Chapitre 3 : Le Goût de la Liberté
Dans les yeux de Delyth brillait une détermination inébranlable. Elle allait retrouver sa relation avec Faël, elle s'en fit la promesse.
― Mademoiselle, allez-vous bien ? demanda le Lycanthrope.
― On ne peut mieux, j'ai simplement décompressé après le départ de cet Aron de malheur !
Thomas Miller fut rassuré un instant, avant de déglutir péniblement en remarquant le visage émerveillé de Catherine aux côtés du petit groupe. Cette dernière lui faisait de discrets signes de la main en étouffant ses rires.
― Mes collègues et moi-même sommes d'accord pour que vous quittiez l'institut.
― C'est vrai, je suis libre de partir ?
― Oui, enfin à certaines conditions mais vous pouvez en effet rentrer chez vous.
Le soulagement l'envahit de l'intérieur et elle pouvait sentir ce même sentiment se propager à son père et son oncle. Tous ressentaient un mélange subtil de joie et de tranquillité d'esprit.
― Quelles sont vos conditions ? demanda Aeddan, un brin inquiet.
Ces exigences concernaient Delyth, qui écoutait la réponse avec grand intérêt.
― Votre fille devra changer d'école. Elle sera à peine plus éloignée que la sienne mais elle est...
― Mais... pourquoi ? demanda la jeune femme. Oh, parce que Faël étudie dans la même école que moi et que je n'ai plus le droit de l'approcher ?
― Non, ce n'est pas pour cette raison. Simplement, vous allez intégrer une école mixte où cohabitent humains et Monstres. L'avantage étant que la majorité des étudiants et des professeurs sont des Monstres. En cas de problème, ce sera plus facile pour agir, d'autant que votre nouvel établissement est davantage à l'écart de la ville.
― Très bien, j'accepte d'aller là-bas, soupira la jeune femme. Avez-vous d'autres exigences ?
Elle avait conscience que ce lycée permettrait aussi à l'ILIM de la faire surveiller par ces Monstres de professeurs mais cela lui était égal. Tant qu'elle pouvait reprendre sa vie un temps soit peu.
― Si possible, évitez les lieux sans Monstres dans les parages. Faites-vous au moins accompagnée par votre père ou votre oncle.
Tous acquiescèrent frénétiquement. Delyth espérait conquérir assez leur confiance pour recouvrer un jour la liberté qu'elle avait perdue. Mais pour l'heure, elle se satisfaisait des demi-mesures.
― Vous pouvez partir dès à présent, affirma Miller.
― Ma chère, viens vite ! Nous allons faire tes bagages et te faire quitter ce trou de souris qu'ils osent appeler une chambre !
Cath entraîna la Draccubus sous l'œil amusé d'Aeddan et de Thomas Miller. Le Lycanthrope n'était peut-être pas si agacé que cela par la Goule excentrique, esquissant un mince sourire qu'il prit soin de dissimuler.
***
Catherine et Delyth avaient ouvert la petite valise rouge au milieu de la pièce et s'étaient contenter de balancer toutes les affaires de la Draccubus à l'intérieur. Vêtements, livres et devoirs se retrouvèrent pèle-mêle dans le creux du bagage.
― Oh, merde, Cath, on aurait peut-être dû plier. Regarde ça, la valise ne ferme plus !
― Mais si, mais si, tu n'as juste pas la technique ! Regarde, il faut s'asseoir dessus.
Catherine posa son postérieur sur la valise et poussa de ses doigts les tissus qui dépassaient vers l'intérieur, tirant du même coup sur la fermeture. Hilare, Delyth la laissa fermer tant bien que mal le bagage.
― Du grand art ! fit Cath, quand la valise fut enfin sur pied, pleine à craquer.
― Tu vas vraiment me manquer, murmura la rouquine.
― Toi aussi ma chère. Mais tu as mon numéro, en plus nous sommes à seulement une heure, rien ne nous empêche de nous voir de temps à autre !
Les deux femmes se serrèrent dans leurs bras, comme les deux amies qu'elles étaient devenues. Cath était alors partie en coup de vent avant le retour de la famille de Delyth. Elle détestait les au revoir émouvants qui avaient tendance à faire couler son mascara noir et de la faire ressembler à un mort-vivant pourvu de grosses cernes. Déjà qu'elle était une Goule, elle ne souhaitait pas en rajouter !
Quand Delyth tira sa valise jusque dans le couloir, pour tomber nez à nez avec Aron, ce charmant Vampiris harceleur. Nonchalamment appuyé contre le mur, il fixait la jeune femme de ses yeux noirs.
― Salut, fit le jeune homme, l'air soudainement nerveux.
― Re-bonjour... pourquoi tu es là au juste ? demanda Delyth sans détour.
― Pour m'excuser, de manière convenable cette fois-ci. Je ne voulais pas dire tout ça. Désolé aussi d'avoir paru trop collant.
Aron, le vampire arrogant et imbu de lui-même venait-il réellement de prononcer de sincères excuses ? Les yeux de la jeune femme en seraient tombés tellement elle en était abasourdie.
― Pas de soucis, je comprends, tu n'avais pas le choix. C'est tout ?
― Heu, ben en fait, je voulais en profiter pour te demander un service.
― Ben voyons, voilà qui m'étonne grandement ! s'exclama-t-elle.
La mine déconfite, le jeune homme perdait de sa contenance. Il ne voulait certainement pas la froisser davantage.
― Je voulais juste te demander si tu pouvais ne pas répandre cette info, sur moi...
― Quelle info ?
― Hémoglobine, fit-il sans s'expliquer davantage.
― T'es un Vampiris, Aron, c'est pas un peu normal que tu apprécies le sang ?
La grimace qu'il effectua lui montra bien que non, sa position était bel et bien inconfortable. Pourtant le Vampiris hésitait à se confier à elle. La jeune femme quelque peu instable qu'elle représentait saurait-elle garder le secret ?
- Tu te rappelles qu'il existe deux types de Vampiris ? lui demanda Aron tandis que Delyth hochait positivement de la tête. Il y a ceux qui sont mortels, dont la durée de vie est plus ou moins égale à celle des humains. Néanmoins, s'ils consomment du sang humain, ils conservent une force et une beauté supérieure aux personnes ordinaires. Seulement, ils ont bien souvent des sortes d'addiction, se combinant avec leur rythme de vie. Dans les cas les plus graves, cela peut entraîner le Gavage. Quand des Vampiris cherchent à se gaver de l'énergie des humains. Soit, ils aspirent leur vitalité en buvant de grande quantité de sang humain. Une sorte d'alcoolisme sanguin, si tu préfères.
― C'est ton cas ?
― Je ne suis pas ce type de Vampiris, donc non. Dans mon cas, j'appartiens aux Vampiris de sang-pur, ce qui signifie que j'ai extrêmement peu, voir pas du tout de sang humain dans les veines. Je n'ai même pas besoin de consommer de sang pour conserver mes capacités.
Réfléchissant un instant, Delyth demanda plus ample explication sur ce que le jeune homme appelait les "sang-pur". Sa seule référence était la différence entre les sorciers de sang-pur et les "sang de bourbe" dans Harry Potter. Mais elle savait qu'il y avait peu de chance pour que les sorciers de J.K.Rowling et les Vampiris aient les mêmes caractéristiques.
― Les sang-purs, c'est quand les Vampiris se reproduisent seulement entre eux ? osa-t-elle finalement demander.
― Pas vraiment. Disons qu'au début, il n'y avait qu'un homme, un humain, qui fut puni par son Dieu. Sa malédiction le transforma en Monstre, le rendant du même coup immortel. Il fut le premier Vampiris. La progéniture qu'il développa avec des humaines donna les Vampiris mortels. Mais il eut également des enfants avec un Succube, le Succube Originel. Et de leurs unions sont nés les Vampiris de sang-pur, des êtres maudits et immortels, capable d'aspirer l'énergie vitale des humains simplement en léchant une goutte de leur sang frais.
― Oh, je descends aussi du Succube Originel, non ? Nous sommes donc parents, d'une certaine manière ?
Aron ria doucement.
― Dirais-tu aux chrétiens descendants d'Adam et Êve qu'ils sont tous parents ? Disons que oui, nous descendons du même ancêtre. Seulement, cela remonte à tellement d'années que nous n'avons plus vraiment de sang en commun. Ou plutôt, nous avons tous les mêmes racines, aussi profondes et lointaines sont-elles.
― Je vois... Mais du coup, en tant que descendant d'un Succube, tu n'as pas besoin de boire du sang ? Mais alors, je ne comprends pas où est le problème.
Aron perdit quelques tons à son visage, devenant plus blanc encore que de coutume. Il mordait l'intérieur de ses joues, embarrassé par sa situation.
― Je suis accro au sang, voilà le problème ! Je n'en ai pas besoin, je ne suis même pas censé avoir une inclination pour ça mais je... je ne peux m'empêcher d'adorer ça.
― Et... c'est mal ? questionna-t-elle d'une petite voix mal assurée.
― Je rêverai de planter mes crocs sur tes lèvres pour sentir encore une fois le goût de ton sang sur ma langue. Oui, c'est mal. Je n'en ai pas besoin, mais cela m'obsède. Si la communauté de Vampiris l'apprend, ils seraient tous persuadés que je ne suis en réalité qu'un demi-Vampiris. Quand bien même je leur démontrerai mes capacités, cela ne changerait pas leur jugement.
― Quoi comme capacités ?
― Meilleur ouïe, vue, goût et odorat... en fait, à peu de choses près comme les Lycanthropes sauf qu'on ne se transforme pas en bête et que nous sommes, disons... tous canons. Des modèles de magasines dans la vie réelle. Je ne dis pas ça pour me vanter !
― Oh non, tu n'es absolument pas imbu de toi-même, je te connais bien, admit la jeune femme d'un air ironique.
― L'arrogance fait peut-être partie des caractéristiques d'un Vampiris, en y réfléchissant.
Ils se mirent à rire sous l'allusion du cliché vampirique. Arrogant, sexy et accro au sang. Dommage qu'ils ne craignent absolument pas le soleil ! Cela aurait constitué le parfait cliché des Vampires de fiction.
― Si tu veux mon humble avis, tu devrais tenter de consulter pour ce problème, en tout cas si ça en devient un à ton sens. Sinon, ne t'inquiète pas, je ne comptais pas propager cette information.
― Ouf, je suis rassuré !
― C'est pas comme si on avait masse d'amis en commun à qui l'annoncer.
― Non mais qui sait, quand tu vas intégrer mon lycée...
Interloquée, Delyth laissa pendre sa mâchoire. Intégrer le même lycée ?
― Tu étudies dans mon nouveau lycée ? Mais tu as quel âge au juste ?
― J'ai vingt ans. Je suis en terminale. Mais j'ai redoublé le CP et j'ai changé de cursus en seconde, c'est pour ça ! Je ne suis pas un idiot !
― Hé ho, je n'ai rien dit, ria doucement Delyth. Quoi que, nous sommes au même niveau d'études et j'ai trois ans de moins que toi !
― Deux ans, la corrigea-t-il en souriant. Bon anniversaire, Delyth.
― Ce n'est pas mon... attends, on est quel jour là ?
― Ben, le jour de ton anniversaire ! plaisanta Aron. Le 17 octobre.
― J'ai dix-huit ans ? réalisa subitement Delyth. Je ne me sens pas adulte pour autant... attends, c'est pour ça qu'ils me font sortir aujourd'hui ?
― Possible...
― Mais pourquoi tu me l'as dit, j'aurais mieux dû ne pas savoir ! Si je rentre et qu'il y a une fête surprise, je ne vais pas pouvoir jouer l'innocente ! Ou pire, s'il n'y en a pas, je risque d'être déçue !
― Je suis sûr que c'est pile poil ce genre de problèmes que tu rêvais d'avoir, fit Aron en lui souriant avec tendresse.
― Tout à fait ! confirma la jeune femme.
Aron prit congé d'elle, la laissant rejoindre sa famille. Peu à peu, il se sentait attendri par le comportement d'adolescente de la jeune femme. Il la regarda du coin de l'oeil, heureuse et insouciante alors qu'elle quittait sa prison. Elle avait vécue cinq mois d'enfermement, privée de ses libertés et de ses amis. Le Vampiris avait eu peur de la voir dépérir et plonger dans une absence perpétuelle. Ce n'aurait pas été la première fois qu'un Monstre commet des destructions sans le vouloir sans jamais parvenir à s'en relever.
Mais Aron fut heureux, car malgré ces longues semaines, Delyth s'était réveillée de ses cauchemars, affrontant la réalité. Elle n'avait pas finit comme sa mère à lui, dévastée et perdue dans les méandres de ses erreurs. Il soupira quand Delyth tourna dans le coude du couloir, disparaissant ainsi de sa vue. Elle allait lui manquer, cela était certain. Pour une fois, il fut heureux d'être encore au lycée, malgré ses vingt ans. Il allait bientôt pouvoir la revoir...
Valise en main, Delyth était partie rejoindre son père le cœur léger. Contre toute attente, Aron s'était révélé plein de surprise et d'agréable compagnie. La jeune femme avait hâte d'intégrer son nouveau lycée, car elle savait qu'elle ne serait pas totalement dépaysée et solitaire. Aron serait là, lui, et il s'avérait être un plutôt bon ami malgré la première impression d'harceleur qu'il donnait. Même ses petits problèmes d'addiction lui donnait de la profondeur, le rendant tout à coup moins parfait et plus réel à ses yeux.
Finalement, Aron avait beau être un Vampiris, il n'en demeurait pas moins un homme comme les autres, avec ses défauts et ses qualités.
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