Chapitre 15 : Une Nouvelle Menace

~ Aeddan ~

Aeddan souleva sa fille et la transporta jusqu'à leur maison, Cadeyrn sur ses talons. Mais l'Incubus se mis à courir bien avant qu'ils ne soient arrivés à destination, ayant détecté quelque chose que lui seul pouvait percevoir. Comprenant que son comportement n'était pas normal, Aeddan se hâta, dévalant l'espace qui le séparait de leur maison en quelques minutes.

Arrivé devant sa demeure, rien ne semblait diverger de l'ordinaire. Les buissons avaient perdus leurs fleurs et le feuillage des quelques arbres se trouvait majoritairement sur le sol, dans un état de décomposition avancée. Toutefois, Aeddan ne vit ni Elyana ni Cadeyrn, alors il fila déposer sa fille sur le canapé, espérant les trouver à l'intérieur. Mais il ne vit encore personne et sortit inspecter les environs, après avoir jeté un ultime coup d'oeil à sa fille, qui dormait tranquillement -ou plutôt, paisiblement évanouie.

Le Draconis sortit de la maison, dévala les marches de l'entrée et jeta quelques regards aux alentours. Il ne vit rien mais entendit des voix masculines, venant de son verger, qui se trouvait à l'arrière de sa maison. Il y couru et y découvrit trois personnes : Elyana, tremblante, recroquevillée sur le sol. Cadeyrn et Camaël, de part et d'autre de la jeune femme, qui semblaient se disputer.

— Que se passe-t-il ? demanda Aeddan en s'approchant.

— On a un problème, fit Cadeyrn, quelqu'un a tenté de s'introduire ici. Il a dû profiter de notre absence. Heureusement que Camaël est venu peu après notre départ.

Aeddan s'approcha de la jeune Nymphus, enroulant un bras protecteur sur ses épaules, elle devait avoir vécu une peur terrible.

— Qui était-ce, que voulait-il ? voulut savoir Aeddan.

Elyana se releva en s'appuyant sur le vieux dragon et essuya ses yeux rougis. Puis elle leur tendit ce qu'elle tenait serré dans son poing. Une lettre ensanglantée, menaçante, promettant de bientôt venir lui rendre une visite.

— Pouvez retrouver celui qui a laissé cette horreur ? 

— C'est un humain... un simple livreur, fit Camaël. Je ne l'ai pas suivi, je ne voulais pas laisser Elyana seule. Mais je ne pense pas qu'il pourra nous dire quoi que ce soit d'utile.

— Et il s'agit de sang de porc, ajouta Cadeyrn en humant le papier une fois de plus pour vérifier ses dires. Presque toutes les boucheries en vendent, ce sera compliqué à retracer...

Aeddan hocha la tête, comprenant qu'ils ne pouvaient rien faire, sinon redoubler de surveillance et vérifier le courrier qu'ils recevaient. Ils décidèrent qu'Elyana devait être autant surveillée que Delyth, aucune ne pouvant faire le moindre pas sans être accompagnée.

~ Elyana  ~

Le lendemain, Cadeyrn prévoyait de les accompagner lors du trajet en bus quand Delyth s'exclama :

— Ah non ! Elyana veillera à ce que je ne déborde pas et je veillerai à sa sécurité. Pas question de vous laisser venir avec nous. Déjà qu'on se fait traiter de trainée tous les cent mètres, si tu viens avec nous, ils se diront que tu es mon mécène !

— Ils disent quoi ? cria Aeddan en s'étouffant dans sa tasse de thé.

— T'inquiète papounet, laisse-moi gérer ces petits merdeux, répondit Delyth avec assurance. A ce soir !

Elle agrippa le bras de sa colocataire avant de l'entrainer dehors, sans laisser à son père et son oncle le temps de répondre. En se dépêchant, elles purent prendre le bus de 7h10 et arrivèrent une bonne demi-heure avant les cours. Elle remarqua alors le regard noir que lui lançait la jolie Dryade.

— Heu... j'ai manqué quelque chose ? demanda innocemment Delyth.

— Pourquoi leur as-tu dit, à propos des insultes au lycée ? l'accusa-t-elle. Maintenant, ils vont encore plus s'inquiéter !

— Je sais par expérience qu'il vaut mieux dire la vérité. Quand tu vis quelque chose de difficile, dis-le. Même s'ils ne peuvent rien y faire et que tu ne veux pas qu'ils s'en mêlent. Si tu caches perpétuellement des secrets, ils sentiront qu'ils ne pourront jamais avoir l'entière confiance de ce que tu leur confies. 

Elyana écoutait avec attention les paroles de son amie, comprenant qu'elle parlait ici de l'expérience qu'elle avait elle-même vécue. Ce genre de comportements trahissait la souffrance qu'elle avait traversé pour devenir la jeune femme pleine de vie que l'on voyait en elle. Elle ne tarderait pas à refléter son état d'esprit, du moins, une fois qu'elle aurait cumulé son cota de sommeil et qu'elle se remplumerait en continuant à se nourrir régulièrement.

— Par contre, finit Delyth, je te jure que je ne les laisserai pas tenter de nous aider pour ce qui concerne le lycée. À tous les coups, ils feraient tout empirer.

— Là, je suis bien d'accord ! ria Elyana.

— Il est tellement tôt, le lycée va être si vide, soupira Delyth.

— Tu plaisantes ? Tu oublies les internes. Je te rappelle qu'ils sont des centaines à vivre là-bas.

— Ah, oui. J'avais oublié ce petit détail.

Cette fois-ci, elles entrèrent dans la forêt alors que la nuit tardait à se retirer. Les alentours avaient des allures de films d'horreur mais elles marchèrent courageusement jusqu'à la cour. En arrivant, elles soupirèrent de soulagement. Ce genre d'entrées ne devaient pas être autorisées pour la santé mentale des étudiants.

Souhaitant profiter de la fraîcheur matinale un peu plus longtemps, elles s'assirent au bord de la fontaine. Ensemble, elles cherchaient un moyen d'anéantir les rumeurs qui traînaient autour d'Elyana, et par conséquent, de Delyth.

— Je doute que les castrer ne serviraient pas à le faire taire mais ce se serait bien satisfaisant, déclara Delyth, faisant sourire Elyana.

— J'aimerais juste qu'ils s'excusent... murmura la Dryade.

— Ça n'arrivera pas, tu le sais bien, non ? Je suppose que tu ne souhaites pas que les autres connaissent la raison pour laquelle tu vas avoir cette merveilleuse petite Nymphus, n'est-ce pas ? Donc ils n'auront jamais aucun remord, conclut-elle.

— Tu as raison... même si j'aimerais voir leur tête. Tu imagines ? Je suis peut-être effectivement enceinte, mais ce n'est vraiment pas de ma faute. Personne ne croirait en cette histoire sans que je dise avoir été droguée et...

Elyana étouffa la fin de sa phrase et Delyth l'entoura de son bras.

— Ça va aller, tu n'es pas seule, la rassura son amie. Si tu veux, j'irai cramer ce Satyre de ta part.

— Tu sais... Cadeyrn et Camaël se sont déjà chargés de se venger pour moi.

— Mouais, ronchonna la rouquine, mais tu n'étais même pas là. Si tu souhaites en arracher un autre morceau, fais appel à moi.

Elle lui lança un clin d'oeil et sursauta en voyant Aron qui s'approchait d'elles. Habillé tout en noir,  les mèches rouges de ses cheveux semblaient ressortir dans le lever du soleil.

— Bonjour, mesdemoiselles. Si je puis me permettre, vous devriez éviter de comploter devant le lycée où presque la moitié des étudiants sont capables de vous entendre à des centaines de mètres.

Les filles échangèrent un regard avant d'éclater de rire, se sentant vraiment idiotes. Mais leur naïveté les avait rapprochées, d'une certaine manière.

— Parce que ça vous fait rire, en plus ?

— Rire nerveux, se défendit Delyth.

Aron se rapprocha de la Dryade et s'agenouilla devant elle.

— Tu comptes la demander en mariage ? plaisanta Delyth, déclenchant la rougeur sur les joues d'Elyana.

— Mais n'importe quoi, grogna le principal intéressé. Elyana, de la part de la gente masculine qui constitue ce lycée, je tiens à te faire des excuses.

Mais que racontait-il encore ? songea Delyth.

— Je ne pouvais moi-même pas me douter que ta grossesse cachait un tel secret. Je suis navré d'avoir entendu votre conversation... et je vous promets de garder tous ces détails confidentiels. Encore une fois, je m'excuse.

— Pourquoi t'excuser, voulu savoir Elyana. Tu n'as jamais répandu ce genre de rumeur, ni ne m'as insulté. Alors pourquoi ?

— Je n'ai jamais rien dit, ni pensé de particulier à ton égard, sauf peut-être qu'il est étonnant de croiser une Nymphus enceinte. Toutefois... je n'ai même jamais essayé de faire taire ses énergumènes.

Il se releva en frottant ses genoux ou des graviers avaient accroché son jean noir. Après un dernier sourire ravageur, il sifflota jusqu'à la porte principale du bâtiment.

— Il compte faire quelque chose ? s'inquiéta Elyana.

— Alors là... aucune idée. Ce gars est totalement imprévisible.

Sur le chemin, ledit garçon se retourna pour leur faire un signe de la main, doublé d'un petit clin d'oeil. Il s'amusait déjà comme un petit fou alors qu'il n'était pas encore huit heures, le saligaud.

— Avec un peu de chance, il ne fera pas trop de dégâts, ria Delyth. D'ailleurs... on a quoi comme cours, aujourd'hui ?

— Histoire, économie, mathématiques et anglais.

— Attends... mathématiques ! Oh bordel. Je n'ai pas fini les exercices ! cria Delyth.

Elle courut jusqu'à devant sa salle et s'installa en tailleur, le livre posé sur les genoux. Pendant que les élèves arrivaient par poignées, elle tentait de résoudre le reste des résultats en griffonnant le plus rapidement possible dans son cahier de mathématiques. La sonnerie retentit mais il lui restait encore au moins trois exercices. Avec un peu de chance, elle parviendrait à les finir avant le cours de mathématiques qui était dans moins de deux heures.

Mais alors qu'elle s'inquiétait pour son retard de devoirs, elle se mit à sourire. Si elle arrivait à prendre ce futile détail pour quelque chose d'importance, c'était bien la preuve que tout n'allait pas si mal en ce moment dans son quotidien. Elle espérait toutefois que ce soit encore le cas d'ici la fin de la semaine.

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