Chapitre 13 : Le Combat
Les deux mâles se jetèrent l'un sur l'autre, toutes dents dehors. Solbritt planta les siennes dans le garrot de son ancien bras droit, faisant gicler la première éclaboussure sanglante.
Inge se mit a hurler, retenue de part et d'autre par Andreas et Rut, deux autres Bêtas de la Meute. Si Inge interrompait le combat, tout devrait reprendre et son mari n'aurait alors plus aucune chance.
— Défends-toi ! hurla-t-elle alors à son mari, dans un ultime espoir de le voir remporter la victoire.
Ses cris firent réagir le Lycanthrope. D'un coup de griffes bien placées, il repoussa enfin l'Alpha, lui laissant une vilaine entaille derrière l'oreille gauche. Solbritt n'attendit pas pour attaquer de nouveau mais cette fois-ci, Rolf fut plus rapide et sauta en l'air d'une pirouette agile pour esquiver l'attaque, lui mordant le flanc au passage.
Solbritt gémit avant de se retourner les pattes en l'air tel un ours. Les deux mâles se griffèrent, cherchant à atteindre leurs yeux, leurs oreilles, leurs museaux, tout ce qui pourraient leur servir d'avantage.
Déboussolés de s'être autant secoués, ils s'éloignèrent pour se jauger une fois encore. Cette fois-ci, ils le firent en grognant, oubliant l'humanité qu'ils les caractérisaient. Les gueules entrouvertes des métamorphes laissaient entrevoir leurs dents couvertes de sang couleur rubis, qui gouttait sur le sol, rapidement engloutit par la terre meuble.
Parmi les spectateurs, Nathan et Olivia étaient introuvables. Personne ne savaient ce qu'ils étaient devenus ni l'endroit où ils avaient fuit. Les jeunes Lycanthropes, quant à eux, semblaient choqués par la violence du combat.
Parmi le groupe de filles, Kerstin pleurait à chaude larmes tandis que la douce Jenny vomissait ses tripes. Ulla, elle, semblait trop choquée pour réagir. Elle se contentait de tenir les cheveux de son amie pendant qu'elle vidait son estomac, tout en gardant un œil prudent sur le combat violent qui se déroulait à quelques dizaines de mètres d'elles.
— Où sont les garçons ? demanda subitement Kerstin en reniflant. Je ne vois ni Nathan, ni Markus, ni Faël.
En revanche, Lukas suivait le combat les yeux ronds. Alors que les combattants chargeaient, sans prêter attention à leur environnement, il les vit foncer sur lui à une allure folle, griffes acérées à l'air. Alors que les autres spectateurs s'écartèrent en hurlant, le jeune homme était figé, trop effrayé pour en faire de même.
— Attention ! hurla Ulla, voyant le danger arriver.
Mais trop tard, la masse de muscles le percuta de plein fouet, envoyant le jeune homme se fracasser contre les barrières du porche qui cédèrent sous leur poids. Emportés dans leur élan, ils continuèrent à avancer et écrasèrent Lukas contre la bâtisse, coincé entre les combattants et le chalet.
Rapidement, les loups s'éloignèrent en se chargeant, continuant leur combat à mort. Sur l'entrée de la grande maison détruite, gisait un corps inanimé.
— Lukas ! hurla la belle Jenny qui n'avait rien manqué de la scène, qui accourut auprès de lui. Oh non, pitié non. Que quelqu'un fasse quelque chose !
Elle pleura en s'approchant du corps, n'osant pas vérifier s'il était encore vivant. Mais elle put entendre son cœur encore battant, et vit Lukas peiner à ouvrir les yeux. Sans être rassurée pour autant, elle inspecta son corps meurtri en sanglotant.
Son crâne saignait et son corps avait l'air d'être passé sous un camion. Ses jambes étaient brisées et si le haut de son dos n'avait pas l'air d'avoir trop souffert, ses hanches et son dos avaient pris le plus gros des dommages.
— Tiens bon Lukas, murmura-t-elle en empoignant sa main avec douceur.
— Je suis tellement... con, ria Lukas en provoquant une toux grasse incontrôlable qui semblait lui déchirer les poumons.
Il toussa encore et encore, avant de cracher un sang épais.
— Je crois... que j'ai une ou deux côtes pétées. Je n'arrive plus à...
Il étouffa un râle, ne parvenant plus à reprendre son souffre. Le sang qu'il crachait restait coincé dans sa gorge et les filles entendirent son cœur ralentir sa course et finir par s'arrêter.
— Poussez-vous ! cria un garçon à la voix autoritaire qui sauta sur le porche.
Il poussa Jenny sans y prêter attention et allongea le corps immobile du Lycanthrope mourant. Puis, les deux mains au-dessus de ses côtés, il se mit à appuyer, encore et encore.
— Toi ! cria-t-il à Jenny, fais-lui du bouche à bouche, il ne respire plus ! Maintenant !
Le jeune homme cessa son massage cardiaque en vérifiant la position de la tête du blessé, qui était bien positionnée. Il laissa Jenny souffler tout l'air de ses poumons et observa l'abdomen de Lukas, qui se soulevait d'un seul côté.
— Ne souffle pas tout ton air ! la stoppa-t-il soudainement.
La jeune femme s'immobilisa, choquée et confuse par ses ordres contradictoires.
— Il n'a qu'un poumon qui se gonfle, tu pourrais lui éclater, lui apprit-il sans vergogne.
— Je ne peux pas faire ça, pleura la jeune fille quand elle eut fini.
— Mais si, tu le dois. Là... inspire doucement, ne remplit pas tous tes poumons. Fais-le encore une fois, la rassura-t-il.
Jenny l'écouta et saisissant le menton de Lukas, elle déversa l'air dans son poumon viable. Quand elle se releva, le garçon reprit son massage cardiaque. Il appuyait par des à-coups brutaux, écrasant le torse de Lukas avec force. Ce geste paraissait d'une violence inouïe, pourtant Jenny ne cessait de se répéter que cela pourrait peut-être sauver son ami.
Le soignant cessa son massage et prit le pouls du Lycanthrope. Toujours rien. Il vérifia s'il respirait... il respirait ! Il y avait peu d'air sortant de sa bouche, mais il y en avait.
— Il respire ! cria-t-il en reprenant son massage.
Pendant qu'il poussait de toutes ses forces pour sauver une vie, la bataille entre les deux bêtes ne cessa pas. Ils se déchaînaient toujours dans les bois, non loin d'eux. La bande de Bêtas avait commencé à les encourager depuis la place, sans pour autant définir un camp : ils jouaient la prudence, quelque soit l'issue finale des hostilités.
— Bordel de merde mais qu'est-ce qu'il se passe ici ? hurla une voix bien connue de toute la Meute.
Sans cesser sa réanimation, le Lycanthrope observa la nouvelle venue. Ou plutôt, les nouveaux venus. À leur tête, Nathan et Liv qui semblaient avoir finalement appelé des renforts. Et quel renfort !
La tête droite, les cheveux roux au vent, Delyth balayait les lieux de ses yeux verdoyants. Ils se posèrent bientôt sur celui qui tentait de sauver Lukas.
— Kasper ! cria la jeune femme avant de venir à sa rencontre, délaissant le petit groupe.
L'Oméga eut juste le temps de voir deux hommes, l'un aux boucles brunes, l'autre à la chevelure grisonnante, qui partirent dans la forêt accompagnés de Liv. Il détourna la tête, ne souhaitant pas davantage se déconcentrer de sa tâche. Il lâcha alors la poitrine et prit le pouls du jeune homme. Toujours rien. Il ne respirait plus non plus.
— Jenny, souffle, ordonna-t-il à mi-voix, sachant très bien qu'il y avait peu de chance que Lukas ne survive, malgré leurs efforts acharnés.
— Ils n'ont pas eu le temps de nous expliquer, qu'est-ce qu'il s'est passé ici ?
Elle observa autour d'elle, voyant deux porches détruits, les traînées de sang rouge qui parsemaient la place et le regard hagard des membres Gammas de la Meute. Même les cris des Bêtas lui parurent étranges, comme déplacés. Comment pouvaient-ils sembler s'amuser alors que l'un des leurs semblait peiner à s'accrocher à la vie ?
— Rolf et Solbritt... combat à mort, expliqua Kasper qui était essoufflé.
Jenny avait insufflé deux fois de l'air, il lui fallait reprendre la réanimation cardiaque. Mais il fut poussé par Delyth.
— Je reprends la manœuvre, tu es trop fatigué, décréta-t-elle. Montre-moi.
Il plaça les mains de la jeune femme et la laissa appuyer sur la cage thoracique. Elle poussa à la force de ses poignets, enfonçant ses paumes dans la poitrine de Lukas.
— Plus fort, fit Kasper. N'aie pas peur de lui faire mal, tu dois atteindre son coeur, qui se trouve sous ses côtes. Ose appuyer fort.
Elle écouta ses instructions et recommença encore et encore jusqu'à en perdre le compte.
— Je... dois... continuer... longtemps ?
— Jusqu'à ce que les secours arrivent. J'ai contacté l'ILIM il y a vingt minutes. Ils seront bientôt là. Du moins, je l'espère pour lui.
— Et le bouche à bouche ? demanda Jenny, trop concentrée pour laisser son chagrin prendre le dessus.
Kasper détourna les yeux. Comment lui dire que Lukas était probablement déjà mort ? S'ils continuaient ainsi le massage, ce n'était que pour espérer un miracle.
— Le massage cardiaque est plus important, on continue jusqu'à ce que les secours arrivent.
Au bout de quelques minutes, Delyth avait mal aux poignets.
— Qui... me... relaye ? demanda-t-elle. Je... ne... vais plus... tenir.
— Je reprends, fit Kasper et prenant le relai.
Au même moment, un Vampiris débarqua, s'arrêtant devant eux. Il avait usé de sa vitesse phénoménale depuis l'ambulance qui avait dû rester au parking de la forêt.
— Écartez-vous ! ordonna-t-il.
Reconnaissant son autorité de médecin, Kasper s'éloigna avec rapidité, rejoignant Delyth.
— Tu devrais partir, Solbritt est devenu fou, lui apprit-il. Il voulait te faire assassiner. S'il te voit ici, il risque de perdre encore plus la tête et de massacrer tout le monde.
— Ce ne sera pas un problème, murmura Liv en hoquetant de douleur.
Elle venait de sortir de la forêt, les mains et le visage rouges de sang. Avec un sanglot dans la voix, elle annonça à la Meute :
— Solbritt est mort.
Elle s'écroula alors, vite rattrapé par Aeddan, qui avait aussi été conduit jusqu'ici. Derrière lui, Cadeyrn vérifiait qu'il n'y avait pas d'autres blessés. Il avait interdit à la Nymphe de venir, celle-ci devait se ronger les sangs, seule dans la maison victorienne.
Surgissant de la forêt au nord, un corps ensanglanté apparut. Inge courut le soutenir, détaillant le corps meurtri de son mari de ses yeux gris. Il avait de multiples coupures, plusieurs fractures, mais il allait bien. Elle soupira, rassurée, et se rendit au bout de la forêt, là où était garée l'ambulance.
Rut, Andreas et Filip coururent dans la forêt et en ressortirent quelques instants plus tard, apparaissant avec un corps dans les bras. Ils allongèrent le cadavre au milieu de la place, où chacun pu le voir. Les Bêtas se réunirent autour de leur ancien Alpha, dans un ultime adieu.
Solbritt gisait, la gorge à moitié arrachée. Le sang avait cessé de couler, car il ne devait plus lui en rester. Il était inerte, couvert de sang froid. Il était mort. Son successeur serait son bras droit, Rolf, cet être qui était bien plus cruel que leur ancien Alpha. Personne ne savait si les choses allaient s'arranger mais des jours sombres étaient devant eux.
Delyth observa leur début de deuil, avant de reporter son attention vers le jeune homme blond. Le traumatologue, un Vampiris à la longue chevelure brune, était agenouillé auprès de Lukas et vidait son poignet ouvert dans la bouche du jeune Lycanthrope. Le sang de certains Vampiris de sang-pur pouvait se montrer guérisseur, à condition que le blessé soit toujours en vie. Restait à savoir s'il restait assez de vie en Lukas pour qu'il revienne à lui.
Chacun observait le sang épais du médecin couler pour tomber dans la bouche du Lycanthrope. Avec une fascination morbide, tout le monde fixait le corps inanimé du jeune homme, observait sa poitrine afin de voir si celle-ci finirait par se relever.
Le Vampiris retira son bras et analysa son patient de ses yeux marrons. Sans crier gare, une toux grasse se fit entendre et Lukas se pencha sur le côté en crachant une quantité incroyable de sang et de glaires.
Kasper ouvrit de grands yeux émerveillés, jamais il n'aurait cru que le jeune homme puisse s'en sortir. Il savait que les Vampiris faisaient d'excellents médecins mais c'était la première fois qu'il comprenait pourquoi. Devant lui, l'un d'eux venait presque de faire revenir un mort à la vie.
— Vous êtes incroyable, souffla-t-il si doucement qu'il ne pensait pas pouvoir être entendu.
Le Vampiris, laissant la place à deux autres médecins urgentistes qui immobilisèrent Lukas afin de l'emmener à l'hôpital, se retourna vers Kasper.
— C'est vous qui avez fait le gros du boulot, lui dit-il. Sans votre intervention, qui a maintenu son corps en vie, je n'aurais servi à rien.
— Je n'ai pas fait cela seul, dit simplement Kasper en fixant Jenny et en serrant la main de Delyth à ses côtés.
Puis, comme si quelqu'un avait pressé un interrupteur, il s'écroula, emportant Delyth dans sa chute.
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