée. Il pouvait même sentir le petit être grandir à l'intérieur, donnant parfois de forts coups contre les parois de sa protection de chair. 

— Elle s'agite ! s'exclama Elyana, sa main droite posée sur son ventre. Tu la sens ?

Un gémissement canin lui répondit, alors que Nathan plaqua l'angle de sa mâchoire sur le dôme chaleureux. Immédiatement, il put sentir les mouvements de vague du bébé qui remuait, lui faisant sortir un énième son de joie.

Pendant ce temps, les deux hommes semblaient de trop, dans cette proximité si touchante qu'elle en devenait dérangeante. Ils étaient beaux les «deux hommes de sa vie», pour se faire chasser ainsi de leur place à ses côtés, vite remplacés par un jeune homme sous forme lupine. 

Toutefois, respectant l'intimité de leur protégée, ils se retirèrent plus loin, allant s'asseoir à l'ombre sur les marches du perron. Juste assez éloignés pour ne plus voir les deux êtres tissés des liens, mais encore assez près pour pouvoir suivre le monologue d'Elyana. Ils voulaient être sûrs qu'elle ne risquerait rien.

— J'aime pas ce gamin, maugréa l'Incubus.

— Peut-être bien, mais il faut avouer qu'eux, ils s'aiment bien.

— Je ne veux pas te dire que tu as raison. Même si tu n'as pas tort.

Camaël ne réussit pas à empêcher un sourire de se plaquer sur son visage, lui qui ne devait pas céder aux émotions humaines. Mais il était si facile, entouré par ces êtres attachants, de se laisser aller. Auprès d'eux, il n'avait plus l'envie ni la motivation de ne rien ressentir. Chaque sensation, chaque ressenti était vécu comme un souvenir précieux, un instant unique. Une chance. Chose dont les Angélus étaient dépourvus par nature.

Ils étaient la neutralité incarnée. Ni mauvais, ni bon. Ni amant, ni ennemi. Mais à quoi bon vivre ainsi, dépourvu du libre-arbitre que possédaient les humains ? Parfois, l'être angélique se questionnait : à quoi servait-il, avait-il un semblant d'utilité dans ce monde, ou les dieux étaient-ils les seuls possesseurs de sa réalité ?

Les humains, qu'ils soient Monstres ou non, maudits ou bénits, n'avaient pas de réels buts, si ce n'était de vivre à leur guise. Pourquoi seuls son espèce serait-elle piégée à une fonction, limitée dans ses actions ? Depuis qu'il passait son temps sur le toit de cette maison victorienne, à épier ses humains et à partager leur vie, il se sentait différent. Il se sentait meilleur, comme si le barrage qu'il s'était efforcé de maintenir en place commençait peu à peu à céder. 

Mais auparavant, la peur le retenait. Et si ce mur, en s'écroulant, faisait de lui un être détestable, détruisant sa vraie nature ? Si l'eau qu'il gardait prisonnière s'échappait, n'irait-elle pas noyer quelques innocents ? Ces questions tourmentaient sa conscience, tournoyant dans son esprit. 

Il vit l'Incubus, près de lui, qui avait refusé de suivre le destin qui était le sien. De par son sang, son sexe et sa nature, il aurait dû, en toute vraisemblance, partager le quotidien du groupe d'Incubus qui sévissait actuellement à Londres. Pourtant, il était là, entouré de la nouvelle famille qu'il s'était trouvé, qu'il avait choisi. Ce choix était-il le bon, ou mènerait-il les siens à sa perte ?

Il observa ses yeux verts rieurs, posés sur l'horizon. Cadeyrn semblait sûr de son choix, même s'il était indubitablement convaincu que des problèmes viendraient bientôt envahir sa vie. Seulement, il savait qu'il ne serait pas seul à les affronter. Il ne serait plus un lâche en fuite, allant à contre-courant d'un choix qui lui revenait de naissance. À présent, il faisait face à ce qu'il fuyait tantôt, prêt à se battre pour sauvegarder ce qu'il avait construit.

Et là, en observant plus profondément le regard vert de son voisin, l'Angélus le vit. Que l'eau du barrage qui s'écoulait n'était pas faite pour noyer le monde, ni pour apporter l'apocalypse. Chacune des gouttes qui le composait étaient similaires à la pluie. De même que les arbres qui apparaissaient sur le reflet de son regard émeraude, l'eau servait à nourrir des germes, qui deviendraient peu à peu des plantes. En cédant à cette barrière qui emprisonnait celui qu'il voulait devenir, se déversement lui permettrait de devenir plus fort. Il ne voulait plus vivre pour vivre. Il voulait davantage. Il voulait...

Les iris verdoyantes qu'il fixaient encore se tournèrent enfin vers lui, passant de la joie à la douleur. Cadeyrn se pencha vers lui, l'inquiétude parsemant chacun de ses traits faciaux. Sa main, large et sèche, appuya délicatement sur la joue de Camaël, l'air véritablement surpris. Il essuya sa joue, avant de contempler son pouce humide, sous le choc.

— Camaël... tu pleures, murmura-t-il dans un souffle. Qu'est-ce que...

La petite goutte solitaire encore posée sur son pouce, il regarda les yeux brillants de l'Angélus, où les paillettes dorées de ses iris paraissaient s'illuminer sous le liquide lacrymal.

— Je ne veux plus.

— Tu ne veux plus quoi, que ce cabot approche Elyana ? Je peux le virer, si tu le veux !

Cadeyrn s'était déjà levé, prêt à chasser le Lycanthrope, mais son ami le retint par le bras, le forçant à se rasseoir. 

— Pas ça, sourit-il, confus.

— Qu'y-a-t-il ? Dis-moi, tu me rends nerveux. Tu ne te sens pas bien ? demanda Cadeyrn, sur les nerfs.

Le pauvre n'avait jamais vu ce placide Angélus dans cet état. Lui qui mettait un point d'honneur à ne montrer aucune de ses émotions, semblait tout à coup se faire ensevelir sous leurs poids.

 — Je crois, non, j'en suis sûr. Je veux être honnête.

— Tu es un ange, tu es forcément honnête, soupira Cadeyrn.

— Non, je me contente de ne pas mentir. Mais ce n'est pas pareil qu'être franc. Je veux devenir comme toi, se confia-t-il subitement.

Un sourire amusé parcouru le regard de l'Incubus, signe qu'il s'apprêtait à blaguer.

— Quoi, tu vas enfin couper tes longs cheveux ?

Son ami sourit pensivement à sa réplique, bougeant la tête négativement, envoyant ses longues mèches glisser de ses épaules. Sa chevelure était si longue qu'elle reposait en partie sur le sol où Camaël était assit. La vision de cette masse noire évoquait une bouteille d'encre qui se serait renversée depuis le sommet de sa tête, avant de venir couler sur son corps pour finalement serpenter autour de son assise.

— Alors, que comptes-tu faire ? demanda finalement Cadeyrn, cessant de le contempler de la sorte.

— Honnêtement, je l'ignore encore. Simplement, je veux commencer à vivre pour moi-même. Je veux faire des choix, avoir à les assumer.

— Quoi, tu crois que c'est marrant, de devoir assumer les conséquences hasardeuses de ses propres conneries ? Tente l'expérience au moins une fois, tu verras pourquoi je ne peux pas te donner raison !

Camaël continuait cependant à sourire, l'air mystérieux, comme s'il fomentait quelque mauvais coup.

— Essayer d'agir comme je le souhaite, pour subir les conséquences ? reformula-t-il, pour entendre l'approbation de Cadeyrn, qui hocha vivement de la tête.

Alors, sans crier gare, Camaël sortit ses ailes noires, les entourant d'une obscurité naissante. Un sourire se dessina sur ses lèvres, d'une manière cruellement amusée. Le visage de l'Incubus se tendit avec nervosité, prêt à en découdre. Quoi, il voulait un combat en règle ?

Cadeyrn serra alors le poing devant lui, avant de croiser son autre bras pour protéger son beau visage. Se battre alors qu'ils étaient assit sur des marches ne serait pas aisé, mais si cela pouvait plaire à l'Angélus, alors soit. Son membre armé atteignit sa cible, mais fut très vite piégée dans une prison de chair.

Dans sa paume tendue, Camaël avait attrapé la main de l'homme qui lui faisait face, un sourire encore plus malicieusement ancré sur son visage. De son autre main, il retira la mince protection de l'Incubus, pour parvenir à lui faire face.

— Tu ne me facilites pas vraiment la tâche, maugréa-t-il.

— Je t'ai dit de faire ce que tu voulais, pas que je me laisserai frapper.

— Je ne me souviens pas avoir dit que je voulais me battre avec toi, ricana-t-il.

Un rire moqueur, mais un rire tout de même. Cet éclat de joie serra le coeur de l'homme en blouson de cuir, qui ne croyait pas pouvoir un jour entendre pareil son. Ce fut comme s'il le redécouvrait, comme assister à une renaissance. Il fut si agréablement surpris par ce changement abrupt qu'il ne put s'empêcher de sourire à son tour, relâchant ses bras tendus à l'extrême. 

Il ne pouvait prévoir, en revanche, le dû que réclamait Camaël. Ce dernier l'observait en silence, ses doigts toujours enroulés autour de ses poignets, comme pour l'empêcher de fuir.

Il voulait encore l'observer. Il voulait guetter chacun des tics nerveux formés par sa peau qui s'étirait, chaque expression faciale qu'il esquissait, chaque petite action qu'il effectuait avec nonchalance. Il voulait plus.

Son regard sillonna son visage, scrutant ses sourcils bruns qui s'arquaient de surprise. Descendant sur le sillon de son nez droit, il remarqua la commissure de ses lèvres légèrement tordue, crispée dans une expression de surprise, de peur, d'appréhension... ou peut-être des trois à la fois. 

Avec une lenteur volontairement exagérée, Camaël s'approcha de lui, resserrant ses ailes encore plus étroitement autour d'eux. Ses plumes noires les camouflaient du vent frais extérieur, créant une atmosphère chaleureuse, bien que tendue. Les yeux verts, d'ordinaire si pétillants de l'Incubus, étaient à présent le reflet d'une terreur sourde. Voilés, ils semblaient écarquillés, exprimant une vive surprise. Mais même son expression paraissant peu amène ne parvint pas à retenir son avancée.

Il voyait au delà de l'apparence figée du jeune homme, jusque dans ses ressentis. Il le savait, depuis qu'ils avaient appris à faire connaissance, ce qu'il se passait dans les tréfonds de son être. Seulement, l'Angélus l'avait ignoré, car cela facilitait les choses. Ignorer ses émotions et celles des autres, permettait parfois de vivre plus facilement.

Mais à présent, il se refusait à vivre avec facilité. Il voulait, encore et encore. Il voulait tout. Plus que vouloir, maintenant qu'il ne se trouvait qu'à quelques centimètres de son visage, ses yeux plongés dans les siens.

Il le désirait. 

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