Chapitre 2 : Les Trois Epreuves
Delyth approcha Miller, qui était entouré de plusieurs hommes et femmes, en plus d'Aron. Prête à montrer ce qu'elle valait.
― Alors, Delyth. Pour commencer, nous allons tester tes aptitudes draconiques. Leurs puissances et l'emprise que tu as sur elles.
― Très bien.
Les personnes allèrent s'installer plus loin, au fond de la salle. Suffisamment loin pour ne pas se faire blesser par les flammes mais suffisamment près pour les voir et les jauger.
― Montre-nous une boule de feu.
Delyth se concentra et fit augmenter sa température corporelle, la concentrant essentiellement dans ses paumes. Sa peau commença à chatouiller et des flammes vinrent lécher ses doigts en coupe. Elle fit mine de refermer ses mains mais sans en étouffer le feu. Le but n'était pas de le priver d'oxygène. Elle écarta au contraire une de ses mains, ayant placé toute la chaleur d'un même côté. Une boule de feu d'un diamètre d'une vingtaine de centimètres semblait danser sur sa main.
― Bien. Maintenant, lance-la sur la cible, ordonna Miller en désignant l'autre bout de la pièce.
Une cible, dans le même métal sombre que la pièce reposait au milieu de la pièce. Pourvue de larges cercles blancs, Delyth comprit par logique qu'elle devait atteindre son centre. Elle lança alors la boule. Mais à peine quittait-elle sa main que Miller s'écria :
― Elle ne doit pas toucher la cible !
Delyth jura et se précipita en avant. Sa boule de feu était plus rapide, jamais elle ne parviendrait à l'arrêter en courant après comme une demeurée ! Pourtant, elle devait tout essayer. Elle ne souhaitait pas louper le test et croupir ici des mois supplémentaires. Elle tendit alors les paumes et se força à rappeler son feu à elle. Tout comme elle pouvait baisser sa chaleur corporelle, elle pouvait influencer ses flammes.
Soudain, le feu s'écarta comme mue d'une vie propre et se sépara en deux gerbes étincelantes qui contournèrent gracieusement la cible. Les flammèches s'évaporèrent ensuite, rassurant la jeune femme. Elle l'avait échappé belle !
― Vous auriez pu prévenir avant, que le but était d'éviter la cible !
― Ce n'était pas le but, contesta Miller. La raison de cet exercice était de savoir si vous pouviez contrôler vos flammes à distance. Si cette cible avait été un humain, vous auriez pu lui sauver la vie, même si par mégarde vous veniez à lui jeter une boule de feu dessus. Non pas que c'est ce que vous ferez, mais cela est vraiment très engageant.
Delyth mordit ses joues pour ne pas jurer encore. Ces gens se moquaient d'elle ! Leur test était véritablement stupide.
― Maintenant, testons tes capacités de Succubus. Aron ?Le jeune asiatique se planta devant Delyth avec un sourire arrogant. Il avait teint les pointes de ses cheveux en rouge sang, ce qui allait un peu trop bien avec sa condition de Vampiris.
― Un petit baiser, chère Delyth ?
― La jeune femme grimaça en se tournant vers les juges.
― Il n'y a pas un autre volontaire ?
― Non. C'est un sang-pur, il saura si vous réussissez comme ses dons sont très similaires. Et puis, il va bien falloir que vous vous nourrissiez convenablement en sortant de votre zone de confort. Delyth, vous êtes à moitié Succubus, il est nécessaire que vous ne soyez pas effrayée par un simple petit baiser, pour votre stabilité de corps et d'esprit.
Il avait raison, évidemment. Pourtant, elle en avait déjà assez de devoir embrasser tous les gars d'environ son âge qui passait par là. Ces derniers mois, c'était Cadeyrn qui la nourrissait. Et elle ne voulait surtout pas savoir de quelles femmes il tenait l'énergie dont il la remplissait !
L'avantage, c'était qu'après avoir embrassé son oncle, même embrasser Aron devenait moins étrange. Mais quand même, s'il pouvait ne serait-ce que de retirer cet air d'imbécile fier de lui de sa tête !
D'un mouvement brutal et pas du tout sensuel, Delyth attrapa la nuque d'Aron pour plaquer ses lèvres chastement contre les siennes. Elle se mit ensuite à inspirer, non pas avec son souffle mais avec quelque chose de plus profond et d'indescriptible. Elle se servit de son désir pour s'insinuer dans le sien, lui prenant juste assez pour se sentir repue. Une légère odeur de fer s'insinua dans son esprit, le jeune Vampiris songeait au goût du sang, comme le plus doux des nectars.
― Cela suffit, fit Miller.
Delyth s'écarta immédiatement d'Aron, qui gardait son regard espiègle, un sourire moqueur en coin.
― C'est quand tu veux, fit-il en se léchant la lèvre. Tu es délicieuse.
― Ne parle pas de moi comme si j'étais un morceau de viande.
― Pourquoi pas ? C'est bien ce que les hommes représentent pour ton espèce, pas vrai ? Des bouts de viande tout juste bons à servir et à jeter par la suite.
La colère s'insinuait en elle mais faire un scandale et craquer devant les gens qui devaient la juger apte ou non de se mêler aux humains était certainement une très mauvaise idée. Elle souffla donc lentement par le nez et garda contrôle sur ses sens humains, comme ses capacités de Monstre.
― À moins que tu veuilles me garder sous le coude, si jamais tu souhaites plus que des baisers sans saveur, un jour, je serai ravi de t'escorter jusqu'à mon lit, surenchérit Aron.
La tentation était trop grande de lâcher prise et de s'énerver. Ce petit con allait le regretter amèrement ! Elle s'approcha de lui, l'air furieux, prête à en découdre. Toutefois, plutôt que lui asséner une claque bien méritée ou lui cramer sa veste qui semblait de grande qualité, signe qu'elle devait avoir une certaine valeur, Delyth préféra un moyen détourné.
― Tu n'es qu'un sale gros porc ! Je ne veux plus que tu t'approches de moi, espèce de sangsue accro au sang ! Tu sais ce que j'ai senti en embrassant tes lèvres visqueuses ? Ton addiction à l'hémoglobine !
Le Vampiris se taisait, se contentant de fusiller Miller du regard. Delyth s'énerva davantage quand il ne fit plus attention à sa tirade. Mais pas une fois sa chaleur corporelle ne grimpa, son feu ne pointa pas le bout de son nez, restant sagement dans ses veines.
― C'est la dernière fois que je vous rends service, Miller, lança Aron avant de quitter la salle d'entraînement. Et pour info, elle a géré niveau capacité succubique.
Miller hocha la tête, l'air satisfait.
― Encore désolé, murmura Aron, juste assez fort pour que Delyth l'entende.
― Qu'est-ce que c'est que cette histoire encore ? demanda Delyth, hors d'elle.
― Juste le troisième test, annonça aimablement Miller en haussant les épaules d'un air dégagé. Nous devions être certains de vos réactions sous le coup de l'émotion. La colère est souvent source de destruction, vous le savez mieux que quiconque.
Ces tests commençaient à lui courir sur le haricot. Quand est-ce que cette vaste blague allait-elle se finir ? Précisément quand Delyth n'en pouvait plus, Miller déclara les mots magiques :
― Les épreuves sont finies. Vous pouvez rejoindre votre père, nous vous annonçons les résultats dans un instant.
Miller se réunit avec les juges, que Delyth n'avait même jamais croisés avant aujourd'hui. Ils discutèrent à voix basse tandis que la jeune femme rejoignit sa famille non conventionnelle. Un père, un oncle et une presque inconnue proche de son oncle. Avec elle au centre, pour clôturer le tableau.
Il ne manquait que Faël, qu'elle considérait comme un frère bien qu'ils ne partageaient pas le même sang. Il lui manquait à un point inimaginable. Elle voulait revenir à l'époque de sa petite enfance, à la première fois où ses yeux verts avaient vu le petit garçon qu'il était alors.
Âgé à peine de cinq ans, Faël se prenait pour la brute de la Maternelle. Il était difficile de croire, en le voyant en jeune adulte chétif, qu'il avait un jour été plus grand et plus costaud que tous les autres enfants. Il était l'un de ses gamins qui se plaisaient à imposer leur autorité, plutôt que se servir de leur force pour instaurer un climat de paix.
Oui, il avait été le voyou, le leader des enfants de la Maternelle. Jusqu'au jour où la petite Delyth commença sa première rentrée scolaire en grande section. Ils étaient dans la même classe, mais elle devait faire une tête de moins que lui. Elle n'était pas filiforme mais pas franchement costaud non plus. Le petit Faël n'avait pas hésité à lui montrer l'un de ses petits tours de force, s'amusant à humilier les plus jeunes élèves.
― Astrid, pleine d'acide ! Thibaud, gros crapaud ! Faites vous un bisou, z'êtes tous les deux dégueu !
Les deux enfants étaient au bord des larmes, Thibaud rentrant son ventre bedonnant du mieux qu'il pouvait, les rouges rouges de honte, tandis qu'Astrid fixait les croûtes d'eczéma de ses bras, elle-même dégoûtée par sa propre peau rougie, boutonneuse et craquelée.
― Arrête ! avait crié Delyth avec fureur.
Ses cheveux roux formaient une auréole autour de son crâne, lui donnant un air spectral.
― Tu peux pas m'arrêter ! fit Faël le plus sérieusement du monde.
Delyth, furibonde, avait foncé sur le garçon plus grand qu'elle et lui avait donné un coup de pied dans son tibia. Seulement, Faël ayant été assit, il reçu son coup à un tout autre endroit, infiniment plus sensible.
Terrassé par une fille, il n'avait plus jamais joué de son autorité après cet épisode. Mieux que cela, il l'avait prise comme modèle et comme leader. Delyth avait également appris que les hommes comme les femmes avaient leur sensibilité. Et que les garçons mettaient parfois des heures à s'en relever.
Aujourd'hui encore, la vie lui apprenait une leçon. Une blessure physique vous affaiblissait avec efficacité sur le coup mais pouvait guérir avec le temps. Mais contre les déchirures de l'âme, le chemin était moins aisé. Pendant ces derniers mois, elle avait essayé de gommer Faël de son esprit, forçant sa tête à intégrer l'idée de ne plus jamais le revoir. Pourtant, encore une fois, la moindre scène lui rappelait son ami, le moindre souvenir se rattachait à lui.
Faël lui manquait, encore et encore. Plus elle voulait l'effacer de sa mémoire, plus son souvenir semblait s'agripper à elle, laissant de profondes griffures dans son être. Faël n'était pas son ami, ni son meilleur ami. Il était bien davantage. Ils avaient grandi ensemble, fait des bêtises ensemble, jusqu'à partager chacun de leur souvenir, chacun de leurs jeux. Non, ce jeune homme était loin d'être un simple ami.
Faël était devenu peu à peu un membre de sa famille, un véritable frère, presque un jumeau, leur relation aussi épaisse que celle qui liait Aeddan et Delyth.Sans vraiment s'en être aperçue jusqu'ici, Delyth comprit le vide qui lui bloquait les poumons à chaque respiration. Elle avait perdu son frère, la moitié de sa famille, un bout de son propre cœur. Elle s'écroula sur la matière de métal qui recouvrait le sol, sous les yeux effarés d'une partie de sa famille. Ses larmes ne coulaient pas, elle n'avait pas besoin de cela. Elle pouvait déjà sentir les morceaux cristallisés de son coeur se briser pour tomber dans sa cage thoracique.
Les Lycanthropes lui avaient arrachés son frère et elle ne les laisserait pas l'empêcher de le revoir ! Elle se fit la promesse de se battre, envers et contre tous, pour recouvrer le droit de vivre à ses côtés, ne serait-ce qu'un peu. Quitte à passer des années à les supplier, quitte à obéir à la moindre de leurs demandes.
Elle aurait pu faire n'importe quoi pour le revoir.
Faël, souffla son esprit.
Elle sentit poindre un sourire sur son visage quand elle se releva, soulageant la peur d'Aeddan, de Cadeyrn et d'Elyana. Elle souriait d'une joie sincère. Car elle le savait pertinemment : d'une manière ou d'une autre, elle retrouverait sa relation avec Faël. Elle en était persuadée.
― Nous nous retrouverons, murmura-t-elle pour elle-même, Faël.
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